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05/06/2014 | FRANCE | N°11/20777

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 05 juin 2014, 11/20777


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 05 JUIN 2014



N° 2014/ 330













Rôle N° 11/20777







[G] [U]

[Z] [U]





C/



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE





















Grosse délivrée

le :

à :MAGNAN

LATIL

















Décision déféré

e à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 18 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02149.





APPELANTS



Monsieur [G] [U], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Joseph-paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par M...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 05 JUIN 2014

N° 2014/ 330

Rôle N° 11/20777

[G] [U]

[Z] [U]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :MAGNAN

LATIL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 18 Novembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02149.

APPELANTS

Monsieur [G] [U], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Joseph-paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [Z] [U], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph-paul MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Pascale PENARROYA-LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Jean-Guillaume FORTUNET, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Avril 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juin 2014,

Rédigé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION (IMC) dirigée par Monsieur [F] [L], société de droit américain enregistrée dans l'État du [Localité 3] (USA) et qui disposait d'un bureau de représentation au Grand Duché du LUXEMBOURG, proposait aux particuliers des placements financiers très lucratifs sous forme de contrats dits « joint venture agreements » rapportant un intérêt de 15 % l'an en cas de blocage sur 15 mois ou permettant de doubler le capital en cas de placement bloqué pendant 4 ans.

L'enquête et l'information judiciaire menée par la juridiction inter régionale spécialisée de MARSEILLE ont révélé que ces placements n'avaient jamais été réalisés, les fonds étant en réalité utilisés à des fins personnelles par Monsieur [F] [L] et ses complices. Le mécanisme de la cavalerie leur avait permis, afin de pérenniser leur entreprise frauduleuse, de verser aux premières victimes des intérêts réglés à l'aide de fonds collectés au préjudice des victimes suivantes.

Les premières plaintes ont été déposées en 2003 et Monsieur [F] [L] a été arrêté le 9 mars 2005.

La société IMC disposait de différents comptes bancaires, sur lesquels étaient versés les fonds remis par les clients, principalement ouverts auprès de la BARCALYS BANK à Londres et du CREDIT AGRICOLE en France. Précisément elle avait ouvert un compte à l'agence [Localité 1] TREBON de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE le 8 avril 1999.

Monsieur [G] [U] et son épouse Madame [Z] [U] ont souscrit plusieurs contrats dits « joint venture agreement » et ont versé sur le compte bancaire de la société IMC ouvert auprès de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE deux chèques tirés sur leur compte joint :

un chèque de 550 000 Francs en date du 18 novembre 1999,

un chèque de 450 000 Francs en date du 25 juillet 2000.

Par jugement du tribunal correctionnel de MARSEILLE en date du 30 novembre 2007, Monsieur [F] [L] et ses complices ont été condamnés pour le détournement de près de 50 000 000 €, Monsieur [F] [L] s'est vu infliger une peine de 8 ans d'emprisonnement et une amende de 375 000 €.

Il s'est avéré que la société IMC était une société totalement fictive, que son capital de 10 000 000 US$ n'avait jamais été libéré et qu'elle n'avait été formellement créée que par une compagnie de domiciliation américaine dénommée ROSA CORPORATE SERVICES.

Par acte d'huissier en date du 28 novembre 2008 Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] ont fait assigner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE devant le tribunal de grande instance de TARASCON en réparation de leur préjudice.

*

Par jugement rendu le 18 novembre 2011, le tribunal de grande instance de TARASCON a :

débouté Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] de leur demande en dommages et intérêts formée contre la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE,

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] à supporter les dépens de l'instance.

Les premiers juges ont retenu qu'en application de l'article R. 312-2 du code monétaire et financier, le banquier a l'obligation de vérifier l'identité et le domicile du postulant lors de l'ouverture d'un compte bancaire, que s'agissant des personnes morales, la banquier doit se faire présenter l'original ou l'expédition ou encore la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait de registre officiel constatant la dénomination, la forme juridique et le siège social, ainsi que les pouvoirs des personnes agissant au nom de la personne morale, que le banquier n'a pas l'obligation d'effectuer des vérifications plus approfondies, qu'en l'espèce il a sollicité :

le certificat d'immatriculation dans l'État du [Localité 3] certifié conforme,

l'enregistrement dans l'État du [Localité 3] par la société ROSA CORPORATE SERVICES certifié conforme,

les statuts de la société IMC certifiés conformes,

la copie de la pièce d'identité de Monsieur [F] [L],

le procès-verbal du conseil d'administration de la société IMC en date du 18 avril 1996 conférant pourvoir à Monsieur [F] [L] lequel disposait notamment de la signature bancaire et était l'unique représentant des ayants droits économiques,

et que ces documents n'étaient entachés d'aucune irrégularité manifeste de nature à conduire à des vérifications plus approfondies.

Le tribunal a considéré que la différence entre l'adresse portée sur la carte d'identité et celle indiquée sur le passeport de Monsieur [F] [L] ne constitue pas une anomalie puisque les adresses mentionnées sur les documents d'identité n'ont qu'une valeur déclarative et que le changement du domicile postérieurement à la délivrance du document d'identité n'oblige pas son titulaire à faire enregistrer cette modification par l'administration, que la circonstance selon laquelle la société IMC est immatriculée dans un État rural du Middle West américain et dispose d'un bureau au LUXEMBOURG tandis que son président a une adresse dans le VAUCLUSE n'est pas un élément suffisant pour faire présumer sérieusement le caractère fictif de la société, que les éléments d'extranéité d'une société tels que sa domiciliation et la localisation de ses bureaux n'obligent pas le banquier à mener une enquête pour vérifier dans chacun des pays concernés la réalité de la situation de la société dès lors que le banquier a procédé aux vérifications prévues par le code monétaire et financier et qu'aucune anomalie manifeste n'en est ressortie.

Le jugement a encore estimé que si le banquier est tenu d'un devoir de vigilance sur le fonctionnement du compte bancaire de ses clients, cette obligation trouve sa limite dans le devoir de non ingérence dans les affaires de ses clients, qu'ainsi il ne peut refuser des opérations que si celle-ci sont manifestement anormales en raison de leur caractère inhabituel par leur nature ou leur montant ou leur fréquence eu égard aux habitudes du client, à sa profession et à situation patrimoniale et que le caractère frauduleux doit encore être particulièrement évident alors qu'en l'espèce il résulte de la déclaration de soupçon adressée par TRACFIN au procureur de la République d'[Localité 2] que des opérations significatives par leur ampleur et leur régularité ont été observées sur le compte bancaire, qu'il s'agissait d'une part de mouvements créditeurs sur le compte, constitués par des remises de chèques provenant de particuliers pour des montants de 100 000 Francs à 550 000 Francs, d'autre part de mouvements débiteurs constitués par des virements essentiellement sur le compte bancaire de la société IMC auprès de la SAVING BANK en BELGIQUE et sur des comptes de particuliers pour des montants équivalents, que ce type d'opération a été enregistré dès l'ouverture du compte de telle sorte qu'elles ne présentaient pas de caractère inhabituel et se trouvaient en adéquation avec le capital et l'objet social de la société IMC qui appelaient par nature d'importantes transactions financières et que si la banque soupçonnait que la société IMC avait pour but la collecte de fonds auprès de particuliers, il s'agissait d'une simple présomption et non d'une particulière évidence.

Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] ont interjeté appel de cette décision par acte du 6 décembre 2011.

L'instruction a été clôturée par ordonnance rendue le 18 mars 2014.

**

Suivant dernières conclusions déposées et signifiées le 18 mars 2014, Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] demandent à la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, de :

I/ sur les fautes commises par le CREDIT AGRICOLE

A/ sur le défaut de vigilance de la banque à l'ouverture du compte IMC

dire que l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1] a commis une faute d'une particulière gravité en négligeant de procéder à des vérifications, mêmes sommaires, sur la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION et son opérateur unique, Monsieur [F] [L], au stade de l'ouverture du compte mis à la disposition de la société IMC, malgré les anomalies apparentes qui faisaient douter de la réalité de cette société et de son fonctionnement et qui commandaient qu'elle ne s'en remette pas aux rares copies non certifiées conformes et non traduites des documents remis,

B/ sur le défaut de vigilance de la banque dans la surveillance du compte IMC

dire de même que l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1] a commis et réitéré cette faute en négligeant de surveiller le fonctionnement de ce compte dont les mouvements par leur ampleur, par leur nature, et par leur absence de cohérence et de corrélation aux statuts de la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION recelaient une anomalie intrinsèque et apparente,

dire en particulier que l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1] a réitéré cette faute en adressant tardivement à TRACFIN une déclaration de soupçon, un an après l'ouverture du compte et la réalisation de nombreuses opérations anormales, et en acceptant, postérieurement à cette déclaration de soupçon, de poursuivre ses relations avec la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION et Monsieur [F] [L], à l'occasion desquelles le CREDIT AGRICOLE acceptait en dépôt le second des chèques remis par les consorts [U] à la société IMC, et laissait Monsieur [F] [L] le détourner,

dire que cette faute est en lien de causalité direct avec le préjudice subi par les demandeurs, les moyens bancaires mis à la disposition de la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION ayant servi directement à commettre l'escroquerie dont les consorts [U] ont été victimes,

dire en conséquence que la responsabilité délictuelle de l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1] est engagée, au principal, en application des règles de la responsabilité délictuelle qui imposent au banquier une vigilance particulière à l'ouverture du compte bancaire et dans la surveillance du fonctionnement de ce compte, dont il découle un certain nombre d'obligations impératives que la banque défenderesse a totalement méconnues,

infirmer en conséquence le jugement entrepris et dire que le CREDIT AGRICOLE a commis une faute d'une gravité toute particulière en acceptant de traiter dans ces conditions avec la société IMC,

II/ sur le préjudice subi par les époux [U]

dire que les négligences commises par le CREDIT AGRICOLE ont occasionné aux consorts [U] un préjudice certain résultant à la fois de la perte du capital qui a transité dans les comptes du CREDIT AGRICOLE et de l'indisponibilité de ce capital équivalant à la perte de la rémunération que ce capital aurait dégagée s'il avait été placé dans des conditions normales,

dire en conséquence et en application du principe de réparation intégrale que la banque doit indemniser les époux [U] de la totalité du préjudice matériel subi par sa faute,

condamner en conséquence l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1] à payer aux époux [U] la somme de 258 428,12 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de l'ensemble de leurs préjudices,

condamner l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître MAGNAN aux offres de droit,

eu égard à l'attitude dilatoire de l'agence du CREDIT AGRICOLE d'[Localité 1], la condamner à payer aux demandeurs la somme de 25 000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 19 avril 2012, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE demande à la cour de :

à titre principal

dire que les époux [U] ne rapportent pas la preuve d'un comportement fautif du CREDIT AGRICOLE lors de l'ouverture du compte à la société IMC, ni à l'occasion de son fonctionnement au sens des dispositions de l'article 1382 du code civil,

dire dès lors injuste et mal fondé l'appel initié par les époux [U],

confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

à titre subsidiaire

constater la légèreté fautive des époux [U] dans la survenance du préjudice qu'ils invoquent,

dire que le préjudice invoqué par les époux [U] est le produit d'infractions pénales auxquelles le CREDIT AGRICOLE est étranger,

dire au surplus que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un lien causal entre la faute susceptible d'être articulée contre la banque et le dommages invoqué par les appelants,

confirmer de plus fort en toutes ses dispositions le jugement à tort critiqué,

en tout état de cause

condamner les appelants à payer au CREDIT AGRICOLE la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP LATIL PENARROYA LATIL ALLIGIER.

MOTIFS

1) Sur le défaut de vigilance imputé à la banque lors de l'ouverture du compte IMC

Les appelants reprochent à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPRES PROVENCE d'avoir commis une faute en négligeant de procéder à des vérifications sur la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION et son opérateur unique, Monsieur [F] [L], au stade de l'ouverture du compte mis à la disposition de la société IMC, malgré ce qu'ils estiment être des anomalies apparentes permettant de douter de la réalité de cette société et de son fonctionnement et commandant selon eux de ne pas s'en remettre aux documents produits qu'ils estiment non certifiés conformes et non traduits.

Au temps de l'ouverture du compte les obligations du banquier étaient contenues dans le décret n°92-456 du 22 mai 1992 pris pour l'application du décret du 30 octobre 1935 modifié par la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991 et relatif au refus de paiement des chèques et à l'interdiction d'émettre des chèques qui prévoyait en son article 33 que le banquier doit, préalablement à l'ouverture d'un compte, vérifier le domicile et l'identité du postulant qui est tenu de présenter un document officiel portant sa photographie et que les caractéristiques et les références de ce document sont enregistrées par le banquier.

Elles étaient précisées par l'article 3 du décret n° 91-160 du 13 février 1991 fixant les conditions d'application de la loi n° 90-614 du 12-07-1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants qui disposait en son alinéa 2 que pour les personnes morales, l'organisme financier demande la présentation de l'original ou l'expédition ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait de registre officiel constatant la dénomination, la forme juridique et le siège social ainsi que les pouvoirs des personnes agissant au nom de la personne morale et qu'il en conserve les références ou la copie.

En l'espèce la banque a gardé copie des documents suivants :

le certificat d'immatriculation dans l'État du [Localité 3] certifié conforme,

l'enregistrement dans l'État du [Localité 3] par la société ROSA CORPORATE SERVICES certifié conforme,

les statuts de la société IMC certifiés conformes,

la pièce d'identité de Monsieur [F] [L],

le procès-verbal du conseil d'administration de la société IMC en date du 18 avril 1996 conférant pourvoir à Monsieur [F] [L] lequel disposait notamment de la signature bancaire et était l'unique représentant des ayants droits économiques.

Les appelants font grief à la banque de ne pas avoir vérifié l'adresse de Monsieur [F] [L] et de la société IMC au moyen d'une lettre d'accueil. Mais, outre que cette obligation ne pesait nullement sur la banque à l'époque de l'ouverture de compte, une telle précaution aurait été vaine puisque lors du procès devant le tribunal correctionnel Monsieur [F] [L] était toujours domicilié à l'adresse produite et que la société IMC avait été domiciliée par la société ROSA CORPORATE SERVICES laquelle n'est nullement fictive.

Les époux [U] reprochent encore à la banque de ne pas avoir sollicité les formulaires d'identification W-9 et W-8 BEN délivrés par l'administration fiscale américaine. Mais il n'est nullement démontré qu'en 1999 une telle vérification constituait déjà un usage dont la banque ne pouvait s'affranchir sans faute étant relevé que le présent litige n'est nullement de nature fiscale.

Ils prétendent de plus que la banque devait exiger une quittance de loyer, d'impôt, de gaz, d'électricité ou d'eau et vérifier l'adresse par une lettre recommandé ou une enquête sur place. De telles obligations étaient sans objet en l'espèce puisqu'il n'était pas fait mystère que la société était domiciliée comme il a été dit.

Enfin, la banque n'avait nullement l'obligation de vérifier le pouvoir du représentant de la société au delà des pièces qui ont été produites et dont il est indifférent qu'elles soient rédigées en anglais, langue usuelle de la vie des affaires, et qu'elles aient été certifiées au LUXEMBOURG le 15 janvier 1996. La banque n'avait pas non plus l'obligation de vérifier la libération du capital social et elle n'a donc pas manqué à ses obligations en ouvrant un compte à la société IMC.

2) Sur le défaut de vigilance imputé à la banque dans la surveillance du compte IMC

Les époux [U] reprochent encore à l'intimée d'avoir négligé de surveiller le fonctionnement de compte en cause dont les mouvements par leur ampleur, par leur nature, et par leur absence de cohérence et de corrélation aux statuts de la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION recelaient une anomalie intrinsèque et apparente et en particulier de n'avoir adressé que tardivement à TRACFIN une déclaration de soupçon, un an après l'ouverture du compte et la réalisation de nombreuses opérations anormales, et en acceptant, postérieurement à cette déclaration de soupçon, de poursuivre ses relations avec la société INTERNATIONAL MARKETING CORPORATION et Monsieur [F] [L], à l'occasion desquelles le CREDIT AGRICOLE acceptait en dépôt le second des chèques qu'ils ont remis et qui a été détourné.

Plus précisément, ils font grief à la banque d'avoir laissé la société IMC collecter des fonds au moyen de son compte et ce sans habilitation avant même que leur premier chèque ne soit déposé puisque le compte avait fait l'objet au 30 novembre 1999 de 13 opérations pour un total de remise de 1 432 125 Francs en 8 mois.

Mais les appelants n'indiquent nullement les textes qui à l'époque, selon eux, auraient interdit à la société IMC de collecter librement des fonds en France pour les investir aux USA dans diverses opérations immobilières ou mobilières. A cet époque, le monopole bancaire résultait de l'article 10 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissement de crédit qui disposait qu'il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel et qu'il est, en outre, interdit à toute entreprise autre qu'un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme.

Le simple fait que des sommes, même significatives, soient remises par des particuliers pour être transférées à l'étranger, s'il peut laisser suspecter une opération de blanchiment du produit du crime organisé ou du trafic de stupéfiant, ne peut induire à lui seul le soupçon que la société titulaire du compte se livre à une collecte d'épargne réglementée ni à une activité de banque prohibée, la contrepartie des paiements effectués par les clients de la société IMC devant se situer naturellement à l'étranger s'agissant d'uns société américaine et pouvant consister en toute sorte de biens meubles ou immeubles alors qu'il n'appartenait nullement à banque, qui ne devait pas s'immiscer dans les affaires de sa cliente, de rechercher la nature exacte des produits vendus sous le nom de « joint venture agreements » mais bien plus aux clients de la société IMC de s'alarmer d'un taux de profit sans aucun rapport avec la réalité économique et financière.

Les époux [U] ne peuvent enfin se prévaloir de la déclaration effectuée à TRACFIN s'agissant d'une obligation qui n'a pas été instituée à leur profit. Il ne peuvent pas plus critiquer la tardivement de cette déclaration pour les mêmes motifs.

3) Sur les autres demandes

Les époux [U] qui succombent verseront la somme de 1 500 € à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Déboute Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] de leurs demandes.

Y ajoutant

Condamne Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [G] [U] et Madame [Z] [U] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 11/20777
Date de la décision : 05/06/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°11/20777 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-05;11.20777 ?
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