COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 27 MAI 2014
N°2014/ 252
Rôle N° 12/09631
SAS EMIN LEYDIER
Compagnie d'assurances MMA IARD
C/
[G] [H] [T]
SA AXA FRANCE ASSURANCE
SA HELVETIA
S.A.R.L. LOGTRANS
SA COQUELLE GOURDIN EXPLOITANT À L'ENSEIGNE TRANSFER INTERNATIONAL
Grosse délivrée
le :
à :
FRANCOIS
BOULAN CHERFILS
SIMONI
TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'Aix en Provence en date du 16 Avril 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2010 01212.
APPELANTES
SAS EMIN LEYDIER,
demeurant [Adresse 7]
représentée par Me André FRANCOIS de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER AUDA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Compagnie d'assurances MMA IARD (Réf. 0999 09 0109 01620), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me André FRANCOIS de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER AUDA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [G] [H] [T],
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Christian SCAPEL de la SCP SCAPEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ingrid BOURBONNAIS, avocat au barreau de MARSEILLE
SA AXA FRANCE ASSURANCE,
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Christian SCAPEL de la SCP SCAPEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ingrid BOURBONNAIS, avocat au barreau de MARSEILLE
SA HELVETIA,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Christian SCAPEL de la SCP SCAPEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ingrid BOURBONNAIS, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.R.L. LOGTRANS, inscrite au RCS Aix-en-Pce sous le n° B 437 779 929,
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Christine BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE
SA COQUELLE GOURDIN EXPLOITANT À L'ENSEIGNE TRANSFER INTERNATIONAL,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Charles TOLLINCHI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Frédéric MARCOUYEUX de la SELARL FOLLIN-MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, et Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 mai 2014, après prorogation du délibéré,
Signé par Madame Christine AUBRY CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
-*-*-*-*-
EXPOSE DU LITIGE
La société EMIN LEYDIER assurée auprès de la compagnie MMA IARD a vendu à la société DH SMITH située en Turquie huit bobines de papier d'un poids de 20 480 kilos, suivant l'incoterm EXW, le transport étant à la charge de l'acquéreur.
La société DH SMITH a confié l'organisation du transport à la société COQUELLE & GOURDIN en qualité de commissionnaire de transport.
La société COQUELLE & GOURDIN exerçant sous l'enseigne TRANSFER INTERNATIONAL, a confié l'acheminement des marchandises par voie terrestre jusqu'au port [1] à la société LOGTRANS en qualité de sous commissionnaire qui l'a elle même confiée au transporteur monsieur [G] [T] exerçant en nom personnel.
Monsieur [T] est assuré auprès de la compagnie SOCIETE AXA FRANCE IARD et de la compagnie HELVETIA.
Selon lettre de voiture n° 910398 du 5 octobre 2009, monsieur [T] a pris en charge la marchandise à [Localité 1] dans la Drôme dans un conteneur n° TGHU871143/0 tracté à vide depuis [Localité 2].
Au cours du trajet retour [Localité 1]-[Localité 2] le 5 octobre 2009, l'ensemble routier composé d'un tracteur et d'une remorque s'est couché dans un rond point à la hauteur de Lamotte du Rhône.
Cet accident a causé des dommages à l'ensemble routier et à la marchandise.
Selon les conclusions concordantes des rapports des experts d'assurance, le sinistre est imputable au défaut de calage et d'arrimage de la marchandise dans le conteneur, qui a entraîné la destabilisation de l'ensemble routier dans des conditions de transport normal.
Par acte du 4 octobre 2010, monsieur [T] et ses assureurs la compagnie SOCIETE AXA FRANCE IARD et la compagnie HELVETIA ont assigné la société COQUELLE & GOURDIN, la société LOGTRANS et la société EMIN LEYDIER en sa qualité d'expéditeur-chargeur de la marchandise devant le Tribunal de Commerce d'Aix en Provence, aux fins de voir prononcer leur condamnation in solidum à indemniser la compagnie AXA FRANCE IARD des dommages subis par le tracteur et des frais annexes, la compagnie HELVETIA des dommages subis par la semi-remorque et les frais annexes et monsieur [T] des franchises, frais de remorquage non pris en charge et perte d'exploitation.
Par acte du 29 octobre 2010, la société COQUELLE & GOURDIN a dénoncé cette assignation et appelé en garantie la société EMIN LEYDIER et son assureur la compagnie MMA IARD, la société LOGTRANS et monsieur [T].
Par acte du 29 octobre 2010, la société LOGTRANS a dénoncé l'assignation principale aux sociétés EMIN LEYDIER, MMA et COQUELLE & GOURDIN et les a appelées en garantie.
Par jugement contradictoire du 16 avril 2012, le Tribunal de Commerce a :
- déclaré recevable l'action de la SA HELVETIA ASSURANCES et de la SA AXA FRANCE IARD,
- jugé que la SA EMIN LEYDIER est responsable du sinistre survenu le 5 octobre 2009,
- condamné solidairement la SA EMIN LEYDIER et son assureur la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et capitalisation :
la somme de 41 722,61 euros à la SA AXA FRANCE IARD
la somme de 7 560 euros à la SA HELVETIA ASSURANCES
la somme de 15 440 euros à monsieur [T]
- condamné la SA COQUELLE & GOURDIN à rembourser à la SARL LOGTRANS la somme de 4 206,50 euros,
- condamné la société EMIN LEYDIER à relever la SA COQUELLE & GOURDIN de cette condamnation et à lui régler la somme de 4 206,50 euros,
- condamné la SA EMIN LEYDIER à payer à la SARL LOGTRANS la somme de 2 614,46 euros,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, notamment de dommages et intérêts, comme non justifiées,
- condamné solidairement la SA EMIN LEYDIER et son assureur la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile :
la somme de 1 000 euros à la SARL LOGTRANS
la somme de 1 000 euros à la SA COQUELLE & GOURDIN
la somme de 3 000 euros à la SA AXA FRANCE IARD, à la SA HELVETIA ASSURANCES et à monsieur [T],
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
- condamné in solidum la SA EMIN LEYDIER et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe de la Cour du 29 mai 2012, la SA EMIN LEYDIER et la SA MMA IARD ont relevé appel de cette décision à l'encontre de l'ensemble des autres parties.
Dans leurs dernières conclusions du 23 octobre 2012, la SA EMIN LEYDIER et son assureur la SA MMA IARD demandent à la Cour au visa des articles L 132-3 et suivants et L 133-1 du code de commerce, des articles 1382 et 1383 alinéa 1 du code civil et des conditions de l'incoterm EX WORKS, de :
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau
- débouter monsieur [T] et ses assureurs la SA AXA FRANCE IARD et la SA HELVETIA ASSURANCES de leurs demandes,
- débouter la SARL LOGTRANS et la SA COQUELLE & GOURDIN de l'ensemble de leurs demandes au titre de l'appel en garantie,
- les condamner à leur payer la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions du 8 octobre 2012, monsieur [T] et ses assureurs la SA AXA FRANCE IARD, la SA HELVETIA demandent à la Cour au visa des articles L 132-3 et suivants du code de commerce, L 3222-6 du code des transports et du contrat-type général, de:
- infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a fixé le montant du préjudice financier subi par monsieur [T] à la somme de 7 650 euros, et statuant à nouveau
- condamner la société EMIN LEYDIER et son assureur MMA IARD ASSURANCES à lui verser la somme de 23 000 euros au titre de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts,
- confirmer le jugement déféré en ses autres dispositions,
A titre subsidiaire, si la Cour ne retenait pas la responsabilité de la société EMIN LEYDIER
- dire que les sociétés COQUELLE & GOURDIN et LOGTRANS sont responsables en qualité de commissionnaire et sous commissionnaire de transport du défaut de calage et d'arrimage de la marchandise,
- condamner in solidum la société COQUELLE & GOURDIN et la société LOGTRANS ou tout autre partie à payer à la société AXA FRANCE IARD la somme de 41 722,61 euros HT, à la société HELVETIA la somme de 7 560 euros HT, à monsieur [T] les sommes de 1 557 euros TTC, 6 233 euros HT et 23 000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts,
En tout état de cause
- confirmer le montant des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner toute partie succombante à payer aux concluants respectivement la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,
- les condamner aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 8 octobre 2012, la SA COQUELLE & GOURDIN demande à la Cour au visa des articles L 132-5 et suivants du code de commerce, L 133-1 du code de commerce, 1382 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté la responsabilité de la concluante dans la survenance du sinistre,
- débouter la société EMIN LEYDIER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la concluante,
Pour le cas où il serait fait droit en tout ou en partie aux demandes des appelants
- dire bien fondé l'appel en garantie exercé par la concluante à l'encontre de la société EMIN LEYDIER et son assureur d'une part, à l'encontre de la société LOGTRANS d'autre part,
- condamner conjointement et solidairement la société EMIN LEYDIER et la société MMA ASSURANCES IARD à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourrait être prononcée à son encontre en principal, intérêts et frais,
- constater que le montant de la demande principale n'est pas justifié,
- débouter la société LOGTRANS de sa demande relative aux frais exposés par elle au titre du sinistre,
- condamner la société LOGTRANS à relever et garantir la concluante de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,
- condamner tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 5 octobre 2012, la SARL LOGTRANS demande à la Cour au visa des articles L 132-5 du code de commerce, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté l'exception de nullité soulevée par les sociétés EMIN LEYDIER et MMA IARD s'agissant de l'appel en garantie délivré à leur encontre par la société LOGTRANS,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la société
AXA FRANCE IARD,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés AXA FRANCE IARD, HELVETIA et monsieur [T] de leurs demandes à l'encontre de la concluante et reconnu l'entière responsabilité de la société EMIN LEYDIER,
- dire que les sociétés AXA FRANCE IARD, HELVETIA et monsieur [T] ne rapportent pas la preuve du préjudice,
- en conséquence, les débouter de leur demande,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société COQUELLE & GOURDIN à rembourser à la concluante la somme de 4 206,50 euros,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société EMIN LEYDIER à rembourser la concluante des frais engagés,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu de ce chef la somme de 2 614,46 euros,
- en conséquence, condamner la société EMIN LEYDIER à payer à la concluante la somme de 4 948 euros,
- condamner tout succombant à payer à la concluante la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action des compagnies AXA FRANCE IARD et HELVETIA subrogées dans les droits de leur assuré monsieur [T]
La société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD soutiennent qu'il n'est pas justifié des règlements opérés par les assureurs de monsieur [T] qui justifieraient leur intérêt à agir.
La société LOGTRANS soulève l'irrecevabilité de l'action de la compagnie AXA FRANCE IARD au motif qu'elle n'a pas communiqué l'acte de subrogation.
La compagnie AXA FRANCE IARD et la compagnie HELVETIA réfutent ces allégations en faisant valoir qu'elles établissent la réalité du paiement des indemnités d'assurance ainsi que leur caractère obligé, et qu'ainsi les conditions de la subrogation légale sont remplies.
*
Les compagnies AXA FRANCE IARD et HELVETIA produisent les conditions générales et particulières signées entre :
monsieur [T] et la compagnie AXA au titre du tracteur
monsieur [T] et la compagnie HELVETIA au titre du semi remorque
Elles justifient en outre du paiement par divers courriers, copies de chèques et rapports d'expertise:
de la somme de 39 980,11 euros par la compagnie AXA à monsieur [T]
au titre des frais de réparation du tracteur
de la somme de 5 143 euros par la compagnie HELVETIA par le biais de son courtier d'assurance à la société LOGTRANS, propriétaire du semi remorque non réparable économiquement, correspondant à sa valeur de remplacement
des frais de remorquage en fonction des plafonds contractuellement prévus
des frais d'expertise dont elles ont fait l'avance
Les conditions de la subrogation légale étant réunies, les compagnies AXA FRANCE IARD et HELVETIA sont recevables en leur action.
Sur la responsabilité de la société EMIN LEYDIER
La société EMIN LEYDIER et son assureur soutiennent :
- que c'est à tort que le jugement déféré a retenu la responsabilité de la société EMIN LEYDIER en considérant qu'elle avait la qualité d'expéditeur au sens de l'article 7-2 du contrat type de transports publics routiers de marchandises et qu'elle devait procéder au chargement, au calage et à l'arrimage des marchandises,
- que la vente a été conclue aux conditions de l'incoterm EXW ou départ d'usine, et que la société EMIN LEYDIER avait pour seule obligation de mettre les marchandises vendues à la disposition de l'acheteur à qui incombait les opérations de chargement et de transport,
- que la vente départ d'usine ne confère pas au vendeur la qualité juridique d'expéditeur au sens du contrat de transport,
- que monsieur [T] et ses assureurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe par application de l'article L 132-8 du code de commerce que la société EMIN LEYDIER a la qualité d'expéditeur,
- que la qualité d'expéditeur de la société EMIN LEYDIER ne ressort d'aucun document, et qu'elle ne dispose pas du matériel nécessaire pour procéder au plombage du conteneur,
- qu'un 'bon de préparation transport' a été remis au chauffeur sur lequel figurent les consignes de chargement et le numéro du quai de chargement, et que le chargement a été effectué en présence du chauffeur dans un conteneur fourni par le transporteur,
- que la société EMIN LEYDIER, remettant de la marchandise, ne peut être considérée comme l'expéditeur et ne peut être mise en cause comme vendeur pour des dommages imputables à une défaillance lors du chargement,
- que sa seule obligation en exécution du contrat de vente était de tenir les marchandises à la disposition de l'acquéreur à l'usine,
- que la responsabilité de la société EMIN LEYDIER en l'absence de relation contractuelle avec les parties ne peut être engagée que sur le fondement délictuel,
- que la preuve de sa faute délictuelle n'est pas rapportée.
Monsieur [T] et ses assureurs la compagnie AXA FRANCE IARD et la compagnie HELVETIA concluent à la confirmation du jugement entrepris concernant la responsabilité de la société EMIN LEYDIER en faisant valoir :
- qu'il convient de faire application au litige des dispositions du décret n°99-269 du 6 avril 1999 'portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises', dont l'article 7 prévoit que les opérations de chargement, calage, arrimage, sont exécutées par le donneur d'ordre ou par son représentant sous sa responsabilité pour les envois dont le poids excède trois tonnes, le donneur d'ordre étant alors considéré comme l'expéditeur,
- que la société EMIN LEYDIER est mentionnée en qualité d'expéditeur sur le contrat de transport, sur lequel elle a apposé son tampon et sa signature, ainsi que sur le connaissement maritime,
- que la société EMIN LEYDIER n'est pas fondée à soutenir qu'elle est un simple remettant dès lors que le transporteur est étranger au contrat de vente en vertu du principe de l'effet relatif des conventions et ne peut se voir opposer les clauses de ce contrat,
- que la lettre de voiture formant un contrat entre l'expéditeur et le voiturier, les concluantes sont bien fondées à rechercher la responsabilité de la société EMIN LEYDIER sur le fondement de l'article L 132-8 du code de commerce et du décret n° 99-269 du 6 avril 1999,
- que le 'cahier des charges transport' et le 'bon de préparation transport' dont se prévaut la société EMIN LEYDIER ne sont pas opposables à monsieur [T] dont il n'est pas démontré qu'il en aurait eu connaissance et qu'il en aurait accepté les termes et conditions,
- que le 'bon de préparation' ne comporte ni la date, ni le nom du chauffeur, ni l'immatriculation du véhicule, ni le numéro du conteneur et qu'il n'est pas établi que ce document soit en relation avec le transport concerné,
- que le conteneur étant plombé, la transporteur n'avait aucun moyen pour s'assurer du chargement, et qu'en tout état de cause la prestation de calage et d'arrimage n'était pas à sa charge.
La société COQUELLE & GOURDIN et la société LOGTRANS concluent à la responsabilité de l'expéditeur de la marchandise.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs argumentations.
*
Les incoterms ont pour objet essentiel de prévoir la répartition des risques et des frais entre le vendeur et l'acheteur lors d'une vente de marchandise, et la qualité d'expéditeur n'est pas liée à la propriété de la marchandise.
Le contrat de vente et le contrat de transport étant indépendants l'un de l'autre, le vendeur ou son assureur ne peuvent se prévaloir des effets de la vente à l'égard du transporteur
La société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD ne sont en conséquence pas fondées à opposer les conditions de vente EXW à monsieur [T] et à ses assureurs.
Le transport a été effectué par monsieur [T] en vertu d'une lettre de transport du 5 octobre 2009 mentionnant la société EMIN LEYDIER comme expéditeur/remettant, et supportant son tampon et sa signature.
Aux termes de l'article L 132-8 du code de commerce :
'La lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier'.
Dans le cadre du contrat de transport, la société EMIN LEYDIER a la qualité d'expéditeur
Le transporteur est tenu d'une obligation de résultat sauf cause exonératoire de responsabilité tenant notamment au fait de l'expéditeur.
Selon l'article 7.1 du 'contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique', les opérations de chargement, de calage et d'arrimage de la marchandise sont exécutés par le donneur d'ordre, s'agissant des envois dont le poids est égal ou supérieur à trois tonnes.
Il est établi en l'espèce que l'envoi excédait le poids de trois tonnes et que le sinistre est consécutif à une absence de calage et d'arrimage de la marchandise à l'intérieur du conteneur, dans des conditions de transport normal.
Le 'bon de préparation transport' émis par la société EMIN LEYDIER mentionne au recto les références de la marchandise, le numéro du conteneur, la date et l'heure du chargement, et au verso la 'procédure de chargement' selon laquelle le transporteur doit assurer notamment : 'le calage des bobines, si besoin, se fait avec des cales en bois mises à disposition en respectant la procédure de sécurité : feux de chargement et emplacement chauffeur'.
Ce document, qui ne comporte ni le nom ni le visa du chauffeur mais un paraphe non identifiable ni le numéro du véhicule et dont il n'est pas établi que le chauffeur en ait eu connaissance n'est pas opposable à monsieur [T].
Le chargement qui exigeait des moyens de manutention spéciaux, a été effectué par la société EMIN LEYDIER à laquelle il incombait en sa qualité d'expéditeur de procéder au calage et à l'arrimage de la marchandises, conformément à la CMR, l'absence de calage et d'arrimage engageant sa responsabilité.
Monsieur [T] rapportant la preuve d'une cause exonératoire de responsabilité tenant au fait de l'expéditeur, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur l'indemnisation du préjudice subi par monsieur [T] et ses assureurs
La société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD concluent au rejet de la demande d'indemnisation formée par monsieur [T] et ses assureurs en soutenant qu'aucun élément de preuve n'est produit concernant le chiffrage des préjudices.
Monsieur [T] demande la réformation du jugement concernant l'indemnisation de son préjudice financier et sollicite de ce chef la condamnation de la société EMIN LEYDIER et de son assureur à lui payer la somme de 23 000 euros en se fondant sur l'attestation établie par la société d'expertise comptable SOGREC.
Pour le surplus, monsieur [T] et ses assureurs demandent la confirmation du jugement entrepris.
*
Le jugement, par des motifs précis, circonstanciés et fondés sur les pièces produites (rapports d'expertise SOPEA, factures SOVIMAR, factures SARL BERNARD, frais d'expertise, pièces justificatives des règlements effectués) que la cour adopte expressément, a fait une juste appréciation du préjudice subi par monsieur [T] et ses assureurs subrogés dans ses droits et sera confirmé en ses dispositions de ce chef.
Sur les demandes de la société LOGTRANS
La société LOGTRANS demande la condamnation :
de la société EMIN LEYDIER à lui payer la somme de 4 948 euros HT au titre des frais de déchargement, manipulation, stockage du conteneur endommagé tels que justifiés par la facture Transfos et le rapport de l'expert Champier
de la société COQUELLE & GOURDIN à lui rembourser la somme de 4 206,50 euros au titre des frais de réparation et d'immobilisation du conteneur endommagé
La société EMIN LEYDIER et son assureur, et la société COQUELLE & GOURDIN concluent au rejet de cette demande.
*
Selon facture TRANSAFOS/LOGTRANS et rapports d'expertise Clement et Champier, le coût de la manutention et du stockage du conteneur s'est élevé à la somme de 2 186 euros HT soit 2 614,46 euros TTC (manipulation, stockage, déchargement/rechargement des bobines, stockage des bobines, frais fixes).
La société LOGTRANS ne justifie pas du paiement de la facture [O]/[T] d'un montant de 2 762 euros HT relative au relevage du conteneur chargé qui est mentionnée par le rapport d'expertise clément.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société EMIN LEYDIER à payer à la société LOGTRANS la somme de 2 614,46 euros.
*
Le conteneur endommagé dans le sinistre appartient à la société Méditerranée Shipping Company-MSC
La somme de 4 206,50 euros correspond aux frais de réparation du conteneur (facture MSC/TRANSFER) et d'immobilisation du conteneur (facture MSC/TRANSFER).
Cette somme a été réglée par la société LOGTRANS sous commissionnaire à la société COQUELLE & GOURDIN commissionnaire à qui elle en réclame le remboursement.
La responsabilité du commissionnaire et du sous commissionnaire n'étant pas engagée, le paiement de ces frais incombe à la société EMIN LEYDIER.
Il convient en conséquence de confirmer la décision de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD qui succombent ne sont pas fondées en leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supporteront les entiers dépens.
Il convient en équité de condamner solidairement la société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile :
à monsieur [T] la somme de 2 000 euros
à la compagnie AXA FRANCE IARD la somme de 2 000 euros
à la société HELVETIA la somme de 2 000 euros
à la société LOGTRANS la somme de 2 000 euros
à la société COQUELLE & GOURDIN la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, en ce compris les dépens
Déboute les parties de toutes demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamne solidairement la société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD par application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :
à monsieur [T] la somme de 2 000 euros
à la compagnie AXA FRANCE IARD la somme de 2 000 euros
à la société HELVETIA la somme de 2 000 euros
à la société LOGTRANS la somme de 2 000 euros
à la société COQUELLE & GOURDIN la somme de 2 000 euros
Condamne solidairement la société EMIN LEYDIER et la compagnie MMA IARD aux dépens d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,