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23/05/2014 | FRANCE | N°12/05843

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 23 mai 2014, 12/05843


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2014



N°2014/



Rôle N° 12/05843







Association NOTRE DAME DES DOULEURS





C/



[H] [O]























Grosse délivrée le :



à :



Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Sophie NIVIERE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme dé

livrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section AD - en date du 16 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1386.





APPELANTE



Association NOTRE DAME DES DOULEURS,...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2014

N°2014/

Rôle N° 12/05843

Association NOTRE DAME DES DOULEURS

C/

[H] [O]

Grosse délivrée le :

à :

Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Sophie NIVIERE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section AD - en date du 16 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1386.

APPELANTE

Association NOTRE DAME DES DOULEURS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE, M. [K] [B] (Directeur EHPAD) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

Madame [H] [O], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sophie NIVIERE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2014

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[H] [O] devenue postérieurment divorcée [Q] a été engagée à compter du 31 mai 2004 par l'association Notre Dame des Douleurs qui a une association déclarée qui gère l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes '[1]' situé à [Localité 1] qui comportait en 2011, 85 lits dont 2 en hébergement temporaire, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d' agent d'entretien, la convention collective applicable étant celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif en date du 31 octobre 1951.

Par validation des acquis, la salariée a obtenu son diplôme d'aide soignante, s'est vu confier un tel poste à compter du 1er juillet 2008, et par l' avenant 2 en date du 26 novembre 2009, elle a été affectée au service de nuit avec une répartition du temps de travail par affichage mensuel, sa rémunération étant majorée d'une prime de nuit, étant précisé ce qui n'est pas contesté qu'elle travaillait de 21 heures à 7 heures avec une pause de 20 minutes rémunérées alors que les agent de services de soins/agent de services logistiques de 20 heures à 6 heures avec 20 minutes de pause payées.

Une nouvelle fiche de travail portant la date d'une mise à jour au 11 octobre 2010 a été remise à la salariée (sans que la date de la remise soit précisée), fiche prévoyant un horaire de 20heures 30 à 7 heures avec une pause de 20 minutes de 1h30 à 1h50 payé et une pause de 30 minutes non rémunérées (repas) mentionnant les tâches à accomplir et à laquelle était joint la liste des résidents à coucher par l'équipe de nuit.

Le 10 novembre 2010, la salariée a adressé à l'employeur la lettre suivante : « je viens par la présente vous faire part de ma décision de démissionner. J'effectuerai ma période de préavis ».

Le 19 novembre 2010, la salariée a écrit de façon manuscrite à l'employeur ainsi :

« Suite à notre entretien en date du 9 novembre 2010 et la fiche de travail qui vous m'avez remise. Je vous informe que je me suis renseignée auprès de l'inspection du travail et de l'unité territoriale au sujet de notre conversation, il en résulte que tout temps de travail effectué en plus de notre horaire habituel ( 21 h à 7h doit être payé en heures supplémentaires d'autre part il est interdit de nous imposer des tâches qui ne nous permettent pas d'assurer le confort et la sécurité des résidents. En ce concerne le coucher des 5 résidents à effectuer en 2 minutes et les 3 résidents dépendants en 5 minutes, c'est une chose que je ne sais pas faire. Il faudrait que vous me fassiez voir de quelle façon je dois procéder ( peut être voir pour une formation). Pour les congés payés, nous avons également droit à 2 jours et demi par mois comme l'ensemble du personnel de l'établissement. J'adresse à ce jour un courrier pour information à l'unité territoriale».

Le 23 novembre 2010, par courrier recommandé avec avis de réception, l'employeur lui a répondu en ces termes: « j'accuse réception de votre courrier du 19 novembre 2010 qui appelle un certain nombre de remarques. Nous avons organisé le 9 novembre dernier une réunion de travail afin de faire évoluer l'organisation du travail de nuit dans le but d'améliorer la prise en charge des résidents et ceci avec une exigence de sécurité et de bien être des résidents. Cette réunion, qui s'est faite en concertation devait notamment permettre: une augmentation du personnel affecté au coucher des résidents, une meilleure organisation des changes des résidents, tant sur la planification des horaires que sur la mise à disposition des protections, de manière générale, une amélioration dans la transmission des informations; Nous vous avons associée à cette démarche, ainsi que vos collègues et avons recueilli toutes vos remarques et nous vous avons également remis une fiche de tâches que vous avez signée. Il avait en outre été convenu ensemble lors de cette réunion de tester cette organisation pendant un mois et de nous rencontrer à nouveau le 13 décembre pour en faire le bilan. A la lecture de votre courrier et malgré cette démarche de concertation, je constate qu'un certain nombre d'incompréhensions subsiste, en particulier sur le temps de pause et la répartition des tâches.

Afin de dissiper les malentendus et les incompréhensions, je vous propose donc un autre rencontre le 2 décembre 2010 à 18h30 en présence de Mme [C] déléguée du personnel. Je vous joins le compte rendu du 9 novembre concernant tous les points que nous avons évoqués ensemble ».

Le 30 novembre 2010, par un nouveau courrier dactylographié portant le nom de l'avocat au dessus de la signature, [H] [O] s'est adressé à l'employeur de la façon suivante :

« par lettre recommandé du 10 novembre 2010, je vous ai donné ma démission. Par lettre du 19 novembre, je vous ai écrit afin de vous faire part des modalités d'exécution du contrat de travail non conformes à la législation lesquels m'ont amenés à donner ma démission. Ces deux lettre sont restés sans effet puisque vous ne m'avez pas convoqué pour en parler et ce malgré 7 ans d'ancienneté dans votre établissement sans qu'aucun reproche ne me soit jamais adressé. Les points m'ayant conduits à donner ma démission sont notamment les suivants:

-le changement des horaires passés de 20 h 30 à 7 heures dépasse le quota fixé par la convention collective.

-le temps de pause doit nécessairement être rémunéré puisque nous demeurons à la disposition de mep et qu'en cas de problème avec un résident nous intervenons.

-aucun repos compensateur n'a été réglé depuis le 26 novembre 2009.

-les congés payés n'ont pas à être diminués en raison d'un travail effectué la nuit.

-mon diplôme obtenu par VAE d'aide soignante ne me conduit à faire des heures de ménage ( 3 heures pour le néttoyage des fauteuils) et à la distribution de change dans le chambres ( 3 heures également) .

-les soins de nursing sont fait dorénavant et dans la grande généralité par mes soins alors qu'avant nous étions 2.la seule aide est donnée lorsque le patient a une trop grave pathologie ou est trop lourd.

Au bénéfice de ces modification, notre fatigue est accrue sans contrepartie financière mais en outre, le patient à à souffrir un nouvel inconfort ce qui est tout à fait contraire aux dispositions relatives à la bien-traitance dont vous nous faites part à maintes reprises ».

le 9 décembre 2010, l'employeur a par lettre recommandée avec avis de réception répliqué à chacun des points soulevés par la salariée.

Sollicitant la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur, [H] [O] a le 3 décembre 2010 saisi le conseil de prud'hommes d' Aix-en-Provence lequel section activités diverses par jugement en date du 16 février 2012 a:

*dit que la démission s'analyse comme étant une rupture au tort de l'employeur,

*condamné l'employeur à payer à la salariée:

-12 378 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-7221 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*ordonné l' exécution provisoire,

*débouté la salariée de toutes ses autres demandes,

*condamné l'employeur aux dépens.

L'association Notre Dame des Douleurs a le 28 mars 2012 interjeté régulièrement appel de ce jugement qui lui a été notifié le 6 mars 2012.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions dites responsives, l'appelante demande à la cour de:

*infirmer le jugement déféré,

*débouter l'intimée de l'intégralité de ses demandes,

*ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l' exécution provisoire , avec intérêts légaux capitalisés,

* condamner l'intimé à lui verser 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.

Elle soutient:

-que la volonté exprimée par l'intimée de démissionner ne souffre en l'espèce aucune équivoque dès lors qu'elle n'a pas daigné se présenter à la réunion spécialement organisée pour elle et que le second courrier n'a pas été rédigé par elle, les premiers juges n'ayant pas statué sur ce point,

- au cas où la cour considérerait cette démission comme une prise d'acte, que les prétendus griefs sont soit infondés, soit insuffisamment graves pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle fait valoir que la salariée s'est manifestement précipitée, alors qu'en tant qu'employeur, elle ne lui avait rien imposé, le nouveau dispositif étant en phase expérimentale, à durée limitée et provisoire, que suite à la démission, elle a encore cherché une solution en lui proposant de la recevoir, que cette prise d'acte immédiate et soudaine ne se justifiait ni dans la forme ni au fond de sorte qu'elle doit produire les effets d'une démission.

Elle argue:

- sur la modification des horaires que les dispositions de la convention collective sont respectées, que le temps de travail effectif n'a pas changé, les salariés travaillant toujours 10 heures par jour, seule la répartition a changé ce qui fait partie intégrante de son pouvoir de direction, que la modification de la pause repas est très minime, ayant une durée de 30 minutes et la salariée pouvant vaquer à ses obligations personnelles, n'étant pas d'astreinte, que la modification de l'amplitude horaire ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail, que la durée du travail de nuit est en deçà quelque soit la répartition du quota maximum d'heures prévu par la convention collective,

-sur le grief tiré de l'absence de rémunération du temps de repas que le temps de pause ou de repas n'est pas légalement considéré comme du travail effectif devant être rémunéré, qu'il n'a été à aucun moment envisagé l'obligation d'être en astreinte au cours de la période repas, l'intimée entretenant la confusion entre temps d'astreinte et temps de pause, qu'il n'a jamais été imposé à la salariée de devoir répondre à des sollicitations éventuelles au cours de pause, les équipes de nuit travaillant en binôme,

-sur le troisième grief, que l'intimée ne fournit aucun pièce de nature à justifier qu'elle n'aurait pas été indemnisée au titre du repos compensateur, l'employeur ayant corrigé l'erreur matérielle commise et expliquée dans la lettre du 9 décembre 2010,

-sur le quatrième grief, qu' au regard du descriptif des fonctions d'aide soignante délivré par le répertoire national des certification professionnelles, les tâches assignées à la salariée comme celle de nettoyage de fauteuils roulants ou distribution des changes qui au demeurant n'étaient que ponctuelles, exceptionnelles et très accessoires sont conformes à ses fonctions,

-sur le dernier grief, qu'il est révélateur de la mauvaise foi de la salariée dans la mesure où la nouvelle organisation a augmenté le temps de pause de 20 à 50 minutes et où les soins de nursing ne se font pas seul.

Aux termes de ses écritures, [H] [O] conclut:

*à la confirmation du jugement déféré,

*à ce qu'il soit dit que la démission qu'elle a donné résulte de faits reprochés à l'employeur ,

qu'elle a apporté la preuve de faits antérieurs et concomitants à la démission propres à établir les manquements de l'employeur,

*à la requalification de la démission en prise d'acte aux torts de l'employeur par méconnaissance des règles suivantes:

* vu la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif en date du 31 octobre 1951, vu la présence unique d'un soignant pendant la nuit, l'article 5.01.2.1 de la convention collective et la nécessité d'assurer la continuité de la prise en charge de soins, vu l'arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, à ce qu'il soit jugé que la spécificité de la fonction et le mode organisationnel imposé par l'employeur ne lui ont pas permis de vaquer à des occupations personnelles et qu'elle reste à la disposition de l'employeur, que conformément à l'article L 3121-1 du code du travail, l'interruption de travail doit être requalifiée en durée effective du travail et aurait dû être rémunérée,

*vu la fiche de poste du 11 octobre 2010 imposant une nouvelle durée du travail qualifié à torts d'amplitude de travail, à ce qu'il soit constaté que l'employeur a contrevenu à l'article 05.02.2.3 de la convention collective, aux articles L2323-27 et L 3122-28 du code du travail en imposant sans concertation ni prévenance une augmentation de la durée du travail qualifié à torts d'amplitude de travail,

*vu l'attestation de Mme [C] ( pièce adverse 12) à ce qu'il soit constaté que l'employeur n'a pas modifié l'amplitude de travail depuis le 11 octobre 2010,

*vu la directive communautaire 93/104 du 23 novembre 1993 imposant aux Etats membres le non dépassement du travail de nuit à raison de 8 heures, à ce qu'il soit dit que l'augmentation du temps de travail de nuit a des répercussions sur la vie personnelle et la santé du salarié qui ne saurait être imposé sans contrepartie financière ni concertation,

*vu la fiche de poste du 11 octobre 2010 imposant un changement des conditions de travail,

*vu le principe de bien-traitance auquel l'aide-soignant est tenu, à ce qu'il soit constaté que le temps de couchage des résidents imposés par l'employeur est incompatible avec la bien-traitance,

*vu la fiche de poste du 11 octobre 2010 imposant un changement des conditions de travail et le nettoyage pendant 3 heures des fauteuils roulants, vu la classification des filières dans l'annexe I de la convention collective: à ce qu'il soit constaté que l'entretien du matériel médical est dévolu aux agents d'entretien logistiques,

*à ce qu'il soit ordonné la capitalisation des condamnations par application de l'article 1154 du code civil depuis la saisine du conseil de prud'hommes,

*vu l'article 179 du code de procédure civile, à ce qu'il soit dit que le juge se transportera sur les lieux afin de prendre connaissance des faits litigieux, de procéder aux constatations et évaluations,

*à la condamnation de l'employeur à lui payer 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.

Elle rappelle que l'équipe de nuit est composée d'une aide soignante et d'un agent de services de soins ou agent des services logistiques ( ASS ou ASL) et invoque les motifs de la rupture suivants:

-l'absence de rémunération du temps de repas et la nécessité de rester en service,

- la modification des horaires: augmentation du temps de travail sans rémunération consécutive,

-l'absence de règlement de repos compensateur, l'employeur ayant reconnu ne pas avoir réglé la totalité, -le fait pour l'employeur de lui imposer de nouvelles tâches et un nouveau rythme de travail.

Elle prétend:

-que les manquements qu'elle invoque sont graves, que contrairement aux dires de l'appelante les changements n'étaient pas expérimentaux puisqu' intervenus dès le 11 octobre 2010 sans prévenance ni concertation,

-que l'employeur n'a pas cherché à discuter avec elle, ce n'est que quand elle a envoyé la lettre du 19 novembre 2010 qu'il s'est manifesté,

-que l'ensemble des reproches formulés a rendu impossible la poursuite de la relation de travail par suite du changement de méthode de travail contraires à la bien-traitance des usagers, l'allogement du temps de travail de nuit sans concertation ni rémunération.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE

I sur la qualification de la rupture

La démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat; lorsque le salarié sans invoquer un vice de consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou dans le cas contraire si les faits invoqués la justifiaient les effets d'une démission.

La prise d'acte ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués par le salarié sont non seulement établis mais constituent des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

Il appartient au salarié et à lui seul d'établir les faits allégués à l'endroit de l'employeur. Si un doute sur la réalité des faits allégués subsiste, il profite à l'employeur.

En l'espèce, eu égard à la nouvelle fiche de travail remise à la salariée le 9 novembre 2010 comme il sera dit ci après et aux lettres des 19 et 30 novembre 2010, circonstances antérieures et contemporaines à la rupture et dénonçant le comportement de l'employeur, il ne peut être considéré que la lettre du 10 novembre 2010 ci dessus reproduite en dépit de sa brièveté et son absence de réserve résulte d'une volonté libre et non équivoque de sorte qu'elle doit être qualifiée de prise d'acte de la rupture.

Il convient dès lors d'examiner les quatre manquements que la salariée invoque dans ces écritures.

En premier lieu, il doit être constaté notamment au vu de l'attestation de [U] [C] déléguée du personnel produite par l'employeur mais également de la lettre même de la salariée en date du 19 novembre 2010 ci dessus reproduite que contrairement aux allégations de cette dernière dans ses écritures, la nouvelle fiche de travail lui a été remise le 9 novembre 2010 au cours de la réunion d'information pour l'ensemble du personnel de nuit sur la réorganisation envisagée des horaires. Il ressort en outre du témoignage de la déléguée du personnel qu'il a été clairement précisé que cette réorganisation se faisait à titre expérimental.

*En ce qui concerne le premier manquement à savoir :l'absence de rémunération du temps de repas et la nécessité de rester en service, il ne peut être retenu.

En application des articles L 3121-1 et L3121-2 du code du travail, les temps de repas et les temps de pause sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Le titre V de la convention collective sous titre E.05 durée et conditions de travail prévoit:

dans son article E.05.01.2.4 son alinéa 2 que ' le temps consacré au repas est considéré comme temps de travail, chaque fois que l'employeur ou son représentant place le salarié en position d'astreinte'.

En l'espèce, la question à trancher ne concerne que le temps de pause de 30 minutes pour le repas ajouté dans la nouvelle fiche de travail, la pause de 20 minutes qui existait avant étant toujours rémunérée par l'employeur .

En l'état, il apparaît que cette pause de 30 minutes est mentionnée comme coupure sur la fiche de travail entre 22heures30 et 23 heures qu'il est in fine de la fiche indiqué ' consignes impératives à observer pour les BIPS de nuit: l'AS répond aux BIPS en systématique et en priorité. Elle doit donc avoir le téléphone en permanence sur elle sauf pendant sa pause d'une demi heure'.

D'autre part, l'intimée qui prétend que cette pause pour le repas devait être rémunérée ne produit au débat aucun élément permettant d'établir ou de laisser présumer que pendant cette demi-heure elle aurait été à la disposition de l'employeur et n'aurait pu vaquer à ses occupations, ou aurait été en astreinte comme l'exige la convention collective.

Les quelques notes manuscrites qu'elle produit en pièce 11 lesquelles ne mentionnent pas les heures d'interventions ne sont pas suffisantes pour établir qu'elle est intervenue entre 22heures 30 et 23 heures auprès des résidents lors de sa pause repas suite à la mise en place des nouveaux horaires.

En outre, rien ne démontre que l'autre personne (ASS ou ASL) qui composait l'équipe de nuit était de pause repas en même temps que l'aide soignante et qu'elle ne pouvait répondre aux exigences de la sécurité des résidents pendant la pause repas de sa collègue.

*Quant au deuxième manquement à savoir l'augmentation du temps de travail sans rémunération consécutive, là encore, ce grief ne peut être accueilli.

Le code du travail prévoit:

-dans l' article L 3122-29 que tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme un travail de nuit.

-dans l'article L 3122-34: que ' La durée quotidienne du travail accompli par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures. Il peut être dérogé à ces dispositions par convention ou accord collectif de branche étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, ou lorsqu'il est fait application des dispositions des articles L. 3132-16 et suivants relatifs aux équipes de suppléance.Il peut également être dérogé aux dispositions du premier alinéa en cas de circonstances exceptionnelles, sur autorisation de l'inspecteur du travail donnée après consultation des délégués syndicaux et après avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'il en existe, selon des modalités déterminées par le décret mentionné au deuxième alinéa'.

En l'état, il existe pour les établissements relevant de la convention collective du 31 octobre 1951 un accord de branche sur le travail de nuit en date du 17 avril 2002 fixant la durée du travail à 12 heures pour les salariés de nuit par dérogation à l'article 213-3 ancien du code du travail.

Dès lors, il apparaît que la modification intervenue en l'espèce, n'a d'une part nullement entraîné un dépassement de durée quotidienne du travail de nuit fixée par l'accord de branche et d'autre part n'a pas été diligentée sans concertation des délégués du personnel et de l'ensemble du personnel concerné qui a été réuni le 9 novembre 2010, réunion auquel a assisté la salariée, étant précisé que la consultation du médecin du travail qui n'est prévu par l'article L3122-38 qu'au cas de modification important de l'organisation du travail de nuit ne pouvait être en l'état exigé.

En outre et contrairement à l'analyse avancée par l'intimée, il s'avère que la réorganisation envisagée et testée n'a pas eu pour effet de modifier la durée du travail qui est resté de 10 heures, la pause de 30 minutes n'étant pas du travail effectif comme il a été dit ci dessus mais seulement de modifier l' amplitude horaire du temps de travail qui est passé de 10 heures à 10 heures 30.

*S'agissant de l'absence de règlement de repos compensateur, il est constant que l'article 3 de la convention collective applicable prévoit bien que lorsque la durée de travail de nuit dépasse 8 heures, les salariés doivent bénéficier d'un repos équivalent à la durée du dépassement.

Toutefois, en l'état, il s'avère que l'employeur a ainsi qu'il ressort de son courrier du 9 décembre 2010 procédé à des vérifications et a reconnu son erreur qu'il a régularisé dans le cadre du solde de tout compte à hauteur d'une indemnisation de 336,67 €.

* En ce qui concerne les nouvelle tâches ne correspondant pas à sa qualification et le nouveau rythme de travail imposés par l'employeur, ce dernier grief ne peut être considéré comme sérieux .

La fiche de travail remise le 9 novembre 2010 à la salariée et versé au débat pas cette dernière mentionne sur la plage horaire de 1h 50 à 4 heures le nettoyage de 3 fauteuils roulants sauf dans la nuit du samedi au dimanche où ce temps est utilisé pour la distribution des protections dans les chambres des résidents pour la semaine. Était joint à cette fiche une liste des résidents à coucher en distinguant ceux au coucher rapide ( 2 minutes) et ceux avec aides au coucher ( 5minutes).

S'agissant du nettoyage des fauteuils, l'employeur produit au débat:

-l'ancienne fiche de travail où il était également mentionne le nettoyage de trois fauteuils,

- pièce 8 le résumé du référentiel d'emploi concernant les aides soignantes figurant dans le répertoire national des professionnelle ( RNCP) mentionnant que l'aide soignante doit notamment dispenser des soins d'hygiène et de confort à la personne, assurer l'entretien de l'environnement immédiat de la personne, assurer l'entretien du matériel de soins,

- pièce 11 nouvelle en appel concernant le guide de l' assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) sur les recommandations de la gestion d'un parc de fauteuils roulants et visant l'exigence de l'entretien des dits fauteuils par les aides soignantes une fois par semaine,

-pièce 13 nouvelle en appel concernant le protocole mise en application en février 2014 pour l'entretien des fauteuils roulants par les AS de nuit et les ASS à l' EHPAP [1], avec le planning de nettoyage de février et mars 2014.

Au vu de ces pièces, il doit être considéré que le nettoyage des fauteuils roulants utilisés par les résidents incombe bien à l' aide soignante; s'ils ne sont pas du matériel de soins proprement dit, ils s'y apparentent et participent du confort et de l'hygiène des résidents auxquels les aides soignantes doivent veiller. De même, assurer la distribution de protections une fois par semaine dans les chambres des résidents ne peut être étranger au travail de l' aide soignante et alors même qu'elle doit assumer avec l'ASL/ASS le change des résidents et qu'elle connaît les besoins à ce titre.

Enfin, le temps de coucher sur la liste des résidents à assister est seulement mentionné à titre indicatif et aucun élément ne permet d'établir que la salariée aurait subi un contrôle minuté à ce titre.

En ce qui concerne la fatigue supplémentaire qui serait causé par la modification de l'organisation du travail, là encore, la salariée est défaillante en preuve alors que le but de la réorganisation a été de faire travailler les deux personnes de nuit en équipe notamment pour le coucher

et le change ainsi que cela ressort du compte rendu de la réunion du 9 novembre 2010 et des fiches de travail proprement dite.

Eu égard aux considérations ci dessus développées, le retard sur le règlement du repos compensateur constitue le seul manquement établi à l'endroit de l'employeur mais dès lors que ce dernier a spontanément suite au signalement fait par la salariée régularisé la situation et l' a rempli de ses droits, il ne peut être admis comme suffisamment grave pour caractériser la rupture imputable à l'employeur.

Dans ces conditions, et sans qu'il soit justifié d'ordonner un transport sur les lieux, la prise d'acte doit produire les effets d'une démission.

Le jugement déféré qui a fait droit à la demande de la salariée doit être infirmé.

II sur les conséquences à en tirer,

La démission étant retenue, aucun indemnisation ne peut être octroyé à l'intimée qui sera débouté de l'intégralité de ses demandes.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance ni pour celle d'appel.

La salariée qui succombe doit être tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la lettre en date du 10 novembre 2010 que [H] [O] a envoyé à l'Association Notre Dame des Douleurs s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui doit produire les effets d'une démission.

Déboute [H] [O] de l'intégralité de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [H] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/05843
Date de la décision : 23/05/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°12/05843 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-23;12.05843 ?
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