COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2014
N° 2014/ 231
Rôle N° 12/15004
SARL GFDA
SARL LE REGENCE
C/
[I] [J]
Grosse délivrée
le :
à :
BOULAN CHERFILS
SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 24 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F02917.
APPELANTES
SARL GFDA inscrite au R.C.S MARSEILLEsous le N° B 422 431 148 (99 B 792),
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Fabien KHAYAT, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL LE REGENCE immatriculée au R.C.S de MARSEILLEsous le N° 89 B 780
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Fabien KHAYAT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [I] [J]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Philippe- laurent SIDER, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant par Me Hervé ITRAC, avocat au barreau de MARSEILLE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Mars 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2014,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Monsieur [I] [J] a été l'expert comptable de la S.A.R.L. GFDA et de la S.A.R.L. LE REGENCE ayant toutes deux pour gérant Monsieur [V] [F], puis a été remplacé en 2010 par Monsieur [V] [M].
Par 2 assignations distinctes du 5 septembre 2011 Monsieur [J] a réclamé à la société GFDA et à la société LE REGENCE le paiement des soldes de ses notes d'honoraires d'expert comptable pour respectivement les années 1999 à 2010 et 2001 à 2010; le Tribunal de Commerce de MARSEILLE par jugement du 24 mai 2012 a :
* joint les 2 instances;
* condamné la deuxième à payer la somme de :
- 6 523 € 57 en principal avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;
- 1 500 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* débouté la même de ses demandes reconventionnelles;
* condamné la troisième à payer les sommes de :
- 11 695 € 56 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;
- 1 500 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* ordonné pour le tout l'exécution provisoire.
La S.A.R.L. GFDA et la S.A.R.L. LE REGENCE ont régulièrement interjeté appel le 1-2 août 2012. Par conclusions du 31 octobre 2012 elles soutiennent notamment que :
* Monsieur [J] avait initié 2 actions distinctes contre elle, et le Tribunal a prononcé leur jonction qui n'était pas demandée;
* pour la société GFDA :
- le redressement de celle-ci par l'U.R.S.S.A.F. démontre les fautes de Monsieur [J], celui-ci ayant mal tenu sa comptabilité;
- leur adversaire a attendu plusieurs années le paiement de factures impayées, sans émettre des quelconques réclamation, contestation, voire menace de mettre un terme aux relations contractuelles;
- Monsieur [M] a constaté d'innombrables irrégularités dans l'établissement de déclarations fiscales d'où le redressement par l'U.R.S.S.A.F.; Monsieur [J], débiteur d'un devoir de conseil, n'a pas adressé des courriers recommandés pour dégager sa responsabilité dans l'hypothèse ou ces conseils n'étaient pas suivis;
- toutes les demandes de Monsieur [J] sont postérieures à la résiliation du contrat qui le liait à la société GFDA; l'éventuelle reconnaissance de dette de celle-ci ne saurait exonérer celui-là de ses responsabilités;
- Monsieur [J] aurait dû déposer au Greffe du Tribunal de Commerce les procès-verbaux d'assemblée générale et les bilans;
* pour la société LE REGENCE :
- il y a eu entre les 2 sociétés une confusion de patrimoine dénoncée par Monsieur [M];
- un accord global était intervenu; des factures dont le paiement est réclamé sont anciennes.
Les appelantes demandent à la Cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé d'office une jonction de procédure qui n'avait aucune raison d'être;
- réformer le même en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société GFDA, et dire et juger que celle-ci n'avait pas à faire l'objet d'une quelconque condamnation au bénéfice de Monsieur [J];
- reconventionnellement condamner celui-ci à payer à cette société la somme de 12 920 € 00 correspondant au redressement effectué par l'U.R.S.S.A.F. (articles 1147 et suivants du Code Civil);
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société LE REGENCE à paiement au bénéfice de Monsieur [J];
- reconventionnellement condamner celui-ci à leur payer une somme de 3 000 € 00 par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 17 décembre 2012 Monsieur [I] [J] répond notamment que :
* sur la société GFDA :
- bien qu'il n'y ait pas de contrat entre eux ses honoraires ont toujours été fixés d'un commun accord, de manière forfaitaire et préalablement à l'émission de toute facture; ils ont été annuellement de :
. 20 000 francs 00 H.T. de 1999 à septembre 2002,
. 4 000 € 00 H.T. de 2002 à septembre 2008,
. 6 000 € 00 H.T. à partir d'octobre 2008,
et n'ont jamais été contestés par cette société;
- les virements effectués sur le compte de [X] et [D] enfants de lui-même avec mise en place en octobre 2005 n'ont jamais été contestés;
- la société GFDA n'a pas réglé spontanément les cotisations de l'U.R.S.S.A.F. qui a effectué un contrôle non contesté par Monsieur [F]; la somme de 12 920 € 00 constitue ces cotisations et non des pénalités;
- sur les repas non retenus il convient de préciser que c'est cette société qui lui a indiqué si les salariés prenaient leur repas ou non, lui-même n'ayant fait qu'appliquer les consignes données;
- sur le prétendu grand nombre d'anomalies : la décision d'ouvrir ou de fermer les comptes et de les utiliser ou non ne concerne que le gérant, les paiements ou encaissements effectués par une société pour le compte de l'autre n'étant pas en soi répréhensible; Monsieur [M] émet des prétentions pour lesquelles il ne s'est jamais manifesté auprès de lui-même;
* sur la société LE REGENCE :
- bien qu'il n'y ait pas de contrat entre eux ses honoraires ont toujours été fixés d'un commun accord, de manière forfaitaire et préalablement à l'émission de toute facture; ils ont été annuellement de :
. 3 000 € 00 H.T. de 2002 à 2007 ,
. 2 000 € 00 H.T. en 2008,
. 1 000 € 00 H.T. en 2009,
et n'ont jamais été contestés par cette société;
- sur le prétendu grand nombre d'anomalies : la décision d'ouvrir ou de fermer les comptes et de les utiliser ou non ne concerne que le gérant, les paiements ou encaissements effectués par une société pour le compte de l'autre n'étant pas en soi répréhensible.
L'intimé demande à la Cour de confirmer le jugement et de :
- assortir les 2 sommes en principal des intérêts au taux légal de 1,14 % conformément à l'article L. 441-6 alinéa 8 du Code de Commerce;
- condamner chaque société à lui payer la somme de 1 500 € 00 par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2014.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
Sur la jonction des 2 assignations :
Celles-ci concernent les créances d'honoraires de Monsieur [J] contre respectivement la société GFDA et contre la société LE REGENCE pour des périodes qui se recouvrent, d'où entre elles un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble (article 367 du Code de Procédure Civile); en outre la jonction de ces 2 instances peut être ordonnée d'office par le juge.
C'est donc à bon droit que le Tribunal de Commerce a joint les instances.
Sur le fond :
Pour la société GFDA comme pour la société LE REGENCE la dernière facture d'honoraires émise par Monsieur [J] date du 30 janvier 2010; il est exact que Monsieur [V] [F] gérant de chacune de ces sociétés a les 4 mai ainsi que 7 et 14 juin 2010, soit postérieurement, écrit à l'intéressé pour s'engager à lui régler par échéances les soldes de ses dettes, dont il n'a alors pas contesté le montant. Néanmoins une contestation reste possible si postérieurement se révèlent des éléments permettant de la soutenir.
La dette de la société GFDA auprès de l'U.R.S.S.A.F. a été notifiée le 6 novembre 2008 pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, mais n'a jamais fait l'objet d'observations par celle-là, et de ce fait ne peut plus être imputée à Monsieur [J] ni alléguée comme caractérisant une faute de ce dernier. En outre c'est donc à bon droit que le Tribunal de Commerce a débouté cette société de sa demande de condamnation de Monsieur [J] à la somme de 12 920 € 00 correspondant à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, car ce rappel était dû par elle et ne constitue pas un préjudice indemnisable.
Les 15 février et 16 juin 2011 ainsi que 26 janvier 2012 Monsieur [M] nouvel expert comptable de la société GFDA et de la société LE REGENCE a relevé dans les comptabilités de celles-ci un certain nombre d'anomalies :
- pour la société GFDA : en 2009-2010 des déclarations approximatives de T.V.A. d'où un rappel de 6 074 € 00, un compte S.A.R.L. LE REGENCE dont le solde au 31 décembre 2009 est de 296 525 € 00 alors que chez cette société il n'est que de 36 943 € 00, une absence d'assemblées générales, la non tenue journalière de la caisse, un solde erroné de 3 122 € 09 pour l'emprunt du Crédit Agricole, une erreur de 5 177 € 00 dans le décompte des charges sociales, l'inscription du compte courant de Monsieur [O] [F] pour 30 000 € 00 en n° 455200 alors que l'intéressé n'est plus associé, et une absence d'affectation de 2 chèques de 1 101 € 72 et 2 626 € 00;
- pour la société LE REGENCE : en 2009-2010 une absence de compte bancaire pour enregistrer les recettes et les dépenses, une absence de comptabilisation de l'impôt sur les sociétés de 7 281 € 00 et des honoraires de Monsieur [J], un débit non expliqué du compte n° 467100 pour 14 352 € 00, le non dépôt des assemblées générales au Greffe du Tribunal de Commerce, le dépôt des paiements et encaissements sur le compte de la société GFDA sans régularisation.
Ces diverses anomalies que Monsieur [J] ne conteste pas correspondent à des opérations pour lesquelles il lui incombait, dans le cadre de son devoir de conseil en qualité d'expert comptable de la société GFDA et de la société LE REGENCE, de procéder à des remarques et à des rectifications auprès de ses clientes. Par suite celles-ci sont fondées à s'opposer aux paiements des soldes d'honoraires, qui ne sont pas dûs puisqu'ils sont applicables à des prestations mal exécutées par Monsieur [J].
Le jugement est donc infirmé pour avoir fait droit aux demandes de celui-ci.
Enfin ni l'équité, ni la situation économique de l'intéressé, ne permettent de rejeter la demande faite par ses adversaires au titre des frais irrépétibles.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Infirme le jugement du 24 mai 2012 sauf pour avoir débouté la S.A.R.L. GFDA de sa demande reconventionnelle.
Condamne en outre Monsieur [I] [J] à payer à la S.A.R.L. GFDA et à la S.A.R.L. LE REGENCE une indemnité unique de 3 000 € 00 au titre des frais irrépétibles.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne Monsieur [I] [J] aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.