COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 06 MAI 2014
N° 2014/ 210
Rôle N° 11/21410
SARL PLANET MARINE
C/
[W] [K]
[V] [S]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
Me CHERFILS
Me COURT MENIGOZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 02 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 2011.00246.
APPELANTE
SARL PLANET MARINE,
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL avoué, précédemment constituée
INTIME
Monsieur [W] [K]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Romain CHERFILS, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Maître [V] [S] es-qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SARL PLANETE MARINE,
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2014,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Le 1er février 2007 la S.A.R.L. PLANET MARINE ayant pour gérante Madame [U] [J] a vendu à Monsieur [W] [K], pour un prix non précisé, un navire de plaisance FERRETTI 39 Altura long de 13 m 05, immatriculé sous le n° [Immatriculation 2], francisé sous le n° [Immatriculation 1], et nommé , pour lequel a été demandé comme nouveau nom .
Monsieur [K] a acheté à la société PLANET MARINE, mais sans acte communiqué au dossier ni précision du prix, un bateau FORMULA FLORIDA 353 Fastech long de 10 m 81 qu'il va appeler Back 13 II avec francisation le 28 juillet 2008.
Les 5-6 octobre 2009 Monsieur [K] a mandaté la société PLANET MARINE pour vendre le navire Back 13 au prix net vendeur de 130 000 € 00, et le premier de ces jours l'a vendu à celle-ci moyennant un prix là aussi non précisé.
Pour ce navire Monsieur [K] a payé concernant l'année 2009 :
- le droit de francisation et de navigation fixé par la Direction des Douanes à la somme de 2 977 € 00;
- le prix de la soit 7 265 € 00 à la S.A. SOCIETE DU YACHT CLUB INTERNATIONAL DE MARINA BAIE DES ANGES.
La société PLANET MARINE a vendu ledit navire à Madame [D] et Monsieur [L] le 20 octobre 2010 au prix de 100 000 € 00.
Le 14 mars 2011 Monsieur [K] a assigné la société PLANET MARINE en paiement, et en restitution d'un moteur du navire Back 13 II, devant le Tribunal de Commerce d'ANTIBES, qui par jugement du 2 décembre 2011 a :
* condamné celle-ci à payer à celui-là les sommes de :
- 130 000 € 00 au titre du bateau Back 13;
- 2 977 € 00 au titre des droits de douane 2010;
- 1 816 € 25 au titre du prorata de la redevance portuaire 2009 [du 5 octobre au 31 décembre 2009];
* dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour Monsieur [K];
* condamné Monsieur [K] au paiement de la somme de 95 000 € 00 € au titre de l'achat du bateau Back 13 II;
* ordonné la compensation des créances;
* débouté Monsieur [K] de sa demande de restitution d'un des 2 moteurs du navire Back 13 faute d'avoir réglé le réparateur la société AZUR BOAT;
* débouté la société PLANET MARINE de sa demande de paiement de frais de nettoyage et d'entretien, faute d'acceptation de Monsieur [K];
* débouté la même de sa demande de dommages et intérêts;
* dit n'y avoir lieu à l'article 700 du Code de Procédure Civile;
* partagé les dépens par moitié.
La S.A.R.L. PLANET MARINE a régulièrement interjeté appel le 15-16 décembre 2011, et a assigné Monsieur [K] le 22 mai 2012. Elle a été mise en redressement judiciaire le 8 juin, et le 18 octobre Monsieur [K] a assigné Maître [V] [S] ès qualité de mandataire judiciaire. La liquidation judiciaire de la société PLANET MARINE a été prononcée le 8 novembre 2013. Maître [V] [S] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PLANET MARINE, qui est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 7 décembre, soutient par conclusions du 14 janvier 2014 notamment que :
- le navire Back 13 a été facturé le 20 octobre 2010 par la société PLANET MARINE à Monsieur [L] au prix de 100 000 € 00, et Monsieur [K] ne démontre pas l'avoir acheté plus d'un an auparavant au prix de 130 000 € 00; la Cour décidera si le prix de vente du bateau Back 13 doit être fixé à celui-ci, ou à celui-là que la société PLANET MARINE reconnaît devoir;
- pour le bateau Back 13 II il n'existe apparemment ni acte de ni facture de cession, mais son prix a été de 80 000 € 00 H.T. soit 95 000 € 00 T.T.C.;
- les droits de douane et le prorata de la redevance portuaire sont à la charge de la société PLANET MARINE;
- les factures de celle-ci au titre de l'entretien du navire Back 13 ne sont nullement probantes;
- lui-même es qualité n'est pas lié par l'acquiescement éventuel de la société PLANET MARINEà la compensation dans ses conclusions du 4 mai 2012; la compensation légale n'a pu jouer à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société PLANET MARINE, faute de certitude et de liquidité dont la preuve est dans la présente instance; la compensation judiciaire n'est pas possible car la vente de chaque bateau est une opération distincte; les prix des bateaux ne peuvent donc plus être compensés faute de contrat unique ni même de contrat-cadre;
- la demande de restitution du moteur doit être soumise au Juge-Commissaire.
L'appelant demande à la Cour, vu les articles L. 622-7-I, L. 622-21, L. 622-22, L. 624-9 et R. 624-13 et suivants du Code de Commerce, de :
- statuer ce que de droit sur le prix de cession du bateau Back 13;
- fixer la créance de Monsieur [K] au passif de la société PLANET MARINE à hauteur de ce prix de cession, outre 2 977 € 00 au titre des droits de douane 2010, et
1 816 € 25 au titre du prorata de la redevance portuaire 2009;
- fixer le prix de vente du bateau Back 13 II à 95 000 € 00 T.T.C.;
- condamner Monsieur [K] au paiement de cette somme;
- dire et juger n'y avoir lieu à compensation;
- dire et juger irrecevable la demande de restitution du moteur;
- condamner Monsieur [K] à lui payer la somme de 3 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 30 décembre 2013 Monsieur [W] [K], qui avait le 7 août 2012 déclaré sa créance contre la société PLANET MARINE à hauteur de la somme de 170 882 € 96 à parfaire [130 000 € 00 pour paiement du bateau + 2 977 € 00 pour droits de douane + 4 905 € 96 pour redevance de place de port + 30 000 € 00 de dommages et intérêts pour préjudice moral + 3 000 € 00 de l'article 700 du Code de Procédure Civile], répond notamment que :
- son acquisition du 1er février 2007 était au prix de 180 000 € 00, et sa vente du 5 octobre 2009 à celui de 130 000 € 00 qui ne lui a pas été réglée par la société PLANET MARINE alors que celle-ci lui avait indiqué en mai 2008 un prix de 180 000 € 00;
- il était convenu qu'il attende d'être payé du navire Back 13 pour régler le prix d'achat du navire Back 13 II, fixé par le jugement à la somme de 95 000 € 00 elle aussi indiquée en mai 2008 par la société PLANET MARINE, lqui ne justifie nullement un prix de 100 000 € 00;
- ces 2 sommes de 130 000 € 00 et de 95 000 € 00 doivent être compensées à la date de la seconde soit le 5 octobre 2009; cette compensation à laquelle a acquiescé la société PLANET MARINE ne peut être remise en cause par le redressement judiciaire de celle-ci; la compensation ne peut être écartée au motif que l'une des dettes ne réunirait pas les conditions de liquidité et d'exigibilité; les 2 ventes étaient conditionnées entre elles;
- la société PLANET MARINE n'a fait enregistrer auprès des Douanes son achat du 5 octobre 2009 que le 1er février 2010, ce qui constitue un retard fautif dispensant lui-même des droits douaniers pour l'année 2010; cette société doit également le prorata de la redevance portuaire du 5 octobre au 31 décembre 2009;
- l'un des 2 moteurs du bateau Back 13 II a été enlevé par la société PLANET MARINE avec laquelle il avait conclu un contrat d'entretien pour le coût de 6 000 € 00 par an que celle-ci n'a cependant pas exécuté; ce moteur ne se trouve pas chez la société AZUR BOAT qui ne lui a jamais adressé de facture, et se trouve donc toujours chez la société PLANET MARINE d'où une nécessaire dépréciation de la valeur du navire Back 13 II; lui-même est ainsi victime d'un préjudice;
- les factures d'entretien communiquées par la société PLANET MARINE ne sont pas probantes.
L'intimé demande à la Cour, vu les articles 1289, 1290, 1291, 1351, 1356, 1650 et suivants du Code Civil, L. 622-7 et L. 626-27-III du Code de Commerce, de :
- confirmer le jugement concernant le montant tant de la vente du bateau Back 13 à
130 000 € 00, que celle du bateau Back 13 II à 95 000 € 00;
* à titre principal :
- dire et juger que la société PLANET MARINE (in bonis) a acquiescé par conclusions du 4 mai 2012 au jugement du 2 décembre 2011 en ce qu'il avait ordonné la compensation entre les créances respectives détenues par lui et par elle;
- dire et juger que dans ces conclusions la société PLANET MARINE reconnaît qu'il y a lieu à application de la compensation, ce qui est constitutif d'un aveu judiciaire sur le bien fondé de cette dernière, aveu non rétracté et qui est intervenu avant sa mise en redressement judiciaire;
- dire et juger que le jeu de la compensation est intervenu dès le prononcé du jugement ayant autorité de la chose jugée avant l'ouverture de la procédure collective de la société PLANET MARINE;
- dire et juger qu'il y a au surplus compensation légale;
- dire et juger que les créances se sont trouvées éteintes par l'effet de la compensation;
- dire et juger que seul lui-même détient une créance correspondant au solde des créances réciproques après compensation;
- fixer sa créance correspondant au jeu de la compensation à la somme de 35 000 € 00;
- si la Cour estimait que la compensation ne pouvait être prononcée qu'au jour de l'arrêt à intervenir :
. fixer la créance de lui-même à la somme de 130 000 € 00, sachant qu'il a procédé régulièrement à sa déclaration de créance;
. confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de la vente du bateau Back 13 II à 95 000 € 00 T.T.C.;
. dire et juger qu'il y a lieu de faire application de la compensation;
. dire et juger que par cette application seul lui bénéficie d'un solde de créance à l'encontre de la société PLANET MARINE;
. fixer sa créance correspondant au jeu de la compensation à la somme de
35 000 € 00;
* à titre subsidiaire :
. dire et juger qu'il y a lieu à compensation en raison de la connexité des créances;
. fixer sa créance au passif de la société PLANET MARINE à la somme de
130 000 € 00;
. confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de la vente du bateau Back 13 II à 95 000 € 00 T.T.C.;
. dire et juger qu'il y a lieu de faire application de la compensation;
. dire et juger que par cette application lui seul bénéficie d'un solde de créance à l'encontre de la société PLANET MARINE;
. fixer sa créance correspondant au jeu de la compensation à la somme de
35 000 € 00;
. confirmer le jugement concernant les montants dûs par la société PLANET MARINE au titre des droits de douane 2009/2010 soit 2 977 € 00, et 1 816 € 24 [25] au titre de la redevance de port pour le Back 13;
. fixer la créance à son bénéfice aux 2 sommes précitées;
- faire droit à sa demande en dommages et intérêts à la hauteur de 30 000 € 00;
- fixer sa créance à l'encontre de la société PLANET MARINE à cette somme à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et non restitution du moteur du bateau Back 13 II;
- condamner la société PLANET MARINE à lui payer la somme de 3 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
- fixer les sommes allouées à lui de ces chefs au passif de la société PLANET MARINE;
- condamner Maître [S] es qualité à la somme de 3 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2014.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
Sur les prix des navires Back 13 et Back 13 II et leur compensation :
Le premier navire, acquis le 1er février 2007 par Monsieur [K] auprès de la société PLANET MARINE pour un prix inconnu et sans intérêt pour le litige, a été revendu par son acheteur à son vendeur le 5 octobre 2009 mais sans prix indiqué dans l'acte, alors que ce jour-là et le lendemain le premier avait mandaté la seconde pour le vendre moyennant la somme de 130 000 € 00. Aucune autre pièce du dossier ne permet de retenir un prix de vente différent de cette somme, laquelle a donc été retenue à juste titre par le jugement qui sur ce point est confirmé.
Le second navire a été acquis par Monsieur [K] auprès de la société PLANET MARINE mais sans acte de vente ni précision de date (juillet 2008 semble-t-il) et de prix; ce dernier a été fixé par le Tribunal de Commerce, ainsi que par l'appelante et l'intimé dans leurs conclusions respectives, à la somme de 95 000 € 00; là aussi le jugement est confirmé.
La compensation opérée par le jugement entre la dette de la société PLANET MARINE à hauteur de 130 000 € 00, et celle de Monsieur [K] pour 95 000 € 00 soit un solde de 35 000 € 00 en faveur de celui-ci, a acquis dès le prononcé de ce jugement et nonobstant l'appel formé contre lui l'autorité de la chose jugée, peu important que par la suite cette société ait été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Cette compensation reste donc valable en appel, vu l'identité des débiteur/créancier respectifs (article 1289 du Code Civil) et malgré la distinction des causes de ces dettes (article 1293).
Sur les frais du navire Back 13 :
Les sommes dues, soit 2 977 € 00 au titre des droits de douane 2010, et 1 816 € 25 au titre du prorata de la redevance portuaire 2009 [du 5 octobre au 31 décembre 2009], ont été payées par Monsieur [K] alors que la société PLANET MARINE est en débitrice pour avoir acquis ce navire le 5 octobre 2009 comme elle le reconnaît dans ses conclusions. La double condamnation prononcée par le Tribunal de Commerce est donc confirmée.
Sur le moteur bâbord du navire Back 13 II de Monsieur [K] :
La sortie de ce moteur a été annoncée à son propriétaire le 29 juillet 2009 par la société PLANET MARINE, et le navire a été sorti du port le 27 octobre 2010 par le CHANTIER NAVAL BLEUMER avec le moteur bâbord manquant. Dans l'intervalle le 18 mars 2010 cette société avait annoncé à Monsieur [K] que le moteur encombrait son atelier, puis le 22 septembre 2011 l'avait informé qu'il était entre les mains de son sous-traitant en mécanique la société AZUR BOAT. Cette dernière n'a cependant jamais été destinataire d'une demande de restitution émanant de Monsieur [K].
A supposer que le moteur soit entre les mains de la société PLANET MARINE, la procédure collective ouverte à son égard le 8 juin 2012 oblige Monsieur [K] à agir en revendication , conformément aux articles L. 624-9 et R. 624-13 du Code de Commerce, dans le délai de 3 mois suivant la publication du jugement d'ouverture et auprès des organes de cette procédure; la Cour n'est donc pas compétente sur ce point.
Les dettes respectives des parties font obstacle tant à la demande en dommages et intérêts de Monsieur [K], qu'aux demandes des parties au titre des frais irrépétibles.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Infirme le jugement du 2 décembre 2011 pour la demande de Monsieur [W] [K] en restitution du moteur bâbord du navire Back 13 II, et se déclare incompétente pour examiner cette demande.
Confirme tout le reste du jugement sauf à remplacer la condamnation de la S.A.R.L. PLANET MARINE par la fixation de la créance de Monsieur [W] [K].
Rejette toutes autres demandes.
Fait masse des dépens qui pour une moitié seront supportés par Monsieur [W] [K], et pour l'autre moitié seront mis en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. PLANET MARINE, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.