COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 17 AVRIL 2014
N° 2014/ 269
Rôle N° 13/05009
SA SOCIETE GENERALE
C/
[Y] [R]
Grosse délivrée
le :
à :[T]
CIPRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 13 Février 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00168.
APPELANTE
SA SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Pierre VIVIANI, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [Y] [R]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Patrice CIPRE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2014
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR
Le 9 janvier 2009, M. [Y] [R] a constitué la SARL Art et Bâtiment en lui apportant le fonds artisanal de maçonnerie générale qu'il exploitait, à titre personnel, depuis au moins l'année 2006. Titulaire de 60 parts sur 61, M. [R] a été désigné gérant.
La société a souscrit le 13 novembre 2009 une convention de compte professionnel auprès de la Société générale.
Le 29 avril 2010, M. [R] s'est porté caution solidaire envers la Société générale en garantie de tous les engagements de la société Art et Bâtiment, pour une durée de 10 ans, dans la limite de 65 000 €.
La société Art et Bâtiment ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 juin 2011, la banque a déclaré au passif une créance de 50 354,64 € représentant le solde débiteur du compte professionnel.
Après avoir vainement mis en demeure M. [R], le 19 juillet 2011, la Société générale l'a fait assigner en paiement le 27 février 2012.
Par jugement du 13 février 2013, le tribunal de commerce de Nice a rejeté la demande au motif que la créance a été déclarée au passif hors délai au regard de la date de réception du courrier par le liquidateur judiciaire. La Société générale a été condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société générale est appelante de ce jugement.
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Vu les conclusions remises le 31 juillet 2013 par M. [R]Â ;
Vu les conclusions remises le 8 novembre 2013 par la Société générale ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 février 2014 ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la perte dans le bénéfice de subrogation au titre des droits de la banque sur le débiteur principal
M. [R] fait valoir que la déclaration de créance, reçue par le liquidateur judiciaire le 21 septembre 2011, est tardive au regard du délai de deux mois ayant couru à compter du 17 juillet 2011, jour de la publication du jugement d'ouverture au BODACC.
Mais, en application de l'article 668 du code de procédure civile, la date d'une notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition.
La créance a été déclarée par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée, selon le récépissé de la Poste, le 16 septembre 2011.
Il s'ensuit que la forclusion dans la déclaration de la créance n'est pas encourue.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la banque au motif d'une déclaration tardive de la créance.
Sur le grief de disproportion
M. [R] se prévaut des dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation, selon lesquelles un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Mais M. [R] a fait état dans la fiche de renseignements patrimoniaux, signée un mois avant la souscription de son engagement, de revenus annuels de 26 400 € et de la « pleine propriété » à titre de bien propre d'un immeuble d'une valeur de 300 000 € grevé d'un solde résiduel d'emprunt de 84 400 €.
Tenu d'une obligation de bonne foi contractuelle, M. [R] ne peut se prévaloir, pour les besoins de cette procédure, de l'inexactitude des éléments d'information qu'il a communiqués à la banque en attestant de leur sincérité.
Il s'ensuit que l'engagement litigieux, apprécié au regard des renseignements fournis à la banque, n'était pas manifestement disproportionné aux biens et aux revenus de la caution.
Sur le grief de manquement à des obligations de mise en garde
M. [R] reproche à la banque d'avoir manqué aux obligations de mise en garde envers l'emprunteur et la caution.
Mais, lorsqu'il s'est engagé en avril 2010, M. [R] était un dirigeant et une caution avertis pour avoir assuré la direction de la société emprunteuse depuis plus d'un an et pour avoir précédemment exploité pendant au moins trois ans, à titre personnel, le fonds dont la société a poursuivi l'activité.
Ne démontrant pas que la banque disposait, sur la situation financière de la société et sur celle de la caution, d'informations dont les intéressés n'avaient pas eux-mêmes connaissance, M. [R] n'est pas fondé à invoquer un manquement aux obligations de mise en garde envers l'emprunteuse et envers la caution.
Sur l'obligation d'information annuelle de la caution prescrite par l'article L 313-22 du code monétaire et financier
M. [R] fait valoir qu'il « n'a jamais reçu les informations annuelles » auxquelles la banque était tenue en vertu du texte précité.
Mais la déchéance n'étant susceptible d'être encourue que pour la période comprise entre le 31 mars 2011, date avant laquelle l'information devait être donnée pour la première fois, et le 19 juillet 2011, date de la mise en demeure à compter de laquelle la banque demande l'application d'intérêts au taux légal, le moyen ne peut qu'être écarté puisqu'il est produit copie de lettres d'information des 11 mars 2011 et 7 mars 2012 dont l'envoi n'est pas contesté.
Sur la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel
M. [R] fait valoir que la banque n'a pas satisfait à l'obligation de fixation préalable par écrit du taux d'intérêt conventionnel, exigée par les articles 1907 du code civil et L 313-2 du code de la consommation.
Mais, les relevés de compte adressés à la société Art et Bâtiment font mention, lors de chaque prélèvement trimestriel d'intérêts, du montant des commissions appliquées, de leurs taux, du taux conventionnel nominal, du taux effectif global et du taux journalier.
Ces mentions, qui ont valeur indicative pour l'avenir et informative pour le prélèvement d'intérêts concerné, satisfont aux exigences des textes précités.
La contestation est écartée.
Sur la demande de délais de paiement
M. [R], qui ne justifie pas de ses derniers avis d'imposition, est débouté de sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement.
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Le jugement attaqué est infirmé.
M. [R], qui succombe, est condamné aux dépens et, en considération de l'équité, au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau
Rejette les moyens de défense tirés de la perte dans le bénéfice d'une subrogation, d'une disproportion de l'engagement de caution, d'un manquement à des obligations de mise en garde, d'un défaut d'information annuelle de la caution et d'un défaut de validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel,
Condamne M. [Y] [R] à payer à la Société générale la somme de 50 354,64 € avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2011, se capitalisant annuellement à compter de la demande judiciaire de capitalisation,
Rejette la demande tendant à l'octroi d'un délai de paiement,
Condamne M. [Y] [R] aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président