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10/04/2014 | FRANCE | N°12/07589

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 10 avril 2014, 12/07589


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 10 AVRIL 2014



N° 2014/ 186













Rôle N° 12/07589







SCP [Adresse 3]





C/



S.A.R.L. KAUFMAN AND BROAD COTE D'AZUR





















Grosse délivrée

le :

à :

DAVAL-GUEDJ

MAYNARD















Décision déférée à la Cour :
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Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 05 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00322.





APPELANTE





SCP [Adresse 3],

demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Véronique POIN...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 AVRIL 2014

N° 2014/ 186

Rôle N° 12/07589

SCP [Adresse 3]

C/

S.A.R.L. KAUFMAN AND BROAD COTE D'AZUR

Grosse délivrée

le :

à :

DAVAL-GUEDJ

MAYNARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 05 Avril 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00322.

APPELANTE

SCP [Adresse 3],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Véronique POINEAU-CHANTRAIT, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.R.L. KAUFMAN AND BROAD COTE D'AZUR ,

inscrite au RCS NICE n° B 341 001 709,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me André BEZZINA de la SELARL B.P.C.M, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame AUBRY CAMOIN, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2014,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La Société Civile [Adresse 3] dont le gérant est monsieur [S] [K] et dont l'activité est l'acquisition de tout terrain situé en France, est propriétaire d'un terrain situé à [Adresse 4].

Des pourparlers ont eu lieu entre la société [Adresse 3] et la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR concernant la vente de ce terrain.

Le 22 février 2010, la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a adressé au gérant de la société [Adresse 3] une offre d'achat intitulée 'proposition foncière' d'une durée de validité de trois mois, pour l'acquisition du terrain au prix de 8 250 000 euros en vue de la réalisation d'un programme immobilier d'environ 15 000 mètres carrés SHON, payable comptant à la signature de l'acte.

La clause intitulée 'planning prévisionnel et engagement de société KAUFMAN & BROAD' mentionne à l'alinéa 3 : 'en cas d'accord sur la présente proposition, nous vous proposons d'établir et de conclure une promesse unilatérale de vente par devant notaire, après validation de notre comité d'engagement foncier.'

La clause intitulée 'indemnité d'immobilisation' prévoit que la promesse de vente sera assortie d'une indemnité d'immobilisation de 5% du prix de vente, payable sous forme d'une caution groupe KBSA.

Par lettre du 12 avril 2010, la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a informé le gérant de la SCP [Adresse 3] de ce qu'elle ne donnait pas suite à la 'proposition foncière' du 22 février 2010 en l'absence de validation par le comité d'engagement foncier de la société.

Un échange infructueux de courrier s'en est suivi entre les parties en mai et juin 2010.

Par acte du 6 avril 2011, la Société Civile [Adresse 3] a fait assigner la SARL KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR devant le Tribunal de Commerce de Nice aux fins de voir prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 412 500 euros en réparation du préjudice financier et d'image résultant du retrait de la proposition faite le 22 février 2010.

Par jugement contradictoire du 5 avril 2012, le Tribunal de Commerce a :

- débouté la Société Civile [Adresse 3] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamné la Société Civile [Adresse 3] au paiement de la somme de

1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Société Civile [Adresse 3] aux dépens.

Par déclaration au greffe de la Cour du 25 avril 2012, la Société Civile [Adresse 3] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 21 novembre 2013, la Société Civile [Adresse 3] demande à la cour au visa des articles 1156, 1382 et 1383 du code civil, de :

- réformer le jugement déféré,

- dire que l'offre de contracter ou la pollicitation qu'a soumise la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR à la société [Adresse 3] le 22 février est ferme, précise et non équivoque en ce qu'elle mentionne l'accord de la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR sur la chose et le prix,

- dire que l'offre de contracter de la société KAUFMAN & BROAD du 22 février 2010 a été formulée avec un délai de maintien de trois mois soit jusqu'au 22 mai 2010,

- constater que la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a rétracté prématurément son offre de contracter le 12 avril 2010 ;

- dire que la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR ne pouvait rétracter son offre avant le 22 mai 2010,

- dire que le retrait de l'offre a causé à la société [Adresse 3] un préjudice financier et un préjudice d'image,

- dire que la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a entendu de façon déloyale se soustraire aux engagements financiers de l'offre et notamment au paiement de l'indemnité d'immobilisation en la rétractant de façon prématurée,

En conséquence

- condamner la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR à payer à la société [Adresse 3] la somme de 412 500 euros corrspondant au montant de l'indemnité d'immobilisation qu'elle a elle même offert de verser dans son engagement unilatéral du 22 février 2010, et ce à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues, sauf à parfaire,

- condamner la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR à payer à la société [Adresse 3] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société [Adresse 3] soutient :

- que la proposition foncière du 22 février 2010 est ferme, précise et non équivoque, a été émise après réalisation par la société KAUFMAN & BROAD d'une étude de faisabilité et d'une étude financière, et mentionne une durée de validité de trois mois expirant le 21 mai 2010,

- qu'elle est l'aboutissement de pourparlers qui ont été initiés par la société KAUFMAN & BROAD,

- que la condition d'accord du comité d'engagement financier ne porte pas sur l'offre mais sur la rédaction de l'acte notarié de promesse de vente,

- que la validation par le comité d'engagement financier de l'offre elle même aurait nécessairement figuré dans les conditions suspensives,

- que le 10 mars 2010, le notaire de la société [Adresse 3] lui a transmis un projet de promesse de vente,

- que l'offre de contracter dite pollicitation est une manifestation de volonté unilatérale qui doit être précise et comporter tous les éléments essentiels du contrat, dont l'acceptation par le destinataire suffit à elle seule à former le contrat,

- que selon jurisprudence de la cour de cassation, l'offre de vente peut en principe être rétractée tant qu'elle n'a pas été acceptée sauf dans le cas où celui qui l'a formulé s'est expressément engagé à ne pas la retirer avant une certaine date,

- que le retrait d'une offre avant l'expiration du délai prévu constitue une faute causant un préjudice au destinataire qui est fondé à en demander réparation,

- que l'offre faite le 22 février 2010 pour une durée de trois mois ne pouvait être rétractée le 12 avril 2010 avant l'expiration du délai de trois mois,

- qu'il ne s'agit pas d'une rupture de pourparlers mais de la rétractation fautive d'une offre contractuelle,

- qu'en rétractant l'offre avant le délai de trois mois, la société KAUFMAN & BROAD a commis une faute délictuelle,

- que la société [Adresse 3] est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice à hauteur de l'indemnité d'immobilisation prévue par l'offre et en réparation de la perte de chance de contracter avec un tiers.

Dans ses dernières conclusions du 7 septembre 2012, la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré,

- débouter la société [Adresse 3] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société [Adresse 3] au paiement de la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR fait valoir :

- que les parties étaient en phase pré-contractuelle de négociation qui est une période d'échanges durant laquelle la liberté est le principe, chacun pouvant y mettre un terme librement,

- que la liberté de rompre les pourparlers n'exonère pas les parties de leur devoir de loyauté et de bonne foi,

- qu'en l'espèce, la société KAUFMAN & BROAD a été loyale et de bonne foi et qu'il ne saurait lui être reproché un abus de la liberté de rompre les pourparlers,

- que la doctrine et la jurisprudence retiennent un droit de rupture unilatérale des pourparlers pré-contractuels, chacun supportant ses propres frais notamment le coût des études préalables,

- qu'en l'espèce, la proposition foncière a été émise sous la réserve de la validation du comité d'engagements fonciers de la société KAUFMAN & BROAD qui n'a pas été donnée à la suite d'un déplacement de la direction générale sur les lieux,

- que la société KAUFMAN & BROAD est de bonne foi dès lors qu'elle avisé la société

[Adresse 3] de son intention de ne pas donner suite, qu'elle n'a pas attendu inutilement la fin du délai de trois mois pour mettre un terme à la phase précontractuelle et a proposé à la société [Adresse 3] de présenter le projet à d'autres promoteurs,

- que la société [Adresse 3] ne démontre pas la mauvaise foi de la société KAUFMAN & BROAD,

- que la société [Adresse 3] ne démontre ni la faute de la société KAUFMAN & BROAD ni le préjudice dont elle se prévaut.

MOTIFS DE LA DECISION

La société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a procédé à deux études financières du projet datées du 6 octobre 2008, produites par la société [Adresse 3], ainsi qu'à une étude de faisabilité selon ce que révèle la proposition foncière du 22 février 2010.

Par courrier du 29 septembre 2009, la société [Adresse 3] a adressé à monsieur [W] [T], Directeur Développement Adjoint de la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR un certain nombre de documents d'urbanisme concernant le terrain dont elle est propriétaire à [Localité 1].

Des entretiens ont eu lieu entre les parties au cours desquels une proposition d'achat a été faite à la société [Adresse 3], selon ce que révèlent les termes de la proposition foncière du 22 février 2010 : 'nous souhaitons par la présente vous confirmer les termes de notre proposition pour l'acquisition de cette parcelle'.

Cette première phase pré-contractuelle a pris fin avec la 'proposition financière' ferme et précise faite le 22 février 2010 par la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR qui détaille le terrain concerné, le prix proposé, les conditions suspensives, les conditions particulières, la prorogation du délai de la promesse de vente en cas de recours sur le permis de construire, le planning prévisionnel, l'engagement de la société KAUFMAN & BROAD, l'indemnité d'immobilisation, et la durée de validité de l'offre fixée à trois mois.

Cette 'proposition foncière' qui mentionne la chose et le prix, s'analyse comme une offre de contracter dont l'acceptation suffit à former le contrat, et constitue l'aboutissement des pourparlers précédemment engagés.

Il est constant que par courrier du 12 avril 2010, la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a rétracté son engagement au motif que le dossier n'avait pas été validé par le comité d'engagement foncier, avant l'expiration du délai de trois mois.

Concernant l'engagement de la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR, la 'proposition foncière' spécifie :

'En cas d'accord sur la présente proposition, nous vous proposons d'établir et de conclure une promesse unilatérale de vente par devant notaire, après validation de notre comité d'engagement foncier'.

Cette clause qui est parfaitement claire, concerne la validation de l'acte notarié de promesse de vente par le comité d'engagement foncier, à défaut de quoi elle aurait été insérée dans les conditions suspensives.

Il est légitime et cohérent en effet que ce comité en charge de l'aspect foncier des opérations, étudie, vérifie, et valide l'acte notarié de promesse de vente compte tenu des implications juridiques importantes de cet acte.

La société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR n'est en conséquence pas fondée à soutenir que la 'proposition foncière' a été formulée sous réserve de l'accord du comité d'engagement foncier.

Lorsque l'offre de contracter est assortie d'un délai de validité dans le temps, l'offrant est tenu de la maintenir pendant la durée qu'il a déterminé.

A défaut, l'offrant engage sa responsabilité délictuelle dès lors qu'aucun contrat n'a encore été conclu.

En l'espèce, la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR qui est un professionnel de la promotion immobilière et a formulé la 'proposition foncière' en toute connaissance de cause, a commis une faute délictuelle en rétractant son offre avant l'expiration du délai fixé par elle, dont la société [Adresse 3] est fondée à demander réparation en raison de l'immobilisation du terrain depuis au moins 2008.

La société [Adresse 3] est en conséquence fondée à demander à titre de dommages et intérêts la somme de 412 500 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation prévue par la 'proposition foncière'.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR condamné à payer à la société [Adresse 3] la somme de 412 500 euros à titre de dommages et intérêts.

La société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR qui succombe n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il convient en équité de condamner la société KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR à payer à la SCP [Adresse 3] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Et statuant à nouveau

Dit que la SARL KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR a commis une faute délictuelle en rétractant l'offre du 20 février 2010 avant l'expiration du délai de validité de trois mois,

Condamne la SARL KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR à payer à la Société Civile [Adresse 3] la somme de 412 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'immobilisation du terrain,

Déboute la SARL KAUFMAN & BROAD de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamne la SARL KAUFMAN & BROAD à payer à la Société Civile [Adresse 3] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL KAUFMAN & BROAD COTE D'AZUR aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 12/07589
Date de la décision : 10/04/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°12/07589 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-10;12.07589 ?
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