La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2014 | FRANCE | N°13/04925

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 03 avril 2014, 13/04925


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 03 AVRIL 2014



N° 2014/249

BP











Rôle N° 13/04925





[S] [X]





C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Létizia COGONI, avocat au barreau de NICE



Me Oli

vier ROMANI, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 29 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2195.







APPELANT



Monsieur...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 03 AVRIL 2014

N° 2014/249

BP

Rôle N° 13/04925

[S] [X]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Létizia COGONI, avocat au barreau de NICE

Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 29 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/2195.

APPELANT

Monsieur [S] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Létizia COGONI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Julie CHARDONNET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie PORTHE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Février 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2014.

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions des parties, déposées et développées oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions ;

M. [S] [X] a été embauché en qualité de technicien tous corps d'état par la CPAM en 1987 ; par courrier du 12 septembre 2011, il a été convoqué le 27 septembre 2011 devant le conseil de discipline qui a conclu à une mise à pied durant 7 jours, puis a été licencié pour faute grave par courrier du 5 octobre 2011aux « motifs suivants : / Le non respect d'une des obligations découlant de votre contrat de travail à savoir l'engagement que vous aviez signé sur le non cumul d'emplois, / Le non respect d'une directive établie par les textes légaux et reprise dans une Instruction de la Caisse sur les règles de cumul d'emplois, consultable sur le site intranet de la CPAM des Alpes Maritimes, / Une durée excessive de travail étant de nature à nuire à la bonne exécution de votre emploi à la CPAM des Alpes Maritimes et à avoir des répercussions sur votre état de santé, / Un manquement à l'obligation de loyauté à l'égard de votre employeur en lui dissimulant l'exercice d'autres activités salariées, / Une tentative frauduleuse visant à percevoir des indemnités journalières d'autres employeurs du fait d'un cumul d'emploi non autorisé, alors même que votre salaire était maintenu en vertu des dispositions de la Convention Collective Nationale de Travail, ceci constituant pour le moins un nouveau manquement à l'obligation de loyauté. »

Par déclaration en date du 7 mars 2013, M. [X] a interjeté appel d'un jugement en date du 29 janvier, au terme duquel le conseil de prud'hommes de Nice, saisi le 30 novembre 2011 l'a débouté de toutes ses demandes.

Il conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et demande paiement des sommes de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4.500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 600 euros au titre de la prime de fin d'année, 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, avec intérêts à compter de la date de sa demande et 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que le licenciement est fondé sur la violation du décret du 29 octobre 1936 alors que ce texte a été abrogé, qu'aucun avenant ne lui a été soumis et que s'agissant d'une clause d'exclusivité, elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ; qu'elle est illégale en tout état de cause ; qu'il n'a pas voulu causer un préjudice à la CPAM mais souhaitait améliorer sa rémunération comme de nombreux autres agents ; que l'analyse des attestations patronales versées permet de considérer qu'il y avait des erreurs sur le nombre d'heures déclarées ne correspondant pas au salaire reçu et qu'en réalité il ne dépassait pas la durée maximale de travail ; que son double emploi n'a jamais causé de préjudice à la CPAM ; qu'il travaillait pour deux autres sociétés durant les week-end où il ne travaillait pas pour la CPAM et que ses évaluations élogieuses sont éloquentes ; qu'il n'y a eu aucune tentative frauduleuse de sa part puisqu'il a avisé tous ses employeurs de son arrêt de travail et n'a pas commis l'imprudence de continuer à travailler ; qu'il a immédiatement procédé au remboursement des indemnités journalières indûment perçues, dès qu'il s'en est aperçu alors qu'il n'avait pas demandé à les percevoir ; qu'il ne perçoit plus que les salaires relatifs à son second emploi ;

La CPAM conclut à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, au débouté adverse outre condamnation au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'entiers dépens.

Elle expose que M. [X], employé à temps complet, était soumis au principe du non cumul d'emploi ; que l'article 23 de la loi N°2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique qui abroge le décret-loi du 29 octobre 1936 précise en son article 22 que « les règles relatives au cumul d'activité pour les agents de la fonction publique sont applicables aux agents de droit privé des organismes de sécurité sociale » ; que l'article 20 de ce même texte réaffirme le principe du non cumul et précise que « les salariés ne peuvent exercer à titre professionnel une activité lucrative de quelque nature que ce soit » ; que cette règle fait l'objet d'une instruction consultable sur l'intranet de la caisse et que c'est donc en toute connaissance de cause qu'il n'a pas respecté la réglementation ; qu'au début du mois d'août 2011 il a transmis à la caisse des avis d'arrêt de travail au titre de ses deux autres emplois et que ces fiches ont été transmises sans pli interne anonyme au service des ressources humaines ; qu'il en résulte qu'il exerçait deux autres emplois en plus de ses activités à la CPAM , en outre hors des domaines dans lesquels un cumul peut-être autorisé et ce, de manière permanente au moins pour l'un de deux ; qu'il ne s'agit pas d'une clause d'exclusivité puisque le principe du non cumul d'emploi est prévu par la loi ; qu'il en résulte qu'il a dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail fixée à 44 heures durant 12 semaines ; que les deux employeurs ayant commis les mêmes erreurs sur les attestations patronales destinées à la perception des indemnités journalières, il est permis de douter de la véracité des attestations modifiées remises ultérieurement par le salarié ; que cette durée excessive est de nature à nuire à la bonne exécution de l'emploi et avoir des répercussions sur l'état de santé du salarié que l'employeur est tenu de préserver ; que ces graves faits auraient pu entraîner une mise en cause de sa responsabilité en cas d'accident du travail ; qu'il a manqué de loyauté à l'égard de son employeur ; qu'il ne justifie pas de son préjudice ni de sa situation postérieurement au licenciement ;

SUR CE

La faute grave est définie comme résultant d'un fait, ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié et constituant une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis et dont la preuve incombe à l'employeur ;

Il est constant que M. [X] a été licencié pour avoir cumulé des emplois dans la sécurité privée en méconnaissance des textes applicables ;

Il ne conteste pas avoir signé lors de son embauche un « engagement sur l'observation du secret professionnel et la réglementation des cumuls » aux termes duquel il s'engageait notamment à « respecter (') les prescriptions du décret du 29 octobre 1936 (et textes subséquents) relatif à la réglementation des cumuls et interdisant, entre autres, en emploi permanent dans un organisme de sécurité sociale avec l'exercice simultané d'une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit » mais fait valoir en premier lieu que ce décret a été abrogé ; toutefois, si l'article 23 de loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique abroge en son premier alinéa le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions, il n'est pas contesté que la règle d'interdiction du cumul des emplois est demeurée ainsi que cela résulte des article 20 et 22 de cette même loi modifiant les dispositions de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 en rappelant « Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (..) » et créant l'article L. 123-2-2 du code de la sécurité sociale disposant « Les règles relatives au cumul d'activités et de rémunérations des fonctionnaires et agents non titulaires de droit public sont applicables aux agents de droit privé des organismes de sécurité sociale régis par les conventions collectives nationales. Pour ces agents, des adaptations à ces règles peuvent être apportées par décret en Conseil d'Etat. », le décret n°2007-658 du 2 mai 2007 ayant organisé les modalités des cumuls autorisés ; il s'ensuit, ces dispositions étant de surcroît rappelée en l'espèce sur le site intranet de la CPAM, que les moyens tirés de la non régularisation d'un avenant ultérieur ou de l'existence d'une clause d'exclusivité illicite ne peuvent qu'être rejetés comme inopérants ; M. [X] ne conteste ni n'avoir sollicité aucune autorisation, ni que les dits emplois ne sont, en tout état de cause, pas au nombre de ceux autorisés par les textes applicables ; il s'ensuit alors qu'il devait consacrer l'intégralité de son activité professionnelle à la CPAM, tenue par ailleurs d'une obligation de santé de résultat à l'égard de ses agents, qu'il a incontestablement commis une faute ; 

Toutefois, la gravité de cette faute ne peut qu'être appréciée au regard des autres circonstances de la cause ;

Or, si la CPAM fait valoir qu'en transmettant ses arrêts médicaux établis au titre de ses deux autres emplois, M. [X] a frauduleusement tenté de percevoir des indemnités journalières du fait d'un cumul d'emploi non autorisé, il n'est toutefois pas contesté que dès le virement de ce paiement indu d'un montant de 154,96 euros, il a écrit au directeur de la CPAM pour s'excuser de cette situation en exposant qu'il avait seulement souhaité régulariser sa situation administrative à l'égard de ses employeurs et non percevoir des indemnités journalières (cf courrier du 31 août 2011) motif pour lequel il joignait un chèque en remboursement des sommes perçues ; il s'ensuit, en l'état de ce remboursement avant même qu'il ne soit interpellé sur ces faits, que l'existence d'une tentative de fraude n'est pas établie ;

Par ailleurs, et s'agissant du dépassement des durées maximales de travail telles que résultant des articles L. 8261-1 et suivants, il est constant qu'il appartient à l'employeur, avant d'engager une procédure de licenciement, d'inviter le salarié à mettre fin à l'irrégularité constatée et que seule l'inertie de ce dernier justifie de la cause réelle et sérieuse du licenciement ;

Enfin, M. [X] qui totalisait une ancienneté de 24 ans dans son emploi, justifie avoir toujours bénéficié d'appréciations élogieuses ; il verse en ce sens ses évaluations pour les années 2010 et 2011, aux termes desquelles son sérieux, sa compétence et sa disponibilité sont loués ; il sera encore observé que sa fiche récapitulative d'emploi au sein de la CPAM ne mentionne dans la rubrique « historique d'absence » que celle pour maladie du 29 juillet au 3 septembre 2011 ;

Il s'ensuit qu'au regard de son ancienneté dans son poste de travail, la faute commise ne pouvait justifier un licenciement qu'après une vaine mise en demeure d'avoir à abandonner les dits emplois non autorisés ; le jugement déféré sera dès lors infirmé et il sera fait droit aux demandes en paiement, non contestées en leur montant, formées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents et il sera alloué à M. [X] qui verse quelques fiches de salaire relatives à son emploi secondaire, mais ne justifie ni de sa situation économique et professionnelle postérieure au licenciement, ni d'un préjudice moral distinct, une somme de 27.000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes confondues ; son préjudice résultant du licenciement étant ainsi réparé, il sera débouté de sa demande concernant la prime de fin d'année comme n'étant plus au nombre des effectifs de la CPAM à la date du paiement de cette prime ;

Les dépens ainsi qu'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront supportés par la CPAM qui succombe ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière prud'homale, et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la CPAM des Alpes Maritimes à payer à M. [S] [X] les sommes de 4.500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 450 euros au titre des congés payés y afférents, 27.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la CPAM des Alpes Maritimes aux entiers dépens.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/04925
Date de la décision : 03/04/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°13/04925 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-03;13.04925 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award