COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2014
N° 2014/126
Rôle N° 11/14413
[E] [X]
C/
SARL BGTI - GRECH IMMOBILIER
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
- Me Robert CLAVET, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section Encadrement - en date du 13 Juillet 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/290.
APPELANT
Monsieur [E] [X], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARL BGTI - GRECH IMMOBILIER, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Robert CLAVET, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2014.
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans le délai légal et par déclaration écrite régulière en la forme reçue le 2 août 2011 au greffe de la juridiction, M. [E] [X] a relevé appel du jugement rendu le 13 juillet 2011 par le conseil de prud'hommes de Toulon qui l'a débouté de ses diverses demandes pécuniaires à l'encontre de son ancien employeur la société SARL BGTI ' Grech Immobilier ;
Selon ses écritures déposées le 14 janvier 2014, visées par la greffière, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, M. [X] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et condamner la société SARL BGTI ' Grech Immobilier à lui payer 29 934 € à titre d'intéressement contractuel et lui remettre un bulletin de paie correspondant, 100 200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 25 000 € à titre de dommages-intérêts « eu égard aux circonstances du licenciement », 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Selon ses écritures pareillement déposées, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé de ses moyens et prétentions, la société SARL BGTI ' Grech Immobilier demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement rendu, débouter M.[X] de toutes ses prétentions et le condamner à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce :
Selon contrat écrit du 14 janvier 2008 la société BGTI ' Grech Immobilier a embauché M. [E] [X] en qualité de gestionnaire de copropriétés, statut cadre, niveau C2 selon la convention collective nationale de l'immobilier, à compter du 1er février 2008 à durée indéterminée, à temps complet, et en contrepartie d'un salaire mensuel brut 2 750 € pour 151,67 heures, outre un intéressement ainsi libellé : « Copropriété rentrée : 30 % des honoraires annuel HT payable sur 2 ans ; Honoraires Travaux : 7 % sur le montant HT des honoraires facturés ; Honoraires Vacations : 10 % sur le montant HT des honoraires facturés » ;
Il a saisi le 25 mars 2010 la juridiction prud'homale d'une demande à l'encontre de son employeur tendant au paiement de 29 934 € à titre de rappel de commissions ;
Convoqué par lettre du 17 mai 2010 à un entretien préalable à son licenciement envisagé, il a été congédié « pour insuffisance professionnelle » par lettre du 10 juin 2010 avec préavis de trois mois payé mais assorti d'une dispense d'exécution et versement de 1 672,11 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Sur la demande de rappel de commissions dit « intéressement contractuel » :
Selon les pièces produites, par acte sous seing privé du 8 janvier 2008 intitulé « Compromis de cession de branche de fonds de commerce » la société Urbania Var a convenu de renoncer à leur terme contractuel aux mandats de syndic de copropriétés dont elle était titulaire pour 43 immeubles implantés en zone littorale varoise, et s'est engagée en contrepartie d'un pourcentage sur les honoraires futurs provenant de cette activité, à s'efforcer de faire agréer la société la BGTI ' Grech Immobilier pour lui succéder lors des assemblées générales à venir des copropriétaires concernés et au plus tard le 30 septembre 2008 ;
En vertu dudit compromis, la « cession » de branche d'activité de syndic de copropriété portait donc en réalité, en conséquence de l'engagement de retrait de la société Urbania Var, sur une simple présentation convenue de la société BGTI ' Grech Immobilier aux copropriétaires dans le but de lui succéder, sachant que la désignation effective de celle-ci était soumise pour chaque copropriété à l'aléa du vote des copropriétaires lors des assemblées générales à venir, ce dans le cadre légal du libre choix du syndic par les copropriétaires telle qu'organisé par la loi du 10 juillet 1965 ;
Dans ce contexte particulier, la société BGTI ' Grech Immobilier a ainsi décidé de recruter M. [X] en qualité de gestionnaire de copropriété et dans le but précis, selon ses propres déclarations, de « gérer le portefeuille de la société Urbania Var » ;
L'intéressement contractuel de M. [X] afférent aux « copropriétés rentrées » stipulé dans son contrat de travail concerne donc bien ces mêmes copropriétés et tient compte de l'aléa pesant sur les désignations de leurs futurs syndics ;
Cet intéressement vise ainsi à rémunérer, en fonction des résultats obtenus, le travail de démarchage et de persuasion attendu de M. [X] pour obtenir des copropriétaires concernés un vote favorable lors du renouvellement du syndic, en sorte que soit confirmée la désignation de la société BGTI ' Grech Immobilier, celle-ci n'étant alors que pressentie au moment où il est embauché ;
De fait sont produits les procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires litigieuses tenues courant 2008 où M. [X] y apparaît comme secrétaire de séance, tandis que l'intéressé justifie dans le passé en qualité de directeur d'agence au service de la société Urbania Var, avoir eu à gérer partie des copropriétés concernées, son expérience professionnelle étant objectivement de nature à favoriser la « rentrée » effective de ces copropriétés parmi la clientèle de son nouvel employeur ;
M. [X] justifie dans ces conditions avoir par son travail courant 2008 contribué activement à voir la société BGTI ' Grech Immobilier effectivement désignée comme syndic de 35 copropriétés desquelles la société Urbania Var s'était retirée, soit pour un chiffre d'affaire de 99 782 € hors taxes un intéressement de 29 934 € représentant 30 % de ce montant à lui revenir, selon le calcul détaillé communiqué par l'intéressé et non contesté en lui-même par la société BGTI ' Grech Immobilier ;
Dès lors le jugement entrepris doit être infirmé de ce premier chef, et par application tant du contrat liant les parties que de l'article 1134 du Civil, M. [X] dit bien fondé en sa demande de rappel d'intéressement à hauteur du montant précité, avec intérêt légal depuis le 26 mars 2010, date de la convocation des parties devant de bureau de conciliation et valant mise en demeure ;
Sur les demandes afférentes au licenciement :
M. [X], qui deux mois et demi auparavant avait saisi la juridiction prud'homale de la demande de rappel d'intéressement ci-avant examinée, a été licencié par lettre du 10 juin 2010 aux motifs ainsi énoncés :
« (') 1°) non respect des règles élémentaires du droit de la copropriété : (') il est inadmissible que les travaux commandés pour le compte de la copropriété Athéna Oreade soient non conformes au procès verbal d'assemblée générale (') En conséquence le conseil syndical nous demande la restitution du montant des travaux non conformes soit 1 200 €
(') 2°) non respect de l'organisation des travaux élémentaires et obligatoires administratifs : la non-conformité des fiches des assemblées générales que vous ne complétez pas entièrement et que vous remettez hors délai ; la mise à jour incomplète et hors délai des carnets d'entretien des copropriétés
(') 3°) difficultés de gestion : nous constatons que vos défaillances sur la qualité de gestion des copropriétés Les Marquises 1, Les Ischias, Athéna Oréade, Les Seychelles, entrainent des mises en concurrence systématiques qui menacent la perte de 25 % du portefeuille
(') Nous vous avons précédemment averti par courrier remis en main propre le 21 septembre 2009 » ;
S'agissant du premier grief, il est constaté que la société BGTI-Grech Immobilier, d'une part ne démontre pas que les travaux litigieux n'avaient pas été votés et qu'elle ait dû en restituer le prix, d'autre part ne fait que réitérer un reproche déjà sanctionné par l'avertissement notifié au salarié le 21 septembre 2009 ;
S'agissant du second grief afférent aux fiches des assemblées générales et aux carnets d'entretien des copropriétés, il constaté que ce reproche, lui aussi déjà formulé dans l'avertissement du 21 septembre 2009, avait formellement été contesté par M. [X] selon lettre du 29 septembre 2009 exposant à l'employeur que les anomalies relevées devaient être attribuées à la désorganisation de la gestion des copropriétés laissées par Urbania Var et au fait qu'il avait lui-même été privé de l'assistance d'une collaboratrice pendant deux mois en mai et juin 2009 ;
Or la société BGTI-Grech Immobilier ne fournit aucun élément venant contredire les justifications détaillées du salarié ;
Relativement enfin aux « difficultés de gestion » relevées dans quatre copropriétés, ce grief exprimé en termes vagues n'est pas explicité et s'avère donc impossible à vérifier ;
La société BGTI-Grech Immobilier ne produit au demeurant aucune pièce significative à cet égard, se limitant à soutenir que le salarié aurait admis ses insuffisances lors de l'entretien préalable, ce que ce dernier dément ;
Il y a lieu en conséquence de considérer que le licenciement de M. [X] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
En considération de l'ancienneté deux ans et demi de l'intéressé dans l'entreprise à la date de la rupture, de l'âge alors de 54 ans de M. [X] qui établit par ailleurs avoir ensuite souffert du chômage indemnisé au moins jusqu'en juillet 2013, il justifié de lui allouer en réparation 25 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du Code du travail ;
Par application de l'article L. 1235-4 du même Code, la société BGTI-Grech Immobilier doit en outre être tenue de rembourser à l'institution Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [X], ce dans la limite de six mois suivant le licenciement du 10 juin 2010 ;
M. [X] sera en revanche débouté de sa demande de dommages-intérêts complémentaires comme injustifiée ;
Il est enfin équitable de lui allouer 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la société BGTI-Grech Immobilier à payer à M. [E] [X] 29 934 € bruts à titre de rappel de commissions avec intérêt légal depuis le 26 mars 2010, 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile, et lui ordonne de remettre en outre à l'intéressé un bulletin de paie conforme ;
Dit M. [X] mal fondé en ses autres demandes et l'en déboute ;
Ordonne par ailleurs à la société BGTI-Grech Immobilier de rembourser à l'institution Pôle Emploi, prise en son établissement de [Adresse 2], les indemnités de chômage versées à M. [X] pendant la période du 10 juin 2010 au 10 décembre 2010 ;
Dit à cet effet qu'une copie pour information du présent arrêt sera adressée par les soins du greffe de la cour à l'établissement Pôle Emploi de [Adresse 3] ;
Condamne la société BGTI-Grech Immobilier aux dépens.
LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.