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04/03/2014 | FRANCE | N°12/16771

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 04 mars 2014, 12/16771


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 04 MARS 2014



N°2014/

MV/FP-D













Rôle N° 12/16771







[M] [E] épouse [L]





C/



UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06









































Grosse délivrée le :

à :

Me Anaëlle GUEGUEN-RIFI, avocat au barreau de NI

CE



Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 17 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1637.





APPELANTE



Madame [M] [E]...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 04 MARS 2014

N°2014/

MV/FP-D

Rôle N° 12/16771

[M] [E] épouse [L]

C/

UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06

Grosse délivrée le :

à :

Me Anaëlle GUEGUEN-RIFI, avocat au barreau de NICE

Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 17 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1637.

APPELANTE

Madame [M] [E] épouse [L], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anaëlle GUEGUEN-RIFI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06, prise en la personne de son représentant légal en exercice

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2014

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [M] [L] a été engagée par l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 ci-après dénommée l'UMF le 4 novembre 1974 en qualité de rayonniste spécialisée et en dernier lieu de conseiller en pharmacie, coefficient E2 moyennant la rémunération mensuelle brute en dernier lieu de 1743,21 euros pour 151,10 heures de travail.

Le 11 mars 2010 elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 18 mars 2010 et par courrier séparé du 11 mars 2010 remis en mains propres il lui était proposé au titre du reclassement un poste d'agent d'accueil avec une durée de travail et une rémunération identiques, sa réponse devant parvenir à l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 avant le 23 mars 2010, délai reporté par courrier du 2 avril 2010 au 6 avril 2010.

Madame [L] ne donnait aucune réponse à cette proposition.

Le 9 avril 2010 Madame [L] était licenciée pour motif économique dans les termes suivants :

«... Nous faisons suite à l'entretien préalable que nous avons eu le 18 mars dernier.

A notre connaissance, en l'absence de retour de votre part, vous n'avez pas souhaité adhérer à la convention de reclassement personnalisée qui vous a été proposée lors de cet entretien.

En conséquence la présente lettre constitue la notification de votre licenciement, sa date de première présentation fixant le point de départ de votre préavis de 2 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Nous vous précisons que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc, au mois le mois, l'indemnité compensatrice correspondante.

Au terme de ce préavis, nous vous ferons parvenir votre attestation Pôle Emploi, votre certificat de travail et votre reçu pour solde de tout compte dont un exemplaire sera à nous retourner.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de notre entretien précité, à savoir:

- la nécessité de procéder, en l'état de la situation fortement dégradée de la pharmacie, à une réorganisation emportant suppression du poste de conseillère en parapharmacie que vous occupez au sein de la pharmacie de l'Union et ce afin de sauvegarder la compétitivité et la pérennité de l'Union ;

- et l'impossibilité de procéder à votre reclassement interne compte tenu de votre refus d'accepter la proposition qui vous a été faite en ce sens.

1. La situation fortement dégradée de la pharmacie :

Conformément à l'évolution générale des pharmacies mutualistes, le chiffre d'affaires de la pharmacie est en constante diminution sur les quinze dernières années, cette perte récurrente étant principalement liée:

. à la banalisation de la pratique du tiers payant dans le département alors qu'historiquement la pharmacie était la seule à le proposer;

. À l'arrêt progressif de prestations différenciées de la part des mutuelles

' à la fermeture des différents bureaux dépôts et relais dans les agences des mutuelles,

' à la perte de plusieurs contrats notamment à la perte définitive du contrat avec la maison de retraite de [Localité 1] en 2005).

Le taux d'évolution du chiffre d'affaires s'établit sur une tendance négative contrairement aux évolutions constatées pour le secteur officinal dans son ensemble (même si celui-ci est en phase de diminution depuis 2000).

Le taux d'évolution de la marge subit une nette contraction au cours de ces dernières années sur une tendance similaire à celle observée pour le secteur dans sa globalité.

L'exercice 2009 s'est achevé avec une perte substantielle de chiffre d'affaires de 175 k€ (soit 7,8 % par rapport à 2008) liée à la perte du dernier contrat grands comptes (contrat Savel) courant juin 2009 couplée à une diminution d'activité conjoncturelle.

L'activité en 2010 sera impactée en exercice plein par la perte du contrat Savel soit une nouvelle diminution de chiffre d'affaires qui dépassera vraisemblablement les 100 k€. L'analyse de l'activité sur le 1er trimestre 2010 confirme cette situation.

Dans le même temps, et malgré le non renouvellement des départs en retraite, le ratio de la masse salariale sur le chiffre d'affaires s'avère très élevé.

Ce ratio s'établit ainsi à 24 % en 2008 (contre 17% dans le secteur officinal pour une pharmacie de taille sensiblement équivalente à celle de l'UMf-06).

Compte tenu de la dégradation du chiffre d'affaires, il passe à 26 % sur 2009 et devrait approcher le 28 % sur 2010 (soit un écart de plus de 10 points par rapport aux normes du secteur).

Dans ce contexte d'ensemble, le résultat déficitaire de la pharmacie s'aggrave:

- Sur 2008, le déficit est de 109 k€ (contre -59 k€ en 2007 et -35 k€ en 2006) ;

- Sur 2009, le résultat s'établit sur un déficit de 122 k€.

Cette situation est d'autant plus préoccupante compte tenu de l'absence de toute perspective d'amélioration rapide eu égard:

- au contexte législatif en pleine évolution dans le secteur des EHPAD ;

- à la concentration du nombre d'opérateurs gestionnaires de ce type d'établissements, qui les conduit à s'adresser directement à nos propres fournisseurs lors d'appels d'offre relatifs à l'acquisition de matériel médical;

- à l'environnement géographique en pleine mutation (transfert annoncé du CHU de St Roch).

2. L'obligation de procéder à une réorganisation d'urgence de la pharmacie, indispensable pour sauvegarder la compétitivité et la pérennité de l'Union elle-même menacée.

La situation de l'UMF-06 dans son ensemble est en effet elle-même dégradée.

De profondes modifications sont intervenues ces dernières années dans l'économie de l'UMF-06 ayant pour principales origines:

d'une part, les conséquences des Directives Assurances européennes à l'origine de contraintes nouvelles pour la Mutualité notamment par l'exigence de la séparation des activités de Livre II (activités d'assurances) et de Livre III (Services de Soins et d'Accompagnement Mutualistes - SSAM);

La mise en conformité de l'UMF-06 avec le nouveau code de la mutualité a apporté des modifications structurelles de son économie en imposant les changements suivants:

' Arrêt de la réassurance, cette activité ne pouvant plus être gérée par le Livre III, elle a pris fin dès 2001,

' Diminution progressive jusqu'en 2006 des prestations de services destinées au Livre II à partir des services supports du Livre III en matières de paie/RH, comptabilité, développement, etc.

' Transfert de l'activité de la DSI eux Mutuelles Santé Plus le 1er octobre 2007.

L'activité de l'UMF-06 a subi une importante mutation comme en témoigne l'évolution de la répartition de son chiffre d'affaires en 1997 avant la fusion avec la pharmacie, en 2002 après la mise en place des directives assurances

européennes et enfin en 2008 suite au transfert de la DSI.

La mutation importante des activités de l'Union s'est traduite par un recentrage sur son c'ur de métier: les SSAM, secteur d'activité qui se caractérise par une faible rentabilité.

L'arrêt de nombreuses prestations réalisées pour le compte du Livre II a eu pour conséquence de ne plus permettre le partage de ressources en commun (moyens humains) et d'impacter l'Union par le surcroît de charges jusque-là mutualisées (infrastructures, matériel).

d'autre part, l'unification du mouvement mutualiste.

En 2002, le mouvement mutualiste a décidé de se renforcer en procédant à son unification par l'adhésion de la fédération des Mutuelles de France à la Mutualité Française, constituant ainsi un ensemble protégeant plus de 38 millions d'adhérents.

Cette nouvelle étape se caractérise pour l'UMf-06 par la mise en 'uvre d'un nouveau schéma d'organisation des Mutuelles de France sur la façade Méditerranée à savoir:

' l'activation de la section territoriale de l'Union de Regroupement Méditerranée. C'est ainsi l'Union Régionale qui appelle et et encaisse les cotisations dévolues aux organismes supérieurs et qui reverse la quote-part destinée au fonctionnement de la section départementale,

' le versement des cotisations à l'Union Départementale de la FNMF conformément au Protocole d'Accord Régional sur l'unification du mouvement mutualiste.

Dans ce contexte, le montant des cotisations perçues par l'UMF-06 a fortement chuté en 2002 et subit depuis une diminution récurrente. Cette diminution des cotisations se traduit, pour l'Union par une baisse de ses ressources de plus de 500 k€ entre 2001 et 2010.

Par ailleurs, son activité a également été amputée des prestations de services réalisées pour le compte du Livre II qui ont progressivement pris fin .

La diminution de moyens mutualisés a engendré dans même temps pour l'Union des charges supplémentaires.

Son résultat est fortement dégradé.

Compte tenu de cette situation dégradée, l'Union ne peut plus se permettre de supporter l'activité fortement déficitaire de la pharmacie et s'est donc vue contrainte de procéder à une réorganisation de la pharmacie, cette réorganisation se révélant indispensable à la sauvegarde de la compétitivité et de la pérennité de l'UMF-06.

Conformément à la note d'information présentée devant le comité d'entreprise, la réorganisation de la pharmacie porte notamment:

- sur les modifications de l'offre de services avec l'objectif de redimensionner l'activité à un niveau plus conforme à celui d'une officine de quartier;

- sur la restructuration des activités et l'aménagement de la pharmacie;

- et, comme conséquence nécessaire, la suppression de tous les postes ne se révélant pas indispensables, dont 3 postes de classes d'emploi E2.

La diminution du chiffre d'affaires, l'arrêt de la livraison à domicile LAD de médicaments, le projet de regroupement des activités pharmacie et matériel médical diminuent en effet nécessairement l'effectif requis.

Le projet de réagencement de la pharmacie avec positionnement des comptoirs au c'ur de l'espace de vente (emportant suppression de l'espace dédié à la parapharmacie) a conduit à privilégier les postes les plus polyvalents, en l'occurrence les postes de préparateurs et le poste technique de conducteur livreur installateur .

les 3 suppressions de postes concernent donc des emplois de la classe E2, dont le votre, conformément à l'ordre des licenciements établi.

Comme déjà indiqué, et malgré les délais de réflexion supplémentaires qui vous ont été accordés à deux reprises, vous n'avez pas souhaité accepter la mesure de reclassement que nous avons été en mesure de vous proposer sur un poste de catégorie similaire, vous permettant de conserver le même niveau de rémunération.

Dans ces conditions, la suppression de votre poste de travail se révélant, comme déjà exposé, indispensable à la sauvegarde de la compétitivité et de la pérennité de l'Union, nous n'avons pas d'autre alternative, en l'absence d'autre solution de reclassement, que de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique... »

Contestant son licenciement Madame [L] saisissait le 25 août 2010 le Conseil des prud'hommes de Nice.

PROCEDURE

Par lettre recommandée postée le 7 septembre 2012 Madame [L] a régulièrement relevé appel du jugement rendu le 17 juillet 2012 par le Conseil de Prud'hommes de Nice qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a débouté l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 de sa demande reconventionnelle et a condamné Madame [L] aux dépens.

Madame [L], au visa des articles L 1233. 4, L 1235. 9 et R 1456.1 du code du travail, de la convention collective de la Mutualité et des pièces versées aux débats conclut à l'infirmation du jugement déféré aux fins de voir dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 n'a pas respecté les critères de l'ordre des licenciements, que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail en ne lui fournissant aucune formation depuis plus de 20 ans, en conséquence, elle sollicite la condamnation de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 à lui verser les sommes de :

85 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement et du fait du non-respect des critères de reclassement entraînant la perte injustifiée de l'emploi,

10 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'absence de formation,

2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 appartient à un groupe, la Fédération des mutuelles de France, et que dès lors le motif économique devait être apprécié au niveau du groupe et non de l'Union ; que le reclassement n'a pas été recherché au niveau du groupe, que le critère d'ordre tenant à la possibilité pour les salariés concernés de prétendre au bénéfice d'une préretraite, et toujours en vigueur lors de son licenciement, n'a pas été pris en compte ; que l'employeur n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail en ne ne respectant pas l'article 8. 2 de la convention collective de la Mutualité et en ne lui assurant pas conformément à l'article L6321.1 du code du travail l'adaptation à son poste de travail.

L'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 conclut à la confirmation du jugement déféré aux fins de voir dire le licenciement économique de Madame [L] parfaitement fondé et justifié, dire et juger qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat de travail de l'intéressée, qu'elle a respecté les critères d'ordre de licenciement et en conséquence elle demande de débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle n'appartient pas un groupe tel qu'entendu en droit du travail, que le licenciement pour motif économique repose bien sur une cause réelle et sérieuse, qu'elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement, que c'est par une juste application des critères de choix que Madame [L] a été comprise dans le projet de licenciement pour motif économique mis en 'uvre et qu'enfin elle a donné à l'intéressée, à l'instar de ses collègues de travail, les moyens d'évoluer dans son emploi, opportunité que celle-ci n'a pas souhaité saisir.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 20 janvier 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 1233. 4 du code du travail :

« le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ;

Attendu que l'obligation de reclassement conditionnant la validité du licenciement pour motif économique il convient d'examiner en l'espèce si l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 appartient à un groupe de reclassement qui est défini en droit du travail , par l'existence d'entreprises dont, en dehors de tout lien capitalistique, les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ou ont des activités coordonnées bien qu'indépendantes de nature à permettre ladite permutabilité ;

Attendu qu'en l'espèce Madame [L] ne conteste pas les difficultés de la pharmacie de l'Union ni celle de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 lesquelles sont largement établies par les documents communiqués mais soutient que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 appartient à un groupe, la Fédération des mutuelles de France, et que c'est à ce niveau que doivent être examinés tant les difficultés économiques invoquées que le périmètre de l'obligation de reclassement ;

Attendu que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 conteste quant à elle appartenir à un groupe faisant valoir tout d'abord que les centres appartenant à une fédération ne constituent pas nécessairement et automatiquement un groupe et qu'elle est une entité autonome et indépendante juridiquement des autres entités du monde mutualiste, qu'elle n'a aucun lien capitalistique ni juridique avec la Fédération des mutuelles de France et que son adhésion à cette dernière ne peut s'analyser comme une appartenance à un groupe au sens du droit du travail mais permet uniquement de mettre à disposition de ses adhérents une proposition de services de soins généralisés et un système de protection sociale fondé sur la solidarité et garantissant à tous des droits au plus haut niveau, ajoutant que la fédération n'a aucun pouvoir de décision sur la gestion financière, comptable, commerciale et sur la gestion du personnel de l'UMF qui gère de manière parfaitement indépendante son personnel et qu'aucune permutation des salariés ne peut être opérée entre les différentes mutuelles adhérant à la Fédération ;

Attendu que l'UMF produit à ce titre une attestation en date du 13 avril 2012 de son commissaire aux comptes en réponse à une demande du 14 mars 2012 qui n'est pas produite qui indique :

« nous avons procédé à la vérification des informations relatives au caractère indépendant et autonome de votre entité. Il nous appartient de nous prononcer sur la conformité de ces informations avec les dispositions issues de textes légaux ou réglementaires et sur la cohérence de ces informations avec les données internes à l'entité en lien avec les données sous-tendant la comptabilité. Notre intervention, qui ne constitue ni un audit ni un examen limité, a été effectuée selon les normes d'exercice professionnel applicables en France. Nos travaux ont consisté à :

- nous assurer que votre entité est bien régie par les articles L310.1 et suite du livre III du code de la Mutualité et qu'elle constitue à ce titre une entité autonome et indépendante juridiquement des autres entités du monde mutualiste.

- Nous assurer, lors de notre mission légale de certification des comptes, que nous n'avons pas détecté de transfert ou de "permutation "de personnel vers d'autres entités du monde mutualiste.

Sur la base de nos travaux, nous n'avons pas d'observation à formuler sur ces informations »,

ainsi qu'un courrier du directeur général de la Fédération des mutuelles de France en date du 19 août 2013 en réponse à une interrogation de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 qui n'est pas produite et dans lequel il indique :

« pour faire suite à votre sollicitation, je vous informe qu'en matière de reclassement de salariés, il n'existe pas de possibilités de permutation de tout ou partie du personnel ni d'une union départementale à l'autre, ni d'une union départementale à la fédération »

qui sont toutefois en contradiction avec l'article 4. 5 de la convention collective nationale de la Mutualité du 31 janvier 2010 qui sous le titre « Mutations » indique :

« Des mutations volontaires peuvent avoir lieu entre organismes appliquant la présente convention et avec l'accord écrit desdits organismes. Ces mutations se font en tout état de cause sans examen probatoire d'entrée. Le personnel ainsi muté bénéficie des avantages acquis, en application de la présente convention » ;

Attendu que l'UMF soutient en effet que cet article n'entraîne aucune mutation automatique entre les organismes adhérents à la convention collective mais seulement une possibilité pour un salarié de changer d'organisme à sa demande expresse et à la condition de l'acceptation expresse de l'organisme et qu'en conséquence aucune permutabilité ne saurait être déduite de ce texte alors que le libellé même de cet article démontre au contraire qu'un salarié s'il le désire et à condition d'avoir l'accord de l'organisme choisi peut obtenir une « mutation » au sein de ce dernier en conservant ses avantages « acquis » et sans examen « probatoire » d'entrée ce qui implique que les activités des divers organismes appartenant à la Fédération et dépendant en conséquence de la convention collective susvisée, de même que leur organisation, leur mode de gestion du personnel et des avantages accordés à ce dernier sont compatibles et coordonnés et autorisent en conséquence des permutations, précision faite que si la mutation doit être volontaire et acceptée il en va de même de la recherche de reclassement qui implique l'accord du salarié et l'existence d'un poste disponible et compatible avec sa qualification à lui proposer ;

Attendu que cette permutabilité du personnel est d'ailleurs renforcée par le fait que la Fédération des mutuelles de France centralise pour ses « adhérents » des informations relatives non seulement aux offres d'emploi mais également aux «établissements et services » en indiquant dans sa plaquette publicitaire que « les mutuelles de France protègent plus de 2,5 millions de personnes et développent une activité en complémentarité santé et prévoyance ainsi qu'un réseau de près de 300 services de soins et d'accompagnement mutualistes dont 115 centres polyvalents, cette pharmacie mutualistes, 122 centres optiques, 41 établissements et services médico-sociaux et 8 hôpitaux/cliniques/had » ce qui constitue l'existence d'un groupe de reclassement et en conséquence l'obligation pour chacun des organismes adhérents en cas de licenciement économique notamment de rechercher un reclassement en son sein mais également au sein des organismes du groupe ;

Attendu qu'en l'espèce l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 a proposé à Madame [L] un poste certes de la même catégorie que la sienne, E2, et aux mêmes conditions de rémunération mais avec un contenu différent dans la mesure où il s'agissait d'un poste d'agent d'accueil alors qu'elle occupait jusque-là un poste de conseillère en parapharmacie et sans rechercher au sein du groupe s'il n'existait pas un poste équivalent à celui qu'elle occupait et n'a donc pas procédé à une recherche loyale de reclassement au regard des moyens du groupe dont elle relevait ;

Attendu que l'obligation de reclassement conditionnant la validité du licenciement pour motif économique il en résulte que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse peu important que Madame [L] n'ait pas répondu à la seule et unique proposition de reclassement qui lui a été faite ;

Attendu qu'il est à titre superflu observé que l'article 16 . 3 de la convention collective applicable dispose, concernant les critères d'ordre des licenciements, que :

« en cas de licenciement collectif, l'ordre des licenciements doit être arrêté, dans chaque classe d'emploi, après consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel, en tenant compte notamment de la possibilité pour les salariés concernés de prétendre au bénéfice d'une préretraite, de la qualification et de la qualité professionnelle, de l'ancienneté dans l'organisme et des charges de famille »,

la liste des critères validés par le comité d'entreprise le 5 février 2010 étant donc la suivante :

«- possibilité pour les salariés concernés de prétendre au bénéfice d'une préretraite,

- qualification professionnelle afin de tenir compte des besoins de la nouvelle organisation,

- qualités professionnelles mesurées à partir de l'autonomie et de la polyvalence dans le poste,

- ancienneté dans l'organisme,

- charges de famille,

- âge »

et il apparaît que l'UMF a décidé que le critère conventionnel relatif à la possibilité de prétendre au bénéfice d'une préretraite ne donnerait lieu à l'attribution d'aucun point au motif qu': « en l'absence de possibilité d'accès à un dispositif de préretraite, ce critère ne donnera droit à l'attribution d'aucun point » ;

Attendu toutefois que la directrice générale de l'UMF, interrogée sur les critères d'ordre, a répondu au conseil de Madame [L] le 23 mars 2010 que « les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements sont ceux qui ont été soumis à la consultation du comité d'entreprise à savoir pour mémoire :

«- la possibilité pour les salariés concernés de prétendre au bénéfice d'une préretraite,

' »

ce qui est une information erronée puisque précisément ce critère n'a pas été retenu, Madame [L] étant donc induite en erreur sur la réalité des critères pris en compte ;

Attendu que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 indique en outre que l'absence d'attribution de point au critère relatif à la possibilité de prétendre au bénéfice d'une préretraite est parfaitement justifiée dans la mesure où le dispositif applicable, à savoir la préretraite licenciement, par ailleurs supprimé le 1er janvier 2012, supposait la conclusion préalable d'une « convention » entre l'entreprise et l'État, convention selon elle jamais signée, ce dont elle ne justifie pas et alors même qu'en toute hypothèse, en application des articles L5123.2 et R5123. 12 et suivants du code du travail il lui était possible bien que non obligatoire de conclure une telle convention qui avait pour objet « de proposer aux salariés menacés d'un licenciement économique le bénéfice d'une telle préretraite » ;

Attendu qu'en décidant en conséquence de ne pas conclure une telle convention et donc de n'attribuer aucun point sur ce critère en contradiction avec la convention collective applicable, l'UMF a privé Madame [L] d'un critère qui aurait pu entraîner le licenciement d'une autre salariée, Madame [N], et non d'elle-même ;

Attendu que la l'UMF indique qu'en toute hypothèse Madame [N] ayant moins de 70 ans elle ne pouvait en aucun cas lui imposer sa mise à la retraite, alors d'une part qu'on ignore l'âge de Madame [N] et que l'âge invoqué de 70 ans n'apparaît pas dans les textes susvisés, la seule référence étant celle des « salariés âgés» ;

Attendu que l'UMF 06 n'a donc pas respecté les critères d'ordre des licenciements ce qui constitue une illégalité entraînant pour le salarié un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi qui doit être intégralement réparé selon son étendue ;

Attendu toutefois que les dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ne se cumulent pas avec indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que Madame [L] doit être uniquement indemnisée du préjudice subi par son licenciement ;

Attendu qu'au regard de l'ancienneté de Madame [L], 35 ans, à son âge lors du licenciement, 54 ans, compte-tenu de ce qu'elle est atteinte d'une grave maladie restreignant ses possibilités de recherches d'emploi, compte tenu de ce qu'elle bénéficie depuis le 1er avril 2013 d'une pension d'invalidité catégorie 2 d'un montant mensuel brut de 1027,62 euros, il y a lieu de fixer à 60 000 € le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués en réparation de son dommage, toutes causes de préjudice étant confondues ;

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour absence de formation,

Attendu que l'article 8. 2 de la convention collective de la Mutualité dispose que « l'évolution de carrière est décidée suite à une appréciation des résultats individuels dans le cadre d'un entretien annuel d'évaluation. Cet entretien qui aura lieu au plus tard le 31 décembre de l'année civile suivant la date anniversaire de la date d'entrée dans l'organisme fera l'objet d'une formalisation écrite. Cet entretien permet d'apprécier la réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs qui ont été préalablement fixés au salarié. Il permet notamment de mesurer les besoins de formation, d'apprécier l'amélioration de ses compétences, de ses capacités d'adaptation à l'évolution de sa fonction, ainsi qu'à celle de l'entreprise dans son environnement » et il apparaît que Madame [L] n'a pas bénéficié de ses entretiens annuels d'évaluation, peu important que l'UMF produise à ce titre le témoignage difficilement lisible de Madame [U], sans rapport avec les obligations conventionnelles de l'UMF, faisant état qu'en « septembre 1974 » Madame [L] a eu la possibilité qu'elle n'a pas saisie de suivre une formation de préparatrice en pharmacie ou ait suivi des semblants de formation de la part de médecins ou de représentants de laboratoire ;

Attendu par ailleurs que l'article L6321-1 du code du travail dispose :

« L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'Article L6312-1 »

et il apparaît qu'en l'espèce l'employeur a manqué à son obligation de veiller au maintien de la capacité de Madame [L] à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations ce qui entraîne un préjudice distinct de celui réparant la rupture du contrat de travail ;

Attendu que ce manquement doit être réparé par une somme que la cour fixe à 2000 € ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 à verser à Madame [L] la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau sur le tout,

Dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 à verser à Madame [M] [L] les sommes de :

60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de formation,

Condamne l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE 06 aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Madame [L] la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION

DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/16771
Date de la décision : 04/03/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/16771 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-04;12.16771 ?
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