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27/02/2014 | FRANCE | N°13/04850

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 27 février 2014, 13/04850


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2014



N°2014/140

JPM













Rôle N° 13/04850







[K] [E]





C/



SARL AUDIT AZUR COMPTABILITE CONSEIL AA2C





























Grosse délivrée le :

à :



Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE



Me Nicolas DONNANTUONI

, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 12 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/95.





APPELANTE



Madame [K] [E], d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2014

N°2014/140

JPM

Rôle N° 13/04850

[K] [E]

C/

SARL AUDIT AZUR COMPTABILITE CONSEIL AA2C

Grosse délivrée le :

à :

Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

Me Nicolas DONNANTUONI, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 12 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/95.

APPELANTE

Madame [K] [E], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL AUDIT AZUR COMPTABILITE CONSEIL AA2C, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas DONNANTUONI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Deborah MAURIZOT, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2014

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Madame [K] [E] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée, le 22 juin 1999, par la société EURO'DIT en qualité de secrétaire comptable.

Le 1er janvier 2011, à la suite d'une cession de la clientèle, le contrat de travail a été transféré à la Sarl AA2C. Dans le dernier état des relations contractuelles, le salaire brut mensuel perçu a été de 1660€.

Le 6 juillet 2011, la salariée a reçu un avertissement pour avoir refusé d'envoyer un mail à une société CEGID.

A compter du 2 novembre 2011, la salariée a été en arrêt de travail pour maladie et, à ce jour, elle n'a pas repris le travail.

Le 7 décembre 2011, l'employeur a saisi le juge des référés aux fins d'obtenir de la salariée la restitution d'un cahier dit de procédure. Le 29 décembre 2011, le juge des référés a débouté l'employeur.

Le 20 janvier 2012, l'employeur a saisi le conseil de prud'hommes de NICE aux fins d'obtenir la restitution sous astreinte dudit cahier outre des dommages-intérêts.

Reconventionnellement, la salariée a alors demandé, outre l'annulation de l'avertissement du 6 juillet 2011, la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et la condamnation de ce dernier à lui verser diverses sommes se rapportant tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 12 février 2013, le conseil de prud'hommes de NICE a débouté les parties de toutes leurs demandes respectives.

C'est le jugement dont la salariée a régulièrement interjeté appel

Le 4 juillet 2013, à l'issue d'un seul examen, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte définitivement à son poste de secrétaire comptable.

Le 23 juillet 2013, l'employeur a licencié la salariée pour 'inaptitude physique médicalement constatée par le médecin du travail sans reclassement possible'

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [K] [E] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'employeur, le réformer en ce qu'il a rejeté ses demandes reconventionnelles, statuer à nouveau, annuler l'avertissement du 6 juillet 2011, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et condamner la société AA2C à lui payer les sommes de:

-1540,24€ au titre des heures supplémentaires.

-154,02€ au titre des congés payés s'y rapportant.

-10315€ de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

-3448€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

-344€ au titre des congés payés s'y rapportant.

-1404,04€ au titre de l'indemnité de licenciement.

-30946€ de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.

-9241,44€ au titre du travail dissimulé.

-3000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Elle demande en outre la condamnation de l'intimée à lui remettre les documents légaux sous astreinte.

Elle fait valoir, tout d'abord, qu'elle n'avait jamais conservé le cahier que l'employeur s'acharnait à lui réclamer et qu'il ne s'agissait en réalité non pas d'un cahier de procédures mais d'un simple cahier de notes personnelles qui était resté au cabinet comptable.

Ensuite, s'agissant de son appel, elle soutient qu'elle avait été victime de harcèlement moral de la part de son employeur en raison des pressions exercées sur elle (menace sur son emploi, avertissement injustifié, pressions persistantes pendant son arrêt de travail, déclaration tardive de sa maladie) que ces pressions avaient eu pour conséquence une dépression nerveuse sévère attestée par son médecin psychiatre, que l'employeur ne lui avait pas payé ses heures supplémentaires ce qu'il avait d'ailleurs reconnu dans une lettre du 25 juillet 2011, que ces manquements graves justifiaient la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ce qui produisait les effets d'un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et qu'en tout état de cause, l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement.

La Sarl AA2C demande à la cour de réformer le jugement qui l'a déboutée de ses demandes principales, le confirmer en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes reconventionnelles, statuer à nouveau, condamner Madame [E] à lui restituer, sous astreinte de 50€ par jour de retard, le cahier des procédures informatiques outre une somme de 5000€ de dommages-intérêts pour résistance abusive, débouter Madame [E] de ses demandes nouvelles et la condamner à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Elle expose que Madame [E] avait conservé indûment un cahier de notes rédigé par elle et portant sur les procédures informatiques, que la salariée avait manifesté elle-même une volonté de rupture conventionnelle, qu'il n'y avait jamais eu d'ambiguïté sur le maintien de son poste, que l'avertissement du 6 juillet 2011 était parfaitement justifié, que les courriers adressés à la salariée pendant son arrêt de travail s'expliquaient par l'oubli de Madame [E] de commander un nouveau chéquier et par la disparition du cahier des procédures informatiques, que la salariée n'avait subi aucune pression, que les termes de l'attestation de son médecin psychiatre avait dépassé les compétences du médecin, que la salariée avait connu des problèmes personnels et familiaux, qu'aucune heure supplémentaire n'était due alors que l'employeur accordait quotidiennement des pauses cigarettes outre les 'ponts', que l'employeur n'avait donc manqué à aucune des ses obligations contractuelles et enfin que tout reclassement dans l'entreprise était impossible.

SUR CE

Il y a lieu à titre liminaire de constater qu'il n'est pas discuté que la société AA2C est venue aux droits du premier employeur, la société EURO'DIT, à la suite d'une cession de la clientèle dont il n'est pas davantage contesté qu'elle avait opéré transfert du contrat de travail comme cela résulte expressément de l'avenant contractuel du 1er janvier 2011. Dans ces conditions, l'argumentation de Madame [E] concernant les circonstances de ce transfert est inopérante puisqu'elle ne présente aucune demande et ne soutient aucun moyen de ce chef.

I- Sur les demandes de restitution du cahier et de condamnation à ce titre

Il n'est pas contesté qu'à la suite du changement de serveur informatique de l'entreprise, des nouvelles procédures informatiques avaient été mises en place et que Madame [E] avait suivi une formation dédiée à ce nouvel outil ce qui l'avait amenée à noter un certain nombres d'informations pratiques sur un cahier dont elle admet qu'il existait puisqu'elle affirme l'avoir laissé dans le cabinet comptable lors de son départ en congé maladie. Indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait d'un cahier personnel ou d'un cahier professionnel, il n'est aucunement démontré par l'employeur que Madame [E] aurait conservé ce cahier avec elle lors de son départ en congé maladie. En effet, l'attestation de Madame [I] qui n'était pas une salariée de l'entreprise mais un tiers intervenant, donc non tenue informée de ce qui se passait dans l'entreprise, se borne à rapporter que le cahier tenu par Madame [E] était resté introuvable et que 'apparemment' Madame [E] l'aurait emporté mais sans pour autant attester avoir vu cette dernière l'emporter avec elle. De même, les attestations de Monsieur [T], présenté comme le sous-locataire des bureaux des locaux de la société AACC , donc lui aussi tiers à l'entreprise, et de Madame [P], salariée de la société AACC, ne démontrent rien puisqu'ils se contentent tous les deux d'affirmer dans des termes curieusement identiques au sujet de Madame [E] : 'j'ai appris que ce cahier serait en sa possession' sans donner pour autant la moindre explication quant à l'origine et la fiabilité de cette information. Le ton de ces attestations autorise au contraire à penser que leurs auteurs tenaient en réalité cette information de l'employeur qui ainsi s'était constitué une preuve à lui même.

La rétention par Madame [E] d'un quelconque document contenant des informations informatiques concernant l'employeur n'étant pas démontrée, les demandes afférentes à ce document seront rejetées, le jugement devant être confirmé sur ce point.

II- Sur les demandes de Madame [E]

.

Sur l'annulation de l'avertissement

Par lettre du 6 juillet 2011, l'employeur a notifié à sa salariée un avertissement pour avoir refusé d'adresser un mail d'alerte à l'assistance CEGID à la suite d'un problème informatique.

Par lettre du 13 juillet 2011, la salariée a contesté l'avertissement en indiquant qu'il lui avait été demandé le 1er juillet 2011 à midi de téléphoner et non pas de passer un mail à l'assistance CEGID, qu'elle n'avait pas refusé de téléphoner mais avait seulement rappelé que le vendredi après-midi, le cabinet comptable était fermé.

Or, la salariée admet dans sa lettre de contestation, et le revendique d'ailleurs au titre des heures supplémentaires, qu'elle avait pour habitude de terminer son travail le vendredi à 12 heures 30 ce qui était l'horaire de fermeture du cabinet comptable et non pas à 12 heures. Dans ces conditions, en refusant d'exécuter, soit par mail soit par téléphone, une tâche matérielle simple qui ne lui aurait demandé que quelques minutes, la salariée avait bien commis une faute. Il s'en suit que l'employeur, qui avait entendu d'abord sanctionner le non respect par la salariée des ordres donnés, était légitime à lui notifier pour ce motif un avertissement.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé.

Madame [E] justifie que son salaire brut était calculé sur la base de151,67 heures par mois et qu'en réalité, elle effectuait des horaires identiques à ceux d'ouverture et de fermeture du cabinet comptable (du lundi au jeudi: 8 heures 30 à 12 heures 30 et 13 heures 30 à 17 heures 30, le vendredi: 8 heures 30 à 12 heures 30) soit une durée mensuelle de 156 heures. En effet, le 13 juillet 2011, à l'occasion de sa contestation de l'avertissement du 6 juillet 2011, la salariée avait rappelé à son employeur les horaires susvisés et avait évoqué la question de leur 'récupération éventuelle'. Dans sa réponse du 25 juillet 2011,l'employeur n' avait pas contesté la réalité de ces heures supplémentaires mais avait soutenu à tort, puisqu'il ne produit aucun accord entre eux, que ces heures venaient en compensation des pause-cigarettes et des ponts dont elle aurait bénéficié.

Par conséquent, il y a lieu de condamner l'employeur à payer au titre des 4 heures 33 supplémentaires effectuées sur la période effectivement travaillée de juillet 2009 à novembre 2011, la somme totale 1540,24€ dont le mode de calcul détaillé par madame [E] dans ses écritures n'a pas été remis en cause par l'employeur. A cette somme s'ajoute les congés payés pour la somme de 154,02€.

En revanche, les circonstances sus-évoquées dans lesquelles la salariée avait effectué 4 heures 33 supplémentaires par mois ne permettent pas de caractériser que l'employeur aurait manifestement eu pour intention de dissimuler une partie de l'activité de sa salariée de sorte que la demande au titre du travail dissimulé sera rejetée.

Sur le harcèlement

Au soutien de son moyen tiré du harcèlement, la salariée verse aux débats:

-un bulletin de salaire du mois de mai 2011 mentionnant une indemnité transactionnelle pour un montant de 2237€ et une lettre du 29 juillet 2011 de la salariée faisant état de discussions au sujet d'une rupture conventionnelle.

-une déclaration unique d'embauche d'une secrétaire comptable à compter du 9 mai 2011.

-une lettre adressée par la salariée faisant état de ce que l'employeur avait appelé le médecin de la salariée qui était aussi celui de l'employeur aux fins de vérifier la réalité d'un arrêt de travail.

-des lettres échangées entre les parties à l'occasion de l'avertissement du 6 juillet 2011.

- les divers arrêts de travail à compter du 2 novembre 2011 et leurs prolongations mentionnant un surmenage professionnel avec épuisement psychologique, les ordonnances médicales d'antidépresseurs , l'attestation du 23 février 2012 de son médecin psychiatre mentionnant entres autres ' un état anxio-dépressif sévère consécutif à l'attitude de son employeur dont le comportement, aux dires de Madame [E], serait inapproprié....'

-une lettre du 4 novembre 2011 de l'employeur la questionnant sur l'endroit où se trouvait le cahier des procédures internes et une autre lettre du 15 novembre 2011 aux mêmes fins ainsi qu'une sommation d'huissier aux mêmes fins du 30 novembre 2011.

-une lettre de l'employeur du 8 novembre 2011la questionnant sur l'endroit où se trouvaient des factures.

-une lettre de l'employeur du 10 avril 2012 et une autre du 17 avril 2012 la questionnant sur l'endroit où se trouvait une cassette de sauvegarde informatique.

-des échanges de courriers entre l'employeur et la salariée courant janvier 2012 dans lesquels cette dernière se plaignait de la transmission tardive à l'organisme de prévoyance Groupe MORNAY des décomptes de salaires.

-une lettre de la CPAM de NICE du 9 mars 2012 adressée à l'employeur et lui demandant de transmettre des informations sur les indemnités journalières et la réponse tardive faite par l'employeur le 30 avril 2012.

Hormis les faits relatifs à l'avertissement du 6 juillet 2011 dont la cour a dit qu'il était justifié, les autres éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral de la part de l'employeur.

Les éléments produits par l'employeur sont constitués pour l'essentiel des échanges de courriers entre les parties, courriers déjà produits par la salariée, ainsi que des attestations déjà citées. L'employeur produit aussi les conventions passées par la société AACC et la société EURO'DIT.

En l'état de ces pièces, il est démontré, en premier lieu, que la déclaration unique d'embauche de Madame [Z] [U] en date du 9 mai 2011 avait été faite par la Sarl EURO'DIT et non par la société AACC et, en second lieu, que la simulation de l'indemnité transactionnelle était seulement intervenue dans le cadre d'une éventuelle rupture transactionnelle évoquée par les deux parties et non pas exclusivement par l'employeur. Madame [E] ne pouvait aucunement se méprendre sur cette simulation puisqu' il est établi que, dans le même temps, le véritable bulletin de salaire du même mois était remis à la salariée.

Pour justifier la répétition des lettres et injonctions à la salariée pendant son arrêt de travail, l'employeur invoque la disparition du cahier sus-évoqué, la disparition des factures fournisseurs et celle des bandes de sauvegarde informatique.

Toutefois, s'agissant du cahier, si l'employeur pouvait être légitime à demander à Madame [E] dans les premiers jours de son arrêt de travail (cf lettre de l'employeur du 4 novembre 2011) où se trouvait ce cahier, il n'en demeure pas moins que la réponse faite par la salariée dès le 9 novembre 2011 et réitérée le 14 novembre 2011 l'avait informé de ce qu'elle ne détenait pas ce cahier et qu'il était resté au cabinet au jour de son arrêt de travail du 2 novembre 2011. Alors qu'il n'avait jamais produit la moindre preuve de ce que sa salariée avait menti ni même produit des éléments pouvant constituer des indices d'un tel mensonge, les attestations [I], [T], [P] étant à cet égard totalement inconsistantes, l'employeur ne justifie aucunement devant la cour des motifs objectifs pour lesquels il avait pourtant continué à lui adresser des injonctions de rendre ce cahier (lettre du 15 novembre 2011 et sommation par huissier de justice du 24 novembre 2011 au domicile de la salariée) avant de saisir en vain, le 7 décembre 2011, sans preuve ni éléments nouveaux, le juge des référés. Il sera ajouté que l'insistance de l'employeur était d'autant moins justifiée qu'aucune de ses demandes ou injonctions ne faisait état d'une quelconque explication objective, l'employeur se bornant chaque fois à affirmer péremptoirement qu'elle détenait ce cahier.

De même, par lettre du 8 novembre 2011, l'employeur avait adressé à la salariée, dans des termes délibérément comminatoires et soupçonneux, une nouvelle injonction de lui dire où se trouvaient certaines factures lesquelles avaient été finalement retrouvées à leur emplacement habituel, là où l'employeur n'avait pas su les chercher (cf lettres des 14 et 15 novembre 2011).

Enfin, par une lettre du 10 avril 2012, dans des termes peu amènes, l'employeur avait mis en cause la salariée dans la disparition de la bande mensuelle de sauvegarde informatique alors que la salariée était pourtant absente de l'entreprise depuis le 2 novembre 2011. En outre, alors que l'employeur admettait ne pas avoir lui même procédé ou fait procéder à cette sauvegarde mensuelle depuis le mois de novembre 2011, il n'avait pourtant pas hésité à reprocher à la salariée, le 17 avril 2012, cette omission pour la période antérieure au 2 novembre 2011, qualifiant cette omission de 'manquement professionnel' ce qui pouvait laisser craindre à la salariée une éventuelle suite disciplinaire.

L'employeur ne justifie pas davantage des raisons objectives pour lesquelles, alors que sa salariée était en arrêt de travail depuis le 2 novembre 2011, il avait attendu le 8 décembre 2011 pour adresser la déclaration de salaire à l'organisme de prévoyance pour le maintien du salaire, la circonstance tirée de ce que la salariée ne pouvait pas bénéficier de ce droit au maintien du salaire avant un délai de trente jours étant inopérante en l'espèce. A l'identique, l'employeur ne justifie pas davantage des raisons objectives pour lesquelles, bien qu'informé par lettre de la CPAM en date du 9 mars 2012 de la nécessité de transmettre rapidement des informations pour la prise en charge des droits de sa salariée, il avait néanmoins attendu le 30 avril 2012 pour le faire, occasionnant un retard inéluctable dans le traitement du dossier par la caisse et préjudiciable à la salariée. De tels retards étaient d'autant moins excusables que l'employeur était expert comptable.

Ainsi, sans raison objective démontrée, si ce n'est la seule existence d' une mésentente profonde entre eux, l'employeur avait multiplié les lettres, les démarches, les soupçons, voire les accusations, ainsi que des retards pendant l'arrêt de travail de sa salariée alors qu'il la savait affectée d'un syndrome dépressif et n'ignorait pas que de tels agissements répétés pouvaient avoir un effet sur l'état de santé de la salariée et/ ou porter atteinte à ses droits.

En l'état de telles constatations, la cour retiendra que l'employeur avait bien commis des faits de harcèlement moral. Compte tenu des circonstances de commission de ces faits et des conséquences sur la santé et les droits de la salariée dont le syndrome dépressif médicalement constaté n'avait pu que se maintenir ou s'aggraver, il y lieu de condamner l'employeur à payer la somme de 3000€ de dommages-intérêts pour son préjudice distinct au titre du harcèlement moral.

Sur la résiliation judiciaire.

Le harcèlement moral de l'employeur constitue par ailleurs un manquement grave et répété à ses obligations et justifie que la résiliation judiciaire soit prononcée à ses torts. Cette résiliation prendra effet non pas au jour du prononcé de l'arrêt mais au jour du licenciement.

Cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul ouvrant droit à des dommages-intérêts réparant l'intégralité du préjudice et pour un montant au moins égal à six mois de salaires.

Au jour de la rupture, la salariée avait quatre ans d'ancienneté dans une entreprise comptant moins de onze salariés. En intégrant les heures supplémentaires, son salaire brut mensuel s'élevait à 1719,24€. Elle est née en 1975, a charge de famille et au 20 décembre 2013, elle percevait une somme brute journalière de 34,13€ au titre de l'ARE. Ces circonstances justifient que la société AA2C soit condamnée à lui payer la somme de 11000€ de dommages-intérêts .

La salariée a droit également à l'indemnité compensatrice de préavis soit la somme de 3438€ outre les congés payés s'y rapportant pour 343,80€ ainsi qu'une indemnité de licenciement exactement calculée à la somme de 1404,04€.

Sur les autres demandes

Les demandes relatives au reclassement sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu de statuer.

Il sera fait droit à la demande au titre de la remise des documents légaux mais sans qu'une astreinte ne soit nécessaire.

L'équité commande d'allouer une indemnité de 2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale.

Reçoit Madame [K] [E] en son appel

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de NICE du 12 février 2103 en ce qu'il a statué sur la restitution du cahier de procédures, sur les dommages-intérêts au titre de cette restitution, sur l'annulation de l'avertissement du 6 juillet 2011 et sur l'indemnité au titre du travail dissimulé.

Le réforme pour le surplus en ce compris les dispositions relatives aux dépens.

Statuant à nouveau.

Prononce la résiliation, à compter du 24 juillet 2013, du contrat de travail de Madame [K] [E] aux torts de la SARL AA2C

Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul.

Condamne la SARL AA2C à payer à Madame [K] [E] les sommes de:

-3000€ à titre de dommages-intérêts pour le harcèlement moral.

-11000€ à titre de licenciement nul.

-3438€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

-343,80€ au titre des congés payés s'y rapportant.

-1404,04€ au titre de l'indemnité de licenciement.

-2000€ au titre de l'article 700 du code procédure civile.

Ordonne à la société AA2C de remettre dans les deux mois de la notification de l'arrêt les documents légaux et sociaux rectifiés conformément à l'arrêt.

Condamne la SARL AA2C aux dépens de première instance et d'appel

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/04850
Date de la décision : 27/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°13/04850 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-27;13.04850 ?
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