COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 27 FEVRIER 2014
N° 2014/97
Rôle N° 11/19312
[K] [R]
C/
SARL MV DIFFUSION
[E] [Z]
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON
- Me Sophie CAIS, avocat au barreau de TOULON
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section Commerce - en date du 04 Novembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/679.
APPELANT
Monsieur [K] [R], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SARL MV DIFFUSION, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sophie CAIS, avocat au barreau de TOULON
PARTIE INTERVENANTE
Maître [E] [Z], es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL MV DIFFUSION, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sophie CAIS, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2014 et prorogé au 27 février 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 février 2014.
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [K] [R] a été embauché par la SARL MV DIFFUSION suivant contrat à durée indéterminée en date du 9 décembre 2002 pour exercer des fonctions de magasinier-livreur.
Par avenant en date du 31 mars 2006, Monsieur [R] devenait vendeur.
M.[R] a, dans le courant de l'année 2008, bénéficié d'un congé individuel de formation.
Il a suivi une formation intitulée « Conducteur Routier Marchandises sur porteur + permis EC » du 6 octobre 2008 au 30 janvier 2009 pour une durée de 455 heures.
L'employeur précise ne pas avoir sollicité cette formation qui ne permettait pas la qualification du salarié pour exercer d'autres fonctions au sein de MV DIFFUSION.
Le 23 mars 2009, M. [R] se voyait remettre un courrier en main propre évoquant une rupture conventionnelle et lui proposant un entretien fixé au 21 avril 2009.
Un second entretien était prévu pour le 12 mai 2009 à 10 heures et un courrier relatif à ses droits dans le cadre de la rupture conventionnelle envisagée était remis à M. [R].
La rupture conventionnelle signée entre les parties le 18 mai 2009 ne sera pas homologuée par la DDTEFP du Var en raison du non respect du délai de rétractation (date prévue le 27 mai 2009), délai inférieur au délai de quinze jours calendaires prévu par la loi.
Un nouvel accord sera signé le 6 juin 2009, prévoyant la fin du délai de rétractation au 22 juin 2009 et la date de rupture du contrat au 16 juillet 2009, Monsieur [R] percevant une indemnité spécifique de rupture conventionnelle de 2 054.40 €.
Cette rupture conventionnelle a été adressée à l'Inspection du Travail qui en a accusé réception, le 24 juin 2009 et a indiqué qu'à défaut de réponse dans le délai d'instruction de quinze jours, la rupture conventionnelle sera réputée acquise le 13 juillet 2009 .
M.[R], contestant cette rupture conventionnelle, a saisi le 24 juin 2009 le Conseil de prud'hommes de Toulon aux fins d'obtenir:
-322,67 € à titre de rappel de salaire pour 36 heures de travail,
- 32,26 € à titre d'indemnité pour congé sur rappel de salaire,
- 2341,86 € à titre d'indemnité pour congé 2008,
- 1 868,41 € à titre d'indemnité pour congé 2009,
- 1 561,24 € à titre d'indemnité de préavis,
-156,12 € à titre d'indemnité pour congés subséquente au préavis,
- 2029,62 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3000 € d'indemnité pour rupture abusive,
-ou, à défaut, et à minima, pour violation de la procédure: 1 561.24 €,
-1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle à l'audience du 6 mai 2010, et y a été rétablie au mois de juillet 2010.
M. [R] a présenté les demandes suivantes :
-dire et juger le licenciement abusif
-condamner la SARL MV DIFFUSION aux sommes suivantes:
-322,67 euros au titre de rappel de salaire
- 32,26 euros au titre d'indemnité pour congés subséquents
- 2.341,86 euros au titre d'indemnité pour congé
- 3.122,48 euros au titre d'indemnité de préavis
- 9.366 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
- 1.200 euros au titre de l'article 700 du CPC
- exécution provisoire et dépens
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Par jugement du 4 novembre 2011, M.[R] a été débouté de ses demandes, condamné à payer à la SARL MV DIFFUSION la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'à une amende civile de 150 euros.
M. [R] a interjeté appel de cette décision le 8 novembre 2011.
' Dans ses écritures développées à la barre, l'appelant demande à la cour de :
-recevoir l'exception d'inconventionnalité
-d'écarter les dispositions des articles L1231-1 et L1237-11du code du travail
-de réformer le jugement querellé en toutes ses dispositions et,
Au principal,
-CONDAMNER la SARL M.V.DIFFUSION à payer la somme de 2.OOO.OO€ à M.[R] à titre de dommages-intérêt en réparation des graves manquements à l'obligation de sécurité de résultat que constitue l'absence de toute visite médicale et plus particulièrement l'absence de toute visite de reprise à l'issue d'un arrêt de travail dont elle n'ignorait ni la cause ni les séquelles,
-CONSTATER que MVD ne rapporte pas la preuve que M.[R] ait manifesté la volonté de négocier une rupture conventionnelle
-CONSTATER que le bulletin de paye d'avril 2009 de M.[R] fait apparaître un net à payer de 1273.45 € et que cette somme lui a été payée plus de deux mois plus tard, le 12/06/2009 par un chèque personnel émis par l'époux de la gérante
-JUGER le contrat de travail rompu abusivement le 21/04/2009 du fait de sa convocation par EMV à négocier une rupture conventionnelle
-CONDAMNER la SARL M.V. DIFFUSION à payer à Monsieur [R]
-2 029.62 € au titre d'indemnité de licenciement
-322.67 € au titre de rappel de salaire
-32.26 € au titre d'indemnité pour congés subséquents
-2341.86 € au titre d'indemnité pour congés
-3 122.48 € au titre d'indemnité de préavis
-9 366.00 € au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
A TITRE SUBSIDIAIRE
-CONSTATER que pour obtenir l'accord du de M.[R] la société MVD a remis le 25/05/2009 un projet de bulletin de paye de sortie au 22/06/2009 avec un net à payer de 3 905.00 €
-CONSTATER que la société MVD a déposé la convention de rupture du 06/06/2009 le 24/06/2009
-JUGER que la rupture ne pouvait intervenir avant le 13 juillet 2009 comme indiqué par l'administration
-CONSTATER que la télécopie à la DIRECTE de la dénonciation de la convention est cosignée par le salarié et son conseil et qu'elle atteint l'administration le 02/07/2009
-JUGER que le contrat de travail était en cours au 02/07/2009 et que la prise d'acte par M.[R] produit les effets d'un licenciement abusif du fait de la gravité des manquements de la société MVD .. à ses obligations de sécurité de résultat, de payer le salaire à bonne date et de l'abus de confiance qui a consisté à le faire renoncer à ses droits au paiement de son salaire pendant les périodes de formation comprises dans le temps de travail et à ses congés payés,
-CONDAMNER la SARL M.V. DIFFUSION à payer à Monsieur [R]
-2 029.62 € au titre d'indemnité de licenciement
-322.67 € au titre de rappel de salaire
-32.26 € au titre d'indemnité pour congés subséquents
-2 341.86 € au titre d'indemnité pour congés
-3 122.48 € au titre d'indemnité de préavis
-9 366.00 € au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
-CONDAMNER la SARL M.V.DIFFUSION à payer la somme de 2.300.00€ à M.[R] au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER la SARL M.V. DIFFUSION aux entiers dépens.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience, l'intimée conclut au rejet de l'exception d'inconventionnalité, et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant demande à la cour de condamner M.[R] au paiement de la somme de 2.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
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MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur le fond :
En premier lieu, l'appelant soulève l'inconventionnalité de la rupture conventionnelle telle que prévue par les article s L1237-11 et suivants du code du travail par rapport à la convention numéro 158 de l' ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL adoptée à Genève le 22 juin 1982 et ratifiée par la France le 16 mars 1989, au motif que cette rupture conventionnelle est contraire aux articles de cette convention qui prévoient, article 3 :''Aux fins de la présente convention le terme licenciement signifie la cessation de la relation à l'initiative de l'employeur '
et article 4 :' un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'inaptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l' entreprise, de l'établissement ou du service'.
M.[R] affirme que cette rupture conventionnelle permet à l'employeur d'imposer sa volonté de rompre le contrat de travail et que la liberté de consentement du salarié est réduite à néant du fait de la manifestation claire et non équivoque de l'employeur qu'il en soit ainsi.
En quelque sorte, le salarié affirme qu' en l'espèce il n'aurait pas d'autre choix que de signer la rupture conventionnelle qui lui aurait été imposée par son employeur.
Or, toutes les dispositions relatives à ce troisième mode de rupture du contrat de travail, rupture d'un commun accord, à côté du licenciement, seul mode de rupture à l'initiative de l'employeur et de la démission,mode de rupture à l'initiative du salarié, sont au contraire prévues pour pallier le risque d'un défaut de consentement libre et éclairé du salarié.
Il n'y a donc pas de contradiction avec la convention visée qui ne concerne que le mode de rupture à l'initiative du seul employeur.
Il convient, dès lors, d'examiner si la rupture conventionnelle intervenue entre la société MV DIFFUSION et M.[R] est parfaite ou non et de rappeler que la société MV DIFFUSION soutient qu'après avoir effectué sa formation de conducteur routier, formation que la société n'avait pas particulièrement sollicitée puisque cela ne lui apportait rien , M.[R] a fait savoir qu'il souhaitait mettre un terme à son contrat de travail, ce qui totalement réfuté par le salarié. Néanmoins, il n'est pas véritablement discuté que dès le 22 juin 2009, M.[R] a occupé un nouvel emploi et qu'il se présente dans les réseaux sociaux comme travaillant comme chauffeur poids lourds.
Tout d'abord sur la rétractation, contrairement à ce qu'affirme M.[R] lorsqu'il indique :
'la société MVD produit un courrier de la DIRECCTE qui établit que le récépissé du dépôt de la convention est intervenu le 24 juin 2009. Dès lors c'est à bon droit que le délai de rétractation venait à échéance le 13 /7/2009 ',
il ne s'agit pas du délai de rétractation (qui lui est de quinze jours calendaires suivant la date de la signature de la convention, 6 juin 2009, et qui était donc en l'espèce le 22 juin 2009), délai de rétractation qui était expiré depuis deux jours le 24 juin 2009, lorsque la DDTEFP a reçu cette convention, mais il s'agit du délai de quinze jours ouvrables qui suit la date de la réception par l'autorité administrative de la demande d'homologation faite par la partie la plus diligente, à savoir le délai d'instruction de la demande pour s'assurer du respect des conditions prévues par la loi et pour s'assurer de la liberté de consentement des parties (dispositions prévues par l'article L1237-14 du code du travail). La date de fin de ce délai, en l'espèce le 13 juillet 2009, telle qu'annoncée par la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, marque la date à partir de laquelle, à défaut de notification par l'autorité administrative dans ce délai, l'homologation était réputée acquise et l'autorité administrative dessaisie. C'est bien ainsi que la procédure s'est déroulée et c'est pourquoi l'autorité administrative, sur demande, a pu, le 24 septembre 2009, remettre une attestation d'homologation de la rupture conventionnelle.
Ensuite doit être examiné le courrier adressé à le 22 juin 2009 qui d'après l'appelant vaudrait rétractation.
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Il résulte des pièces versées aux débats que, par courrier du 21 juin 2009 adressé à l'inspecteur du travail par le conseil de M.[R] et signé uniquement par ce conseil, courrier envoyé par télécopie le 22 juin 2009, les circonstances de cette rupture conventionnelle ont été contestées, et qu'il y a été conclu que le salarié avait été verbalement licencié le 28 mai 2009, après que l'employeur lui ait 'imposé de renoncer à tous ses droits '.
Ce n'est que par un nouvel envoi, par télécopie du 2 juillet 2009, que M.[R] a indiqué confirmer les informations qui s'y trouvaient et cosigner ce courrier qu'il faisait sien.
Force est de constater que ce qui aurait pu, peut être, constituer une rétractation de la part de M.[R], est intervenu le 2 juillet 2009 soit postérieurement au délai de rétractation qui avait expiré le 22 juin 2009. C'est ce qu'a, à bon droit, retenu le conseil de prud'hommes dans le jugement déféré.
De même le premier juge, retenant l'homologation implicite par la DIRECTION DU TRAVAIL DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE de cette rupture conventionnelle au terme du délai d'instruction de quinze jours prévu pour s'assurer du respect des conditions prévues par la loi sur la rupture conventionnelle et du respect de la liberté de consentement des parties, soit au 13 juillet 2009, a fait une juste appréciation des éléments de fait et de droit qui lui étaient soumis.
Au vu des explications données par l'employeur et à défaut, par M.[R], de démontrer que son consentement n'était pas libre lorsqu'il a signé la convention de rupture, de même lorsqu'il a signé le 28 mai 2009 les deux documents, le premier sur les heures d'absence durant la formation qu'il a suivie du mois d'octobre 2008 au mois de mars 2009 et le second sur les congés anticipés qu'il a pris, il n'y a aucun motif valable pour remettre en cause cette rupture conventionnelle décidée d'un commun accord.
Quant à la lettre prétendument de prise d'acte de la rupture en date du 2 juin 2009, si cette position a été défendue en première instance, il y a lieu de constater qu'elle ne l'est plus en cause d'appel, M.[R] reconnaissant que c'est par suite d'une erreur matérielle qu'il y est noté 2 juin 2009 au lieu du 2 juillet 2009. Dans la mesure où la rupture conventionnelle a été homologuée et que les griefs formulés à l'encontre de cette rupture conventionnelle ne sont pas retenus dans la présente décision, la rupture est parfaite, elle est bien intervenue à la date du 16 juillet 2009, telle que prévue par les parties dans leur convention, et il est donc nul besoin d'examiner par ailleurs ce courrier du 2 juillet 2009.
Par suite, la rupture conventionnelle ayant mis un terme au contrat de travail et ayant réglé tous les litiges antérieurs ayant pu l'affecter, M.[R] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.
Le jugement entrepris sera confirmé sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour procédure abusive et l'amende civile, ces condamnations étant principalement fondées sur une tentative de tromperie de la part du salarié qui n'est plus de mise désormais, M.[R] ayant reconnu que le courrier du 2 juin 2009 était bien, ainsi que le soutenait à juste titre la société MV DIFFUSION, du 2 juillet 2009, et en raison du doute qui subsiste quant aux réelles intentions de M.[R].
En revanche, l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera faite au bénéfice de la société MV DIFFUSION et une somme de 800 € sera mise à la charge de M.[R] sur ce fondement pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.
De même les dépens seront laissés à la charge de M.[R] qui succombe en son appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les condamnations pour procédure abusive, pour amende civile et sur le fondement de l'article l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [K] [R] de l'ensemble de ses demandes,
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Condamne Monsieur [K] [R] à payer à la société MV DIFFUSION la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [K] [R] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.