COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 FEVRIER 2014
N° 2014/112
GP
Rôle N° 12/16721
[I] [V] épouse [O]
C/
SARL LES AIRELLES
Grosse délivrée
le :
à :
Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE
Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section E - en date du 05 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1703.
APPELANTE
Madame [I] [V] épouse [O], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL LES AIRELLES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie PORTHE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2014 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Brigitte PELTIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Février 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Février 2014.
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [I] [O] née [V], fonctionnaire de l'Éducation Nationale, professeur des écoles, a demandé une mise en disponibilité qui lui a été accordée par arrêté du 27 août 2009.
Elle a été embauchée en qualité de responsable du service éducatif et rééducatrice scolaire par la SARL LES AIRELLES, suivant contrat de travail en date du 3 septembre 2009 à effet à compter du 1er octobre 2009.
Par courrier du 12 mai 2010, Madame [I] [O] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 26 mai 2010, avec mise à pied à titre conservatoire, puis elle a été licenciée pour faute grave le 2 juin 2010 en ces termes, exactement reproduits :
« Vous travaillez pour notre entreprise au poste de rééducatrice scolaire depuis le 03/09/2009 et vous cumulez cette fonction avec celle de responsable du service rééducatif depuis le 1er octobre 2009.
Les 10 et 11 mai, nous avons eu connaissance des faits suivants :
-Vous vous êtes targuée auprès des salariés des Airelles d'avoir dénigré l'Établissement en présence du Dr [A], lors d'une réunion à [Localité 2], vous leur avez fait part de votre intention de descendre la réputation de l'établissement.
Or cette attitude n'est pas digne de la fonction que vous occupez et met en cause de manière importante notre professionnalisme et notre sérieux auprès des patients, mais également l'image de l'établissement.
Nous ne pouvons tolérer un tel agissement, qui tend par ailleurs à déstabiliser volontairement les salariés que vous encadrez.
-Vous avez proféré des menaces à des enfants. Et notamment, vous avez tout d'abord dit à un enfant: « je vais te jeter par la fenêtre si tu te trompes pour cet exercice » et quelques jours plus tard, en le plaquant au mur : « je vais t'accrocher à un crochet de boucher ».
Bien que vous ayez justifié, auprès de vos collègues, vos paroles par une volonté de faire du second degré, nous vous rappelons que cela constitue un manquement grave à votre devoir de garantir la sécurité morale et physique des enfants dont vous avez la charge.
Nous vous rappelons également qu'il n'est pas acceptable que vous vous permettiez de faire du second degré avec des enfants ayant des troubles sévères de l'apprentissage. En qualité de rééducatrice scolaire ce comportement n'est pas excusable.
-Vous avez manqué de respect envers plusieurs salariés. En effet, auprès de salariés dont vous avez la responsabilité, vous n'avez eu de cesse de répéter que la direction avait fait « des erreurs de casting ».
Concernant les psychologues, vous êtes allée plus loin en disant : « Psychologue cela sert à quoi ' C'est un métier de merde ça ! ». Vous avez également dit « être à la tête d'une équipe de chèvres ».
Or, ces salariés se sont plaints de vos réflexions désobligeantes et insistantes, et nous ont confié se sentir dévalorisés et insultés.
Dans vos élans de critiques vous avez aussi manqué de respect au gérant de l'établissement, Monsieur [N], en vous permettant de le traiter de « nain ».
-Auprès de salariés de l'Établissement, vous avez qualifié la gestion de l'établissement de « Bling Bling » ajoutant que la première préoccupation de la direction n'était pas la prise en charge des enfants. Nous vous rappelons que de tels propos, compte tenu de la fonction Responsable rééducatif qui vous a été confiée et que vous avez acceptée, sont intolérables et ne permettent pas de poursuivre notre collaboration'
Vous comprendrez aisément que votre conduite fautive et irrespectueuse perturbe lourdement la bonne marche du service. Votre attitude a mis en évidence le profond désintérêt que vous portez à votre engagement auprès de notre établissement.
Ne pouvant donc compter sur votre collaboration ni espérer de votre part le respect de vos obligations contractuelles, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour fautes graves' ».
Contestant le bien-fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et réclamant le paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités de rupture, Madame [I] [O] a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 5 septembre 2012, le Conseil de prud'hommes de Grasse a dit que les faits reprochés à la salariée constituaient une faute grave et que son licenciement était fondé, a débouté Madame [I] [O] de l'ensemble de ses demandes et a condamné Madame [I] [O] à payer à la SARL LES AIRELLES la somme de 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Ayant relevé appel, Madame [I] [O] née [V] conclut à la réformation du jugement en toutes ses dispositions aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de voir condamner la SARL LES AIRELLES à lui payer les sommes de :
-1715,04 € au titre des salaires de la période de mise à pied,
-10 357,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-10 000 € à titre de dommages intérêts,
-3328,40 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées,
-20 046 € sur le fondement de l'article L.8823-1 du code du travail,
et à la condamnation de la SARL LES AIRELLES à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Elle fait valoir qu'elle est spécialiste reconnue des troubles de l'apprentissage, qu'elle a été démarchée par la SARL LES AIRELLES pour participer à la création d'une Maison d'Enfants à Caractère Sanitaire (MECS) et y exercer les fonctions de responsable du service éducatif, qu'embauchée le 3 septembre 2009 elle a rapidement été confrontée à de graves problèmes d'organisation et notamment à une insuffisance de formation des professionnels dans les troubles de l'apprentissage, qu'elle a interpellé sa direction sur ces difficultés, que compte tenu des divergences entre elle et la direction, elle a demandé sa réintégration dans son administration dès le mois de mars 2010 et a annoncé à la SARL LES AIRELLES qu'elle remettrait sa lettre de démission le 23 mai 2010 à effet du 23 août 2010, après un préavis de trois mois, que probablement pour éviter d'avoir à lui payer le préavis, la SARL LES AIRELLES a décidé de la licencier pour faute grave, que les attestations produites par l'employeur sont imprécises alors qu'elle verse des témoignages soulignant ses qualités professionnelles et précisant qu'elle n'a pas commis les faits reprochés, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'elle s'était fortement investie dans ses nouvelles fonctions au point de ne plus compter ses heures de travail, sacrifiant même certains week-ends pour préparer des formations pour le personnel ou encore rédigé le projet médical pour obtenir la certification future de l'établissement, qu'elle verse aux débats un tableau des heures supplémentaires effectuées alors que l'employeur, qui en a l'obligation légale, n'a jamais produit la moindre pièce justifiant de la réalité du travail accompli par la salariée et que l'ensemble de ses demandes doivent être accueillies.
La SARL LES AIRELLES conclut à ce qu'il soit constaté que les faits invoqués à l'appui du licenciement de Madame [I] [O] sont établis et justifient son licenciement pour faute grave, à ce qu'il soit constaté que les nombreux témoignages fournis par la salariée ne sont pas de nature à contredire et remettre en cause le bien fondé des motifs invoqués à l'appui de son licenciement, à ce qu'il soit constaté à titre surabondant que Madame [I] [O] n'a pas subi de préjudice, à ce qu'il soit constaté que la salariée n'apporte aucun élément sérieux de nature à étayer sa demande bien tardive d'heures supplémentaires, à ce qu'il soit constaté que Madame [I] [O] n'apporte pas la preuve que l'employeur aurait eu l'intention de dissimuler tout ou partie de son activité, en conséquence, à la confirmation du jugement déféré, au débouté de Madame [I] [O] de l'intégralité de ses demandes et à la condamnation de Madame [I] [O] au paiement d'une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que, si Madame [I] [O] produit un certain nombre d'attestations louant son « professionnalisme » ou son « dévouement » qui émanent de personnes de son entourage personnel ou professionnel et qui sont des attestations de pure complaisance, elle verse quant à elle des témoignages précis et concordants relatant les propos et l'attitude de la salariée et qui démontrent le bien fondé du licenciement pour faute grave, que Madame [I] [O] qui comptait moins d'un an d'ancienneté lorsqu'elle a été licenciée a rejoint son administration d'origine et n'a dès lors subi aucun préjudice, que Madame [I] [O] tente de justifier sa demande au titre d'heures supplémentaires par un tableau qu'elle s'est elle-même confectionné pour les besoins de la cause, que la salariée était soumis à un horaire précis prévu dans un planning général, qu'elle n'a jamais demandé à exécuter des heures supplémentaires alors que son contrat de travail précise que les heures supplémentaires ne peuvent être effectuées que sur demande expresse de la direction (article 6 du contrat) et que Madame [I] [O] ne pourra qu'être déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur le licenciement :
Attendu que la SARL LES AIRELLES produit, à l'appui des griefs visés dans la lettre de licenciement, les attestations suivantes :
-l'attestation du 11 mai 2010 de Madame [GE] [YX], orthophoniste, qui rapporte « la tenue (par [I] [O]) de propos grossiers à l'encontre de certaines professions' Un comportement discriminatoire et disqualifiant à l'égard de certains membres de l'équipe' Des attaques directes et indirectes à une tierce personne. Elle (lui) a rapporté avoir dénigré les Airelles auprès du Docteur [A], neurologue à [Localité 2], et émis des menaces de « descendre » la réputation des Airelles. À propos des enfants : l'émission de jugements de valeur à propos de la mère d'une patiente en attaquant ses tenues vestimentaires de façon insultante »,
-l'attestation du 10 mai 2010 de Monsieur [C] [R], éducateur scolaire, responsable du service éducatif, qui témoigne que « Mme [I] [O] (lui) livre régulièrement ses critiques négatives sur la hiérarchie des Airelles' disqualifie régulièrement' les orthophonistes diplômées d'État dont elle est responsable (Mlle [Y], Mlle [YX], Mlle [MJ]). (Il) constate un harcèlement moral exercé sur les personnes de Mlle [YX] et de Mlle [Y] avec intention de dévaloriser et disqualifier ces deux professionnels' Mme [O] (lui) explique qu'elle est la tête d'une « équipe de chèvres » et entreprend de (le) persuader de la soi-disant incompétence de Mlle [YX] et Mlle [Y] orthophonistes diplômées d'État. Mme [O] (lui) fait régulièrement part de ses commentaires critiques négatifs concernant le recrutement des professionnels de la rééducation pour la MECS « Les Airelles » en 2009. La MECS « Les Airelles » aurait selon elle commis ce qu'elle appelle une « erreur de casting ». Mme [O] n'a de cesse de répéter et de façon gratuite que la direction et la gérance des Airelles n'ont pas le souci des enfants et de la prise en charge thérapeutique' Elle m'explique que les conditions dans lesquelles les enfants sont installés participent d'un mode de fonctionnement qu'elle qualifie de « bling bling»' »,
-l'attestation du 11 mai 2010 de Madame [GE] [Q], psychologue, qui rapporte que « lors d'une séance, un enfant (dont le comportement et les dires morbides posaient questions à l'équipe) (lui) confie qu'[I] ([O]) dit qu'elle pend les enfants par les fenêtres s'ils ne font pas bien un exercice. Le lendemain lors d'une réunion d'équipe, (elle) essaye d'amener une réflexion' Mme [I] [O] répond alors que c'est elle qui dit aux enfants qu'elle les jette par la fenêtre et que si on ne peut même plus rigoler avec eux' Quelques jours plus tard une collègue vient (la) voir dans (son) bureau en (lui) disant qu'[I] venait de plaquer l'enfant sus-cité contre le mur en lui disant qu'elle l'accrocherait à un crochet de boucher. Lors des réunions d'équipe, systématiquement, Mme [I] [O], responsable du service, tient des propos méprisants envers les professionnels qui ne sont pas liés affectivement avec elle' »,
-l'attestation du 10 mai 2010 de Madame [U] [D], éducatrice scolaire, qui relate que « Mme [O] s'est vantée d'avoir dénigré le centre auprès d'un médecin spécialiste, le Dr [A] ([Localité 2]). Elle a promis « de se charger des Airelles » après son départ (dans le sens salir sa réputation)... Elle mime le directeur en le ridiculisant. Elle ne porte aucun respect à la gestion administrative (« gestion bling bling »). Elle a traité le gérant de « nain ». Concernant le personnel : elle dénigre le travail de ses collègues et rabaisse les personnes par des expressions méprisantes (« ma pauvre fille », « collabo ! »), attitudes déplacées (ricanements, soupirs exaspérés), réflexions désobligeantes' ceci de manière répétée (plusieurs fois par semaine) soit directement (en réunion) soit indirectement auprès d'une tierce personne. Concernant les enfants : elle se moque des défauts de langage des patients. Elle fait preuve de violence verbale : hurlements et mots vulgaires « t'as rien à foutre ici » « dégage ! » « Casse-toi » « fous le camp » alors que, avertie en réunion par la psychologue elle sait que nos jeunes patients ne comprennent pas le second degré. Elle a eu un geste menaçant envers un jeune à portée de voix : elle a mimé avec rage l'exécution de cet enfant avec un pistolet en hurlant « Pan ! Exécution » »,
-l'attestation du 10 mai 2010 de Madame [S] [Y], orthophoniste, qui témoigne que « Madame [O], enseignante spécialisée, s'est adressée en (sa) présence à deux reprises à un enfant en lui proférant des menaces alors qu'elle savait pertinemment que celui-ci ne pouvait pas comprendre le second degré. Elle lui a d'abord dit : « je vais te jeter par la fenêtre si tu te trompes pour cet exercice ». Quelques jours plus tard, plaquant ce même enfant contre un mur et le secouant, elle lui a dit : « je vais t'accrocher à un crochet de boucher ». Madame [O] (lui) a confié avoir dénigré l'institution lors d'une formation qu'elle animait à [Localité 2] en présence de plusieurs professionnels spécialisés dans les troubles des apprentissages. Madame [O], responsable du service de rééducation, s'est permise à de nombreuses reprises de dénigrer (ses) collègues orthophonistes ainsi que d'autres professionnels de l'institution, en (sa) présence. Madame [O] a, à de nombreuses reprises, dénigré en (sa) présence certains enfants de l'institution soit en imitant leurs défauts de langage oral soit en se moquant de capacités intellectuelles ou de traits de personnalité de certains enfants. Madame [O] (lui) a exprimé à plusieurs reprises que si elle avait participé au recrutement des orthophonistes elle ne (les) aurait pas embauchées : Mlle [X] [MJ], Mlle [GE] [YX] et (elle-même). Lors des réunions, Madame [O] s'est permise de nombreuses fois de se moquer de certains professionnels en leur présence et en présence de l'ensemble de l'équipe des rééducateurs » ;
Attendu qu'il convient d'observer que les témoignages produits par l'employeur, s'ils rapportent une attitude irrespectueuse de Madame [I] [O] envers certains autres salariés et envers le gérant de l'établissement, le dénigrement de l'établissement lors d'une réunion à [Localité 2] et des menaces proférées envers des enfants, sont malgré tout imprécis compte tenu qu'ils ne citent jamais de date ni le nom de l'enfant qui aurait été victime de violences verbales et physiques (« plaqué contre le mur »), ces violences graves rapportées par deux témoins, dont un témoin direct Madame [S] [Y], n'ayant pas été dénoncées par la direction de l'établissement auprès de l'autorité judiciaire en violation de ses obligations légales ;
Attendu que Madame [I] [O] verse les rapports de l'inspection académique des Alpes-Maritimes des 19 octobre 2001 et 2 juin 2006, dans lesquels est noté son « excellent travail », et de nombreuses attestations de collègues ou professionnels ayant travaillé à ses côtés (17 témoignages de : une psychomotricienne, 2 agents territoriaux spécialisés dans la classe de grande section maternelle de Mme [O] de 09.2000 à 06.2006, enseignante, un directeur d'école, une conseillère pédagogique, des orthophonistes, 3 professionnels (psychologue, neuropsychiatre et médecin coordinateur) ayant travaillé avec elle pendant 5 ans au Centre de Référence pour troubles du langage de l'Hôpital de l'Archet de [Localité 3], neuropsychologue et responsable de centre rééducatif, 2 principaux de collège, un directeur de SEGPA d'un collège, un directeur diocésain, une présidente d'une association de parents d'élèves) et qui rapportent, dans des termes très élogieux, l'attitude professionnelle de l'intéressée auprès des enfants, son dévouement, sa patience, son grand respect et sa sollicitude envers les enfants, sa « grande valeur morale, éthique et pédagogique », ses relations cordiales avec ses collègues et les parents d'élèves et l'incapacité des témoins à envisager une attitude négative de Madame [O] ou quelque violence que ce soit exercée par celle-ci sur des enfants ;
Qu'elle produit également les attestations de professionnels ayant travaillé avec elle au sein de l'établissement « Les Airelles » à [Localité 1] :
- l'attestation du 14 juin 2010 de Monsieur [J] [F], psychologue clinicien, qui témoigne ne pas s'être senti « jugé ou insulté » par Madame [I] [O] et par « des plaisanteries échangées avec Madame [O] à propos de (son) métier au travers des jeux de mots tels que « picologue » ou lorsque (ils) remettaient en cause l'utilité du métier toujours sur un ton humoristique. Les relations entre Madame [O] et les enfants ne (lui) apparaissaient pas comme inadaptées' »,
-l'attestation du 25 juin 2010 du Docteur [E] [W], pédiatre, responsable du projet médical de l'établissement, qui reconnaît à Madame [I] [O] « de grandes qualités professionnelles » et qui précise que « Madame [G] a pointé du doigt des dysfonctionnements qui existaient réellement et qui furent malheureusement trop nombreux cette année. Dans ce contexte Madame [G] avait décidé de démissionner. Ce jour, deux orthophonistes, un éducateur, le médecin psychiatre et (elle-même) ont annoncé (leur) départ. (Elle) tenait à préciser qu'en tant que responsable du projet médical de cet établissement, (elle) ignore toujours de quel enfant il s'agit et n'en a jamais été informée »,
-l'attestation du 22 juin 2010 de Madame [M] [T], enseignante stagiaire de janvier à mai 2010, qui déclare « n'avoir jamais entendu Madame [I] [O] proféré des menaces aux enfants ou aux adolescents qu'elle accompagnait au centre LES AIRELLES' (Elle a) entendu la réflexion... « Psychologue de merde, va ! ». Elle a été énoncée à la suite d'une plaisanterie lors d'une conversation conviviale en (sa) présence et celle du psychologue Monsieur [J] [F], la retirer de son contexte peut porter à confusion. La rigueur intellectuelle de Madame [I] [O], ses compétences professionnelles, son empathie, son dévouement auprès des enfants, la qualité de toutes ses interventions pédagogiques et son réel intérêt pour le monde de l'enseignement en font une personne de très haute qualité avec laquelle (elle a) le plaisir et la satisfaction de travailler »,
-l'attestation du 14 juin 2010 de Madame [GE] [P], psychologue, qui témoigne que Madame [I] [O] « a toujours adopté une attitude responsable envers les enfants. Elle est, à (son) avis, parfaitement incapable de manifestation de quelque forme de violence que ce soit envers les enfants' »,
-l'attestation du 14 juin 2010 de Madame [H] [B], psychologue, qui « certifie le professionnalisme de Madame [G] en qui (elle a) une entière confiance professionnelle... (Elle n'a) jamais eu de témoignages d'enfants pouvant remettre en cause sa bienveillance envers eux' »,
-l'attestation du 24 novembre 2010 du Docteur [K] [Z], psychiatre-psychanalyste, qui témoigne n'avoir « jamais assisté à une situation où Madame [I] [O] parlait mal ou maltraitait un enfant, ni entendu de sa part de dénigrement de l'institution » ;
Attendu qu'en l'état de l'imprécision des témoignages produits par l'employeur, contredits par des témoignages de professionnels ayant travaillé au sein de l'établissement « Les Airelles » et par d'autres témoignages soulignant les grandes qualités professionnelles de Madame [I] [O], son dévouement envers les enfants et l'absence de toute manifestation de sa part de violence psychologique ou physique envers les enfants pendant des années de collaboration, tant les griefs de dénigrement de l'établissement et d'irrespect envers les salariés et le responsable de l'établissement que le grief de menaces envers un enfant ne sont pas établis ;
Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de dire que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'il convient d'allouer à Madame [I] [O] la somme de 1715,04 € incluant les congés payés à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied et la somme de 10 357,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis incluant les congés payés, dont le calcul du montant n'est pas discuté ;
Attendu que Madame [I] [O], qui a été réintégrée dans son poste par l'Education Nationale au 1er septembre 2010, précise avoir perdu une année de droits (retraite, avancement) dans la fonction publique et invoque que son licenciement lui a porté un préjudice considérable en raison des conditions scandaleuses et injurieuses dans lesquelles la rupture est intervenue ;
Attendu qu'au vu des circonstances brutales et vexatoires ayant entouré le licenciement de Madame [I] [O] gravement mise en cause et du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail, la Cour alloue à la salariée 7000 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les heures supplémentaires :
Attendu que Madame [I] [O] soutient que, pour faire face à l'ampleur des tâches qui lui ont été confiées et rencontrer des interlocuteurs extérieurs, participer à des réunions avec la Direction, elle a dû effectuer des heures au-delà de son temps de travail, qui ne lui ont pas été payées ;
Qu'elle produit un tableau des heures de travail effectuées de septembre 2009 à mai 2010 et réclame le paiement de 214.75 heures supplémentaires pour un montant total de 3328,40 € incluant les congés payés ;
Attendu que la SARL LES AIRELLES réplique que Madame [I] [O] était soumis à un horaire précis réparti comme suit :
-lundi, mardi, jeudi et vendredi : 8h00-17h15,
-mercredi : 8h00-12h45,
que la salariée s'est toujours conformée à cet horaire au titre duquel elle n'a jamais présenté la moindre réclamation, qu'elle n'a pas rédigé le projet d'établissement contrairement à ce qu'elle allègue, ledit projet ayant été déposé plusieurs mois avant son arrivée, qu'elle n'a jamais sollicité l'autorisation d'accomplir des heures supplémentaires alors que son contrat de travail précise, à l'article 6, que les heures supplémentaires ne peuvent être effectuées que sur demande expresse de la Direction ;
Attendu que la SARL LES AIRELLES produit, outre différents documents sur l'aménagement du temps de travail au sein de l'établissement, un planning de travail mentionnant les heures de travail de chaque salarié de l'établissement, les attestations des 11 janvier 2012 et 12 mars 2012 de Madame [X] [L], secrétaire administrative, qui témoigne, d'une part, qu'en septembre 2009 elle a affiché les plannings du personnel sur le panneau d'affichage du personnel et, d'autre part, que « les salariés (lui) communiquent notamment les heures supplémentaires hebdomadaires réalisées via le tableau « Relevé hebdomadaire des heures supplémentaires ». Celles-ci sont reportées dans un tableau individuel de suivi intitulé « Feuilles d'heures travaillées ». Ces 2 documents sont signés par le salarié et la Direction' Du 3 septembre 2009 jusqu'au départ de Mme [O], elle ne (lui) a communiqué aucune heure supplémentaire » ainsi qu'un calendrier 2009/2010 mentionnant au total 5 semaines de récupération prises par Madame [O] ;
Attendu qu'au vu des éléments versés par les parties, l'existence d'heures supplémentaires accomplies par Madame [I] [O] sur demande expresse de la Direction de l'établissement n'est pas établie ;
Qu'il convient, par conséquent, de débouter la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi que de sa demande subséquente en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIÈRE PRUD'HOMALE, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [I] [O] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé,
Le réforme pour le surplus,
Dit que le licenciement de Madame [I] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamner la SARL LES AIRELLES à payer à Madame [I] [O] née [V] :
-1715,04 € bruts de rappel de salaire sur la période de mise à pied incluant les congés payés,
-10 357,10 € d'indemnité compensatrice de préavis incluant les congés payés,
-7 000 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL LES AIRELLES aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [I] [O] 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT