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13/02/2014 | FRANCE | N°12/15944

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 13 février 2014, 12/15944


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 FEVRIER 2014



N°2014/















Rôle N° 12/15944







[A] [I]





C/



SARL ALBEN



[X]

AGS - CGEA DE [Localité 3]



































Grosse délivrée le :

à :



Monsieur [A] [I]



Me Pascale DAV

ID-BODIN, avocat au barreau de NICE

Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 29 Janvier 2007, enregistré au répertoire général sous le n° 06/710.





APPELANT...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 FEVRIER 2014

N°2014/

Rôle N° 12/15944

[A] [I]

C/

SARL ALBEN

[X]

AGS - CGEA DE [Localité 3]

Grosse délivrée le :

à :

Monsieur [A] [I]

Me Pascale DAVID-BODIN, avocat au barreau de NICE

Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section C - en date du 29 Janvier 2007, enregistré au répertoire général sous le n° 06/710.

APPELANT

Monsieur [A] [I], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de M. [YR] [N] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

SARL ALBEN en redressement judiciaire, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Pascale DAVID-BODIN, avocat au barreau de NICE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Maître [X] agissant en en tant que commissaire à l'exécution du plan de la SARL ALBEN, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pascale DAVID-BODIN, avocat au barreau de NICE

AGS - CGEA DE [Localité 3], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [A] [I] a été embauché en qualité de man'uvre chauffeur Poids Lourds le 27 octobre 1986 par la SARL ALBEN.

Il exerçait en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe.

Par requête du 13 décembre 2002, Monsieur [A] [I] a demandé l'annulation d'une mise à pied disciplinaire prononcée le 2 décembre 2002 par son employeur et a sollicité le paiement d'un rappel de salaire, de primes d'ancienneté et de dommages intérêts.

Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 17 octobre 2005 en ces termes :

« Je suis employé dans votre établissement depuis le 26 octobre 1986 où j'occupe le poste de chef d'équipe.

Compte tenu des divers manquements contractuels dont vous avez fait preuve à mon égard :

-harcèlement moral (brimades, menaces, dénigrement, non paiement de primes, astreintes, frais de déplacement, sanction injustifiée )

-Conditions de travail inacceptables

-non paiement de primes et discrimination dans les augmentations de salaire

-non paiement de l'intégralité des indemnités journalières perçues par subrogation,

dont les conséquences sur mon état de santé (dépression, anxiété) m'empêchent de reprendre mon emploi, je me vois contraint de prendre acte de la rupture de man contrat de travail à vos torts exclusifs ».

Il a saisi la juridiction prud'homale de demandes supplémentaires en paiement d'indemnités de rupture et de dommages intérêts pour non respect par l'employeur de ses obligations.

Par jugement du 29 janvier 2007, le Conseil de prud'hommes de Nice a dit que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Monsieur [A] [I] s'analysait en une démission, a débouté Monsieur [A] [I] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la SARL ALBEN de ses demandes reconventionnelles, a dit qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Monsieur [A] [I] aux entiers dépens.

Monsieur [A] [I] a interjeté appel du jugement prud'homal par pli recommandé du 9 février 2007.

Par jugement du 23 octobre 2008, le tribunal de commerce de Nice a prononcé le redressement judiciaire de la SARL ALBEN. Par arrêt du 8 juillet 2010 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, un plan de redressement a été prononcé au profit de la SARL ALBEN par voie de continuation.

Monsieur [A] [I] conclut à l'infirmation du jugement prud'homal aux fins de voir juger qu'il a bien été victime de harcèlement, de voir juger que sa prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement abusif imputable à l'employeur, par conséquent, de voir condamner la SARL ALBEN ou de voir fixer sa créance sur le passif de la liquidation judiciaire de la SARL ALBEN aux sommes de :

-250,72 € au titre des heures d'astreinte et déplacement,

-35 150 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5550 € au titre de l'indemnité compensatrice de délai-congé,

-555 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

-4810 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-198,07 € au titre de la mise à pied de trois jours,

-19,80 € au titre des congés payés s'y rapportant,

-4000 € au titre de la violation du statut protecteur,

de voir condamner Maître [X] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL ALBEN au paiement des intérêts de droit, de voir condamner également Maître [X] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL ALBEN à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, y compris les 35 € de timbre fiscal et éventuels frais d'exécution, qu'il appartiendra le cas échéant au mandataire liquidateur d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société, à ce que soit ordonnée la remise des documents sociaux conformes au présent arrêt et à ce que soit déclaré l'arrêt à intervenir opposable au CGEA-AGS de [Localité 3].

Monsieur [A] [I] expose les éléments suivants :

-pendant 16 ans jusqu'en 2002, il n'a jamais fait l'objet du moindre reproche de son employeur et en 1997, l'ancien directeur lui avait donné des horaires de travail adaptés sur des chantiers situés dans le département des Alpes-Maritimes en raison des problèmes de santé de son fils atteint de cancer,

-à partir de 2002, il y a eu un changement de direction (le fils de l'ancien patron a repris l'entreprise) et les conditions de travail au sein de l'entreprise et le climat social se sont dégradés, de nombreux salariés ont été amenés à démissionner en raison des pressions exercées par l'employeur,

-dès le 4 novembre 2002 et bien que connaissant la situation familiale du salarié, l'employeur l'a convoqué pour s'expliquer sur un refus de répondre à une demande de partir finir un chantier dans le nord de la France,

-ayant reçu tardivement la convocation, il n'a pu se rendre à l'entretien mais a répondu le 26 novembre 2002 à son employeur qu'il n'avait pas refusé de répondre à la question d'accepter ou non de partir en déplacement hors du département mais qu'il attendait toujours des réponses « sur les points suivants : frais de déplacements, le temps que durerait le chantier, les primes qui s'y réfèrent, etc. », rappelant par ailleurs à son employeur qu'il était un élu du personnel et « qu'actuellement de nombreux litiges existent et perdurent au sein de l'entreprise, (son) départ, même provisoire, susciterait un malaise et dans l'intérêt général, ceci est loin d'être recommandé »,

-le 2 décembre 2002, l'employeur lui a notifié 14 jours de mise à pied disciplinaire du 9 au 23 décembre 2002,

-il a été confronté à un harcèlement continuel,

-il est toujours délégué du personnel en l'absence d'organisation par l'employeur d'élections de délégués du personnel depuis mars 2003, les résultats produits par l'employeur quant à des élections professionnelles de 2003 étant truqués,

-il a saisi le 12 février 2003 le conseil de prud'hommes de Nice aux fins de voir annuler les 14 jours de mise à pied disciplinaire ; le 6 mars 2003, l'employeur a ramené la sanction de 14 jours à 3 jours, en échange de quoi il a demandé la radiation de son affaire,

-il a à nouveau saisi le 10 juillet 2003 le conseil de prud'hommes de demandes en annulation de la mise à pied disciplinaire et en paiement de primes d'ancienneté et de dommages intérêts,

-dans un contexte de harcèlement moral, il a fait l'objet d'un malaise sur un chantier le 3 mars 2004 et a été pris en charge par le SAMU ; il a adressé le 18 mars 2004 une plainte auprès du Procureur de la république de Nice pour harcèlement ; son accident du 3 mars 2004 a été reconnu comme accident du travail le 21 juillet 2004 par la sécurité sociale, cet organisme a fixé la date de guérison au 3 octobre 2004 et il a été ensuite en arrêt de travail pour maladie jusqu'en décembre 2005,

-il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en date du 17 octobre 2005, se sentant menacé,

et il conclut que la rupture est donc imputable à l'employeur et intervenue en violation de son statut protecteur.

La SARL ALBEN et la SCP [X] [X] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement concluent à la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions, à ce qu'il soit jugé que Monsieur [A] [I] ne rapporte à aucun moment la preuve de griefs suffisamment graves de la part de la société ALBEN à son encontre, à ce qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail à l'initiative de Monsieur [A] [I] doit produire les effets d'une démission, en conséquence à ce que Monsieur [A] [I] soit débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à ce qu'il soit jugé que la rupture du contrat de travail par le salarié a été brutale, causant inévitablement un préjudice à la société ALBEN, dont elle sollicite aujourd'hui la réparation par la condamnation au paiement de la somme de 1000 € par mois, et à la condamnation de Monsieur [A] [I] au paiement de la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles font valoir que la société ALBEN, qui s'est trouvée en difficulté à la suite d'actes de concurrence déloyale particulièrement graves de son ancien directeur, a bénéficié de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 23 octobre 2008 puis d'un plan de redressement par voie de continuation, que l'activité de la société implique que ses employés puissent être mobiles dans la mesure où les chantiers dont elle a la charge sont répartis dans toute la France, ce qui n'a jamais posé de difficultés à Monsieur [A] [I] et ce, conformément aux dispositions de l'article 3 de son contrat de travail, que le comportement de Monsieur [A] [I] a brutalement changé lorsque l'ancien directeur de la société, Monsieur [GH], a annoncé en juillet 2002 qu'il quittait la société pour prendre sa retraite alors qu'il avait décidé de créer une société concurrente, en utilisant le savoir-faire acquis à la société ALBEN, en détournant les clients rencontrés dans le cadre de son activité à la société ALBEN et en débauchant les cadres, les techniciens et la secrétaire de direction de la société ALBEN, que les anciens cadres ont utilisé tous les moyens de pression possibles pour déstabiliser le personnel qui était toujours employé par la société ALBEN, que c'est dans ce contexte que Monsieur [A] [I] a refusé de répondre à son employeur qui lui demandait le 22 octobre 2002 d'assurer une fin de chantier à Saint-Dizier, qu'une mise à pied disciplinaire de 14 jours a été notifiée au salarié le 2 décembre 2002, que tout juste deux jours plus tard, soit le 4 décembre 2002, Monsieur [A] [I] a déposé un arrêt maladie jusqu'au 3 janvier 2003 prolongé jusqu'au 31 janvier 2003, que lors de l'audience de conciliation en date du 12 février 2003, Monsieur [A] [I] a accepté la conciliation suivante : la radiation de l'affaire pour un réexamen de la sanction disciplinaire prise à son encontre, que le Conseil de prud'hommes de Nice a donc pris acte de cette conciliation mettant ainsi un terme définitif au litige, que par courrier recommandé en date du 6 mars 2003, le salarié était informé que la mise à pied disciplinaire était ramenée de 14 jours à 3 jours du 17 au 19 mars 2003, que Monsieur [A] [I] a été délégué du personnel jusqu'aux élections des 28 février et 17 mars 2003, date à laquelle ont été élus Messieurs [MN] et [PO], qu'en conséquence à compter du 17 mars 2003 Monsieur [A] [I] n'était plus délégué du personnel, que Monsieur [A] [I] n'apporte la preuve d'aucune menace ou brimade dont il aurait été victime de manière répétitive que les attestations qu'il produit d'anciens salariés débauchés par une société concurrente, dans un contexte particulièrement malsain de dénigrement constant de la société ALBEN, ne sont que des attestations de pure complaisance, qu'à la date de la prise d'acte, le salarié était en arrêt maladie depuis un an et demi et ne peut avoir subi de harcèlement, brimades répétitives, puisqu'il était absent, que le salarié ne pouvant se prévaloir d'aucun grief à l'encontre de son employeur, sa prise d'acte de rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission, que le salarié doit être débouté de l'ensemble de ses demandes et doit être condamné à lui payer la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait de la rupture brutale du contrat de travail par Monsieur [A] [I].

Le CGEA, délégation régionale AGS du Sud-est, et l'AGS concluent à ce que soit constatée leur intervention forcée et la dire bien fondée, à ce qu'il soit constaté que les griefs invoqués par l'appelant à l'appui de sa prise d'acte ne sont pas fondés, en conséquence, à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte devait être analysée en une démission, au débouté de l'appelant de l'ensemble de ses demandes au titre des indemnités de rupture, à titre subsidiaire et si la Cour infirme la décision et dit que la prise d'acte doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à ce que Monsieur [A] [I] soit débouté de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, à ce qu'il soit donné acte aux concluants de ce qu'ils s'en rapportent à justice concernant l'indemnité de licenciement, vu les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, à ce que l'appelant soit débouté de sa demande d'indemnité égale à 19 mois de salaire, à ce qu'il soit jugé que l'appelant pourrait prétendre à une indemnité égale à six mois de salaire, sur les autres demandes : à ce qu'il soit donné acte aux concluants de ce qu'ils s'en rapportent aux écritures de la société ALBEN sur la demande au titre des heures d'astreinte et de déplacement et le rappel de salaire pendant la mise à pied de trois jours, au débouté de Monsieur [A] [I] de sa demande au titre de la violation du statut protecteur, à titre subsidiaire et si la Cour considère que Monsieur [I] peut prétendre à cette indemnité, à ce qu'il soit jugé que cette indemnité n'est pas directement due en exécution du contrat de travail mais résulte d'une faute de l'employeur et relève ainsi de sa responsabilité personnelle et n'entre pas dans le cadre de la garantie de l'AGS,en tout état de cause, vu le plan de redressement arrêté, à ce qu'il soit jugé que la décision à intervenir ne sera opposable à l'AGS et au CGEA qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur, à ce qu'il soit jugé que la somme réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'entre pas dans le cadre de la garantie du CGEA, à ce qu'il soit dit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittance, à ce qu'il soit jugé que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, à ce qu'il soit dit que la décision à intervenir sera opposable aux concluants dans les limites de la garantie et que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-18, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail et à ce qu'il soit statué ce que de droit en ce qui concerne les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur la communication des pièces :

Attendu que Monsieur [A] [I] produit devant la Cour, lors de l'audience du 17 décembre 2013, un organigramme (pièce 8 A) et deux rapports d'intervention des 9 octobre et 18 décembre 1998 (pièces 8 B), qui ont été rajoutées sur son bordereau de communication de pièces et non communiquées aux parties adverses ;

Qu'il convient de les écarter des débats en vertu du principe du respect du contradictoire ;

Sur le statut protecteur du salarié :

Attendu que Monsieur [A] [I], qui a été élu délégué titulaire du personnel en 2001, a été présenté sur la liste de candidatures de l'Union Locale des syndicats CGT (courrier CGT du 31.01.2003) pour les élections professionnelles organisées les 28 février et 17 mars 2003 ;

Attendu que la SARL ALBEN produit le procès-verbal des élections des délégués du personnel titulaires du deuxième tour fixé le lundi 17 mars 2003, mentionnant :

M. [I] : 8 voix

M. [MN] : 10 voix

M. [T]: 5 voix,

ainsi qu'un courrier adressé le 19 mars 2003 à l'inspection du travail mentionnant que, suite au dépouillement effectué à 11h30 en présence de Monsieur [E] [DE], représentant syndical CGT, et de Monsieur [A] [I], et après une pause d'un quart d'heure et nouveau décompte des bulletins de vote, « une différence de trois bulletins supplémentaires apparaissait pour les titulaires avantageant M. [I]. Ces bulletins (étant) clairement identifiables par leur date et tour de scrutin... » et transmettant à l'inspecteur du travail le procès-verbal des élections professionnelles cité ci-dessus ;

Attendu que Monsieur [A] [I] soutient au contraire que les élections professionnelles ont été truquées par l'employeur, qu'il a été élu et qu'il était encore salarié protégé lors de la rupture de son contrat de travail en l'absence de nouvelles élections des délégués du personnel en 2005 ;

Qu'il ne verse cependant aucun élément à l'appui de sa version et ne justifie pas que les résultats des élections professionnelles du 17 mars 2003 aient été contestés devant l'inspecteur du travail ou devant une instance judiciaire dans les délais légaux, que ce soit par lui ou par son syndicat ;

Attendu qu'à défaut de toute contestation, dans les délais légaux de recours et devant l'instance compétente, de la régularité et des résultats des élections professionnelles constatés par procès-verbal transmis à la direction du travail, il y a lieu de conclure que Monsieur [A] [I] n'était plus délégué du personnel postérieurement au 17 mars 2003 ;

Qu'il ne peut donc revendiquer le statut de salarié protégé à l'occasion de la rupture de son contrat de travail par prise d'acte du 17 octobre 2005 et qu'il convient de le débouter de sa demande d'indemnisation pour violation de son statut protecteur ;

Sur les heures d'astreinte et de déplacement :

Attendu que Monsieur [A] [I] fait valoir que, de par ses fonctions, il était amené à faire des déplacements et des astreintes et il produit un rapport de transmission à sa direction, par fax du 5 mars 2004, de ses interventions pour la période du 27/02/2004 au 03/03/2004 faisant état de 20 heures, alors qu'il n'a perçu que 9 heures d'astreinte et 9 heures de forfait déplacement en mars 2004;

Qu'il produit par ailleurs les rapports d'intervention, sur la période du 27 février au 3 mars 2004, mentionnant les noms des clients et adresses des travaux, les heures d'arrivée et de départ et le compte rendu de l'intervention, et correspondant exactement au relevé des heures transmises à la direction de la SARL ALBEN ;

Attendu que la SARL ALBEN ne discute pas les éléments transmis par le salarié et ne prétend pas avoir réglé à celui-ci d'autres sommes que celles mentionnées sur le bulletin de paie de mars 2004, à savoir 178,38 € au titre de 9 heures d'astreinte et 89,19 € au titre de 9 forfaits de déplacement astreinte ;

Attendu qu'au vu des éléments versés par le salarié, il convient de faire droit à sa réclamation et de lui allouer la somme brutale totale de 250,72 € au titre des heures d'astreinte et de déplacement, incluant les congés payés (19,82x11 h + 9,91 de forfait déplacement + 10 % de congés payés) ;

Sur la mise à pied disciplinaire :

Attendu que Monsieur [A] [I] a été convoqué le 12 novembre 2002, par courrier recommandé du 4 novembre 2002, pour s'expliquer sur les faits suivants : « je vous rappelle que vous exercez au sein de la société ALBEN les fonctions de chef d'équipe. Votre contrat de travail prévoit que vous exerciez vos fonctions sur tout le territoire français. Vous faites partie, au sein de l'entreprise, de l'équipe nationale et ce, depuis de nombreuses années. Vous avez déjà été amené à ce titre à effectuer votre travail dans de nombreuses régions pour des déplacements de quelques semaines à plusieurs mois.

Il y a une dizaine de jours, vous avez été informé que l'entreprise ALBEN devait assurer une fin de chantier à [Localité 5] dans le nord de la France. J'ai appris par vos collègues de travail que vous refusiez de vous rendre à votre travail à [Localité 5]. Je vous ai alors fixé un rendez-vous à mon bureau pour vous demander de me préciser si cette rumeur était exacte ou pas.

Je vous ai alors clairement posé la question de savoir si vous partiez ou non, question à laquelle vous avez refusé de répondre. J'ai donc été contraint, compte tenu de l'urgence et du fait que je ne peux attendre votre réponse indéfiniment au risque de porter atteinte aux intérêts de l'entreprise, de vous remplacer pour ce travail par Monsieur [C] qui exerce par ailleurs les fonctions de gardien pour lesquelles il bénéficie d'un logement de fonction à [Localité 2], pour surveiller le matériel de la société (camions, ateliers, outillages, véhicules divers, etc.).

De ce fait, le site de [Localité 1] se trouve sans surveillance.

Votre refus de répondre est donc équivalent à un refus de prendre votre poste et ce en violation avec les dispositions de votre contrat de travail. Cette faute a des conséquences graves sur le bon fonctionnement de l'entreprise » ;

Attendu que Monsieur [A] [I] a répondu, par lettre recommandée du 26 novembre 2002, que ce qui lui était reproché était « inexact, car (il) attend toujours de la part (de l'employeur sa) réponse quant à savoir des précisions sur les points suivants : frais de déplacements, le temps que durerait le chantier, les primes qui s'y réfèrent, etc. De surcroît (il) tient à (lui) rappeler (qu'il est) un élu du personnel et qu'actuellement de nombreux litiges existent et perdurent au sein de l'entreprise, (son) départ, même provisoire, susciterait un malaise et dans l'intérêt général ceci est loin d'être recommandé » ;

Attendu que la SARL ALBEN a notifié, par courrier recommandé du 2 décembre 2002, à Monsieur [A] [I] pour son refus de répondre à la question de savoir s'il partait ou non à [Localité 4] et son refus d'accepter de se rendre à [Localité 4], en violation des dispositions de son contrat de travail, une mise à pied disciplinaire de 14 jours avec retenue correspondante de salaire à effet du 9 décembre 2002 jusqu'au 22 décembre 2002 ;

Attendu que Monsieur [A] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice par requête du 13 décembre 2002 aux fins de voir prononcer l'annulation de la mise pied disciplinaire et que les parties ont été convoquées devant le bureau de conciliation le 12 février 2003 à 9 heures ;

Attendu que les parties intimées exposent que, lors de l'audience de conciliation, Monsieur [A] [I] a accepté la conciliation suivante : la radiation de l'affaire pour un réexamen de la sanction disciplinaire prise à son encontre ;

Qu'elles soutiennent que le conseil de prud'hommes de Nice a donc pris acte de cette conciliation par jugement en date du 12 juillet 2003, mettant ainsi un terme définitif au litige, étant précisé que la mise à pied disciplinaire a été limitée à 3 jours par notification de l'employeur en date du 6 mars 2003;

Mais attendu que le conseil de prud'hommes de Nice, statuant en conciliation le 12 février 2003, a pris une ordonnance de radiation en prenant « acte de la demande formulée par le conseil de la partie demanderesse » et n'a aucunement entériné une conciliation intervenue entre les parties ;

Qu'il s'ensuit que le salarié est recevable dans sa demande de réenrôlement du 10 juillet 2003 en annulation de la mise à pied disciplinaire ;

Attendu que la SARL ALBEN soutient que, ses chantiers étant répartis dans toute la France, Monsieur [A] [I] tant en qualité de man'uvre chauffeur Poids Lourd qu'en tant que chef d'équipe a été amené à effectuer son travail dans de nombreuses régions pour des déplacements de quelques semaines à plusieurs mois et ce, conformément aux dispositions de l'article 3 de son contrat de travail ;

Qu'elle ne verse cependant aucun élément à l'appui de son allégation et ne verse pas même le contrat de travail dont elle affirme que l'article 3 préciserait que « Monsieur [A] [I] exercera ses fonctions sur tout le territoire national » ;

Attendu que Monsieur [A] [I] verse le contrat de travail à durée déterminée en date du 22 octobre 1986 par lequel il a été embauché par la SARL ALBEN en qualité de man'uvre chauffeur P.L., ainsi qu'un avenant au contrat de travail en date du 14 février 2001 conclu à la suite d'un accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail ;

Qu'aucun de ces documents contractuels ne précise que le salarié exerce ses fonctions sur tout le territoire national ;

Attendu que Monsieur [A] [I] soutient que, depuis 1997 et en raison des problèmes de santé de son fils nécessitant sa présence auprès de lui lors des séances de chimiothérapie, il avait été affecté uniquement sur le département des Alpes-Maritimes ;

Qu'il produit un certificat médical du 20 décembre 2002 du Docteur [J] qui « certifie que l'enfant [I] [M] né le [Date naissance 1]/85 est suivi régulièrement dans le service d'hémato oncologie à la fondation Lenval pour lymphome B. Lors de ses contrôles il doit être accompagné de son papa, M. [I] [A] » ;

Attendu que, l'employeur ne justifiant pas que Monsieur [A] [I] était contractuellement tenu d'exercer ses fonctions sur l'ensemble du territoire national et ne produisant aucun rapport d'intervention du salarié sur un chantier extérieur au département des Alpes-Maritimes alors que les bulletins de paie ne mentionnent pas le versement d'indemnités de grand déplacement, il n'est pas établi que le refus du salarié, en octobre 2002, de partir sur un chantier situé dans le nord de la France était fautif ;

Qu'il convient, en conséquence, d'annuler la mise à pied disciplinaire de 3 jours notifiée le 6 mars 2003 et d'accorder à Monsieur [A] [I] la somme de 198,07 € de rappel de salaire correspondant aux 3 jours de mise à pied, ainsi que la somme de 19,80 € de congés payés sur rappel de salaire ;

Sur le harcèlement moral :

Attendu que Monsieur [A] [I] soutient qu'il n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche de son employeur pendant 16 ans, que le climat social s'est dégradé à partir de 2002 avec le changement de direction de l'entreprise (le fils de l'ancien patron a repris l'entreprise et changement de directeur), que de nombreux salariés ont été amenés à démissionner en raison des pressions exercées par l'employeur, que celui-ci a voulu lui imposer d'effectuer un chantier dans le nord de la France alors qu'il était affecté sur le 06 depuis plusieurs années, qu'il a été abusivement sanctionné pour son refus, qu'il a été confronté à un harcèlement continuel et que, dans ce contexte, il a fait l'objet d'un malaise sur un chantier le 3 mars 2004, reconnu comme accident du travail par la CPAM ;

Qu'il produit, outre les pièces déjà citées ci-dessus dans le cadre de l'examen de la mise à pied disciplinaire, les éléments suivants :

-un courrier du 12 juin 1998 de l'ancien directeur, Monsieur [L] [GH], dénonçant « l'incompétence » du gérant, Monsieur [G] [W] (fils de M. [H] [W]) et ses agissements d'abus de biens sociaux au profit d'une autre entreprise AAP de vente d'armes gérée également par Monsieur [G] [W],

-un compte-rendu de réunion du personnel du 10.09.2002, rédigé par les délégués du personnel, faisant état du départ à la retraite de Monsieur [L] [GH] le 31.12.2002 et de la volonté du gérant, Monsieur [G] [W], d'assurer également les fonctions de directeur,

-l'attestation du 12 mars 2004 de Monsieur [R] [V] en ces termes : « j'atteste que quand j'étais dans la société ALBEN, il y avait de gros problèmes de dirigeants qui exerçaient une telle pression sur le personnel. En ce qui me concerne j'ai travaillé avec M. [I], c'est une personne responsable et qui sait travailler, c'était mon chef d'équipe et il n'y a jamais eu un seul problème sur les chantiers et en dehors. Depuis décembre 2002, au moment du changement de direction, les problèmes ont commencé. Le gérant de la sté ALBEN est un incapable, il a fait pression sur tout le personnel en place pour les faire démissionner, 12 personnes environ ont démissionné. Il y a 2 mois, ils s'en sont pris à moi en faisant comme à M. [I]. J'en ai pleuré des nerfs ; il fallait que je quitte cette société pour mon bien et celui de mon entourage. Je devenais invivable à la maison et en dehors. À l'heure actuelle je suis chez Adecco et je cherche une place stable, j'ai quitté un CDI pour de l'intérim mais je n'en pouvais plus. Si cette attestation peut aider M. [I]. Je sais ce qu'il traverse en ce moment mais malheureusement quand ils auront fini avec lui cela sera au tour d'un autre »,

-l'attestation du 19 mars 2004 de Monsieur [B] [YV] en ces termes : « Nous sommes sur un chantier «EL PARADISIO » qui est difficile à réaliser.

-Mardi 2 mars 2004, M. [I] [A] a demandé à M. [ST], conducteur de travaux, une personne supplémentaire afin de réaliser le chantier. Cela lui a été refusé, c'est alors que Messieurs [ST] et [I] ont commencé à se disputer en présence du gardien de l'immeuble,

-Le lendemain matin, M. [ST] est revenu avec M. [GD], directeur de la société ALBEN, et M. [C] chef d'équipe ; M. [GD] a demandé à M. [I] de quitter le chantier et qu'il allait mettre M. [C] pour le remplacer en rajoutant : « -M. [C] si vous avez besoin de plus de personnel pour finir le chantier, je vous les fait venir ! ». C'est alors que M. [I] s'est mis en colère car on le lui avait refusé. Il a demandé à M. [GD] s'il se moquait de lui ! En guise de réponse : « -Quittez le chantier, on en discutera au bureau », en se mettant le droit devant la bouche pour qu'il se taise.

M. [I] est devenu rouge de colère et c'est à ce moment-là qu'il a fait un malaise et s'est évanoui, tombé au sol, il a fallu l'intervention du SAMU qui l'ont conduit aux urgences vers 11h30.

Je trouve cela regrettable car M. [I] est un bon chef d'équipe, il n'y a jamais eu un seul problème sur un chantier car il sait travailler. Je remarque que depuis quelque temps la direction harcèle le personnel et c'est pour cela que je peux témoigner tout en sachant qu'après M. [I] mon tour risque d'arriver rapidement car depuis quelque temps nous subissons une pression à tour de rôle »,

-l'attestation du 30 septembre 2005 de Monsieur [G] [JI] en ces termes : «Durant mon activité au sein de la société Alben, j'ai été témoin à plusieurs reprises des faits suivants : Monsieur [I], chef d'équipe et collègue avec qui j'ai travaillé de nombreuses années était confronté à un harcèlement continuel surtout à partir du changement de direction. La forte pression psychologique qu'il subissait m'a surpris car Monsieur [I] effectuait son travail avec compétence et conscience professionnelle. Il subissait des mesures vexatoires, discriminatoires et était contraint d'obéir à des décisions absolument arbitraires. Malgré cela, Monsieur [I] se comportait tout à fait correctement avec ses collègues. A partir d'un certain temps ces agissements injustifiés envers sa personne lui portèrent préjudice car mon collègue devint renfermé, taciturne et déprimé. Les faits atteignirent à leurs combles lors de son dernier chantier. Je n'étais pas présent lors de ces événements, mais un excellent camarade de travail qui s'y trouvait, Monsieur [Y] [C], y était et me raconta tout dans les détails. Lors de ces événements, Monsieur [SX] [GD] était directeur et Monsieur [G] [ST] conducteur de travaux. En préliminaire je vais vous expliquer en quelques mots notre manière de travailler. En général nos chantiers nécessitent la présence d'une équipe de trois personnes, chef d'équipe compris. Lors de gros chantiers très techniques et complexes le besoin d'une quatrième personne est tout à fait nécessaire. Nous avions souvent recours à ce système avec l'ancien chef des travaux, Monsieur [P] avant le changement de direction. Monsieur [I] ayant justement en charge un très gros chantier demanda à maintes reprises l'appoint d'une quatrième personne à Monsieur [ST] pour activer le travail, demande refusée avec moult engueulades et mauvais prétexte. Lors de ces demandes je fus présent : une par téléphone au bureau de Monsieur [ST] et une autre fois sur le terrain de l'entrepôt où Monsieur [I] s'était rendu en fin de journée. Chaque fois Monsieur [ST] «envoyait paître » Monsieur [I] puis une fois le dos tourné ironisait et le critiquait vertement aux collègues présents sur les lieux dont moi-même et Monsieur [C]. J'étais ulcéré car connaissant parfaitement ce travail, je m'étais rendu sur le site du chantier et avais constaté avec évidence l'utilité d'une quatrième personne. Monsieur [ST] informa le directeur de cette affaire. Ils se rendirent donc accompagnés de Monsieur [C] (chef d'équipe) sur le chantier de Monsieur [I] pour lui demander des comptes sur la « lenteur du travail » et avec l'intention préméditée d'enlever Monsieur [I] de ce chantier et de le remplacer par Monsieur [C]. Monsieur [GD] apostropha Monsieur [I], ne voulut écouter aucune explication, le traita d'incapable et lui tint des propos méprisants devant ses collègues ainsi que devant des habitants de l'immeuble Monsieur [I] déjà affaibli par une extrême tension nerveuse et pour cause fut pris d'un malaise et dut être hospitalisé. Ensuite, lors de la prise de fonctions du nouveau chef d'équipe Monsieur [C], celui-ci fut assuré de la confiance et du soutien de ses supérieurs hiérarchiques et, comble de l'ironie, se vit proposer l'alternative auparavant tant de fois refusée à Monsieur [I] pour d'obscures raisons, du choix d'un quatrième ouvrier dès que le besoin s'en fera sentir. Choix qui s'imposa évidemment dès le lendemain et fut satisfait »,

-la décision de radiation du 25 janvier 2005 du conseil de prud'hommes de Nice faisant suite à la saisine du 10 juillet 2003 de Monsieur [A] [I], qui indique sans être contredit que cette décision a été affichée par l'employeur au sein de l'entreprise avec l'annotation manuscrite suivante : «il se disait le plus coriace il se disait le deuxième Patron il prétendait me faire sa loi il promettait que son syndicat me casserait »,

-un courrier de plainte pour harcèlement moral adressé le 18 mars 2004 au Procureur de la République de Nice, avec avis de classement sans suite en date du 25 novembre 2005,

-la décision de la CPAM du 21 juillet 2004 de notification de prise en charge de l'accident du 3 mars 2004 au titre de la législation relative aux risques professionnels après refus, avec déclaration du salarié précisant avoir travaillé le 3 mars 2004 « environ 3 heures dans un regard d'égout dans les garages de l'immeuble + altercation verbale avec le directeur et le conducteur de travaux »,

-des prescriptions médicales des 3 et 12 mars 2004,

-une expertise médicale du Docteur [DF] en date du 30 mars 2005 qui confirme la date de consolidation du 3 octobre 2004 et la prolongation de l'arrêt de travail au titre de la maladie jusqu'au 7 mars 2005,

-la première page du courrier du Docteur [PK] adressé le 9 mars 2005 à Maître [Q], faisant mention de l'état anxio-dépresif de Monsieur [A] [I] justifiant l'arrêt de travail pour maladie et précisant qu' « il existe des menaces de mort, d'harcèlement... de la part de l'employeur... »,

-des certificats médicaux faisant mention d'un état anxieux et de « douleurs abdominales en rapport avec un état anxieux » (certificat du Dr [K] du 27.12.2004) et poursuite de « troubles psychiatriques qui perturbent énormément ses possibilités de reprise du travail et qui sont en rapport avec les circonstances de son accident du travail » (certificat du Dr [S], médecin généraliste, du 06.10.2005, certificat du Dr [Z], psychiatre, du 25.11.2005),

-un courrier du 21 juin 2004 du service locatif de LOGIAM adressé à Monsieur [A] [I] pour lui annoncer que sa demande de logement était annulée en l'absence de retour par l'employeur de l'imprimé permettant d'actualiser son dossier ;

Attendu qu'il résulte des éléments versés par le salarié que le climat social s'est dégradé au sein de l'entreprise particulièrement après le départ de l'ancien directeur, Monsieur [L] [GH], fin décembre 2002, que des pressions ont été exercées par la nouvelle direction à tour de rôle sur les salariés, les conduisant à démissionner, que Monsieur [A] [I] a subi « des mesures vexatoires, discriminatoires » et des pressions psychologiques, qu'il a été abusivement sanctionné le 6 mars 2003 par une mise à pied disciplinaires, que son employeur a négligé de remplir le formulaire destiné au service locatif de LOGIAM qu'il s'est vu refuser sur son dernier chantier l'aide d'une quatrième personne qui a pourtant été immédiatement accordée à son remplaçant, qu'il a été renvoyé de ce dernier chantier par ses supérieurs hiérarchiques et qualifié d'incapable devant ses collègues, que le chef de travaux Monsieur [ST] le critiquait « vertement » auprès de ses collègues, que son action devant le conseil de prud'hommes a été traitée en dérision par son employeur par l'affichage de l'ordonnance de radiation du 25 janvier 2005 annotée, et que l'état de santé du salarié s'est dégradé jusqu'à l'accident survenu le 3 mars 2004, reconnu au titre d'un accident du travail, suivi d'un arrêt maladie pour un état anxieux ;

Attendu qu'au vu de ces éléments versés par le salarié et qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à la SARL ALBEN de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que la SARL ALBEN fait valoir que Monsieur [A] [I], qui était en arrêt de travail depuis un an et demi lors de sa prise d'acte, ne peut prétendre avoir été victime de harcèlement alors qu'il était absent de l'entreprise et qu'il ne s'était jamais plaint auparavant de « menace » ou « brimade », qu'à partir du 3 octobre 2004, l'arrêt maladie dont le salarié a bénéficié ne concernait plus l'accident du travail, de sorte qu'il n'était aucunement lié à son travail mais à son état de santé personnel, que les témoignages produits par le salarié proviennent d'anciens employés de la société ALBEN qui ont été débauchés par une société concurrente, la société ALPHASONIC, dans un contexte particulièrement malsain de dénigrement constant de la société ALBEN et d'actes de concurrence déloyale particulièrement graves de son ancien directeur, que les attestations des anciens employés ne sont donc que des attestations de pure complaisance, cherchant à jeter le discrédit sur la société ALBEN et que le malaise du salarié le 3 mars 2004 est un incident isolé qui n'a rien à voir avec le harcèlement ;

Qu'elle cite une ordonnance de référé du tribunal de commerce du 14 septembre 2004 dont elle affirme qu'elle ordonne à la société ALPHASONIC et ses gérants successifs, Messieurs [GH] et [P], de cesser leurs agissements en concurrence déloyale, sans cependant la verser aux débats ;

Qu'elle produit des jugements du conseil de prud'hommes de Nice en date du 28 octobre 2004 concernant des salariés qui ont été déboutés de leur demande de requalification de leurs démissions intervenues entre mai et août 2003 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui ont été condamnés au paiement de dommages-intérêts pour manquement à leur obligation de loyauté envers leur ancien employeur, la SARL ALBEN, du fait qu'ils ont participé à la création de la société concurrente ALPHASONIC, outre un jugement du 15 mai 2006 concernant Monsieur [U] licencié pour faute et qui a été débouté de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Mais attendu que les jugements versés par l'employeur concernent Madame [O] et Messieurs [D], [F] et [P] et ne concernent pas Messieurs [V], [YV] et [JI] ayant témoigné en faveur de Monsieur [A] [I] et dont il n'est pas démontré qu'ils ont rejoint la société ALPHASONIC ;

Que les témoignages de Messieurs [V], [YV] et [JI] qui sont concordants et sont corroborés par les autres éléments versés par le salarié sont donc parfaitement crédibles ;

Attendu qu'il résulte, par conséquent, des éléments versés par le salarié non utilement contredits par l'employeur que Monsieur [A] [I] a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral (pressions, mesures vexatoires, mise à pied disciplinaire du 6 mars 2003 abusive, refus de remplir un formulaire destiné au service locatif de LOGIAM, refus d'une aide qui a été accordée à son remplaçant, dénigrement de ses capacités devant ses collègues, mépris affiché par la hiérarchie), qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ;

Sur la rupture du contrat de travail :

Attendu qu'au vu du harcèlement moral subi par le salarié, la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Monsieur [A] [I] est justifiée par les manquements graves de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, d'accorder à Monsieur [A] [I], sur la base du salaire moyen mensuel brut de 1850 € calculé sur les trois derniers mois de travail, la somme brute de 5550 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 4810 € à titre d'indemnité légale de licenciement, indemnités dont le calcul des montants n'est pas discuté, ainsi que la somme de 555 € au titre des congés payés sur préavis ;

Attendu que Monsieur [A] [I] produit l'avis du 22 mars 2007 de la CAF lui annonçant le renouvellement de son droit au RMI jusqu'en juin 2007, le courrier de la CAF mentionnant un montant des prestations familiales et sociales de 1147,35 € pour le mois de mars 2007, un courrier du 19 mars 2007 du Conseil Général des Alpes-Maritimes concernant son contrat d'insertion d'une durée de trois mois, des bulletins de salaire de janvier à juin 2006 d'Adecco, des relevés de l'ASSEDIC de juillet à décembre 2006 (607,29 € d'indemnités versées en décembre 2006), un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 22 décembre 2006 avec la société INNOCENTINI qui l'a employé en qualité de chauffeur manutentionnaire avec une rémunération mensuelle brute de 1358,84 € ;

Qu'en considération des éléments fournis, de l'ancienneté du salarié de 18 ans dans l'entreprise et du montant de son salaire, la Cour alloue à Monsieur [A] [I] la somme de 26 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la remise des documents sociaux :

Attendu qu'il convient d'ordonner la remise par la SARL ALBEN d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIÈRE PRUD'HOMALE, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,

Reçoit les appels en la forme,

Infirme le jugement,

Prononce l'annulation de la mise à pied disciplinaire de trois jours notifiée le 6 mars 2003,

Dit que Monsieur [A] [I] a été victime de harcèlement moral,

Condamne la SARL ALBEN à payer à Monsieur [A] [I] :

-250,72 € bruts au titre des heures d'astreinte et de déplacement,

-198,07 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied de trois jours,

-19,80 € de congés payés sur rappel de salaire,

- 5550 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

-555 € bruts de congés payés sur préavis,

-4810 € d'indemnité légale de licenciement,

-26 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne la remise par la SARL ALBEN d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la SARL ALBEN aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [A] [I] 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare le présent arrêt opposable à la SCP [X] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL ALBEN et à l'AGS,

Rejette toute autre prétention.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/15944
Date de la décision : 13/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°12/15944 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-13;12.15944 ?
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