COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 13 FEVRIER 2014
N°2014/93
Rôle N° 12/00903
[Y] [K]
C/
Société BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR (BPCA)
Grosse délivrée
le :
à :[S]
BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Décembre 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/04453.
APPELANT
Monsieur [Y] [K]
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (TUNISIE), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR (BPCA) prise en la personne de son Directeur Général en exercice.
dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Janvier 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Président suppléant Rapporteur,
et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller- Rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Février 2014.
Rédigé par Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [K] exerce la profession d'agent commercial dans le textile .
Il est titulaire de deux comptes ouverts dans les livres de la BPCA :
' un compte courant professionnel n° 30021018634 selon convention du 8 novembre 1996
' un compte courant personnel n° 30019018 341 selon convention du 3 septembre 1997
Il a, en outre, souscrit deux prêts auprès de cet établissement bancaire :
' par acte SSPdu 30 septembre 2005 , un prêt de 67 000 € au taux indexé EURIBOR 1 mois majoré de 2 % de 4,122 % au moment de la souscription, remboursable en 60 mensualités destiné à l'acquisition d'un véhicule automobile
'par acte SSP du 30 juin 2007, un prêt de 40 000 € d'une durée de 84 mois au taux de 5 % remboursable en 84 mensualités de 565,36 € .
En raison d'incidents de paiement, la banque a mis fin à tous ses concours :
' le 19 mai 2008 en prononçant la clôture du compte courant professionnel du 8/11/1996 affichant un solde débiteur de 21 957,01 € ainsi que du compte courant personnel souscrit le 3 septembre 1997
' par LRAR de mise en demeure du 22 mai 2009 s'agissant du prêt de 40 000 € du 30 juin 2007 dont les échéances impayées s'élevaient à 6 784,12 € (30 mai 2008 au 30 avril 2009)
' par LRAR de mise en demeure du 1er juillet 2008 et du 28 octobre 2008 s'agissant du prêt de 67 000 € du 30 juin 2007.
Par acte 20 juillet 2009, la BPCA a fait assigner M. [K] en paiement des sommes dues au titre des deux prêts après déchéance du terme ainsi qu'au titre du solde débiteur du compte professionnel s'établissant à 21 957,01 € outre intérêts , celui-ci opposant la faute de la banque dans l'octroi des prêts , la rupture abusive de ses concours et la clôture irrégulière de ses comptes
Par jugement du 8 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Grasse a :
' condamné M. [K] à payer à la BPCA la somme de 40 353,73 € avec intérêts au taux contractuel de 5 % l'an à compter du 23 mai 2009 calculés sur la somme de 37 618,44 € et au taux légal pour le surplus au titre du contrat de prêt de 40 000 €
' condamné M. [K] à payer à la BPCA la somme de 45 573,61 € avec intérêts au taux contractuel majoré de trois points soit au taux de 7,376 % l'an à compter du 23 mai 2009 calculés sur la somme de 40 642,61 € jusqu'au règlement au titre du contrat de prêt de
67 000 €
' débouté M. [K] de sa demande en dommages-intérêts du chef du manquement par la banque à son obligation de mise en garde, du chef de son manquement à son devoir d'information sur la portée de ses engagements , du chef de la clôture abusive de son autorisation de découvert , du chef de la clôture irrégulière de son compte numéro 30021018634 et du chef de son inscription abusive au fichier central des chèques
' condamné la BPCA à payer à M. [K] la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la clôture abusive de son compte personnel numéro 30019018 341
' débouté M. [K] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
' condamné M. [K] à payer à la BPCA une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
' condamné M. [K] aux dépens.
Le 17 janvier 2012, M. [K] a interjeté appel de cette décision.
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Vu les conclusions déposées et notifiées le 17 avril 2012 par M. [K] qui soutient l'infirmation du jugement et la condamnation de la BPCA à lui payer la somme de 110 000 € à titre de dommages-intérêts , celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
À l'appui de ses prétentions, M. [K] fait valoir :
' que la banque ne l'a pas mis en garde ni ne l'a éclairé sur la portée des engagements qu'il a souscrits, manquant ainsi à ses obligations alors qu'il ne se présente pas comme une personne avertie en matière financière
' que la banque a résilié abusivement le crédit qu'elle lui consentait habituellement bien au-delà de l'autorisation de découvert admise et l'a inscrit au fichier des incidents de paiement pour un usage prétendument abusif et non démontré de sa carte bancaire
' que la banque a procédé à la clôture abusive de ses comptes bancaires sans mettre en oeuvre la procédure de résiliation contractuelle et respecter les délais de préavis applicables
' que son préjudice s'entend de l'impossibilité de trouver une autre source de financement à raison de son fichage à la Banque de France et celui de devoir supporter d'importants frais et intérêts
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Vu les conclusions déposées et notifiées le 15 juin 2012 par la BPCA qui soutient la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a considéré que la clôture du compte personnel de M. [K] était fautive , sollicitant sa condamnation aux entiers dépens et en paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses prétentions, la BPCA fait valoir :
' la qualité d'emprunteur averti de M. [K] la dispensant de toute obligation de mise en garde le concernant, ce dernier exerçant son activité d'agent commercial à titre indépendant depuis plusieurs années
' le caractère proportionné de l'endettement de M.[K] avec les obligations qu'il a contractées , respectées pendant plusieurs années
' la dénonciation régulière après préavis de 60 jours des concours qui lui ont été accordés en raison du dépassement de l'autorisation de découvert dont il bénéficiait
' l'inscription tout aussi régulière au fichier des incidents de paiement faute de régularisation
' la dénonciation et la clôture régulières des conventions de compte .
Sur quoi
1° M. [K] exerce son activité d'agent commercial à titre indépendant depuis 1996 . Il dispose, pour ce faire, d'un compte professionnel ouvert dans les livres de la BANQUE-POPULAIRE CÔTE D'AZUR.
M. [K], fort d'une expérience de 10 ans dans le métier , était en mesure de pouvoir évaluer la situation de son entreprise et de promouvoir son développement en décidant des concours bancaires nécessaires à ses projets tout en les adaptant à sa capacité à y faire face.
Au demeurant, les concours dont il s'agit , soit deux prêts bancaires et deux ouvertures de crédit , sont dénués de complexité et représentent les moyens de financement communs à toutes opérations commerciales, accessibles, comme tels , à n'importe quel agent économique comme l'était M. [K]. Celui-ci, par son expérience et au regard des caractéristiques des opérations financières concernées; se présentait comme un emprunteur averti vis-à-vis duquel la banque n'était tenue à aucun devoir de mise en garde, sa compétence propre étant suffisante à lui permettre de mesurer le risque sans qu'il puisse rechercher la responsabilité de la banque qui ne pouvait être engagée qu'autant que celle-ci ait eu sur sa situation des informations que lui-même ignorait , ce qui n'est pas allégué.
Dans ces conditions, M. [K], sera débouté de ses demandes indemnitaires tirées du manquement par la banque à un devoir de mise en garde et à un devoir d'information inexistants le concernant.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2° Aux termes de l'article L313-12 du code monétaire et financier :
Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise .
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement
M. [K] disposait d'une autorisation de découvert à durée indéterminée de 25 000 € portée à 50 000 € pour la période du 6 décembre 2006 au 15 décembre 2006 .
M. [K] reproche à la BPCA d'avoir rompu abusivement son crédit qui fonctionnait au-delà des limites admises.
Cependant, quel que soit le découvert qu'aurait admis tacitement l' établissement bancaire, il reste que celui-ci a respecté le délai de préavis légal de 60 jours pour dénoncer son concours en adressant courrier en ce sens le 6 mars 2008 à M. [K] , celui-ci n'ayant pas régularisé la situation débitrice de son compte avant l'écoulement du délai imparti expirant le 6 mai 2008 .
Sa demande au titre de la rupture abusive du crédit n'est par conséquent pas fondée.
M. [K] ne caractérise pas plus l'abus de droit qu'aurait pratiqué l'établissement bancaire qui s'est conformé aux dispositions légales et contractuelles en dénonçant son concours alors que la position anormalement débitrice du compte commandait le retour à l'équilibre et à une situation assainie, sa responsabilité pouvant au surplus être recherchée dans le cas contraire.
L'utilisation par M. [K] de la carte bleue adossée à ce compte au-delà du découvert est avérée pour des paiements de 1280 € qu'il a été vainement invité à régulariser selon courrier du 13 mars 2008 , son inscription au fichier des incidents de paiement le 19 mai 2008 n'étant que la suite logique de sa carence à s'exécuter.
Le grief tiré de son inscription abusive au fichier central des chèques de la banque de France n'est ainsi pas rapporté.
3° M. [K] fait grief à la banque d'avoir clôturé ses comptes bancaires personnel et professionnel sans mettre en oeuvre la procédure de résiliation contractuelle.
À cet égard, les dispositions contractuelles applicables à ces deux comptes prévoient que la résiliation peut intervenir après dénonciation effectuée à l'initiative de la banque sous préavis de 30 jours ou de plein droit et sans préavis en cas de comportement gravement répréhensible ou de situation irrémédiablement compromise du client .
S'agissant du compte professionnel, la banque a adressé à ce dernier un courrier recommandé avec accusé de réception du 6 mars 2008 l'informant de son intention de mettre fin à l'expiration d'un délai de 60 jours, à l'autorisation de découvert qu'elle lui avait consenti en exigeant de sa part le remboursement du solde débiteur .
Le défaut de régularisation par M. [K] du découvert qui atteignait la somme 21 957,01 € quand le compte a été clôturé , le 27 mai 2008, plus de deux mois après cet avertissement peut s'analyser en un comportement gravement répréhensible de sa part exonérant la banque du respect du délai de préavis de 30 jours ordinairement applicable .
S'agissant du compte courant, sa clôture est intervenue au mépris des dispositions contractuelles alors que ce compte fonctionnait sans incident signalé et alors que M [K] l'utilisait pour qu'y soient déposées ses rentrées d'argent et pour effectuer ses paiements notamment le remboursement d'un prêt. Sa clôture subite , non précédée de préavis , lui a nécessairement causé préjudice en l'empêchant de percevoir les sommes qui lui revenaient et en le plaçant dans l'impossibilité de satisfaire ses obligations. Ce préjudice temporaire sera justement évalué à la somme de 1000 €.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions sous cette seule réserve et, succombant, l'appelant sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700, supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à la BANQUE POPULAIRE CÔTE D'AZUR la somme de 1500 € pour l'avoir contrainte à exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La cour, publiquement et contradictoirement :
' confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à réduire à 1000 € le montant de la condamnation prononcée contre la BANQUE POPULAIRE CÔTE D'AZUR au profit de M. [K] du chef de la clôture abusive de son compte courant personnel et, y ajoutant :
' déboute M. [K] de ses demandes
' condamne M. [K] à payer à la BANQUE-POPULAIRE CÔTE D'AZUR la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
' condamne M. [K] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la selarl Boulan Cherfils Imperatore, avocats
Le GreffierLe Président