COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 16 JANVIER 2014
N°2014/
Rôle N° 11/08673
Société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE
C/
[Q] [I]
UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT 13
Grosse délivrée le :
à :
Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 08 Avril 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/158.
APPELANTE
Société ARCELOR MITTAL MEDITERRANEE, prise en son établissement de [Localité 1], site de [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son établissement de [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [Q] [I], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT 13, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre,et Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller
chargés d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller
Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2013, prorogé successivement au 12 Décembre 2013, 19 Décembre 2013 puis au 16 Janvier 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[Q] [I] né le [Date naissance 1] 1944, bénéficiant d'un brevet dit BEI niveau IV de l'éducation nationale a été engagé en juillet 1973 par la société Solmer usine de [Localité 1] en qualité de préparateur de travaux 2ème échelon coefficient 220.
Son contrat de travail a été transféré successivement à la société Sollac Méditerranée puis à la société Arcelor Mittal devenue depuis la SAS Arcelor Mittal Méditerranée.
Il a bénéficié d'une cessation anticipée du travail en 2002, pour quitter l'usine le 31 mars 2004 définitivement dans le cadre d'un départ en retraite, étant précisé qu' au moment de son départ, il était tehcnicien de fabrication coefficient 305.
Prétendant avoir été victime d'une discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière, [Q] [I] a le 4 juin 2008, saisi le conseil de prud'hommes de Martigues pour obtenir des dommages et intérêts à l'endroit de la société Arcelor Mittal usine de Fos, étant précisé que l'union territoriale des retraités CFDT 13 (dite UTR CFDT 13 )est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 8 avril 2011, après radiation et réinscription au rôle, la juridiction prud'homale en formation de départage, a:
*déclaré l'action de [Q] [I] recevable,
*dit que [Q] [I] a été victime d'une discrimination syndicale au sein de la SAS Arcelor Mittal,
*condamné la SAS Arcelor Mittal à payer à [Q] [I] 116'305,80 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier, causé par la discrimination syndicale d'une durée de 14 années,
*constaté qu'il a été statué sur l'intervention volontaire de l'UTR CFDT 13, dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 10-159 à laquelle il convient de se référer, ( selon les motifs, instance concernant [F] [D] mais pour laquelle il a été statué globalement pour les deux salariés),
*condamné la SAS Arcelor Mittal à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 1000 € à [Q] [I],
*débouté la SAS Arcelor Mittal de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
*condamné la SAS Arcelor Mittal aux dépens.
La SAS Arcelor Mittal Méditerranée a le 10 mai 2011interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées à l'audience, la SAS Arcelor Mittal Méditerranée prise en son établissement de [Localité 1] demande à la cour:
*au principal, vu l'absence de lien de causalité entre l'évolution de carrière de [Q] [I] et l'exercice d'une activité syndicale à compter de 1982, puis d'un seul mandat de délégué du personnel à compter de 1985, dire sa demande infondée au titre d'une discrimination syndicale,
*subsidiairement, dire que [Q] [I] n' a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale et le débouter de l'intégralité de ses demandes,
*plus subsidiairement, vu le panel qu'elle produit en application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, de la méthode de triangulation retenue habituellement par la jurisprudence en matière d'évaluation du préjudice matériel, vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 24 novembre 2011, dire que [Q] [I] n'a subi aucun préjudice dans son évolution de carrière, dire infondées les demandes indemnitaires formulées par la CFDT,
*sur la demande nouvelle en appel, vu son absence d'inscription sur une quelconque liste, vu l'absence d'exposition prouvée en son sein, vu son absence de comportement fautif, débouter l'intimé de toutes ses prétentions liées à la réparation d'un préjudice d'anxiété et relatives à la réparations d'un préjudice lié à un bouleversement de ses conditions d'existence,
*condamner [Q] [I] à lui payer 2500 € à titre de frais irrépétibles et à prendre en charge les entiers dépens.
Elle tient à préciser qu'en 2008, elle a été attraite par 37 salariés devant la juridiction prud'homale, procédure ne résultant pas d'une prise de conscience collective d'une discrimination liée à une évolution de carrière, mais en réalité d'une volonté des ces salariés de maintenir le droit d'agir avant que la loi sur la réforme de la prescription civile ne soit promulgée, que les situations de ces salariés étaient diverses, le cas de [Q] [I] relevant de la situation de ceux qui présentaient des éléments dont le contenu et/ ou l' interprétation étaient contestées.
Elle critique la motivation des premiers juges relevant sa lourde condamnation qui s'analyse en un quasi jugement par défaut ayant été en première instance dans l'impossibilité matérielle de pouvoir assurer sa défense compte tenu du calendrier procédural et de pouvoir se mettre en état eu égard aux difficultés qu'elle a rencontrées compte tenu de la prescription applicable ( 30 ans) et de la charge de la preuve ce qui a entraîné un travail titanesque pour le service les relations humaines pendant prés de 5 ans et vu les 37 actions auxquelles elle a du faire face.
Elle soutient qu'en cause d'appel, elle apporte à présent des éléments objectifs et comparatifs permettant de réformer le jugement, éléments parmi lesquels il conviendrait de tenir compte dans l'examen de l'évolution de carrière des sanctions dont a pu faire l'objet le salarié.
Elle s'insurge sur les allégations adverses quant à une prétendue vocation voire une culture de la discrimination syndicale alors qu'elle n'existe que depuis 8 ans et qu'antérieurement il s'agissait des sociétés Solmer et Sollac, quant aux assistants d'atelier qui auraient été le bras armé de la direction, sur la production de tracts politiques ou d'articles de presse sortis de leur contexte, ou sur la production d'attestations de pure complaisance et relevant du copinage (soit concernant d'autres salariés, soit imprécises, soit établis par des salariés ayant eux même introduit des actions judiciaires en discrimination syndicale).
Elle rappelle que l'inspection du travail qui est intervenue à plusieurs reprises n'a jamais établi de procès verbal d'infraction, que La Halde bien qu'elle ait été saisie par certains salariés n'a jamais ouvert une enquête.
Elle fait valoir sur l'évolution de carrière:
- qu'il n'y a aucun lien de causalité entre une prétendue discrimination et l'évolution de carrière, relevant que le document du 26 juin 1982 sur lequel se sont basés les premiers juges, n'était pas produit en première instance, ne figurant pas sur le bordereau, que la seule participation éventuelle à la grève qui est l'exercice individuel d'un droit ne saurait équivaloir à démontrer une activité syndicale,
-qu'il n'y a aucun caractère linéaire de l'évolution d'une carrière, que le salarié entré le 16 juillet 1973 au coefficient 220 a bénéficié de changements de coefficient alors même qu'il a été délégué du personnel uniquement en 1985, a évolué sur 4 coefficients sur toute sa carrière soit un changement tous les 7,5 ans ce qui n'est pas une situation anormale,
-qu'elle a respecté le dispositif conventionnel en ce qui concerne le parcours minimum de carrière, [Q] [I] ayant eu une évolution de carrière bien supérieure au minima conventionnel.
-qu'il a également bénéficié d'augmentations de salaire individuelles en sus de celles générales et a eu une rémunération supérieure à la rémunération moyenne de son coefficient, que le coefficient 305 est un coefficient très élevé dans un parcours de carrière ce qui suppose des disponibilités en termes de postes mais aussi que le salarié postule pour d'autre postes et accepte une mobilité au niveau groupe ce qui n'a pas été le cas.
-que l'intimé n'apporte aucun élément probant laissant penser à l'existence d'un ralentissement de carrière en raison de ses fonctions syndicales,
-que n'est pas pertinente la référence aux documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire (dite NAO)lequels ne tiennent pas compte de l'emploi occupé par les salariés, de leur ancienneté et de leur coefficient à l'embauche et de leur diplôme.
Elle critique les panels de comparaison y compris les derniers produits par le salarié qu'elle estime dépourvus de valeur probante et devoir être écartés des débats comme ne répondant pas aux exigences de la méthode comparative habituellement retenue par la Cour de cassation.
Elle considère qu'il n'y a pas eu contrairement à ce que prétend l'intimé violation du dispositif conventionnel et invoque l'absence de discrimination sur les différents accords cités par l'intimé.
Elle soulève sur la demande nouvelle liée à l'exposition à l'amiante formalisée par conclusions adressées le 26 juillet 2013.:
- d'une part la prescription en application de l'article L 1471-1 du code du travail, le point de départ de la prescription se situant au dernier jour de la relation contractuelle( soit en 2004),
-d'autre par le fait que l'arrêt du 11 mai 2010 de la Cour de cassation qui a reconnu l'existence d'un préjudice d'anxiété au bénéfice de salariés ayant été exposés à l'amiante au cours de leur carrière n'est pas transposable à la situation de [Q] [I], qu'elle n'a jamais été inscrite sur une quelconque liste et ce dernier n'a jamais bénéficié de l'ACAATA et n'a jamais démissionné , que sur le fondement de l'article 1147 du code civil, le salarié ne rapporte pas la preuve des éléments constitutifs de la faute contractuelle de l'employeur, du dommage résultant de cette faute et du lien de causalité certain entre les deux.
Aux termes de leurs écritures communes dites en réponse, [Q] [I] et l'UTR CFDT 13, intervenante volontaire concluent au visa des articles L2141-5, L2141-8, L1134, L1222-1 du code du travail:
* à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé que [Q] [I] a été victime de discrimination syndicale dans le déroulement de sa carrière,
*à son infirmation sur le quantum et à la condamnation de la SAS appelante à payer les sommes suivantes:
-à [Q] [I] :
-161 183,75 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,
- 3000 € en réparation du préjudice moral,
-10'000 € en réparation de son préjudice d'anxiété lié à l'exposition à l'amiante et aux CMR ,
-15 000 € en réparation du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence,
-3000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-à l'UTR CFDT 13:
-40 000 € à titre de dommages et intérêts, l'intervention du dit syndicat étant recevable et bien fondé,
-1000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
*à la condamnation de la société appelante aux entiers dépens dont les frais éventuels d'exécution.
L'intimé invoque s'agissant du point de départ de la discrimination au principal critiquant le jugement déféré la date de 1979 au motif qu'il a participé aux premières grèves de 1979 pour lesquelles des retenues de salaire ont été opérées et relevant qu'il n'a connu que trois changements de coefficient en 30 ans ce qui dépasse la moyenne de l'entreprise et déclare communiquer à nouveau la lettre de la CFDT datée du 26 juin 1982 envoyée à l'employeur, l'inscrivant comme présumé victime d'une discrimination syndicale
L'intimé soutient:
-qu'il a été bloqué au coefficient 270 9 ans et au coefficient 305 14 ans, qu'il n'a bénéficié que de 3 changements de coefficients en 30 ans, celui 270 attribué ne pouvant être retenu que l'absence de changement de coefficient durant cette période, explique que sa rémunération ait dépassé la rémunération moyenne de son coefficient,
-sur les panels de comparaison que l'employeur exclut de son panel un certain nombre de salariés remplissant pourtant la totalité des critères ou en mentionne qui ne les remplissent pas,qu'il est le seul placé au plus bas coefficient de l'ensemble des comparants du panel qu'il produit, qu'il aurait pu prétendre atteindre au moins le coefficient 365,
-qu'il y a eu violation du dispositif conventionnel, qu'il n'a eu aucun entretien individuel ni professionnel en 1999, 2000 et 2001, que l'employeur n'a pas apporté de réponse à la lettre du 23 juin 1982, que l'accord du 6 février 1990, ne lui était plus applicable, n'étant plus depuis 1987 représentant du personnel, qu'il entrait parfaitement dans les critères concernant le protocole d'accord intitulé 'Evolution niveau V passage cadre' du 9 juillet 1990, qu'il n'a eu aucune proposition d'évolution ni de parcours de carrière, ni de suivi de carrière en tant que représentant du personnel.
Il fait référence pour le calcul de son préjudice à la méthode de triangulation et prend pour base la rémunération annuelle en moyenne mensuelle dite RAMM utilisées pour les négociations annuelles avec les organisations syndicales.
Il fait valoir sur la demande nouvelle que la responsabilité contractuelle de la SAS Arcelor Mittal Méditerranée est engagée, qu'il ne saurait être retenu que cette dernière n'aurait pu prendre conscience du risque lié à l'amiante qu'à partir de 1978, et prendre les premières mesures de précaution et de protection de son personnel qu'à partir de 1992 sans retenir une faute de sa part, que les mesures prises ont été tardives et insuffisantes.
Il ajoute que la quasi majorité des salariés d'Arcelor Mittal ont été exposé à des agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour le reproduction (CMR), que la problématique de cette exposition était connue de Solmer depuis 1978.
Il argue:
- qu'il a travaillé à compter du mois de juillet 1973 en qualité de préparateur de travaux aux sabbing et train à chaud, qu'à partir de février 1984, il a été muté comme technicien sur les machines à fours à la cokerie, qu'il a travaillé en entretien puis en exploitation sur les enfourneuses à charbon et les défourneuses à coke de février 1984 à octobre 2003, qu'il a été exposé durant toute sa carrière à la cokerie aux poussières de charbon, de coke, exposé aux gaz et fumée de distillation, qu'une attestation d'exposition au CMR lui a été délivré le 12 octobre 2012,
-qu'en tant que préparateur des fours à coke, il assurait le contrôle des colonnes de service avec des équipements de protection en amiante, le remplacement des robinets de gaz en salle sous les fours ( robinets protégés par de l'amiante), les travaux des 'têtes de cheval' avec comme isolation des panneaux en amiante et tresses en amiante, qu'il a été exposé à la poussière d'amiante sans protection collective ou individuelle .
Il précise qu'il se trouve dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie due à l'amiante, que ses projets de vie dans de nombreux domaines autres que matériel et économiques sont irrémédiablement et quotidiennement affectés par l'amputation de son avenir.
Il réplique:
-que l'article L1471-1 issu de la loi du 14 juin 2013 n' est pas applicable au motif que l'action a été introduite en 2008 a nécessairement interrompu la prescription, qu'en tout état de cause, au vu de l'article 21 de la loi relatif au nouvel article L1471-1, la nouvelle demande est recevable,
-que la Cour de cassation a dans son arrêt du 11 mai 2010 a confirmé l'analyse de la cour d'appel de Paris qui a crée un droit de réparation du préjudice d'anxiété résultant d'une exposition à l'amiante, que l'employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité en s'abstenant sciemment de prendre les mesures nécessaires en temps utiles et dès la connaissance du danger amiante.
Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I sur les demandes formalisées en première instance au titre de la discrimination syndicale.
1°sur le rappel des dispositions légales en matière de discrimination syndicale.
L'article L 2141-5 du code du travail dispose: « il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.... ». Cet article a été complété par la loi 2008 - 789 du 20 août 2008 sur l'exigence d'un accord déterminant les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle et la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise dans le cadre de l'exercice de mandats.
L'article L1134-1 du code du travail fixe les règles de preuve et prévoit ainsi que « lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II .... Le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article premier de la loi n° 2008 - 4 96 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné ,en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qui estime utiles ».
2° sur l'existence d'une discrimination syndicale,
En premier lieu, il convient de constater que l'employeur n'a pas soulevé en ce qui concerne ce salarié en première instance la fin de non recevoir tirée de la prescription sur l'action au titre de la discrimination syndicale ni ne la soulève pas en cause d'appel.
Le salarié intimé produit de multiples pièces notamment:
-des pièces communes à d'autres dossiers,
-les courbe ou tableaux d'ancienneté moyenne par coefficient pour 1988, 1992, 1998,1999, 2000,
-les courriers de la section syndicale de la CFDT adressés à l'employeur à savoir ceux du 26 avril 1982, comportant une première liste de militants membres de l'organisation ayant eu leur salaire et leur carrière pénalisés par leur action syndicale et du 23 juin 1982 établissant une deuxième liste et parmi lesquels figure le nom de [Q] [I] et celui du 5 juillet 1982 relatant la rencontre du 28 mai 1982 avec le PDG et précisant que les militants Etam ont une courbe de salaire sans aucun progression depuis plusieurs années et proposant une méthode pour assurer dans l'avenir une évolution correcte,
-la note de la section syndicale CFDT du 13 septembre 1982,
-le courrier de l'inspection du travail du 26 mars 1982 à l'employeur suite à la plainte des organisations syndicales CGT et CFDT relative à la carrière des représentants du personnel du 6 avril 1982,
-les rapports de l'inspection du travail des Bouches du Rhône sur les bilans des années 2000 à 2008,
-les différents accords invoqués et les bilans sociaux 1988 à199 5 mentionnant le système d'entretien individuel devant avoir lieu une fois par an,
-évolution du taux de promotion Etam, y compris 395 établi de 1983 à 1999,
- la lettre de CFDT sur le violation des accords au titre des entretiens individuels,
-des pièces individuelles le concernant spécifiquement à savoir:
-sa lettre d'embauche, certificat de travail, l'attestation de cessation d'activité salariée et divers bulletins de salaires et notice explicative des bulletins, certains mentionnant des retenues pour grève en 1979,
-les résultats des élections des délégués du personnels du 25 janvier 1985, et la liste de candidats, de 1986, 1987, compte rendu de la réunion des délégués du personnel du 14 mai 1990,
-des bilans sociaux individuels 1999, 2000, 2001;
-tableau comparatif selon l'ancienneté K 21
-sa courbe de carrière qu'il a lui même établi,
-la lettre en date du 30 octobre 2008 sur la position d'Arcelor sur sa situation et refusant toute discrimination syndicale,,
-le jugement du tribunal d'instance de Martigues du 17 novembre 1982, l'ayant débouté avec d'autres salariés de leur action en réparation de la mise en chômage technique,
- des panels un pièce K 21, un dit actualisé pièce K 36, un nouveau produit en appel pièce K 40 dit testing comparants [I] et [N] , le panel concernant M [H],
-diverses attestations (certaines ne concernant pas [Q] [I]) parmi lesquelles celles de [K] [M] qui déclare avoir constaté que les grévistes n'auraient pas été invités aux réunions de coordination et que les augmentations étaient attribuées aux salariés non grévistes, de [J] [R] dénoncant la mise en place d'une organisation destinée à mettre sur la touche les militants syndicaux, après le grande grève de 1979, d'[F] [C] avoir constaté des différences de traitement entre les salariés grévistes et ce non-gréviste dans les années 74-76,
Il est constant :
-que en juillet 1973, il a été embauché au coefficient 220 prenant en compte son expérience professionnelle antérieure de 10 ans en qualité de dessinateur industriel, puis a obtenu dès août 1973 le coefficient 240, qu'il est passé au coefficient 270'en août 1976 suite à la modification de la classification de la convention collective,
-qu'il a été muté sur sa demande à la cokerie en qualité de préparateur de travaux niveau 4 échelon 3 et a obtenu le coefficient 285 le 1er mars 1984,
-qu'il a été élu délégué du personnel CFDT en 1985, 1986, 1987,
-qu'il a atteint le coefficient 305 en octobre 1990 qu'il a conservé jusqu'à son départ à la retraite en 2004.
Sur le point de départ de la discrimination, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la date de juin 1982 dès lors qu'il ressort du courrier du 23 juin 1982 produit au débat en cause d'appel et figurant sur le bordereau, étant précisé que la seule participation du salarié à la grève de 1979 avec retenue de salaire est insuffisant pour retenir cette date alors que la dite grève a concerné la majorité des salariés et a entraîné même une fermeture de l'usine.
Au vu des points constants et des pièces ci-dessus visées à l'exception de la question des panels qui sera examiné ci après, il apparaît que le salarié mandaté depuis 1985 mais qui était militant à tout le moins depuis 1982 ce que n'ignorait pas l'employeur établit des éléments de faits laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière notamment :
-en ce qui concerne la stagnation de 14 ans au coefficient 305 d' octobre 1990 à sa retraite en 2004, alors que la moyenne du coefficient 305 était en 1992 de 4, 3 ans, en 1998 de 6 ans et en 2004 de 7 ans,
-s'agissant de l'application du dispositif conventionnel, et plus particulièrement:
* sur l'accord du 17 mars 1983 sur les modalités d'exercice de la représentation du personnel et des organisation syndicales dans l'entreprise, remplacé par l'accord du 6 février 1990( ce dernier n'étant pas applicable en l'espèce ni revendiqué par l'intimé), le salarié n'ayant jamais fait l'objet alors qu'il a été salarié protégé d'un suivi de l'évolution de sa carrière et bien qu'il figurait sur la liste remise par le syndicat CFDT contrairement aux dires de l'appelante,
*sur la nécessité soit d'entretien individuel mise en place par l'accord d'entreprise du 8 novembre 1988 sur le déroulement de carrière de tous les salariés mandatés ou non ou sur l' entretien professionnel sur l'accord de branche du 17 décembre 1990 sur la conduite de l'activité professionnelle ACAP 2000 complété par un avenant du 25 janvier 1991, qui est venu en substitution du précédent, et ce dès lors que le salarié n'a bénéficié d'aucun entretien ni individuel ni professionnel, étant précisé que les bilans sociaux 1999, 2000,2001 ne peuvent équivaloir à un entretien et y suppléer , qu'il n'a eu aucune proposition de parcours de carrière comme prévu par l'annexe 3 de l'accord du 17 décembre 1990 susvisé,
* sur le protocole d'accord intitulé 'Evolution niveau V passage cadre' du 9 juillet 1990, aucune proposition n'a été faite à ce titre alors que d'une part cet accord a vocation à s'appliquer dès le coefficient 305 et la voie de la promotion interne peut émaner certes du salarié mais aussi d'une sollicitation de sa hiérarchie, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.
Pas plus en appel qu'en première instance, l'employeur ne justifie d'aucun élément objectif permettant de démontrer que l'inégalité de traitement de ce salarié est totalement étrangère à son engagement syndical.
Si au vu des pièces que l'employeur produit à savoir la synthèse de la carrière de [Q] [I] ( pièce 1), le relevé des augmentations individuelles, les bilans des augmentations, les écarts des rémunérations, il est justifié que le salarié a pu bénéficier d'augmentations de salaires individuelles et générales de sorte qu' il a pu bénéficié d'une rémunération supérieure à la rémunération moyenne de son coefficient, pour autant l'employeur ne donne aucune argument tiré notamment des compétences professionnelles du salarié pour expliquer la stagnation de sa carrière à compter de 1990 au coefficient 305, aucune explication crédible sur l'absence du moindre entretien ne justifiant pas des entretiens professionnels qu'elle invoque en 1995, 1998, 2000 et 2001 , sur le fait qu'il n'a pas eu de parcours de carrière ni de proposition pour une évolution vers un éventuel passage au statut cadre; il doit être relevé que le salarié ayant effectivement quitté l'entreprise en 2004, il était en droit de se voir octroyer bien avant son départ un entretien individuel ou professionnel au vu des accords ci dessus évoqués, la mise en place progressive des entretiens invoquée par l'appelante ôtant toute effectivité aux accords notamment pour les salariés les plus âgés comme [Q] [I] qui ont été exclus de fait et ce qui les a empêché de solliciter des formations ou de postuler pour certains postes ce qui normalement se fait à l'occasion d'entretiens.
S'agissant des éléments de comparaisons, ceux (pièces K 21 K 36 K 40 K41 K 42) produits par le salarié ne peuvent être utilement retenus dans la mesure:
-d'une part, où les panels K 21 et K 40, K 42 comportent respectivement le premier de nombreux blancs quant aux diplômes à l'embauche et aux coefficients d'embauche des comparants, le second et le troisième fondé sur les seules date d'embauche et de passage aux différents coefficients des comparants de nombreux points d'interrogation,
-d'autre part, au vu non seulement des critiques pertinentes formulées en cause d'appel par l'employeur sous forme de tableau pièce 47, pièce 45 et au vu des pièces produites à l'appui des dites critiques par l'employeur et particulièrement pour les raisons suivantes:
-d'autre part, où l'employeur met en évidence sous forme de tableaux ( pièce 43, 45, 47) avec justificatifs à l'appui ( pièces 44, 47, 48) les incohérences des panels du salarié ( pièce K 2I, K 36 K41) en relevant notamment soit / et l'absence de même date ( année) à l'embauche, l'absence de même diplôme ou équivalent, une date de sortie différente, soit un service ou département différent à embauche.
Quant au panel de l'employeur pièce 3 avec justificatifs ( pièce 51 et 14) comportant 29 comparants, il convient de retirer les 8 salariés suivants qui ont fait l'objet ci-dessus de critiques sur les panels de l'intimé par l'employeur lui même: à savoir messieurs [S], [N], [E], [P], [T], [C] , [G] et [A] de sorte que le nombre de comparants se trouve réduit à 21 et que sur ces 21, il s'avère que la moyenne du panel Etam plus Cadres ainsi modifié s'établit à 327,38 par application de la grille de transposition figurant dans la convention collective et que [Q] [I] a moins évolué que la dite moyenne.
Considérant que sur les bases ainsi définies et eu égard au panel rectifié de l'employeur la discrimination syndicale est amplement établie, il convient de confirmer le jugement déféré qui a fait droit sur le principe à la demande du salarié à ce titre.
3° sur l'évaluation du préjudice
Aucune des parties ne conteste que l'indemnisation du préjudice puisse se faire sur la base de la méthode de triangulation admise en jurisprudence; cette méthode permet un calcul du préjudice de la façon suivante:'écart sur le taux de base x par 12 mois x par le nombre d'année de discrimination le tout diviser par 2".
Cette somme ainsi obtenue sera majorée d'un pourcentage de 30% pour la perte subie sur les droits à la retraite et l'impossibilité de rattraper le retard de carrière.
En l'état, il convient de tenir compte:
- d'une part d'une durée de discrimination de 1982 à 2002, date de sa cessation d'activité soit 20 ans,
-d'autre part, eu égard à la moyenne du panel rectifié du coefficient que l'intimé aurait pu atteindre s'il avait pas subi de retard de carrière mais en le limitant à 335 et dès lors qu'il n'est pas justifié qu'il aurait atteint automatiquement le coefficient qu'il revendique en cause d'appel,
-enfin, du salaire de base moyen de comparaison pour le coefficient qu'aurait du atteindre le salarié, en prenant pour base les tableaux publiés par l'employeur chaque année sur la rémunération annuelle moyenne servant de base aux négociation annuelle collective obligatoire sur les salaires étant précisé que si de tels tableaux ne peuvent permettre d'établir l'existence d'une inégalité de traitement, rien ne s'oppose à ce qu'il soit utilisé pour le calcul du préjudice matériel,
Dans ces conditions, le préjudice matériel doit être évalué ainsi qu'il suit:
( 2955 € salaire moyen du coefficient 335 en décembre 2004 ( seul tableau produit) moins 22658 € ( salaire de moyen du coefficient 305 à la même date à défaut de plus ample élément) =297 € X 12X 20: 2 + 30°% = arrondi à 46 332 €.
Le préjudice moral revendiqué à hauteur de 3000 € doit être alloué sur cette base, le salarié ayant été nécessairement atteint dans son affect, dans son honneur voire dans sa dignité.
4° sur l'intervention volontaire de l'UTR CFDT 13
En premier lieu, il convient de préciser que cette intervention volontaire ne peut concerner que l'instance de [Q] [I].
Elle est recevable sur le fondement de l'article L 2132-3 du code du travail étant observé que l'appelante n'a à ce titre soulevé aucun moyen ni présenté la moindre observation.
Elle est également bien fondée. En effet, la situation de discrimination syndicale ci dessus retenue concernant un militant de ce syndicat, élu délégué cause nécessairement un préjudice à cette organisation syndicale en décourageant les vocations et confisquant la démocratie sociale.
Par contre, il s'avère que ce syndicat ne donne aucun détail sur sa réclamation qu'il sollicite et n'apporte pas de pièces permettant de procéder à une évaluation de ses préjudices matériel et moral.
Dans ces conditions, faute de plus ample élément, il convient de fixer la réparation des préjudices matériel et moral à 2000 € de dommages et intérêts .
Le jugement déféré qui dans le cadre de l'instance concernant [Q] [I] n'a pas statué sur cette demande au prétexte qu'il l'avait fait dans l'autre instance concernant [F] [D] et pour ces deux salariés doit être réformé.
II sur la demande nouvelle en appel au titre de l'exposition à l'amiante et aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (dit CMR)
1° sur le moyen tiré de la prescription
Cette fin de non recevoir ne peut être accueillie.
L'article L 1471-1 du code du travail tel que modifié par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 invoqué par l'appelante dispose certes que: ' toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait connu les faits lui permettant d'exercer son droit....'.
Toutefois, l'article 21-V de la loi sus visé prévoit d'une part que ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, (soit le 16 juin 2013) sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure et d'autre part que lorsque l'instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne et que cette loi s'applique également en appel et en cassation.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu'en droit, si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance concernent l'exécution d'un même contrat, la prescription étant interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes même si certaines demandes sont présentées en cours d'instance.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié a formulé sa demande nouvelle par conclusions communiquées à la partie adverse le 26 juillet 2013.
Mais, dès lors qu'il avait saisi la juridiction prud'homale le 4 juin 2008 pour l'action en discrimination syndicale avant même la précédente loi 2008-561 du 17 juin 1998 portant réforme de la prescription en matière civile qui avait réduit à 5 ans la prescription pour les actions en réparation du préjudice résultant d'une discrimination à compter de la révélation de la discrimination, sa demande nouvelle qui a bénéficié de l'interruption de la prescription est parfaitement recevable.
2° sur le fond
[Q] [I] invoque comme fondement de sa demande la responsabilité contractuelle de l'employeur et son obligation de sécurité de résultat.
En application des dispositions des articles 1134, 1147 du code civil et de l'article L4121-1 du code du travail (ancien article L 230-2 issu de la loi 91-1414 du 31 décembre 1991), l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise. Cette obligation résulte du contrat de travail.
L'ancien article 233-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi sus visée du 31 décembre 1991, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagées de manière à garantir la sécurité des travailleurs. Avant d'interdire la fabrication, l'importation, la commercialisation de l'amiante en 1997, les pouvoirs publics sont intervenus pour réglementer les poussières d'amiante par le décret du 77-949 du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicable dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, étant précisé que l'article 1er du dit décret vise les seuls établissements soumis à l'article L231-1 du code du travail pour les parties des locaux et chantiers où le personnel est exposé à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère notamment dans les travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et d'élimination de l'amiante et de tous les produits ou objets susceptibles d'être à l'origine d'émission de fibre amiante.
Le principe de la responsabilité civile implique la démonstration d'un préjudice, d'une faute et d'un lien de causalité entre eux qui justifie le droit à réparation de l'intégralité des dommages subis; il doit être précisé que le salarié qui n'a pas déclaré de maladies professionnelles lié à l'amiante ou aux agents CMR et qui ne relève pas du contentieux afférent à ces maladies, a la charge de la preuve.
En l'espèce, il produit au débat:
- d'une part: * des pièces dites 'collectives l'amiante' à savoir des comptes rendus du CHSCT du 20 décembre 1977, du 25 avril 1978, du 26 juillet 1978 du 24 octobre 1978, le compte rendu des la réunion trimestielle du comité de coordination des CHSCT du 11 mars 1991, 9 décembre 1991,8 avril 1997, du 9 octobre 1997,des comptes rendus du groupe Amiante du 7 novembre 1991, du 4 mars 1992, du 25 mai 1992, du 10 juillet 1992, du 9 septembre 1992,le compte rendu de la première réunion sur l'amiante pour le département ETNEG, la note interne de M [Z] en date du 21 février 1992, un courrier de cette même personne aux entreprises travaillant sur le site de Sollac Fos du 12 septembre 1996, diverses notes internes, des notes manuscrites de M [B] du 13 mai 1992, du 17 juin 1992, de M [L] à M [Z], le projet de plan de rejet de retrait de Sollac de 1997 d'enlèvement de plaques contenant de l'amiante, le courrier de l'inspection du travail au directeur des Etablissements Sollac usine Fos, les rapports médicaux annuels de 1998 à 2007 concernant les différents secteurs, de l'usine et l'ensemble de maladies professionnelles, le bilan social de l'établissement années 2005, 2006 et 2007 et le bilan des déclarations des maladies professionnelles, un tableau récapitulatif des secteurs de l'usine exposés à l'amiante, Plan de l'usine avec impacts sur les ponts roulants et le recensement des ponts roulants, la liste des décés prématurés Arcelormittal à la fonte, divers articles de presse, articles de l'association nationale de défense des victimes de l'amiante et diverses décisions de jurisprudence, un flash info le tableau des maladies professionnelles liées à l'amiante, la fiche toxicologie amiante,
*des pièces collectives des agents CMR, notamment tableau n° 16 bis des maladies professionnelles et les déclarations sur ce tableau au 8/12/ 1988, les recommandations de la CNATMS sur l'ensemble des risques dans les cokeries, un document intitulé présence de CMR par départements différents comptes rendus de la visite de la Cram Sud Est du 17 mai 1978, compte rendu desmesures et analysespar l'INRS avril 1979, de la réunion extraordinaire du CHSCT Fonte du 16 juin 1987, de l'enquête maladie professionnelle effectuée par le CHSCT, le courrier du CHSCT au médecin inspecteur du travail du 28 août 1985, les courriers de l'inspecteur du travail à la direction de Solmer des 12 mai et 4 décembre 1987, Fiches toxicologiques INR du benzène, du sulfure d'hydrogène et de dioxines et furanes, différentes publications de l'association pour la prise en charge des maladies éliminables sur le registre des postes de travail ayant déjà causé des maladies professionnelles reconnues et indemnisées, sur le programme sic 2012, des articles du site de l'IRNS et de presse des tracts syndicaux,
-d'autre part des pièces dites individuelles notamment:
-deux attestations de M [U] dans l'une où il déclare que lui même était salarié de Solmer depuis 1973, puis de Sollac, puis d'Arcelor Mittal, dans l'autre que [Q] [I] 'a pris les fonctions de préparateur au service mécanique à la cokerie en 1983, et s'occupait des installations sur les batteires des fours à coke, que l'atmosphère de ces fours était poussièreuse, de fumées contenant du benzo à pyrène, les ponts de fours devaient assurer l'étanchéité grâce à des tresses d'amainte qu'il fallait remplacert périodiquement d'où poussière d'amiante, que le port de masque papier n'était obligatoire ni généralisé au début de l'exploitation des fours donc nous étions mal protègés dans les dernières années de nouveaux équipements de protection ont été obligatoire'
-deux attestations de [J] [X] membre du CHSCT Fonte et du comité de coordination des CHSCT de [Localité 2] précise dans la première attestation du 8 juin 2001 que vers les années 90, ils sont intervenus pour que l'amiante matériau isolant existante dans les installations soit supprimée et détruite ainsique tous les vêtements thermiques en amiante, dans la seconde témoigne sur l'existence de l'amiante dans l'usine de [Localité 2] et notamment à la préapration des charges de la zone fonte, et évoque le cas de [O] [V] contremaître à la préparation des charges qui serait atteint de l'amiante,
-une attestation de [J] [Y], secrétaire du CHSCT, document produit en photocopie et incomplète notamment sur le nom de la personne concernée,
-la demande d'attestation faite par le salarié le 18 septembre 2012 et l'attestation dite exposition CMR article R 231-56-11 du code du travail délivrée par le chef de département HST le 17 octobre 2012 et sur laquelle il est mentionné que [Q] [I] a occupé successivement au finisssage de juillet 1973 à juillet 83 comme préparateur de travaux et à la cokerie de juillet 1973 à octobre 2003 qu'en tant que préparateur, il a pu être exposé aux HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique ) et du fait de cette attestation, il doit être en mesure de bénéficier d'une surveillance médicale, in fine du document il est indiqué des information données par le médecin du travail le 17 octobre 2012 à savoir dernière visite médicale le 28 février 2002 et pratique régulière de radiographie des poumons et spirométries.
En l'état, il n'est pas contesté que l'usine de [Localité 1] dirigé par la société Solmer puis par la société Sollac et aux droits desquelles est la SAS Arcelor Mittal Méditerranée ne produisait pas ni ne fabriquait de l'amiante mais était utilisatrice ainsi que cette dernière le reconnaît de matériau à base d'amiante notamment dans les vêtements de protections contenant de l'amiante mis à la disposition des salariés dans les plaquettes de freins, dans les joints d'étanchéité ou tresses imprégniées servant de joint et dans des plaques isolantes.
Il s'avère d'autre part que la SAS Arcelor Mittal Méditerranée est une entreprise qui ne figure pas sur la liste des établissements concernés par le dispositif mis en place par la loi du 23 décembre 1998 relatif à la cessation anticipée d'activité des salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amainte ou de construction et de réparation navale de sorte que les salariés de cette entreprise, n'ont pas bénéficié de cette allocation de cessation anticipée ne peuvent revendiquer l'application de ce régime particulier et notamment l'admission de fait de leur exposition à l'amiante, régime dans le cadre duquel a été reconnu la possibilité d'invoquer sous certaines conditions un préjudice d'anxièté réparant l'ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.
Par ailleurs, au vu des pièces produites, [Q] [I] qui ne relève donc pas du régime sus visé ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a été de manière habituelle exposé aux poussières d'amiante à l'air libre.
Il ne démontre pas non plus avoir été exposé de manière continue aux agents CMR et notamment au benzo à pyrène et HAP dépassant les seuils prescrits, la délivrance de l'attestation dite exposition CMR qui précise qu'il a pu être exposé ne permettant pas d'en tirer la certitude nécessaire.
Enfin, il ne fournit aucun élément sur son prétendu préjudice.
Dans ces conditions, il ne peut être retenu en l'état de violation de l'obligation de sécurité de résultat à l'endroit de la SAS Arcelor Mittal Méditérannée en lien avec le préjudice invoqué non établi et les demandes de dommages et intérêts pour la réparation des préjudices d'anxiété et du bouleversement dans les conditions d'existence lié à l'exposition à l'amiante et/ou aux agents CMR doivent être rejetées.
III sur les demandes annexes
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre une indemnité globale tant pour la procédure de première instance que pour celle d'appel de 1500 € à l'intimé et 500 € pour l'UTR CFDT 13.
L'appelante qui succombe ne peut bénéficier de cet article et doit être tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des indemnisations accordées y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur l'intervention volontaire du l'UTR CFDT 13,
Statuant à nouveau sur ces points, et y ajoutant,
Dit qu'il est statué sur l'intervention volontaire de l'UTR CFDT 13 dans le cadre de la présente instance concernant le seul [Q] [I],
Dit cette intervention volontaire recevable et bien fondée,
Condamne la SAS Arcelor Mittal Méditerranée à payer les sommes suivantes:
*à [Q] [I]:
-46 332 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,
-3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
-1500 € à titre d'indemnité globale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
* l'union territoriale des retraités CFDT 13:
-2000 € à titre de dommages et intérêts pour la réparation des préjudices matériel et moral,
-500 € à titre d'indemnité globale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription invoquée par la SAS Arcelor Mittal Méditerranée sur la demande nouvelle au titre de l'exposition à l'amiante et aux agents CMR et déboute sur le fond, [Q] [I] de sa réclamation au titre des préjudices d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence,
Condamne la SAS Arcelor Mittal Méditerranée aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT