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14/01/2014 | FRANCE | N°13/19720

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 14 janvier 2014, 13/19720


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT SUR CONTREDIT

DU 14 JANVIER 2014



N°2014/

MV/FP-D













Rôle N° 13/19720







SA GSF JUPITER





C/



[V] [H]

SAS AVIAPARTNER NICE

CGEA AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST

















Grosse délivrée le :

à :

Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE



Me Philippe SANSEVERINO, avoc

at au barreau de NICE

Me Patricia SEIGLE, avocat au barreau de LYON



Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - sec...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT SUR CONTREDIT

DU 14 JANVIER 2014

N°2014/

MV/FP-D

Rôle N° 13/19720

SA GSF JUPITER

C/

[V] [H]

SAS AVIAPARTNER NICE

CGEA AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST

Grosse délivrée le :

à :

Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE

Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

Me Patricia SEIGLE, avocat au barreau de LYON

Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NICE - section C - en date du 24 Juillet 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/179.

DEMANDERESSE SUR CONTREDIT

SA GSF JUPITER, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE

DEFENDERESSES SUR CONTREDIT

Maître [V] [H], mandataire liquidateur de la SAS EUROPEAN AIRPORT SERVICES, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Olivier ROMANI, avocat au barreau de NICE

SAS AVIAPARTNER NICE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Patricia SEIGLE, avocat au barreau de LYON ([Adresse 2])

CGEA AGS DELEGATION REGIONALE DU SUD EST, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2014

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCEDURE

Le 25 janvier 2010 Maître [S] agissant en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [X] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SAS EUROPEAN AIRPORT SERVICES ci-après désignée EAS, tous deux désignés à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de Nice en date du 12 février 2009 et la société EAS ont donné assignation à la SAS GSF JUPITER, à la SAS AVIAPARTNER NICE Nice et au centre d'études et de gestion AGS d'avoir à comparaître devant le Tribunal de commerce de Nice pour - au visa des articles 1134, 1147, 1382 du Code civil, L 1221. 4 du code du travail, de l'annexe IV de la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien et de l'accord du 29 mars 1990 fixant les conditions d'une garantie d'emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire - voir constater que la SAS GSF JUPITER était tenue de reprendre les contrats de travail des salariés de la société EAS avec maintien de leur rémunération, ancienneté et qualification, constater que la société AVIAPARTNER NICE Nice n'a pas satisfait à ses engagements envers la société EAS, en conséquence, condamner solidairement les sociétés GSF JUPITER et AVIAPARTNER NICE à verser la somme de 450 000 € à la société EAS afin de réparer l'intégralité du préjudice du fait de la non reprise des contrats de travail de l'ensemble de ses salaires affectés au marché de nettoyage des cabines d'avion, ainsi que 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 28 juillet 2010 le Tribunal de commerce de Nice prononcait la liquidation judiciaire de la société EAS sous mandat de Maître [V] [H] désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le CGEA et l'AGS du Sud Est intervenants devant le Tribunal de commerce de Nice dans le cadre de la procédure initialement intentée par Maître [S], Maître [X] et la société EAS sollicitaient la condamnation solidaire des sociétés GSF JUPITER et AVIAPARTNER NICE à leur rembourser la somme globale de 825 047,47 € représentant la totalité des créances avancées indûment par le CGEA de Marseille.

La SAS GSF JUPITER a , devant le Tribunal de commerce de Nice , conclu ainsi qu'il suit :

« PLAISE AU TRIBUNAL DE COMMERCE:

1 - IN LIMINE LITIS SUR LES ARGUMENTS DE PROCEDURE :

A - SUR LA QUESTION PREJUDICIELLE

- Constater que le raisonnement soutenu par les défendeurs repose exclusivement sur des questions qui relèvent à l'évidence de l'appréciation du juge du contrat de travail .

- Que la solution du litige dépend des réponses qui seront apportées, en faisant application exclusivement de dispositions contenues dans le Code du Travail et dans celles de deux conventions collectives: la convention collective de la propreté, la convention collective du transport aérien - personnel au sol.

- Constater que les moyens de défense que la SAS GSF JUPITER entend faire valoir se fondent également exclusivement sur des questions relevant du droit social, doivent à l'évidence ressortir de la compétence exclusive d'une autre juridiction que celle présentement saisie, à savoir: les Juridiction traitant du contrat de travail, en premier lieu le Conseil de Prud'hommes de Nice,

- Que le CENTRE D'ETUDES ET DE GESTION - AGS demande directement la condamnation de la SAS GSF JUPITER d'avoir à lui payer la somme de 825.047,47 €.

- Qu'il ne peut demander directement l'attribution de sommes qu'en vertu des dispositions de l'article L 3253-16 du Code du Travail qui le subroge dans les droits éventuels des salariés.

- Qu'en conséquence, le véritable litige de fond relève bel et bien des dispositions de l'article L 1411-1 du Code du travail qui donnent compétence au Conseil de Prud'hommes, en l'occurrence celui de Nice

Faire droit en conséquence, à la présente demande traitant d'une question préjudicielle.

- Ordonner en conséquence le sursis à statuer sur le mérite des demandes, fins et conclusions, des demandeurs, jusqu'à ce que les seules juridictions compétentes, dont relèvent le contrat de travail et les conventions collectives, se soient prononcées définitivement.

- Ordonner le transfert des pièces du dossier au Greffe du Conseil de Prud'hommes de Nice

- Et dire qu'il appartiendra aux seules Juridictions compétentes, la première d'entre elles, le Conseil de Prud'hommes de Nice, d'apporter une réponse sur le mérite des réclamations et demandes qui se fondent sur des principes relevant du droit du travail et sur les éléments de réponse en défense que la SAS GSF JUPITER fait valoir et qui relèvent également du droit social.

Réserver en l'état les dépens.

B - SUR LES AUTRES PROBLEMES PROCEDURAUX

Constater que votre Juridiction par jugement du 14 avril 2010 a mis fins aux fonctions de Maître [S].

Dire et juger dès lors que Maître [S] n'a plus aucune qualité pour continuer à paraître dans le cadre de la présente procédure.

Constater que par le même jugement, votre juridiction a déclaré en liquidation judiciaire la société EAS.

Constater que cette société ne peut plus dès lors ester en justice.

Constater que Maître [H], intervient en qualité de liquidateur judiciaire, de la société EAS,

Qu'elle affirme avoir procédé au règlement de sommes.

Qu'elle ne rapporte pas la preuve d'avoir réglé une quelconque somme.

Que parallèlement, comme ci-dessus mentionné, le CENTRE D'ETUDES ET DE GESTION - AGS, demande, condamnation en sa faveur de sommes qu'il déclare avoir avancées.

Qu'en conséquence, Maître [H], ne rapportant nullement la preuve de ce que la société EAS a pu verser une quelconque somme, se voit privée de qualité pour agir.

Dire et juger qu'elle n ou e peut donc valablement ester en justice.

II - A TITRE SUBSIDIAIRE SUR FOND:

A - SUR LES ARGUMENTS [Localité 2] DU DROIT SOCIAL

Si par impossible votre Juridiction ne faisait pas droit à la demande fondée sur les dispositions de l'article 49 du Code de Procédure Civile,

Rejeter intégralement les demandes fins et conclusions des demandeurs. Pour ce faire, dire et juger que les dispositions de l'article L 1224-1 du Code du Travail ne sont pas applicables au présent dossier.

Que les dispositions de la convention collective de la propreté, ainsi que celles de la convention collective du transport aérien - personnel au sol ne le sont pas d'avantage.

Qu'en effet:

' l'article L 1224-1 du Code du Travail ne peut trouver à s'appliquer, dans la mesure où l'existence d'une « entité économique autonome », n'a pas été démontrée.

' Que les conventions collectives précitées, ne peuvent aucune des deux, trouver à s'appliquer, dans la mesure où n'existe à l'évidence aucun «centre autonome d'activité ».

Rejeter les demandes fins et conclusions.

B - ENCORE PLUS SUBSIDIAIREMENT EN CE QUI CONCERNE LES DEMANDES FORMULEES

Constater que ces demandes varient du simple au double, entre celles des demandeurs initiaux et celles postérieures du POLE EMPLOI.

Constater que ces demandes ne sont étayées sur aucun élément probant.

Qu'aucun détail des sommes ayant pu être versées n'a été communiquées. Que n'a pas été démontré à quoi ces sommes pouvaient être affectées.

Qu'il n'a été démontré en quoi la SAS GSF GSF JUPITER, pourrait être concernée.

Constater en outre:

Que la situation économique de la société EAS était obérée dès sa création.

Que l'on ne peut en conséquence accuser la SAS GSF GSF JUPITER, d'avoir pu être à l'origine de la procédure collective,

De plus fort, rejeter intégralement les demandes, fins et conclusions, soumises à l'appréciation de votre juridiction,

Condamner les demandeurs à supporter les entiers dépens. »

Le 7 novembre 2011 le Tribunal de Commerce de Nice rendait la décision suivante :

« se déclare incompétent pour juger sur l'article L. 1244. 1 [en réalité L1224. 1] ainsi que les conventions collectives dans les secteurs de la propreté et du personnel au sol du transport aérien dans le cadre du changement de prestataire de la société AVIA pour le nettoyage des cabines d'avion entre la SAS EUROPEAN AIRPORT SERVICES et la SAS GSF JUPITER.

Surseoit à statuer dans l'attente de la décision du Conseil des prud'hommes de [Localité 1] seul compétent pour statuer sur la question préjudicielle,

déboute la SAS AVIAPARTNER NICE de ses demandes sur la qualité à agir de Maître [Y] [J] [S] et de Maître [V] [H].

Réserve les dépens. »

Le 9 février 2012 Maître [H] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société EAS saisissait le Conseil des prud'hommes de Nice à l'encontre de la société GSF JUPITER, de la société AVIAPARTNER NICE et du CGEA AGS du sud-est pour qu'il soit statué sur la «saisine sur question préjudicielle selon jugement du Tribunal de Commerce de Nice première chambre du 7 novembre 2011».

Par jugement de départage du 24 juillet 2013 le Conseil des prud'hommes de Nice se déclarait incompétent ratione materiae pour statuer sur les mérites de la demande, renvoyait la cause et les parties devant le Tribunal de commerce et laissait les dépens à la charge des demandeurs.

Par lettre recommandée postée le 6 août 2013 la SAS GSF JUPITER a régulièrement formé contredit à l'encontre de ce jugement.

La SAS GSF JUPITER demande à la cour de :

- En premier lieu:

- Constater qu'il s'agit d'une décision d'incompétence relevée d'office par le Conseil de Prud'hommes de la ville de NICE.

- Qu'il s'agit d'un argument de pur droit soulevé par le Conseil de Prud'hommes, relevant de l'application de l'article 16 du Code de Procédure Civile.

- Que cependant, les parties n'ont pas été en mesure de débattre par-devant le Conseil de Prud'hommes, de l'application éventuelle de cet argument de droit.

- Que les dispositions de l'article 16 du CPC n'ont pas été respectées.

- Que les droits de la défense ne l'ont pas été davantage.

- Dire et juger que ce manquement implique la nullité du jugement déféré.

- Renvoyer les parties par-devant le Conseil de Prud'hommes.

- En second lieu et au minimum:

- Dire et juger que le Conseil de Prud'hommes de NICE n'aurait pas dû, en aucune manière, se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître des questions qui lui ont été posées par la décision rendue en date du 7 NOVEMBRE 2011 par le Tribunal de Commerce de NICE, admettant l'existence d'une question préjudicielle, comme la Société GSF JUPITER l'avait soutenu.

- Pour ce faire, dire et juger:

- Que le Conseil de Prud'hommes a bien été saisi par le Tribunal de Commerce d'une « question préjudicielle».

- Que cette question relève de la compétence exclusive du Conseil de Prud'hommes de la ville de NICE.

- Que le Centre d'Etudes et de Gestion AGS étant subrogé en vertu des dispositions de l'article L. 3253-169 du Code du Travail, dans les droits éventuels que pouvaient détenir les salariés.

- Que le Conseil de Prud'hommes était et demeure totalement compétent pour répondre aux questions préjudicielles posées.

- Qu'il ne saurait exister aucune litispendance entre les demandes soumises à l'appréciation du Conseil de Prud'hommes de la ville de NICE, et celles qui, selon cette dernière juridiction, relèvent de la compétence exclusive du Conseil de Prud'hommes.

- En conséquence et dans tous les cas de figure:

- Faire droit au contredit élevé par la Société GSF JUPITER.

- Réformer la décision déférée à la censure de la Cour.

- Dire et juger qu'il appartient aux juridictions du travail et en premier lieu, à la Section Commerce du Conseil de Prud'hommes de la ville de NICE, d'apporter une réponse aux questions posées par la décision rendue en date du 7 NOVEMBRE 2011 par le Tribunal de Commerce de NICE.

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Maître [H] agissant qualité de liquidateur judiciaire de la SAS EAS et la société EAS demande à la cour de dire et juger que le Conseil des prud'hommes de Nice doit se prononcer sur la question préjudicielle qui lui a été posée.

La SAS AVIAPARTNER NICE demande à la cour:

Eu égard aux conclusions déposées devant le tribunal de commerce de Nice, eu égard à la décision rendue par le tribunal de commerce de Nice, eu égard aux conclusions déposées devant le conseil des prud'hommes de Nice,

- de dire et juger que les demandes du liquidateur de la société EAS, celles du centre d'études et de gestion AGS du sud-est à l'origine de la procédure ne sont pas motivées en droit qu'il s'agisse de la demande, du préjudice invoqué ou du lien de causalité,

- constater que les arguments développés sont contradictoires selon les procédures voire dans le cadre d'une même procédure,

à titre infiniment subsidiaire,

- faire droit à la demande de la société GSF JUPITER et renvoyer la procédure devant le conseil des prud'hommes de Nice,

dans tous les cas,

- condamner Maître [H] es qualité, étant précisé que la société AVIAPARTNER NICE se réserve le droit d'engager la responsabilité personnelle du mandataire judiciaire pour procédure abusive à titre personnel dans le cadre du maintien de la procédure, à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le centre d'études et de gestion AGS du sud-est à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen- Guedj- Monterod-Daval-Guedj avocats associés près la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui en ont fait l'avance.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 2 décembre 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité du jugement déféré,

Attendu tout d'abord qu'il y a lieu de constater que contrairement à ce qu'indique la SAS GSF JUPITER le Conseil des prud'hommes de Nice n'a pas été « saisi par le tribunal de commerce » d'une question préjudicielle mais saisi par Maître [H] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société EAS pour voir statuer sur une question préjudicielle ;

Attendu que la SAS GSF JUPITER soutient que le Conseil des prud'hommes de Nice s'est d'office déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Nice alors que la question de la compétence n'a jamais été évoquée et qu'en conséquence il ne pouvait , en application de l'article 16 du code de procédure civile , soulever d'office son éventuelle incompétence sans avoir mis au préalable les parties en demeure et en mesure de débattre de cette question ;

Attendu toutefois que la question de la compétence était au coeur des débats devant le Conseil des prud'hommes puisque celui-ci n'a été saisi par le liquidateur que parce que devant le Tribunal de commerce de Nice la société GSF JUPITER a précisément fait valoir in limine litis « que le raisonnement soutenu par les défendeurs repose exclusivement sur des questions qui relèvent à l'évidence de l'appréciation du juge du contrat de travail. Que la solution du litige dépend des réponses qui seront apportées en faisant application exclusivement de dispositions contenues dans le code du travail et dans celles de deux conventions collectives, la convention collective de la propreté et la convention collective du transport aérien - personnel au sol. Constater que les moyens de défense que la société GSF JUPITER entend faire valoir se fondent également exclusivement sur des questions relevant du droit social, doivent à l'évidence ressortir de la compétence exclusive d'une autre juridiction que celle présentement saisie à savoir les juridictions traitant du contrat de travail, en premier lieu le conseil des prud'hommes de Nice » de sorte que la société GSF JUPITER ne peut soutenir que le CPH a relevé d'office son incompétence sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations puisque tant le motif de la saisine du CPH (saisine par le liquidateur sur question préjudicielle après que le tribunal de commerce de Nice se soit déclaré « incompétent ») que les explications des parties devant le CPH et notamment celles à l'époque de Maître [S], de Maître [H] et de la société EAS (« constater que les demandes formées ne concernent pas un litige relatif à un contrat de travail ») et celles à l'époque de la société GSF JUPITER («... conclut au débouté en faisant valoir que les dispositions de l'article L. 1224. 1 du code du travail ne sont pas applicables en l'espèce, pas plus que la convention collective des entreprises de propreté ou celle du personnel au sol des transports aériens ») démontrent que les parties divergeaient précisément sur la compétence du Conseil des prud'hommes pour trancher le litige et ont en conséquence présenté leurs observations sur la compétence du Conseil des prud'hommes via la « question préjudicielle » dont il avait été fait état par le Tribunal de commerce ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité du jugement ;

Sur la compétence du Conseil des prud'hommes,

Attendu que l'article L. 1411.1 du code du travail dispose que :

« le Conseil de Prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti »

et force est de constater en l'espèce qu'il n'existe aucun différend entre un salarié et l'une quelconque des trois sociétés en cause, puisque le litige oppose trois sociétés dont une représentée désormais par son mandataire liquidateur précision faite que le CGEA et l' AGS ne sont intervenus devant le tribunal de commerce que parce que leur intervention a été sollicitée devant cette juridiction par les organes de la procédure suite au redressement judiciaire puis à la liquidation de la société EAS dans le cadre de laquelle il ont été contraints de verser certaines sommes aux salariés licenciés mais sont étrangers au conflit opposant les trois sociétés quant à leurs responsabilités éventuelles dans les licenciements intervenus ;

Attendu que la SAS GSF JUPITER ne peut donc soutenir que le conseil des prud'hommes serait compétent en raison de la matière au motif que le CGEA et l'AGS seraient conformément à l'article L. 3253. 16 du code du travail « subrogés dans les droits des salariés », cette subrogation ne concernant en effet que les avances faites sur les créances salariales mais nullement une subrogation dans le droit des salariés de soumettre au conseil de prud'hommes un différend les opposant à un ou plusieurs employeurs ;

Attendu qu'aux termes de l'article 49 du code de procédure civile :

« toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction »

la compétence « exclusive » du conseil des prud'hommes étant celle afférente aux différends s'élevant entre les « employeurs », ou leurs représentants, et les « salariés » qu'ils emploient et nullement aux différends s'élevant entre les employeurs entre eux ;

Attendu dès lors que le tribunal de commerce étant aux termes de l'article L. 721. 3 du code de commerce compétent pour connaître :

«1° des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ;

2° de celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes »

la question de l'interprétation entre les trois sociétés concernées de leurs engagements réciproques et de l'application ou non de certains articles, y compris du code du travail, de conventions collectives ou de contrats relevait de la compétence du tribunal de commerce de Nice, les conditions exigées pour qu'il y ait question préjudicielle entraînant sursis à statuer, en l'espèce une question relevant de la compétence «exclusive » d'une autre juridiction (en l'occurrence le conseil des prud'hommes), n'étant pas réunies ;

Attendu que la SAS GSF JUPITER se réfère dans ses pièces à l'attendu d'un arrêt rendu le 6 mai 2003 par la Cour de Cassation (« attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action dirigée contre la société Eole, fondée sur la complicité de celle-ci dans la violation par M.x... d'une clause de non-concurrence, relevant de la compétence du tribunal de commerce, supposait que soit tranchée la question préalable de la violation de la clause de non-concurrence par M.x..., laquelle relevait de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés » alors que cet arrêt mentionne « l'existence d'une instance pendante devant la juridiction prud'homale entre M. x... et la société Fouasse relative à la violation de la clause de non-concurrence litigieuse.. » soit précisément une instance préalable opposant un employeur et un salarié, ce qui n'est nullement le cas dans le présent litige de sorte qu'elle ne peut s'appuyer sur cette jurisprudence pour soutenir que le conseil des prud'hommes était tenu de répondre à une « saisine sur question préjudicielle » en réalité infondée ;

Attendu que c'est en conséquence à juste titre que le jugement déféré après avoir rappelé « qu'il n'a pas été saisi d'une question préjudicielle mais que, suite à une décision de sursis à statuer de la juridiction commerciale, les organes de la procédure collective de la SAS EAS l'ont saisi d'une demande en paiement de dommages et intérêts formés contre la société GSF JUPITER » et « que si, pour déterminer l'existence d'une faute contractuelle de la SAS GSF JUPITER, le tribunal de commerce doit interpréter les dispositions de l'article L. 1224. 1 du code du travail ainsi que les conventions collectives applicables, il y a lieu de considérer que le conseil des prud'hommes n'a pas la compétence exclusive pour ce faire et qu'il appartient à la juridiction consulaire de trancher, en l'absence de toute demande de salariés » s'est déclaré incompétent ratione materiae et a renvoyé la cause des parties devant le Tribunal de commerce en condamnant Maître [H] aux dépens ;

Attendu que la demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société AVIAPARTNER à l'encontre de Maître [H] et du CGEA et de l'AGS du SUD-EST doit être rejetée,Maître [H] n'ayant saisi la juridiction prud'homale qu'après y avoir été invitée à tort par le Tribunal de commerce qui a fait droit sur ce point à la demande de la SAS GSF JUPITER ;

Attendu qu'il n'y a pas d'atteinte suffisante au principe d'équité justifiant qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant par arrêt contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la SAS GSF JUPITER aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 13/19720
Date de la décision : 14/01/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°13/19720 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-14;13.19720 ?
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