COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 09 JANVIER 2014
N° 2014/8
Rôle N° 11/06604
[P] [O]
C/
SA CECAZ
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON
- Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section Encadrement - en date du 21 Mars 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 09/612.
APPELANTE
Madame [P] [O], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie ROYERE, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
SA CECAZ, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Monsieur Jean-Bruno MASSARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 janvier 2014.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 janvier 2014.
Signé par Madame Gisèle BAETSLE, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Mme [O] a régulièrement fait appel d'un jugement rendu le 21/03/2011 par le conseil de prud'hommes de Toulon qui, à la suite de la rupture de ses relations contractuelles avec la SA Caisse d'Epargne et de Prévoyance Cote d'Azur (CECAZ), a dit que le licenciement dont elle a fait l'objet est fondé sur une cause réelle et sérieuse, a confirmé sa classification en CM7, dit que le licenciement pour inaptitude médicalement constaté était dû en partie par le comportement négligent de la CECAZ, a condamné cette dernière à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et celle de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de ses autres demandes.
Reprenant oralement leurs conclusions auxquelles il convient de se référer pour l'exposé de leurs moyens, Mme [O] sollicite la réformation de la décision entreprise et conclut à la condamnation de l'employeur au paiement des sommes suivantes :
-75912 € de dommages-intérêts pour licenciement nul
-56934 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral consécutif harcèlement moral
-25000 € pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en réparation du préjudice moral consécutif au harcèlement moral
-56417,44 € bruts à titre de rappels de salaire
-5641,74 € de congés payés sur le rappel de salaire
-3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
La CECAZ conclut à la réformation du jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement était dû à sa négligence, alors qu'elle ne s'est pas livrée à des agissements de harcèlement moral à l'encontre de Mme [O] et n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et au débouté de toutes les demandes de Mme [O].
Elle sollicite 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Madame [O] a été embauchée par la CAISSE D'EPARGNE COTE D'AZUR le 01/10/2004 en qualité de chargée de clientèle, Profession Immobilière en classification CM6.
Sa rémunération brute annuelle était fixée à 42.0006, 13eme mois compris.
La CC applicable est celle des Accords Collectifs Nationaux Caisse d'Epargne.
Le contrat de travail de Madame [O] était suspendu à compter du 11/10/2005, pour les motifs successifs suivants :
Du 11/10/2005 au 19/11/2005, pour maladie
Du 20/11/2005 au 21/05/2006, pour congé maternité
Du 22/05/2006 au 21/09/2006, pour congé allaitement
Du 22/09/2006 au 26/10/2006, pour congés payés
Du 27/10/2006 au 01/10/2007 pour congé parental
Après avoir demandé par courrier su 10/09/2007 de pouvoir anticiper son retour de congé parental, Madame [O] reprenait son activité au sein de la CECAZ le 1 octobre 2007 dans le cadre d'une mission qui devait s'achever au 31 décembre 2007 mais se poursuivra au-delà de cette date. Il lui était confié la responsabilité du ' Back Office et suivi d'Activité Financière '.
Par avenant du 31/07/2008, Mme [O] sera nommée responsable du Back office et suivi d'activités Financières, classification CM7 à compter du 1/08/2007.
Mme [O] acceptait ce poste 'sous réserve des remarques formulées lors de nos différents entretiens notamment sur la classification retenue.
Par courrier du 8/08/2008, la CECAZ confirmait sa classification en CM7, l'emploi occupé ayant évolué.
Estimant que ses conditions de travail se dégradaient au point d'affecter son état de santé, elle usera de son droit de retrait le 20/11/2008 pour harcèlement moral, menaces et stress et parallèlement sera en arrêt de travail à compter de cette date jusqu'à début février 2009, et de nouveau en mars et mai 2009.
La visite de reprise effectuée par le médecin du travail en date du 4/02/2009 la déclare apte à son emploi.
Le 21/06/2009, Mme [O] déclare avoir fait une tentative de suicide en absorbant un mélange de produits toxiques.
Elle consultera le lendemain 22 juin 2009 le médecin du travail qui sur la fiche de visite précisera qu'il n'a pas délivré d'avis d'inaptitude ce jour et a adressé Mme [O] à son médecin traitant.
Sur demande de l'employeur, ce médecin précisera que Mme [O] doit travailler.
Le 30/06/2009, Mme [O] avertira son employeur de ce qu'elle exerce à nouveau son droit de retrait au motif que 'la situation de travail dans l'unité BESSIF est constitutive d'un danger grave et imminent pour ma santé ou ma vie ainsi que celle des collaborateurs de l'équipe'.
Suivra un certificat médical daté du 30/06/2009 pour maladie professionnelle.
A la suite d'une nouvelle visite de reprise en date du 23/02/2010, Mme [O] sera déclarée définitivement inapte à tous les postes de l'entreprise pour danger immédiat.
Mme [O] a été licenciée le 4 mai 2010.
Sur la classification de Mme [O] :
La qualification d'un salarié doit être appréciée en considération des fonctions effectivement remplies.
Mme [O] soutient qu'elle aurait dû bénéficier de la même classification CM8 que son prédécesseur, exerçant les mêmes fonctions que ce dernier.
Or, le service confié à Mme [O] a été réorganisé aux fins d'une mise en conformité avec la réglementation bancaire, et une 'nouvelle pesée' du poste a abouti à une classification CM7, laquelle soumise pour avis au CE a fait l'objet d'une approbation de ce dernier. Mme [O] reconnaît dans un courrier du 2/08/2008 que 'pour des raisons réglementaires, une des missions techniques a bien été enlevée du contenu du poste ', ce qui établit qu'elle n'exerçait pas des activités identiques à celles de son prédécesseur, mais soutient que ce poste relève de la classification CM8 du fait qu'elle dépendait hiérarchiquement d'un membre du directoire. Or, l'accord collectif national sur la classification des emplois du 30.09.03 ne fait pas dépendre le classement en CM8 d'un rattachement à un membre du directoire.
Mme [O], qui a été initialement embauchée en qualité de chargée de clientèle classification CM6, fonction qu'elle a exercé pendant une année avant la suspension de son contrat de travail pour deux ans, a obtenu au moment de sa reprise une promotion avec une élévation de sa classification et une augmentation de salaire non négligeable.
Il n'apparaît pas qu'il lui avait été promis une classification en CM8 et elle ne démontre pas qu'elle exerçait des fonctions relevant de cette classification, alors que la fiche de poste qui est produite aux débats relève effectivement de la classification CM7 dont l'énoncé a été reprise par le Conseil de Prud'hommes en page 5 de sa décision et à la lecture de laquelle il est renvoyé.
En conséquence, le jugement déféré qui a considéré que Mme [O] relevait de la classification CM7 sera confirmé, en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande en rappel de salaires.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail , aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement du contrat pour avoir subi ou refuser de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ses éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [O] invoque les faits suivants :
-des actes de pression, de menaces et de reproches injustifiés de la part de personnes de Direction Administrative et Financière pendant de nombreux mois et un conflit de valeurs imposé par les choix d'organisation de son employeur
-une précarité de son poste durant plusieurs mois
-une absence de visibilité sur l'avenir de son poste
-une déqualification de son poste de CM8 en CM7
-une surcharge de travail occasionnant pour elle un stress permanent
Pour étayer ses affirmations, Mme [O] produit les nombreux courriers et mails adressés à sa direction par lesquels elle dénonce une situation qui ne relève que de sa propre appréciation, qui font état de faits à son encontre non objectivés et qui ne relèvent que de ses allégations ainsi que les réponses obtenues dont le ton n'est ni agressif, ni humiliant, ni même discourtois, le compte rendu de l'enquête effectuée par le CHSCT qui ne fait état que d'une surcharge du travail dans certains secteurs, sans viser expressément Mme [O],et d'un manque d'organisation du service, sans jamais relever de situation d'harcèlement, des certificats médicaux dont celui du docteur [V] en date du 23/06/2009 qui fait état parmi ses antécédents de dépression psychogène névrotique.
Enfin, Mme [O] argue d'une tentative de suicide résultant de la dégradation de ses conditions de travail, sans aucunement justifier de la réalité de cette tentative.
De son côté, l'employeur fait valoir que :
- les actes de pression et de menaces ne ressortent que de ses seuls écrits et que la lecture des courriers et mails en réponse ne sont pas constitutifs d'actes de harcèlement moral étant courtois dans la forme et professionnels dans le fond ;
-Mme [O] a pris le poste de responsable de l'unité 'back office et suivi d'activités financières ' en toute connaissance de cause, sachant qu'une réorganisation de cette unité était projetée ; qu'elle n 'a jamais été laissée dans une situation d'abandon et a, au contraire, été étroitement associée aux réflexions menées ; qu'en effet lors de l'entretien du 13/10/2007, des objectifs ont été établis pour 2008 et qu'elle savait donc que sa mission se poursuivrait au-delà du 31/12/2007.
-qu'il n'a jamais été question de supprimer son poste mais de le redéfinir aux fins de respecter les préconisations de l'Inspection générales de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et que par courrier du 19 janvier 2010 il lui était encore confirmé que son poste n'était pas supprimé, qu'il avait été allégé, repositionné sur un niveau de classification CM6 sans que cela affecte sa propre classification en CM7, ce qui démontre s'il en était besoin, une absence de discrimination à son égard.
-que des mesures ont été prises pour alléger la charge de travail du service.
Pour étayer son argumentation, il se fonde sur les propres pièces produites par Mme [O].
Il résulte de la lecture des pièces produites par les parties, qu'aucun fait de harcèlement moral ne peut être retenu et que les demandes à ce titre et au titre du on respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat doivent en conséquence être rejetées.
Sur le licenciement :
Mme [O] a été licenciée pour inaptitude à tous les postes de l'entreprise et alors que l'employeur a rempli son obligation de reclassement en proposant des postes qui ont été refusés par Mme [O].
Le licenciement est donc pourvu d'une cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sur ce point sera confirmé.
Aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie en la cause l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme [O] qui succombe supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement,
RÉFORME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau et sur le tout :
Déboute Mme [O] de sa demande relative à sa classification et en conséquence de sa demande en rappel de salaire.
Déboute Mme [O] de ses demandes résultant d'un harcèlement moral.
Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Mme [O] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER.LE PRÉSIDENT.