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19/12/2013 | FRANCE | N°11/14860

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 19 décembre 2013, 11/14860


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2013



N° 2013/1159



Rôle N° 11/14860





[N] [R]





C/



Société ARCELOR MITTAL



UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT 13































Grosse délivrée

le :



à :



Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Denis PASCA

L, avocat au barreau de MARSEILLE









Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 29 Juillet 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/414.







APPELANT


...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2013

N° 2013/1159

Rôle N° 11/14860

[N] [R]

C/

Société ARCELOR MITTAL

UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT 13

Grosse délivrée

le :

à :

Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES en date du 29 Juillet 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/414.

APPELANT

Monsieur [N] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société ARCELOR MITTAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Denis PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

UNION TERRITORIALE DES RETRAITES CFDT 13, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2013, prorogé au 05 Décembre 2013 puis au 12 Décembre 2013 et au 19 Décembre 2013;

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2013.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[N] [R], né le [Date naissance 1] 1948 et bénéficiant d'un niveau BTS en électrotechnique a été engagé à compter du 1er février 1973 en qualité d'agent d'études 2ème échelon indice hiérarchique 220 par la société Lorraine et Méridonale de Laminage Solmer aux droits de laquelle se sont trouvés successivement les sociétés Sollac Méditerranée, la société Arcelor Mittal devenue en dernier lieu la SAS Arcelor Mittal Méditerranée.

Le 1er février 1975, il a été classé agent d'études 3ème échelon, coefficient 240 puis le 1er avril 1976 agent d'études niveau 4 échelon 2 indice 270 en application des accords paritaires sur la classification.

Après avoir été en juillet 1977 muté au département laminoirs service électrique, il a été promu le 1er mars 1978 agent d'études niveau 4 échelon 3 coefficient 285.

A compter du 2 mai 1980, le salarié a travaillé à l'informatisation des consignations électriques du train à bandes et a bénéficié le 1er avril 1982 de la classification agent d'études niveau 5 échelon 1 indice 305.

De juin 1982 à septembre 1983, il est à nouveau affecté au Département Entretien Général, et en octobre 1983, il a été affecté définitivement au département ' Laminoirs/unité train à bandes' et a participé au développement du projet de gestion de la maintenance assistée par ordinateur dit Gmao.

Le 1er avril 2009, il a quitté l'entreprise dans le cadre d'un départ volontaire à la retraite, son coefficient hiérarchique étant toujours fixé à 305 à cette date.

Estimant avoir été victime d'une discrimination en raison de son adhésion au syndicat CFDT et de sa participation au mouvement de grève de 1978 et 1979, [N] [R] a saisi le 4 juin 2009 le conseil de prud'hommes de Martigues pour obtenir des dommages-intérêts compensant l'absence d'évolution de sa carrière et ce à l'endroit de la société Arcelor Mittal Usine de Fos étant précisé que l'union territoriale des retraités CFDT 13 (dite UTR CFDT 13) est intervenue volontairement à l'instance.

Par décision du 7 septembre 2009, le bureau de conciliation a ordonné à la société Arcelor Mittal dans le délai de deux mois de remettre au salarié le registre unique du personnel pour la période de 1973 à 2009, (la sélection du panel de salariés étant à la charge du demandeur) et les éléments du panel selon les critères suivants la même date d'embauche (n+1, n-1), le même coefficient, le même diplôme ou équivalent, le même département ou service, les mêmes fonctions, et renvoyé l'affaire en bureau de jugement.

La société Arcelor Mittal a formé un appel nullité contre cette décision puis s'est désistée de ce recours, l'affaire étant plaidée au fond.

Par jugement en date du 29 juillet 2011, la juridiction prud'homale section industrie, après radiation et ré-enrôlement en formation de départage a:

*déclaré recevable l'action de [N] [R],

*débouté [N] [R] de sa demande de condamnation de la société Arcelor Mittal à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par une discrimination syndicale,

*dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée les parties des demandes formulées à ce titre,

*condamné [N] [R] aux dépens.

[N] [R] a le 17 août 2011 interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions communes, [N] [R] et l'union territoriale des retraités CFDT 13 intervenante volontaire demandent à la cour au visa des articles L2141-5, L2141-8, L1134, L1222-1 du code du travail et des accords d'entreprise du 8 novembre 1988, du 9 juillet 1990 et du 17 décembre 1990 de:

*infirmer le jugement déféré;

*à titre principal, dire que l'appelant a été victime d'une discrimination syndicale et en conséquence, condamner la société intimée:

- à lui payer 185 859 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel pour le coefficient IC (cadre position 1) et à titre subsidiaire 147 630 € ( au coefficient 365) et 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- à payer à UTR CFDT 8000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

* à titre subsidiaire, dire qu'il a été victime d'une inégalité de traitement dans le déroulement de sa carrière et en conséquence, à lui payer les mêmes sommes,

*en tout état de cause, condamner la société intimée à leur payer à chacun 3000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens dont les frais éventuels d'exécution.

L'appelant critique le jugement déféré en ce qu'il a considéré à tort qu'il ne présentait pas suffisamment d'éléments de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale relevant que les premiers juges se sont bornés à prendre en considération les seules attestations de Messieurs [U] et [M] alors qu'il en avait versé bien d'autres, ont ajouté au texte de l'article L 1134-1 du code du travail en recherchant 'une proximité temporelle' entre le commencement de son activité syndicale et des mesures défavorables prises à son égard, ont omis d'analyser l'ensemble des autres éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination syndicale notamment le non respect des accords d'entreprise relatifs aux entretiens individuels, le blocage au même coefficient pendant 27 ans, l'inégalité de traitement vis à vis d'autres salariés placés dans une situation comparable mais n'ayant pas eu d'activité syndicale.

Il s'oppose au moyen d'irrecevabilité soulevé par la partie adverse au motif que le code du travail prohibe la prise en considération par l'employeur de l'activité syndicale mais également de l'appartenance syndicale, que la preuve de l'activité syndicale n'est en aucun cas subordonnée à l'exercice d'un mandat électif ou désignatif au sein de l'entreprise.

Il prétend que même s'il n'a pas été investi d'un mandat syndical, il était syndiqué et militant syndical depuis juillet 1978, qu'il a participé aux mouvements de grèves de juillet 1979, ce qui constituait une réelle action militante et syndicale engendrant une perte de salaire et une méfiance voire une surveillance de la hiérarchie, que l'employeur ne saurait soutenir qu'il ignorait son activité syndicale dès lors que son salaire a subi des retenues pour fait de grève, le code 907 correspondant aux absences pour grève, que sa promotion de l'année 1982 est uniquement du au fait que M [S] chef de département a été remplacé par M [E] qui a reconnu la légitimité de sa promotion et du passage au coefficient supérieur à 305.

Il précise d'autre part:

- qu'aucun élément objectif ne justifie qu'il ait été maintenu pendant 27 ans au même coefficient que son évolution a été clairement paralysée à compter de 1982 alors que la durée moyenne pour le coefficient 305 est de 5 à 7 ans, qu'en suivant l'évolution de carrière antérieure à 1982, il aurait clairement terminé sa carrière au statut de cadre PII,

-que depuis 1991, les augmentations de salaire, aléatoires selon les années n'ont pas évolué, qu' à son départ en retraite il n'avait eu aucun augmentation de salaire depuis le 1er juin 2006,

-qu'il y a eu violation par l'employeur des accords du 8 novembre 1988, de 17 décembre 1990 dit ACAP 2000 complété le 25 janvier 1991 et du protocole Usinor Sacilor intitulé du 9 juillet 1990 'évolution niveau passage cadre'relevant qu'il a été privé d'entretiens individuels et professionnels qui s'avéraient nécessaires au bon déroulement de sa carrière, n'a pas bénéficié de parcours de carrière ACAP 2000 avec même violation de l'article 43 de cet accord, sa moyenne sur ses 36 ans de carrière étant inférieure à la progression moyenne fixée aux trois points de classification par année,

-que sur le blocage au Groupe de Référence Emploi (GRE) 331, la différence de traitement est évidente et ce sans aucun autre motif que celui de son appartenance et son activité syndicale,

- qu'il présente un panel récapitulatif et affiné tenant compte des critiques de la SAS Arcelor Mittal et des comparants présentés par cette dernière (sauf messieurs [H] et [T] qui n'avaient pas le même statut et la même qualification à l'embauche) panel faisant apparaître un coefficient moyen de 365 ce qui constitue un indicateur objectif laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale, relevant l'absence de loyauté de la SAS dans son raisonnement de comparaison en ne se fondant que sur les salaires mensuels de base ou en assimilant les indices hiérarchiques 365 et 395.

Sur le subsidiaire, il invoque une inégalité de traitement dans le déroulement de carrière rappelant qu'il a été maintenu pendant 27 ans au même coefficient ce qui est anormal au vu des statistiques sur les anciennetés moyennes dans les coefficients fournies par Arcelor et que le blocage de carrière ressort de façon évidente en analysant le tableau comparatif des salariés placés à l'embauche dans une situation identique à la sienne.

Il fait référence pour le calcul de son préjudice à la méthode de triangulation ou à celle de la durée moyenne de changement de coefficient et prend pour base la rémunération annuelle en moyenne mensuelle dite RAMM utilisées pour les négociations annuelles avec les organisations syndicales.

Aux termes de ses écritures, la SAS Arcelor Mittal conclut au visa des articles 2262 du code civil, des articles 1134-5 et 2141-5 du code du travail:

* à ce qu'il soit dit que l'action de [N] [R] visant à établir une discrimination syndicale est infondée faute de rapporter la preuve d'une quelconque activité syndicale connue de l'employeur,

* à la confirmation en toutes ses dispositions le jugement déféré et en conséquence, au débouté de toutes les demandes, fins et conclusions au titre d'une discrimination syndicale comme infondées,

et au rejet des demandes indemnitaires sur le fondement d'une prétendue discrimination syndicale, comme infondées,

*en tout état de cause, à ce qu'il soit dit que [N] [R] n'a été victime d'aucune mesure de discrimination salariale, en conséquence au débouté de toutes les demandes, fins et conclusions au titre d'une discrimination salariale et au rejet des demandes indemnitaires sur le fondement d'une prétendue discrimination salariale, comme infondées,

*au rejet des demandes indemnitaires formulées par l'UTR CFDT 13 et celles relatives aux frais de procédures de la dite union,

*à la condamnation de [N] [R] et l'UTR CFDT 13 à lui payer 3000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

*à la condamnation de [N] [R] aux dépens.

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande de reconnaissance d'une discrimination syndicale en raison de l'absence de preuve d'une activité syndicale et la connaissance par elle-même de cette activité, rappelant que l'appelant n'a jamais été titulaire d'un quelconque mandat syndical électif ou représentatif.

Elle souligne la carence de l'appelant dans l'administration de la preuve de sa participation aux mouvements de grève alors que curieusement dans ses conclusions d'appel il fait référence au point de départ de sa prétendue discrimination non plus à compter de 1979 mais à compter de 1982, ce qui n'est qu'un subterfuge visant à contourner le fait qu'il a été promu en 1982; Elle réfute une à une les pièces produites par l'appelant.

Elle réplique subsidiairement sur la prétendue violation du dispositif conventionnel relatif au suivi de carrière:

-que le coefficient 305 est très élevé dans le parcours de carrière ce qui suppose outre les compétences des disponibilités en termes de postes mais aussi que le salarié postule sur des postes et accepte une mobilité au niveau du groupe ce qui n'a pas été le cas,

-que l'accord d'entreprise du 8 novembre 1988 a fait l'objet d'une mise en place progressive, que le salarié a bénéficié de 8 entretiens professionnels de 1990 à 2006, qu'il a refusé un entretien le 16 juillet 1997,

-que l'accord ACAP 2000 prévoit que les procédures pour la mise en oeuvre de l'entretien professionnel sont mises au point au niveau de l'établissement ce qui a été défini pour le site de [Localité 1] par l'accord du 14 décembre 1993 lequel ne fixe aucune périodicité pour la tenue des entretiens professionnels et prévoit une mise en oeuvre de l'entretien professionnel progressive, que l'appelant a eu une évolution de carrière très largement supérieure au minimum conventionnel et au parcours de référence non obligatoire, qu'aucun ralentissement n'est établi, qu'il a bénéficié d'un changement de coefficient en moyenne tous les 24 mois, ce qui en deçà des moyennes de stagnation dans un coefficient produites par l'appelant, que sur 36 ans, il a bénéficié de cinq changements de coefficient de sorte que la durée moyenne dans chaque coefficient est de 7,2 ce qui constitue une évolution de carrière parfaitement normale et comparable à celle des autres salariés de l'entreprise, que les documents sur lesquels se fondent l'appelant comme ceux transmis dans le cadre de l'accord relatif à la NAO qui sont des photos prises à un moment donné ne constituent pas la démonstration d'une quelconque différence de traitement puisqu'ils ne tiennent pas compte de l'emploi occupé par les salariés, de leur ancienneté, de leur coefficient et de leur diplôme.,

-que l'appelant ne peut se prévaloir du protocole d'accord du 9 juillet 1990 dès lors qu'il n'a jamais pris l'initiative de déclencher le processus promotionnel du dit accord.

Elle considère que le déroulement de carrière de l'appelant a été normal; elle critique les panels produits par l'appelant (4 en première instance et 1 en appel) qui ne sont pas conformes aux critères fixés par la jurisprudence et ne sont pas probants ne recoupant pas des salariés placés dans la même situation, citant même des salariés qui ne sont pas identifiés dans les registres du personnel; elle déclare démontrer par la production de son propre panel l'absence d'inégalité de traitement tant en termes de coefficient que de rémunération et établir eu égard aux augmentations régulières dont le salarié a bénéficié qu'il percevait un salaire supérieur de plus de 100 € au salaire moyen de son coefficient.

Elle souligne qu'elle justifie par des éléments objectifs que le salarié ne maîtrisait pas suffisamment son poste pour prétendre à un poste supérieur

Elle conteste la prétendue violation du principe d'égalité de traitement et invoque la carence de l'appelant dans l'administration de la preuve, relevant que ce dernier confond le régime probatoire applicable aux deux fondements juridiques visés, que les panels produits sont irrecevables sur la demande subsidiaire, que le recours à la méthode de triangulation qui se base sur l'évolution de carrière ne peut être appliqué pour chiffrer un éventuel préjudice en matière de discrimination salariale, que seul le salaire de base ramené à 13 mois peut être un élément objectif pouvant servir de base de calcul.

Elle ajoute que l'UTR CFDT 13 n'est pas un syndicat professionnel et doit faire la preuve de sa faculté d'ester en justice.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE

I sur la discrimination syndicale

1°sur le rappel des dispositions légales en matière de discrimination syndicale.

L'article L 2141-5 du code du travail dispose: « il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.... ». Cet article a été complété par la loi 2008 - 789 du 20 août 2008 sur l'exigence d'un accord déterminant les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle et la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise dans le cadre de l'exercice de mandats.

L'article L1134-1 du code du travail fixe les règles de preuve et prévoit ainsi que « lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II .... Le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article premier de la loi n° 2008 - 4 96 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné ,en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qui estime utiles »

2° sur l'existence d'une discrimination syndicale,

En premier lieu, il convient de constater que devant la cour, la SAS Arcelor Mittal a abandonné la fin de non recevoir tirée de la prescription, qui avait été rejeté par les premiers juges.

D'autre part, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté le salarié de sa réclamation au titre de la discrimination syndicale.

Il doit être ajouté que contrairement aux dires de l'appelant, les premiers juges ont examiné les pièces produites devant eux et notamment l'ensemble des attestations.

En ce qui concerne les nouvelles pièces produites en appel y compris de nouvelles attestations

de [A] [C], de [K] [F] ou de [Z] [I] et même si le salarié a justifié dès la première instance de son adhésion au syndicat CFDT du 2ème semestre 1978 jusqu'en 1986, elles ne révèlent aucun fait précis et circonstancié et daté quant à la réalité de l' activité militante de l'appelant qui aurait été connue de l'employeur et qui laisserait présumer l'existence d'une discrimination syndicale directe ou indirecte.

La seule participation du salarié aux grèves de 1978 et 1979 avec retenue de salaire est insuffisant alors que les dites grèves ont concerné la majorité des salariés et ont entraîné même une fermeture de l'usine et que postérieurement aux dites grèves, le salarié a bien fait l'objet d'une promotion et d'un changement de coefficient.

Dès lors que la réalité de l'activité militante du salarié n'est pas démontrée, aucun lien ne peut être établi avec les prétentions du salarié en termes de blocages de carrière et de non respect du dispositif conventionnel.

De plus sur ce dernier point, il ne peut être utilement invoqué un non-respect des accords d'entreprise du 8 novembre 1988 sur le déroulement de carrière de tous les salariés mandatés ou non ou sur l' entretien professionnel sur l'accord de branche du 17 décembre 1990 sur la conduite de l'activité professionnelle ACAP 2000 complété par un avenant du 25 janvier 1991, qui est venu en substitution du précédent et ce dans la mesure où il ressort des pièces versées au débat que le salarié a bénéficié de 4 entretiens individuels annuels en 1990, en 1991,en 1992 et en 1993, et postérieurement de 4 entretiens professionnels le 17 septembre 1999, le 7 janvier 2003, le 29 septembre 2004 et le dernier le 28 juin 2006,celui programmé le le16 juillet 1997 n'ayant pu se tenir le salarié étant en repos réduction d'activité, que le parcours minimum de carrière a été respecté, qu'il a été proposé pour une évolution au 1 janvier 2006 au comité carrière du TAB, le dit comité l'ayant refusé.

3° sur l'intervention volontaire de l'UTR CFDT 13,

Si l' intervention volontaire de l'UTR CFDT 13 qui bénéficie du statut du syndicat CFDT auquel elle est rattachée est recevable, par contre, elle ne peut être fondée en l'état du rejet de la réclamation de l'appelant au titre de la discrimination syndicale.

En conséquence, aucune somme ne sera allouée à cette intervenante ni à titre de dommages et intérêts ni sur le fondement de l'article 700 du code de procédure .

II sur l'inégalité de traitement invoqué en appel au subsidiaire

En application de l'article 1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

L'appelant qui invoque l'inégalité de traitement dans le déroulement de sa carrière se fonde d'une part sur les statistiques sur les anciennetés moyennes dans les coefficients fournies par Arcelor et d'autre part sur le tableau comparatif des salariés placés à l'embauche dans une situation identique à la sienne.

En premier lieu, il convient de préciser que l'inégalité de traitement ne peut être appréciée comme le demande le salarié dans le déroulement de la carrière mais à un instant T.

Les statistiques produites qui ne débutent qu'en 1988 ( pièces 98-1 à 98-6 ) révèlent que notamment au 31 décembre 1988, la durée moyenne du coefficient 305 était de 5,22 et au 31 décembre 1998 de 4ans, et au 31 décembre 2003 de 6 ans; il est constant qu'aux mêmes dates, le salarié était toujours au coefficient 305 depuis 1982. Toutefois, ces éléments fondés sur une moyenne ne permettent pas de mettre en évidence comme le relève à juste titre l'employeur une inégalité de traitement et ce dans la mesure où elles ne tiennent pas compte de l'emploi occupé par les salariés, de leur ancienneté, de leur coefficient et de leur diplôme.

En ce qui concerne les panels, le salarié après avoir admis les critiques adverses sur ses précédents panels produit en dernier lieu un panel en pièce 113 où il reprend une partie des données du panel établi par l'employeur, en ajoutant d'autres salariés et en le modifiant sur le salaire pour faire référence au dernier salaire moyen connu (RAMM);

Au vu du panel qu'il produit, le salarié apporte des éléments laissant présumer une inégalité de traitement.

Toutefois, l'employeur qui verse au débat un panel limité à 20 salariés, ( pièce 48) prenant en référence le salaire mensuel de base ( données Nao) fournit des éléments justifiant en partie la différence mis en avant par le salarié.

En effet, à l'examen de ces deux panels, il apparaît:

- que le panel du salarié fait l'objet de critiques parfaitement justifiées de l'employeur ( pièce 64 ), pour les salariés ajoutés certains ne figurant pas sur le registre du personnel, d'autres n'ayant pas le même statut, le même coefficient ou la même date d'embauche que [N] [R] et pour la référence salariale,

-que seul le panel de l'employeur peut être retenu dans la mesure où il prend en référence 20 salariés dans la même situation que [N] [R] en termes d'embauche( date, statut, coefficient sans ancienneté au jour de embauche), de diplôme, et les compare à la date de 31 décembre 2008 en termes de coefficient, de statut et de salaire de mensuel de base, ce salaire étant un élément objectif pouvant permettre une comparaison.

En l'état, il s'avère au niveau coefficient,

-que la répartition du panel se fait ainsi: 1 au coefficient 285, 7 au coefficient 305 comme [N] [R], 4 au coefficient 335, 5 au coefficient 365 dont un Etam et 4 cadres, 2 au coefficient 395 ( cadres ) étant précisé que les salariés devenus cadres ont été classé au coefficient 365 et 395 par application de la grille de transposition figurant dans la convention collective et produit au débat, le salarié a moins évolué que la moyenne du panel,

-que le salarié a moins évolué que la moyenne du panel qui est de 339 et non comme indiqué par l'employeur de 318,75.

Par contre, au niveau salarial, comparant au 31 décembre 2008, le salaire de base du salarié ( 2247,60 € )coefficient 305 et celui des autres salariés coefficient 305, par référence aux salaires de base donnée NAO (2139,72 € ), il n'y a aucun inégalité mise en évidence, l'appelant ayant eu un salaire de base supérieur.

Considérant que si au niveau salaire, il ne peut être admis une inégalité de traitement, par contre,

il a bien mis en évidence ci dessus une inégalité en termes de coefficient.

Dans ces conditions, il sera fait droit sur le principe à la demande subsidiaire du salarié en la limitant à l'inégalité de traitement en termes de coefficient, ce qui représente une différence de salaire de base entre le coefficient 305 et le coefficient 335 de 124,75 € par mois et qui doit être indemnisée à hauteur de 20 000 € à titre de dommages et intérêts tenant compte de l'ancienneté moyenne dans le coefficient ci dessus évoquée et des conséquences pour la perte subie sur les droits à la retraite.

Il convient d'autre part de lui allouer 1000 € au titre du préjudice moral.

III sur les demandes annexes

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre à l'appelant une indemnité de 1500 €.

L' intimée qui succombe ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré sur le rejet de la demande au titre de la discrimination syndicale et rejet de l'intervention volontaire de l'UTR CFDT 13,

Le réforme en ce qu'il a mis les dépens à la charge de [N] [R],

Statuant à nouveau sur le point réformé et y ajoutant,

Fait droit à la demande subsidiaire nouvelle en appel au titre de l'inégalité de traitement,

Condamne la SAS Arcelor Mittal Méditerranée à payer à [N] [R] les sommes suivantes:

-20 000 € à titre de dommages et intérêts de l'inégalité de traitement lié au coefficient

- 1000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

-1500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Arcelor Mittal Méditerranée aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/14860
Date de la décision : 19/12/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/14860 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-19;11.14860 ?
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