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10/12/2013 | FRANCE | N°12/00553

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 10 décembre 2013, 12/00553


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2013



N° 2013/













Rôle N° 12/00553





SELARL [C]-[P]





C/



[N] [O]



CGEA AGS DE [Localité 1]































Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean françois TOGNACCIOLI, avocat au barreau de NICE



Me Christine GAI

LHBAUD, avocat au barreau de GRASSE



Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 15 Décembre 2011, enregistré au répertoire général...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2013

N° 2013/

Rôle N° 12/00553

SELARL [C]-[P]

C/

[N] [O]

CGEA AGS DE [Localité 1]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean françois TOGNACCIOLI, avocat au barreau de NICE

Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 15 Décembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° F09/00968.

APPELANTE

SELARL [C]-[P] liquidateur judiciaire de la société LSO INTERNATIONAL

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean françois TOGNACCIOLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [N] [O], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CGEA AGS DE [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2013.

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [N] [O] a été embauchée le 15 février 1991 par contrat à durée indéterminée, en qualité de chef de projet par la SA LSO INTERNATIONAL ayant pour activité l'organisation de salons et de congrès, et premier opérateur de tourisme d'affaires sur la Côte d'Azur.

En septembre 2000 la société intégrait le groupe BCD, leader mondial du tourisme d'affaires, comptant plus de 13 000 salariés, et en janvier 2003 LSO INTERNATIONAL devenait une société en nom collectif détenue à 100% par la société Impact Holding France.

Elle était dirigée jusqu'au 3 novembre 2008 par M. [K] [G].

Au mois d'octobre 2008 le groupe BCD était à l'origine d'une fusion absorption de LSO INTERNATIONAL avec une société MMA, et M. [L] [T] devenait son représentant légal.

Quelques mois après cette fusion, par jugement en date du 13 février 2009, le tribunal de commerce d'Antibes ouvrait une procédure de redressement judiciaire, désignait Me [E] [U] [D] en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [C]-[P] en qualité de mandataire judiciaire.

Un plan de sauvegarde de l'emploi était présenté au comité d'entreprise de l'unité économique et sociale LSO INTERNATIONAL et LSO PRODUCTION le 12 mars 2009.

Par jugement en date du 27 mars 2009 le tribunal de commerce d'Antibes prononçait la liquidation judiciaire de la société LSO INTERNATIONAL.

Par lettre du 31 mars 2009, la SELARL [C]-[P], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LSO INTERNATIONAL notifiait à la salariée son licenciement pour motif économique dans le cadre d'une procédure de licenciements collectifs.

Plusieurs actions étaient engagées à l'encontre de l'ancien dirigeant M.[G] :

- une action en répétition de dividendes,

- une action en contribution de dettes sociales à son encontre et à l'encontre du groupe actionnaire.

L'action contre les sociétés du groupe faisait l'objet d'un accord transactionnel autorisé par le juge commissaire et homologué par le tribunal de commerce d'Antibes ce qui permettait à liquidation judiciaire de percevoir plus de 500 000 €.

.

L'action en comblement de l'insuffisance d'actif en application de l'article L651 - 2 du code de commerce est toujours en cours.

Une action en responsabilité civile professionnelle était également engagée à l'encontre du commissaire aux comptes, et plusieurs plaintes pénales déposées auprès du procureur de la république de Grasse à l'encontre de l'ancien dirigeant du chef de banqueroute, faux et usage de faux, à l'encontre de la société actionnaire IMPACT HOLDING et PHC TREASURY BV du chef de complicité de banqueroute, usage de faux , et à l'encontre du commissaire aux comptes du chef de non révélation de faits délictueux, faux et usage de faux.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 11 janvier 2012, la SELARL [C]-[P], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LSO INTERNATIONAL a relevé appel du jugement rendu le 15 décembre 2011 par le conseil de prud'hommes de GRASSE qui a arrêté au passif de sa liquidation judiciaire une créance de Madame [O] d'un montant de 13 132,89 euros pour licenciement illégitime, au contradictoire de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS).

Par lettre recommandée postée le 18 janvier 2012, l'AGS a relevé appel incident de ce jugement, à elle notifié le 19 décembre 2012.

Ces deux instances ont été jointes par arrêt du 28 février 2012.

.

La SELARL [C]-[P], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société LSO INTERNATIONAL , demande à la cour :

in limine litis,

- d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance en comblement de passif pendante devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

- d'ordonner la comparution de M. [K] [G] en qualité de témoin aux fins d'apprécier la portée des manquements qui lui sont reprochés,

à titre principal sur le fond,

de dire que la cause économique du licenciement qu'elle a notifié en application du jugement définitif de liquidation judiciaire en date du 27 mars 2009 procède de difficultés économiques dont le principe est acquis du seul fait de la liquidation judiciaire de la société débitrice, et qu'elle a pleinement exécuté son obligation de reclassement tant en poursuivant les tentatives de l'administrateur judiciaire qu'en prenant toutes les initiatives possibles dans le temps et avec les moyens qui étaient les siens dans le cadre de la liquidation judiciaire, et de constater que le reclassement du salarié s'est avéré impossible,

de réformer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire,

de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la justice sur l'appréciation des faits allégués de légèreté blâmable de l'ancien employeur,

de dire qu'en tout état de cause les difficultés économiques qui ont conduit à la liquidation judiciaire et au licenciement ne sont pas toutes directement imputables à l'ancien employeur et à sa légèreté blâmable,

de dire que le licenciement pour motif économique a une cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause de rejeter toutes les demandes de l'intimé,

de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

de dire la décision à intervenir opposable au CGEA AGS.

Elle fait valoir :

I) au soutien de sa demande de sursis à statuer :

Que les premiers juges ont motivé leur décision en retenant la légèreté blâmable de l'ancien dirigeant de la société M. [K] [G], alors que, sauf fraude, un jugement définitif de liquidation judiciaire empêche toute remise en cause du motif économique du licenciement notifié par le liquidateur lorsqu'il a satisfait à son obligation de reclassement.

Cependant, puisque son action devant le tribunal de commerce d'Antibes en comblement de l'insuffisance d'actif à hauteur de 3 millions d'euros à l'encontre de l'ancien dirigeant de la société a été rejetée par les premiers juges dans leur jugement du 14 décembre 2012 et que son appel est pendant devant la huitième chambre A de la présente cour, l'affaire devant être appelé le 16 octobre 2013 à 8:40, un sursis à statuer permettrait d'éviter toute contrariété entre la décision à intervenir et le jugement rendu dans une autre affaire pendante devant une autre juridiction.

Par ailleurs, la citation comme témoin de M [G] l'ancien dirigeant ( en application des dispositions des articles 204 et suivants du code de procédure civile, L. 1235- 1 et R. 1423 - 54 du code du travail) permettrait à la cour de former sa conviction sur les prétendus agissements de légèreté blâmable qui lui sont reprochés.

II) Sur le fond :

Que le licenciement est fondé sur un jugement de liquidation judiciaire définitif et que dès lors, le contrôle de la réalité et du sérieux du motif économique ne relève pas du juge prud'homal, puisque le liquidateur judiciaire licencie sur l'ordre d'un jugement.

Que la lettre individuelle de licenciement est suffisamment motivée puisqu'il est précisé que le licenciement intervient en application du jugement de liquidation.

Que la légèreté blâmable ne saurait être prise en compte dans le contrôle du sérieux du motif.

Que l'obligation de reclassement a été préalablement exécutée

Le CGEA du Sud Est, gestionnaire de L'AGS s'associe à la demande de sursis à statuer ; sur le fond il estime que le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation de moyen de reclassement, d'autant qu'il lui a fallu organiser dans le délai légal très bref de 15 jours des dizaines entretien individuels.

Au bénéfice de son appel incident, la salariée demande à la cour de confirmer le jugement déféré et porte à la somme de 60 000 € l'indemnisation du préjudice né de la rupture illégitime de son contrat de travail. Son conseil sollicite 1000 € pour ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir :

que le nombre et la soudaineté des licenciements ne peuvent s'expliquer que par l'inertie du groupe auquel appartenaient LSO INTERNATIONAL et LSO PRODUCTION et une gestion contraire à l'intérêt social ,

sur la demande de citation comme témoin qu'aucune audition n'a à être prévue, M [G] n'est pas partie à la procédure,

sur le fond qu'il y a manquement à l'obligation de reclassement, le périmètre s'étendant aux entreprises du groupe.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 16 octobre 2013 .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de sursis à statuer et la demande de convocation comme témoin de l'ancien dirigeant de la société :

Les querelles qui opposent l'ancien dirigeant du groupe BCD HOLDING NV aux nouveaux dirigeants du groupe sont étrangères à l'exécution d'un contrat de travail, de sorte que cette cour, chambre sociale, considère les demandes de sursis à statuer et de convocation pour audition de cet ancien dirigeant comme étant sans objet.

Elle observe au demeurant, qu'hormis infraction pénale ou caution personnelle, la personnalité morale a précisément pour but de mettre à l'abri de poursuites personnelles les gérants, présidents-directeurs généraux et autres présidents d'associations.

Ces demandes seront en conséquence rejetées.

Sur la réalité du motif économique :

Le licenciement économique prononcé par le liquidateur judiciaire ne peut plus être contesté dans son principe dans la mesure où la lettre de rupture mentionne qu'il intervient en application du jugement de liquidation.

Ce moyen doit également être rejeté.

Sur les recherches de reclassement :

Il est certain que le liquidateur judiciaire qui a été chargé d'aménager 44 entretiens individuels personnalisés dans les 15 jours du jugement de liquidation judiciaire a pu être débordé au point de ne pouvoir répondre de manière totalement satisfaisante à sa mission.

Les pièces qui ont été versées aux débats démontrent qu'il a recherché un reclassement auprès des satellites du groupe suivant :

-Société Impact Holding France, actionnaire principal : courrier circulaire du 28 mars 2009,

-Sociétés ABC DECO, Arts Actuels Appliqués, CE France, RCS Organisation et Antibes Yacht Shows : courriers circulaires identiques du 30 mars 2009.

La cour relève que tous ces courriers imposent au destinataire une date butoir.

Ils sont en effet ainsi libellés :

« dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SASU LSO INTERNATIONAL (') Suite au jugement du tribunal de commerce d'Antibes en date du 27 mars 2009, je suis contraint de procéder au plus tard le 6 avril 2009 au licenciement pour motif économique de l'ensemble des salariés compte tenu du délai de 15 jours qui m'est imparti par les dispositions de l'article L 143 ' 11 ' 1 du code du travail.

Afin de rechercher une possibilité de reclassement, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer très rapidement (impérativement avant le 4 avril 2009) s'il existe des possibilités de reclassement immédiat ou à terme au sein de votre société aux qualifications et compétences des salariés dont le licenciement est envisagé (voir liste des catégories professionnelles annexées à la présente). »

Or, le liquidateur judiciaire a licencié le salarié sans attendre l'expiration du délai qu'il avait imparti aux destinataires pour recevoir leurs réponses sur les possibilités de reclassement, alors qu'il disposait encore d'un temps de recherche.

La cour dira que pour ce seul motif le mandataire judiciaire n'a pas satisfait à son obligation légale de reclassement, et que, dès lors, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les fins de l'appel incident : âgée de 44 ans la salariée avait une ancienneté de

18 ans et percevait une rémunération moyenne brute mensuelle de 2188,81 euros.

La cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour élever à la somme de 35 000 € l'entière réparation de son nécessaire préjudice.

L'indemnité de procédure :

L'équité justifie d'accorder à la salariée une indemnité de procédure de 800 € pour ses frais irrépétibles d'appel.

Les dépens :

L'employeur supportera les entiers dépens des instances jointes.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code procédure civile :

Confirme par substitution de motif le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'infirme pour le surplus.

Et, statuant à nouveau :

Fixe ainsi qu'il suit la créance de Madame [N] [O] au passif de la liquidation de la société LSO INTERNATIONAL :

35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

800 € pour ses frais irrépétibles d'appel.

Dit que si le liquidateur judiciaire ne dispose pas des fonds suffisants pour acquitter en tout ou partie cette créance, le CGEA du Sud-Est gestionnaire de l'AGS devra sa garantie dans les limites et les plafonds prévus par les dispositions de l'article L3253 ' 8 et suivants du code du travail.

Rejette toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne l'employeur aux entiers dépens des instances jointes et dit qu'ils seront inscrits en frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la société LSO INTERNATIONAL.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION

DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/00553
Date de la décision : 10/12/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-10;12.00553 ?
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