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05/12/2013 | FRANCE | N°12/20942

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 05 décembre 2013, 12/20942


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2013



N° 2013/ 419













Rôle N° 12/20942







SNC CARTIER SYNDICATURE





C/



[B] [N]

SARL LA SOCIETE IMMOBILIERE





















Grosse délivrée

le :

à :

ERMENEUX

BOULAN CHERFILS















Décision déférÃ

©e à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 23 Octobre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2012R594.





APPELANTE





SNC CARTIER SYNDICATURE immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° 430 100 917,

dont le siège social est sis [Adresse 4]

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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2013

N° 2013/ 419

Rôle N° 12/20942

SNC CARTIER SYNDICATURE

C/

[B] [N]

SARL LA SOCIETE IMMOBILIERE

Grosse délivrée

le :

à :

ERMENEUX

BOULAN CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 23 Octobre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2012R594.

APPELANTE

SNC CARTIER SYNDICATURE immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° 430 100 917,

dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Agnes ERMENEUX-CHAMPLY, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Stéphanie CLEMENT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [B] [N],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me François GISBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL LA SOCIETE IMMOBILIERE immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° B 480 704 394,

dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat postulant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me François GISBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2013,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :

Monsieur [B] [N] est salarié de la S.N.C. CARTIER SYNDICATURE depuis le 15 septembre 2003; son contrat de travail a été modifié par un avenant daté du 14 janvier 2011 qui stipule notamment :

- article 1 : ses fonctions sont de ;

- article 6 : 'Clause de non sollicitation : (...) :

. '(...) en cas de rupture du présent contrat (...) Monsieur [B] [N] s'interdira de détourner ou tenter de détourner tout ou partie de [la] clientèle [de la société CARTIER]. (...)

. 'Le fait d'intervenir directement ou par personne interposée moins de 24 mois après son départ effectif, pour un client quelconque [de la société CARTIER] sans en avoir obtenu d'autorisation écrite, constituerait de la part de Monsieur [B] [N] un abus et un manquement à la loyauté. (...)

. 'Pendant la durée d'application de la présente clause, Monsieur [B] [N] percevra en contrepartie de cette obligation de non sollicitation de clientèle une indemnité mensuelle (...) égale à 1/5 du salaire brut mensuel contractuel (...)'.

Monsieur [N] a démissionné par lettre du 17 juillet 2012 en demandant à être dispensé d'effectuer son délai de préavis. En septembre et octobre plusieurs copropriétés attribuées à Monsieur [N] au sein de la société CARTIER ont choisi comme nouveau syndic soit la S.A.R.L. MIGLIANI IMMOBILIER ayant pour gérant Monsieur [V] [S], soit la S.A.R.L. LA SOCIETE IMMOBILIERE ayant pour gérant Monsieur [N] qui en est devenu associé unique le 27 août en succédant à Monsieur [S]. La troisième société, qui avait son siège à [Adresse 5] s'est installée en novembre dans les locaux de la deuxième à [Localité 1], avec pour dirigeants Messieurs [N] et [S].

Le 5 octobre 2012 la société CARTIER a assigné LA SOCIETE IMMOBILIERE et Monsieur [N] es qualité de gérant de celle-ci devant le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE; une ordonnance de référé du 23 octobre 2012, retenant que Monsieur [N] peut exercer une activité concurrente mais ne doit pas solliciter les clients de la société CARTIER, mais que cette dernière ne démontre pas d'action positive ni d'intervention de l'intéressé ayant conduit les copropriétés à changer de gestionnaire, a rejeté les demandes de la société CARTIER.

La S.N.C. CARTIER SYNDICATURE a régulièrement interjeté appel le 7-8 novembre 2012, et par ordonnance du 6 mai 2013 l'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 905 du Code de Procédure Civile. Par conclusions du 24 octobre 2013 l'appelante soutient notamment que :

- Monsieur [N] a cessé son travail dès le jour de sa démission avant même qu'elle ne réponde à sa demande de dispense de son préavis; très peu de temps après son départ elle a reçu des mises en concurrence de la part de copropriétés qu'il gérait en son sein, avec comme candidat pour la remplacer la société MIGLIANI, géré par Monsieur [S] ancien propriétaire d'elle-même; puis de nouvelles mises en concurrence sont intervenues en août et septembre pour des copropriétés précédemment gérées par Monsieur [N], qui ont choisi LA SOCIETE IMMOBILIERE de ce dernier, dans laquelle intervient Monsieur [S];

- Monsieur [N] est intervenu directement ou indirectement via LA SOCIETE IMMOBILIERE dont il est le gérant auprès de 7 copropriétés marseillaise d'elle-même ([Adresse 2], le Sébastopol, Clos Solférino, [Adresse 1], l'Esculape, Elysée 2, et [Adresse 3]) qu'il a pu récupérer; cette société est ainsi intervenue objectivement pour prendre sa suite ce qui suffit à prouver la violation de l'engagement contractuel de Monsieur [N];

- elle n'agit pas en concurrence déloyale; la clause souscrite par Monsieur [N] n'est pas une clause de non-concurrence.

L'appelante demande à la Cour d'infirmer l'ordonnance et vu l'article 873 alinéa 1 du Code de Procédure Civile de :

- enjoindre à LA SOCIETE IMMOBILIERE et à Monsieur [N] de respecter strictement la clause de non sollicitation, et en conséquence de ne pas intervenir pour les copropriétés qui sont limitativement énumérées dans sa pièce n° 6;

- dire qu'en cas de nouvelle violation de la clause de non sollicitation de clientèle LA SOCIETE IMMOBILIERE et Monsieur [N] seront solidairement redevables d'une indemnité forfaitaire de 30 000 € par infraction constatée;

- condamner LA SOCIETE IMMOBILIERE et Monsieur [N] à lui payer une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Concluant le 30 octobre 2013 Monsieur [B] [N] et la S.A.R.L. LA SOCIETE IMMOBILIERE répondent notamment que :

- en avril 2012 la société CARTIER a été absorbée par la société CITYA d'où sa réorganisation totale et le transfert de son siège, et un mécontentement de certains copropriétés jamais avisées de cette nouveauté ni du changement de leur gestionnaire; un certain nombre de copropriétés n'ont plus été administrées faute de convocation de l'assemblée générale par leur syndic la société CARTIER;

- 14 de ces copropriétés ont sans intervention ni incitation de Monsieur [N] choisi de changer de syndic (choisissant le Cabinet MIGLIANI pour 6) en s'adressant à Justice et parfois avant la démission de l'intéressé; ces copropriétés avait connu Monsieur [S] dans le passé et se sont naturellement tournées vers lui; ces changements résultent d'une activité concurrentielle nullement critiquable;

- la clause de non-sollicitation n'est pas une clause de non-concurrence, la société CARTIER n'ayant pas interdit à Monsieur [N] d'effectuer une activité concurrentielle; la première ne démontre pas un démarchage positif et actif du second auprès de ses anciennes copropriétés; cette société incrimine 7 copropriétés alors que selonn elle Monsieur [N] en gérait 81;

- la clause de non-sollicitation est étrangère à LA SOCIETE IMMOBILIERE qui n'y était pas partie, et par suite n'est pas tenue de la respecter;

- l'interdiction d'intervention pesant sur Monsieur [N] ne peut être assimilée à une clause de non-concurrence, et consiste à démarcher ou à solliciter la clientèle de la société CARTIER;

- la qualification de la clause excède les pouvoirs du juge des Référés;

- l'indemnité contractuellement prévue pour Monsieur [N] n'a jamais été acquittée, ce qui le libère de son obligation de non-concurrence; la même ne respecte pas le principe de proportionnalité et ne peut donc bénéficier à la société CARTIER;

- l'astreinte de 30 000 € est disproportionnée avec les honoraires annuels de gestion des copropriétés (entre 700 et 8 000 €).

Les intimés demandent à la Cour de :

- constater que la société CARTIER ne justifie en rien que Monsieur [N] ait contrevenu directement ou par personne interposée à l'obligation de non-sollicitation telle que celle-ci résultait de l'avenant au contrat de travail;

- constater que la même ne justifie en rien qu'il soit intervenu auprès d'anciennes copropriétés initialement gérées par elle pour que celles-ci procèdent à un changement de syndic;

- débouter la société CARTIER;

- constater qu'aucun élément de fait et de droit ne permet de prétendre que Monsieur [N] ait contrevenu ou risque de contrevenir à l'obligation de non-sollicitation qui lui est imposée;

- débouter la société CARTIER;

- constater que LA SOCIETE IMMOBILIERE n'est en aucune manière tenue à l'égard de la société CARTIER d'une quelconque obligation de non-sollicitation ou de non-concurrence;

- débouter la société CARTIER;

- subsidiairement dire et juger que la qualification de clause de non-sollicitation ou de clause de non-concurrence telle que mentionnée dans le contrat de travail de Monsieur [N] excède les pouvoirs conférés au magistrat des Référés;

- débouter la société CARTIER;

- très subsidiairement, dans l'hypothèse selon laquelle la Cour venait à estimer que la clause de non-sollicitation doit s'analyser en une clause de non-concurrence :

. constater qu'aucune contrepartie financière n'a été réglée par la société CARTIER au profit de Monsieur [N];

. constater que la contrepartie financière contractuelle ne respecte nullement le principe de proportionnalité;

. constater que la société CARTIER, en s'abstenant de verser à Monsieur [N] l'indemnité contractuelle prévue lors du départ de celui-ci, a exonéré son salarié du respect d'une telle clause;

- débouter la société CARTIER;

- condamner la même au règlement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

----------------------

M O T I F S D E L ' A R R E T :

La clause de non-sollicitation stipulée dans l'avenant du 14 janvier 2001 au contrat de travail de Monsieur [N] avec la société CARTIER n'engage contractuellement que celui-là, et non LA SOCIETE IMMOBILIERE faute pour elle d'être partie à ces contrat et avenant. Mais cette dernière société peut être poursuivie sur le fondement de sa responsabilité délictuelle, si elle commet des actes de complicité afférents aux violations de cette clause par Monsieur [N].

Toutes les parties s'accordent sur le fait que la clause de non-sollicitation n'est pas une clause de non-concurrence, même si à titre très subsidiaire cette dernière est invoquée par Monsieur [N]; cependant celui-ci n'a depuis la rupture de son contrat de travail le 17 juin 2012 soit il y a aujourd'hui 16 mois jamais réclamé l'indemnité contractuelle compensant son assujettissement à la clause de non-sollicitation, bien que cette somme devait en principe être versée spontanément par la société CARTIER.

Le texte de l'article 6 du contrat de travail modifié contient 3 expressions :

- en titre 'clause de non-sollicitation';

- d'abord l'interdiction pour Monsieur [N] 'de détourner ou tenter de détourner tout ou partie de [la] clientèle [de la société CARTIER]';

- enfin l'interdiction pour le même 'd'intervenir directement ou par personne interposée moins de 24 mois après son départ effectif, pour un client quelconque [de la société CARTIER] sans en avoir obtenu d'autorisation écrite', la violation de cette interdiction constituant 'un abus et un manquement à la loyauté'.

Les première et deuxième expression impliquent une action positive de Monsieur [N] pour prendre contact avec les copropriétés gérées par lui lorsqu'il était salarié de la société CARTIER, afin de leur proposer comme nouveau syndic en remplacement de celle-ci LA SOCIETE IMMOBILIERE dont il est le gérant.

Mais la troisième expression est beaucoup plus large et peut être aisément interprétée par le Juge des Référés, ce qui exclut la contestation sérieuse invoquées par LA SOCIETE IMMOBILIERE et son gérant Monsieur [N]; le paragraphe contenant cette expression veut dire qu'il suffit que ces 2 derniers soient objectivement devenus le nouveau syndic de copropriétés gérés par Monsieur [N] quand il était le salarié de la société CARTIER, et ce sans l'autorisation écrite de cette dernière, pour qu'il y ait abus et manquement à la loyauté, notions équivalant à une faute civile; enfin la façon dont le rapprochement s'est fait entre d'une part LA SOCIETE IMMOBILIERE et son gérant, et d'autre part les copropriétés de la société CARTIER, importe peu vu le caractère objectif de l'interdiction pesant sur Monsieur [N]. Ce dernier aurait en effet dû s'abstenir de prendre, au sein de LA SOCIETE IMMOBILIERE qu'il gérait, les copropriétés qu'il gérait précédemment chez la société CARTIER, et ce pendant les 24 mois à compter de sa démission le 17 juillet 2012, soit jusqu'au 16 juillet 2014.

Or la Cour constate qu'au cours des mois de septembre et octobre 2012, soit dans les quelques semaines après cette démission, LA SOCIETE IMMOBILIERE gérée par Monsieur [N] a comme syndic remplacé dans 7 copropriétés de [Localité 1] la société CARTIER, qui avait jusque-là confié celles-ci à son salarié Monsieur [N]. La clause de non-sollicitation, contrairement à ce qu'a décidé le Premier Juge, a ainsi été violée à 7 reprises par les comportements contractuel de Monsieur [N] et délictuel de LA SOCIETE IMMOBILIERE.

L'ordonnance de référé est infirmée, ces 2 personnes devront donc s'abstenir de continuer ces violations. Mais la Cour n'a pas à décider d'empêcher, à l'avance et pour d'autres copropriétés, des violations de cette clause en assortissant cet empêchement d'une indemnité forfaitaire comme la demande la société CARTIER.

Enfin ni l'équité, ni la situation économique des intimés, ne permettent de rejeter la demande faite par l'appelante au titre des frais irrépétibles.

---------------------

D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme l'ordonnance de référé du 23 octobre 2012.

Interdit à la S.A.R.L. LA SOCIETE IMMOBILIERE et à son gérant Monsieur [B] [N], lors des assemblées générales ordinaires de 7 copropriétés marseillaises ([Adresse 2], le Sébastopol, Clos Solférino, [Adresse 1], l'Esculape, Elysée 2, et [Adresse 3]) se tenant avant le 16 juillet 2014 inclus, de solliciter soit un mandat de syndic soit le renouvellement de ce dernier.

Condamne in solidum la S.A.R.L. LA SOCIETE IMMOBILIERE et son gérant Monsieur [B] [N] à payer une indemnité de 3 000 € 00 euros à la S.N.C. CARTIER SYNDICATURE au titre des frais irrépétibles.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne in solidum S.A.R.L. LA SOCIETE IMMOBILIERE et son gérant Monsieur [B] [N] aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 12/20942
Date de la décision : 05/12/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°12/20942 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-05;12.20942 ?
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