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05/12/2013 | FRANCE | N°12/15382

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 05 décembre 2013, 12/15382


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2013



N° 2013/ 510













Rôle N° 12/15382







Sté.coopérative Banque Pop. CREDIT COOPERATIF





C/



[M] [K]





















Grosse délivrée

le :

à :COUTELIER

VENTRE

















Décision déférée à la Cour :>


Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011010371.





APPELANTE



CREDIT COOPERATIF Sté.coopérative anonyme de Banque Populaire, dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée et assisté de Me François COUTELIER, avocat au barreau de TOULON



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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2013

N° 2013/ 510

Rôle N° 12/15382

Sté.coopérative Banque Pop. CREDIT COOPERATIF

C/

[M] [K]

Grosse délivrée

le :

à :COUTELIER

VENTRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011010371.

APPELANTE

CREDIT COOPERATIF Sté.coopérative anonyme de Banque Populaire, dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée et assisté de Me François COUTELIER, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Maître [M] [K], mandataire liquidateur de la Sarl SOCOMEX demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Stéphane VENTRE de la SELARL JURIS PROVENCE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2013

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2013,

Rédigé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société SOCOMEX avait ouvert un compte courant n° [XXXXXXXXXX01] dans les livres du CREDIT COOPERATIF et avait souscrit auprès de cet établissement deux prêts :

un contrat de 120 000 € le 10 juin 2009 n° 09045850,

un contrat de 100 000 € le 24 septembre 2009 n° 09065840,

de plus les parties étaient liées par une convention de cession de créances professionnelles du 6 juillet 2009.

Cette convention de cession de créances professionnelles dispose que le solde positif du contrat [S], à savoir les retenues de garanties ou encore le solde du prix des créances cédés, peut servir à compenser le montant de l'ensemble des engagements contractés par la société SOCOMEX et devenues exigibles du fait de l'ouverture d'une procédure collective.

Par jugement du 14 juin 2010, le tribunal de commerce de SALON DE PROVENCE a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société SOCOMEX.

Suivant jugement rendu le 9 mai 2011, la société SOCOMEX a été placée en liquidation judiciaire, Maître [M] [K] étant désigné en qualité de liquidateur.

Le CREDIT COOPERATIF a déclaré ses créances au passif de la société SOCOMEX pour les montants suivants :

la somme de 588,57 € au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX01],

la somme de 57 049,20 € au titre de l'encours de cession de créances impayées,

la somme de 116 061,52 € au titre du prêt n° 09045850 d'un montant initial de 120 000 €,

la somme de 100 672,20 € au titre du prêt n° 09065840 d'un montant initial de 100 000 €.

Seule la déclaration de créance pour 57 049,20 € au titre de l'encours de cession de créance a fait l'objet d'une contestation de la part de Maître [M] [K] au motif que ladite créance aurait été soldée postérieurement au jugement de redressement judiciaire.

Par ailleurs Maître [M] [K] ès qualité a demandé le remboursement de la somme de 18 992,30 € correspondant aux retenues de garantie de 20 % pratiquées sur les créances cédées.

*

Suivant jugement rendu le 9 juillet 2012, le tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE a :

fixé à la somme de 45 639,36 € la déclaration de créance du CREDIT COOPERATIF au passif de la société SOCOMEX au titre de l'encours des créances cédées,

condamné le CREDIT COOPERATIF à rembourser à Maître [M] [K] ès qualité le solde des retenues de garantie, soit 18 992,30 €, somme qui appartient sans équivoque à la société SOCOMEX et qui doit lui être restituée,

condamné le CREDIT COOPERATIF à payer à Maître [M] [K] ès qualité une somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance,

ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu que le montant de la créance à admettre doit être celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, indépendamment des paiements effectués postérieurement entre les mains du créancier et a ainsi retenu un montant de 57 049,20 € déduction faite des 20 % au titre de la retenue de garantie pratiquée, soit un montant net de 45 639,36 €.

Le tribunal a enfin estimé que la retenue de garantie de 18 992,30 € appartient sans conteste à la société SOCOMEX, que depuis la date du redressement judiciaire, le CREDIT COOPERATIF a reçu les règlements des factures, cette retenue n'ayant aucune connexité avec les autres créances.

Le CREDIT COOPERATIF a interjeté appel de cette décision par acte du 8 août 2012.

Par écritures du 11 juillet 2013, le ministère public demande l'application de la loi et s'en rapporte à la décision de la cour.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 8 octobre 2013 laquelle a fixé les plaidoiries à l'audience du 5 novembre 2013.

**

Suivant dernières conclusions reçues le 4 avril 2013, le CREDIT COOPERATIF demande à la cour de :

réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

dire les demandes de Maître [M] [K] autant irrecevables qu'infondées et l'en débouter,

dire que c'est à juste titre que le CREDIT COOPERATIF a déclaré une créance au titre des cessions de créances loi [S] impayées au jour de l'ouverture du redressement judiciaire pour 57 049,20 €,

en conséquence

ordonner l'admission du CREDIT COOPERATIF à la procédure collective de la société SOCOMEX au titre des cessions de créances impayées pour un montant de 57 049,20 €,

en tant que de besoin

constater que postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, le montant des créances impayées ne s'élève plus qu'à 4 544,80 €,

dire que le fait que des règlements sur ces cessions de créances impayées au jour de l'ouverture de la procédure collective aient pu être réalisés n'a pas d'effet sur le montant de l'admission de créance,

réformer la décision du tribunal de commerce en ce qu'elle a condamné le CREDIT COOPERATIF à payer à Maître [M] [K] ès qualité, le solde des retenues de garantie soit 18 992,30 €,

dire que le CREDIT COOPERATIF est fondé à conserver cette somme par devers lui dans le cadre de la convention cadres de cession de créances professionnelles et ce compte tenu de ce que cette convention cadre a prévu que le solde serait affecté à la garantie des autres engagements à court, moyen, long terme de toute nature, même éventuelle, que le client pourrait avoir aux frais de la banque,

dire que le CREDIT COOPERATIF demeure créancier de la société SOCOMEX et qu'en conséquence, Maître [M] [K] ne peut demander le remboursement des sommes conservées légitimement par le CREDIT COOPERATIF au titre des retenues de garantie et conformément à la convention cadre liant les parties,

réformer le jugement en ce qu'il a condamné le CREDIT COOPERATIF au paiement de l'article 700 et aux dépens,

condamner Maître [M] [K] ès qualité à la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'appelant fait valoir que les cessions de créances ont été faites en intégralité en pleine propriété et à titre de garantie dans les conditions des articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier. Le CREDIT COOPERATIF explique que le mécanisme conventionnel consiste à mettre en 'uvre un gage-espèce.

***

Par dernières conclusions, Maître [M] [K] demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

débouter le CREDIT COOPERATIF de toutes des demandes,

Y ajoutant

dire que si c'est à juste titre que le CREDIT COOPERATIF a déclaré une créance au titre des cessions de créances loi [S] impayées au jour de l'ouverture de la procédure pour 57 049,20 €, il y a lieu de dire que cette admission ne donne pas le droit au CREDIT COOPERATIF de procéder aux répartitions ultérieures à ce montant,

dire que le CREDIT COOPERATIF doit procéder à une déclaration de créance modificative à hauteur des sommes réellement impayées avant la clôture de procédure et le début de la répartition et au jour où le juge statue,

dire en conséquence que le fait que des règlements sur des cessions de créances impayées au jour de l'ouverture aient été réalisés a un effet sur le montant de l'admission à la créance qui doit évoluer dans le temps,

confirmer la décision appelée en ce qu'elle a condamné le CREDIT COOPERATIF à payer à Maître [K] le solde des retenus de garantie,

dire que le CREDIT COOPERATIF n'est absolument pas fondé à conserver cette somme par devers lui et que la compensation pratiquée par le CREDIT COOPERATIF entre le solde du compte [S] créditeur de 18 992,30 € et le montant des dettes à moyen terme de la société SOCOMEX est illicite,

condamner le CREDIT COOPERATIF à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le CREDIT COOPERATIF aux entiers dépens de première instance ainsi que d'appel au profit de la SELARL JURIS PROVENCE.

L'intimé fait valoir que si la Cour de cassation a toujours considéré que le banquier bénéficiaire de créances [S] cédées à titre de garantie dans le cadre d'un contrat cadre, pouvait compenser, même après l'ouverture de la procédure, les montants réglés au titre des créances cédées avec le solde débiteur du compte courant au jour de l'ouverture de la procédure collective (position validée par la loi du 10 juin 1994 ayant modifiée la loi du 10 juin 1985), elle n'a jamais admis que le banquier bénéficiaire d'une cession de créance puisse compenser le règlement de créances intervenues postérieurement à l'ouverture de la procédure collective avec le solde de prêt à moyen terme déjà garanti par un nantissement de fonds de commerce, comme c'est le cas en l'espèce, qu'ainsi le droit des procédures collectives s'oppose aux clauses contractuelles du contrat cadre de cession [S] du CREDIT COOPERATIF dès lors qu'il n'y a pas de connexité entre les engagements pris par la société SOCOMEX à moyen terme en vue de financer des actifs à hauteur de 100 000 € et 120 000 € garantis spécifiquement par un nantissement sur fonds de commerce et le contrat cadre de cession [S] qui concerne l'activité courante de l'entreprise.

Le liquidateur judiciaire soutient de plus que le droit des procédures collectives et l'interdiction de payer des créances nées antérieurement à l'ouverture de la procédure qui devront être déclarées au passif telles les contrats de prêt empêchent la compensation pourtant contractuellement prévue mais qui rompt l'égalité entre les créanciers.

MOTIFS

1) Sur le montant de la créance à admettre

Le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, indépendamment des paiements effectués postérieurement entre les mains du créancier ainsi que des compensations postérieures.

Dès lors, le montant de la créance à admettre est à cette date la somme de 57 049,20 € sans qu'il y ait lieu de déduire 20 % au titre de la retenue de garantie même s'il convient de constater qu'à ce jour le montant des créances impayées ne s'élève plus qu'à la somme de 4 544,80 € laquelle sera seule prise en compte dans les répartitions ultérieures.

Le CREDIT COOPERATIF informera par tout moyen le liquidateur de l'évolution de sa créance compte tenu des sommes perçues ou compensées au fur et à mesure de cette évolution sans qu'il y a lieu de lui imposer le formalisme de déclarations de créance modificatives s'agissant de l'évolution d'un solde de compte.

2) Sur la compensation

Les premiers juges ont condamné le CREDIT COOPERATIF à payer à Maître [M] [K] ès qualité le solde des retenues de garantie, soit la somme de 18 992,30 € au motif que cette somme appartient sans équivoque à la société SOCOMEX et doit lui être restituée faute de présenter un lien de connexité avec les créances de la banque.

L'intimée soutient dans le même sens que les dispositions prévues dans le contrat de cession de créances professionnelles s'opposent au droit des procédures collectives qui interdit le règlement de créances nées antérieurement à la procédure collective sauf s'il s'agit de créances connexes, ce qui est le cas pour un compte courant mais pas concernant des prêts à moyen terme consentis en vue de financer des actifs et garantis spécifiquement par un nantissement sur fonds de commerce, alors que le contrat cadre de cessions [S] ne concerne que le financement de l'activité courante de l'entreprise.

L'article 3 de convention cadre de cession de créances professionnelles comporte un alinéa 3.2 ainsi rédigé « Les sommes ainsi retenues seront versées à titre de gages espèces, dans un compte indisponible, exclu du compte-courant » et précise à ses alinéas 4 et 5 que : « En outre, lors de la clôture du compte pour quelque cause que ce soit, les sommes qui auront été versées au compte de retenue de garantie indisponible se compenseront de plein droit à due concurrence avec le solde débiteur et définitif du compte courant, tel qu'il se dégagera après dénouement de toutes les opérations en cours. Si après compensation il subsiste un solde débiteur, ce solde sera affecté à la garantie des autres engagements à court, moyen et long terme, de toute nature, même éventuelle, que le client pourrait encore avoir auprès de la banque. »

La stipulation d'un gage constitué en espèces n'est pas prohibé par l'article 2078 du code civil. La compensation ne trouve dès lors pas sa source dans la connexité des créances mais dans les dispositions contractuelles.

L'appelant reconnaît que la compensation n'est pas prohibée par le principe d'égalité des créanciers qui guide le droit des procédures collectives quand elle s'exerce sur le solde du compte courant, mais la conteste au nom de ce même principe en présence de prêts à moyen terme.

Comme il vient d'être dit, le principe d'égalité des créanciers n'est pas absolu et cède dans un certain nombre de cas à des mécanismes qui confortent soit la foi due aux sûretés soit la pérennité de l'entreprise laquelle constitue aussi un objectif essentiel du droit des procédures collectives.

En l'espèce, le mécanisme de cession de créance [S] participe de façon importante à la trésorerie des entreprises et partant à la prévention de leurs difficultés. Il n'est donc pas contraire au droit des procédures collectives d'admettre la compensation, non en raison de la connexité des créances, mais de la stipulation contractuelle d'un gage espèce garantissant tous les engagements de la banque.

3) Sur les autres demandes

L'intimé qui succombe devra verser au CREDIT COOPERATIF la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Admet la créance du CREDIT COOPERATIF à la procédure collective de la société SOCOMEX pour un montant de 57 049,20 €.

Constate qu'à ce jour le montant des créances impayées ne s'élève plus qu'à la somme de 4 544,80 € laquelle sera seule prise en compte dans les répartitions ultérieures sous réserve de l'information que le CREDIT COOPERATIF dispensera par tout moyen au liquidateur concernant l'évolution de sa créance à raison des sommes perçues ou compensées.

Dit que le CREDIT COOPERATIF apportera cette information au liquidateur au fur et à mesure de l'évolution de sa créance sans qu'il y a lieu de lui imposer le formalisme de déclarations de créance modificatives.

Déboute Maître [K] ès qualité de sa demande en paiement de la somme de 18 992,30 €.

Condamne Maître [K] ès qualité à payer au CREDIT COOPERATIF la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

Condamne Maître [K] ès qualité aux entiers dépens de l'instance.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/15382
Date de la décision : 05/12/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/15382 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-12-05;12.15382 ?
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