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26/11/2013 | FRANCE | N°12/19075

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 26 novembre 2013, 12/19075


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2013



N°2013/

MR/FP-D













Rôle N° 12/19075







[S] [Q]





C/



SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE (EXCOM)



































Grosse délivrée le :

à :

Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE



Me R

aymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseiller de la mise en état de CANNES en date du 07 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/00416.





APPELANT



Monsieur [S] [Q], demeurant [Adresse 2]
...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2013

N°2013/

MR/FP-D

Rôle N° 12/19075

[S] [Q]

C/

SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE (EXCOM)

Grosse délivrée le :

à :

Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseiller de la mise en état de CANNES en date du 07 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/00416.

APPELANT

Monsieur [S] [Q], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie PORTHE, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE (EXCOM), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2013

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Q] a été embauché le 20 août 2007 en qualité de directeur de l'activité équestre , statut cadre, par la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE au sein du centre équestre qu'elle exploite à Mandelieu.

Le 20 mars 2009, il signait une convention de forfait jours prenant effet au 1er mai suivant.

Son licenciement lui était notifié par une lettre du 18 janvier 2010 pour 'mécontentement de la clientèle et mésentente avec la direction dans les choix stratégiques'.

Sa compagne, employée par la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE en qualité d'assistante de direction, était également licenciée.

M. [S] [Q] saisissait le conseil des prud'hommes de Cannes pour contester son licenciement, demander paiement d'un rappel sur des heures supplémentaires et sur la contrepartie obligatoire en repos, sur des astreintes, ainsi que le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 11 octobre 2012 M. [S] [Q] a relevé appel du jugement rendu le 7 septembre 1012 par le conseil de prud'hommes de CANNES qui a condamné la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE à lui payer :

24 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

5000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

19 775 € au titre des astreintes,

1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

mais qui l' a débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ainsi qu'au titre du travail dissimulé.

Il demande à la cour :

de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que son licenciement était irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE à lui payer les sommes de 19 775 € au titre des astreintes et 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de l'infirmer pour le surplus,

et statuant à nouveau,

de condamner la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE à lui payer des sommes suivantes :

50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

159 320,67 euros à titre de rappel de salaire sur les heures complémentaires,

15 932,07 euros au titre des congés payés qui s'y rapportent,

48 095,26 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

31 477,62 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

3000 € à titre d'indemnité de procédure pour les frais engagés en appel.

Il fait valoir pour l'essentiel :

que la lettre de licenciement est insuffisant motivée ce qui équivaut à une absence de motivation et donc une absence de cause réelle et sérieuse,

que les griefs invoqués sont mensongers,

qu'il a été licencié par lettre du 18 janvier 2010 sans convocation préalable à un entretien préalable et sans avoir pu se faire assister,

qu'il a accompli de nombreuses heures supplémentaires dans l'exercice de ses fonctions : il produit de nombreux éléments de nature à étayer sa demande alors que la SARL est incapable de justifier des horaires qu'il a effectivement réalisés,

que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article 28 de la convention collective qui impose l'établissement et l'affichage d'un horaire de travail,

que la convention de forfait est irrégulière et sans effet : en effet ses stipulations ne prévoient pas les durées maximales de travail ainsi que les repos journaliers et hebdomadaires,

que les heures d'astreinte qu'il a accomplies ne doivent pas être confondues avec les heures supplémentaires qu'il a cumulées à raison de 38 heures 30 par semaine.

La SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Q] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité pour travail dissimulé,

de l'infirmer en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 19 775 € au titre des astreintes et en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à payer les sommes de 24 000 € et 5000 € à titre de dommages-intérêts et 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

de débouter M. [Q] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

de limiter le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect de la procédure de licenciement sans que le montant n'excède 3836 €,

de débouter M. [Q] de sa demande d'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

et de le condamner au paiement de la somme de 1800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose :

que M. [Q] a attendu 15 mois après son départ pour chiffrer sa demande relative aux heures supplémentaires, qu'il ne verse aux débats aucune pièce ni aucun commencement de preuve de l'accomplissement de ces heures,

que la note de service produite ne concerne que son astreinte, qui n'est pas du travail effectif permettant de réclamer le paiement d'heures supplémentaires,

que la demande n'est pas étayée dans la mesure où il n'a donné aucun détail sur son chiffrage,

qu'à compter du 1er mai 2009 M. [Q] est passé en forfait jours et qu'en tout état de cause sa demande au-delà de cette période doit être écartée,

que le contingent annuel d'heures supplémentaires déclenchant la contrepartie obligatoire en repos ne s'applique pas aux salariés qui ont conclu une convention de forfait,

que les attestations produites par M.[Q] sont des attestations de complaisance, non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et que le licenciement repose une cause réelle et sérieuse,

qu'elle reconnaît seulement ne pas avoir convoqué M. [Q] à 1'entretien préalable mais que le montant de l'indemnité ne saurait être supérieur à son dernier salaire qui était de 3836 €.

La Cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 2 octobre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Vu les dispositions de l'article L. 1235 - 1 ainsi libellées :

« en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.

Si un doute subsiste, il profite au salarié. »

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Nous faisons suite à notre entretien du jeudi 14 janvier et vous confirmons les éléments qui nous amènent à prendre ce jour la décision de vous licencier :

mécontentement de la clientèle,

mésentente avec la direction dans les choix stratégiques.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis ».

Devant la cour la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE n'a produit aucune pièce susceptible de donner consistance aux griefs mentionnés dans la lettre de licenciement.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges, après avoir constaté que la lettre de licenciement ne donnait aucune précision permettant d'objectiver les griefs, et que l'employeur n'avait versé aucun élément aux débats pour les étayer, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Agé de 49 ans, M. [Q] bénéficiait de deux ans et cinq mois d'ancienneté. Sa rémunération brute mensuelle s'établissait à 4185 € (moyenne des 12 derniers mois).

Pour justifier la somme qu'il sollicite à titre de dommages et intérêts, M. [Q] fait valoir qu'il n'a pu retrouver un travail qu'en s'expatriant en république démocratique du Congo, dans une zone de guerre, avec sa compagne et leurs deux enfants où ils vivent en proie à une insécurité permanente, affirmations qui sont cependant tempérées par les pièces produites par la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE desquelles il ressort que la compagne de M.[Q] est ressortissante britannique, native du Congo, pays dans lequel elle a séjourné de 1970 à 1973 et que M. [S] [Q] occupe à GOMA les fonctions de manager de l'hôtel Lac Kivu Lodge depuis le mois de juillet 2012.

En l'absence d'éléments susceptibles de caractériser un préjudice excédant celui qui est inhérent à la perte d'un emploi, la cour fixera à la somme de 24 000 € le montant des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice de M.[Q], le jugement déféré étant réformé sur ce point.

Il n'est en outre pas contesté que M.[Q] a été licencié sans avoir été convoqué préalablement à un entretien avant la notification du licenciement, et donc sans avoir pu bénéficier de l'assistance d'un conseiller, en violation des prescriptions des article L. 1232 ' 2 et L 1232-4 du code du travail, ce qui constitue une irrégularité justifiant l'allocation de dommages et intérêts.

Les premiers juges ont fixé le montant de cette indemnité à la somme de 24 000 €, ce qui, au vu des éléments produits, excède très largement le préjudice subi.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point et, statuant à nouveau, la cour fixera le montant de l'indemnité pour non-respect de la procédure à la somme de 4000 €.

Sur les heures supplémentaires :

Monsieur [S] [Q] a été embauché en qualité de directeur de l'activité équestre de la société, au statut cadre.

Le contrat de travail est régi par les dispositions de la convention collective des centres équestres.

Ses fonctions et attributions contractuelles sont les suivantes :

« entretien et maintenance : il est garant de l'éthique professionnelle dans la gestion des équidés et de la propreté de l'établissement,

accueil : il coordonne et contrôle l'ensemble du système d'information et de communication, s'assure de la qualité des services rendus, prévient et gère les conflits de toutes natures, veille au développement de l'image de l'entreprise,

animation : il veille au bon déroulement des activités proposées sous l'angle de la sécurité et de la qualité,

gestion : il participe avec le gérant à la politique globale de l'entreprise et de l'ensemble des moyens, le personnel, les investissements, le budget, la formation continue, les prévisions, les résultats.

Enseignement : il organise l'évaluation et l'évolution des pratiques, apprécie les potentialités et l'initiative, favorise la réflexion et l'expérimentation de méthodes pédagogiques, recueille des avis, apprécie les arguments avant de décider de la politique globale de l'entreprise, met en oeuvre le projet pédagogique de l'entreprise, développe la motivation. »

Il exerce ses fonctions sous l'autorité du gérant de la société.

À la signature du contrat, le 20 août 2007, la durée hebdomadaire de travail est de 35 heures. Une convention de forfait en jours a ensuite été établie par avenant signé le 20 mars 2009.

Vu les dispositions de l'article L3171 - 4 du code du travail qui précisent :

« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ».

M. [S] [Q] indique avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires alors qu'il était payé sur la base de 35 heures.

Il indique qu'en effet il travaillait du lundi au dimanche en moyenne de 8:00 à 19:30, soit 11:30 par jour, sept jours sur sept soit au total 80 heures 30 de travail par semaine. En retirant une pause déjeuner de 1h30 par jour, il travaillait ainsi 73 heures 30 par semaine sans compter les temps d'astreinte.

Il était en effet disponible par téléphone jusqu'à 22h 00 sept jours sur sept.

Il ajoute qu'il logeait à proximité du domaine et non à l'intérieur, de sorte qu'il y entrait le matin de bonne heure et repartait le soir tard ainsi que cela ressort du registre des entrées et sorties dont il produit des photocopies.

Il invoque l'article 28 de la convention collective applicable qui prévoit que 'l'employeur doit établir et afficher un horaire de travail qui indique, pour chaque journée travaillée de la semaine, le nombre d'heures qui doit être accompli par chaque salarié.

Cet horaire, daté et signé par le chef d'établissement, doit être communiqué ainsi que ses rectifications à l'inspecteur du travail, dans les huit jours de sa mise en service.

L'horaire de travail à afficher peut être remplacé par un registre tenu par l'employeur et contresigné par le salarié pour confirmer son accord. Cette validation intervient au moins toutes les deux semaines sur une base de calcul hebdomadaire. ».

Enfin, il soutient que la convention de forfait de 218 jours qu'il a signée le 20 mars 2009 est irrégulière et sans effets, aux motifs que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

Lorsque l'employeur méconnaît les clauses de l'accord collectif relatif au contrôle et au suivi des conventions de forfait jours, ces conventions sont sans effet, ce qui permet au salarié de prétendre au paiement de ces heures supplémentaires.

La conclusion d'une convention de forfait en jours sur l'année est encadrée par les dispositions des articles L3121 ' 39 à L 3121 - 47 du code du travail aux termes desquels la conclusion d'une convention individuelle de forfait est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convention ou un accord de branche, qui déterminent les catégories de salariés susceptibles de conclure cette convention individuelle de forfait, la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions, notamment l'amplitude des journées d'activité, la charge de travail qui en résulte et les modalités concrètes d'application.

La convention de forfait signée par M. [Q] le 20 mars 2009 est ainsi libellée :

« Monsieur,

pour le bon fonctionnement de l'entreprise et afin d'être en adéquation avec vos fonctions, nous vous proposons d'apporter la modification suivante à vos conditions de travail : votre temps de travail sera désormais décompté en jours, communément appelé forfait jours, soit 218 jours de travail par année civile.

Cette modification prendra effet le 1er mai 2009.

Vous voudrez bien avant cette date nous faire part, par écrit, de votre accord.'

La SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE n'excipe d'aucun accord collectif justifiant la mise en place d'un forfait annuel en jours sur l'année.

Elle n'a pas précisé de quelle manière avaient été fixées les modalités de mise en 'uvre de la convention de forfait, du contrôle du nombre de jours travaillés ainsi que de l'entretien individuel annuel d'activité du cadre avec sa hiérarchie. Elle n'est pas fondée dans ces conditions à invoquer la convention de forfait qu'elle a soumise à la signature de M.[Q], celle-ci n'ayant aucune validité.

Le régime applicable en l'espèce au temps de travail est donc le régime du droit commun.

Pour étayer sa demande M. [S] [Q] a versé l'intégralité des fichiers EXCEL renseignés par les agents de sécurité de la société de gardiennage ATM à l'entrée du domaine de BARBOSSI sur la période du 11 décembre 2007 au 18 janvier 2010.

La cour ne s'est pas livrée à une lecture exhaustive des quelques 1000 journées ainsi détaillées, M. [S] [Q] , à qui il appartient d'étayer sa demande, ne s'y étant pas livré lui-même.

Pour autant, une lecture par sondage de ces fichiers permet de constater que plus de la moitié des entrées et sorties de Monsieur [Q] s'établissait sur une amplitude journalière excédant 9 à 10 heures, voire 11 à 12 heures :

8:31 (entrée) à 18:48 (sortie) le 13 décembre 2007

un passage de nuit de 4:35 (entrée) à 5:05 (sortie) le 21 avril 2008,

8:11 (entrée) à 20:19 (sortie) le 22 avril 2008

8:55 à 20:11 le 6 mai 2008

9:06 à 19:55 le 10 juin 2008

6:57 à 19:40 le 28 juin 2008

15:56 à 7:55 le 5 octobre 2008

8:31 à 14:57 puis 15:03 à 20:00 le 6 mai 2009

9:00 à 20:20 le 17 juin 2009

8:30 à 20:22 puis 20:55 à 20:59 le 19 août 2009

8:23 à 19:56 le 29 aout 2009

8:01 à 21:26 le 13 septembre 2009

8:20 à 19:53 le 4 décembre 2009.

L'employeur indique qu'au début de la relation contractuelle, M.[Q] résidait dans le domaine, sans toutefois préciser la période qui serait concernée.

Dans ces conditions, il faut présumer que M.[Q] entrait dans le domaine pour y exercer ses fonctions et qu'il en ressortait lorsque sa journée de travail était terminée.

Les attestations produites par Monsieur [Q] font état de sa grande disponibilité :

Mme [L] [F] propriétaire d'un cheval en pension du 27 septembre 2009 au 26 janvier 2010 : 'sa présence constante et sa vigilance dans les écuries et le domaine sept jours sur sept me rassurait beaucoup'.

Mme [K] [H] fait état de « son professionnalisme sept jours sur sept de 8:00 du matin à 20:00 du soir »

Mme [W] [TJ] confirme qu'il « était présent 7 jours sur 7 et ce toute la journée » « a pris soin depuis notre arrivée en décembre 2007 »,

M. [J] [BP] évoque également une disponibilité totale et permanente sept jours sur sept avec une présence sur le site toute la journée.

Mme [OO] [P] confirme qu'il « était disponible sans limite pour les chevaux. « Il n'hésitait à se déplacer pendant la nuit ou le week-end en cas de souci »,

Dans deux attestations distinctes, M. [D] et Mme [N] [G] attestent de ses qualités professionnelles,

M. [U] [V] affirme qu'il « a toujours été disponible quel que soit le jour et l'heure et sa présence me permettait de laisser ma fille au club même le dimanche en toute confiance',

M. [E] [WR] atteste de sa « grande disponibilité. Présent à chacun de mes besoins et toujours à l'écoute concernant les problèmes équestres. »

De même, Mme [QF] [VA] et M. [U] [X], confirment la possibilité « de le contacter téléphoniquement de 8:00 à 22:00 » ainsi que sa « disponibilité permanente », ce que confirment également Mme [M] [JT], Mlle [O].[Y], Mme [IC] [C] et Mlle [I] [A].

Mme [B] [T] atteste qu'il « remplissait son rôle de responsable des écuries à l'écoute des clients et des chevaux du matin au soir et toujours joignable. »

Mme [EW] [Z] rapporte qu'il « était le seul professionnel du cheval sur qui l'on pouvait compter sept jours sur sept et même très tard dans la soirée. »

Bien qu'elles soient établies en des termes généraux et non circonstanciés ces attestations corroborent les constatations faites à la lecture du décompte des passages à l'entrée et à la sortie du domaine et permettent de dire que Monsieur [Q] effectuait des journées de grande amplitude sur le domaine.

M. [Q] a également produit :

- une note intitulée fonctionnement de l'écurie qui comporte notamment les mentions suivantes :

« du lundi au samedi : pansage journalier du cheval

du lundi au dimanche : préparation du cheval.

L'interlocuteur pour tout problème survenant dans les écuries et pour toute demande de supplément est [S].

[S] est disponible sept jours sur sept de 8:00 à 22:00 au numéro... (...)

[R] est habilitée à prendre des décisions en cas d'absence.

En cas d'absence de ce dernier [R] est joignable sept jours sur sept de 8:00 à 22:00 au numéro... (...) ».

- Une note précisant les horaires d'ouverture du club house de l'Etrier :

en période estivale de 10:00 à 20:00 et en période d'hiver de 10:00 à 19:00.

- Une étude statistique sur l'activité équestre du domaine qui fait apparaître les éléments suivants :

En juillet 2010, le club comptait 222 licences dont 21 licences compétitions,

les activités du club se répartissaient entre le poney club et l'écurie de propriétaires.

Le personnel comportait : Un enseignant dirigeant, quatre enseignants salariés, cinq autres salariés.

Il assurait la garde et les soins de : 23 poneys dans les clubs et quatre poneys propriétaires

40 chevaux propriétaires,

ces éléments chiffrés rendent compte de l'importance de l'activité et corrélativement des tâches de Monsieur [Q].

L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices suffisants pour dire que Monsieur [Q] a étayé sa demande.

La cour constate que pour la période antérieure au 1er mai 2009, l'employeur n'a produit aucun élément pour justifier du temps de travail de M.[Q] et des conditions dans lesquelles il était décompté, et que pour la période postérieure, il s'est retranché derrière la signature d'une convention de forfait dont il vient d'être dit qu'elle était dépourvue de validité.

Elle relève enfin que les bulletins de salaire ne mentionnent le paiement d'aucune heure supplémentaire alors que l'ensemble des éléments qui viennent d'être exposés constituent un faisceau d'indices qui accrédite l'exécution d'heures supplémentaires.

L'article L3121-22 du code du travail dispose que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'Article L3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.

Pour justifier sa demande de rappel pour la période du 10 septembre 2007 au 22 janvier 2010 qu'il a chiffrée à 159 320,67 euros, M. [Q] a produit un décompte prenant pour base les éléments suivants :

11:30 de travail par jour, sept jours sur sept, soit avec déduction d'une pause déjeuner de 1:30 par jour, 73 heures 30 par semaine - 35 heures = 38 heures supplémentaires 30 par semaine donnant lieu à la majoration suivante :

de la 36e à la 43e heure incluse 25 % (8 heures)

à partir de la 44e heure 50 % (30 heures 30).

Les calculs ont été effectués en prenant en compte le dernier salaire horaire brut de 25,29 euros.

Les mentions reportées sur les bulletins de salaire font apparaître un taux horaire brut qui varie de 25,37 euros (août 2007) à 25,51 euros (mai 2008) puis 25,26 euros (de juin 2008 à décembre 2008, puis de 25,28 euros à compter de janvier 2009.

Ces fluctuations justifient de valider la base de calcul retenue par le salarié.

Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a débouté M.[Q] de sa demande de rappel au titre des heures supplémentaires.

Il sera en conséquence fait droit à la demande sur la base suivante :

8 heures x 25,29 x 125/100 = 252,90 euros

30,5 heures x 25,29 x 150/100 = 1157,02 euros

soit par semaine : 1157,02 + 252,90 = 1409,92 euros.

113 semaines travaillées du 10 septembre 2007 au 22 janvier 2010,

113 x 1409,92 = 159 320,67 euros outre 15 932,07 euros pour les congés payés qui s'y rapportent, sommes que la SARL BARBOSSI EXCOM sera condamné à payer à Monsieur [S] [Q].

Sur la demande de contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires :

Vu les articles :

L3121-10 du code du travail :

- La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

La semaine civile est entendue au sens des dispositions de l'Article L3122-1.

L3121-11 du code du travail :

- Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel après information de l'inspecteur du travail et, s'il en existe, du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel.

Ce contingent est déterminé par décret.

Article L3121-15 :

- Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Le dépassement du contingent d'heures supplémentaires induit l'octroi d'un repos compensateur spécifique.

Chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent ouvre droit à un repos compensateur de 50 % dans les entreprises de 20 salariés et moins. Ce repos se cumule avec le paiement des heures et des majorations pour heures supplémentaires. À défaut de contingent conventionnel fixé, le contingent réglementaire est de 220 heures.

Le salarié qui n'a pas été en mesure de formuler une demande de repos compensateur à droit à une indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés qui s'y rapporte.

Monsieur [Q] a chiffré le dépassement du contingent annuel de 220 heures de la façon suivante :

Pour l'année 2007 : 37 heures 30 supplémentaires par semaine durant 19 semaines = 712h30 supplémentaires soient 492,50 heures au-delà du contingent légal annuel .

492,50 x 25,29 x 50 % = 6227,67 euros

Pour l'année 2008 : 37 heures 30 par semaine x 50 semaines = 1875 heures 30 supplémentaires soient 1655 heures 30 au-delà du contingent légal annuel.

1655,5 x 25,29 euros x 50 % = 20 933,79 euros

pour l'année 2009 : 37 heures 30 par semaine x 50 semaines = 1875 heures 30 supplémentaires soient 1655 heures 30 au-delà du contingent légal annuel.

1655,5 x 25,29 euros x 50 % = 20 933,79 euros

Total : 48 095, 26 €, somme que la SARL BARBOSSI EXCOM sera condamnée à payer à Monsieur [S] [Q].

Les astreintes :

Les éléments qui ont été examinés permettent de retenir que Monsieur [S] [Q] effectuait une astreinte jusqu'à 22 heures tous les jours, puisque sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, il se tenait à disposition pour intervenir au centre équestre dont il avait la responsabilité, à la demande des propriétaires de chevaux ou des adhérents.

Les premiers juges ont fixé le montant de l'indemnisation des heures d'astreinte sur l'ensemble de la période contractuelle à 19 775 € qui correspond à 10 € par heure d'astreinte.

La cour confirmera le jugement déféré sur ce point.

L'indemnité pour travail dissimulé :

La spécificité du litige sur les heures supplémentaires tient aux fonctions de responsabilité exercées par Monsieur [Q] et à son statut de cadre.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d'heures travaillées n'apparaît pas dans ce contexte suffisamment caractérisé pour qu'il soit fait droit à la demande.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [Q] de cette demande.

L'indemnité de procédure :

Les dispositions du jugement déféré étant confirmées sur ce point, la cour accordera également à Monsieur [Q] une indemnité de procédure pour ses frais irrépétibles exposés en appel qu'elle chiffrera à 1200 €.

Les dépens :

Les premiers juges n'ont pas statué sur le sort des dépens de première instance. La SARL BARBOSSI EXCOM supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement était irrégulier et abusif, en ce qu'il a condamné la SARL BARBOSSI EXCOM à payer à Monsieur [S] [Q] la somme de 19 775 € au titre des astreintes, et 1500 € à titre d'indemnité de procédure, et en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [Q] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

Le réforme sur le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL BARBOSSI EXCOM à payer à Monsieur [S] [Q] les sommes suivantes :

4000 € à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

24 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

159 320,67 euros au titre des heures supplémentaires sur la période du 10 septembre 2007 au 22 janvier 2010,

15 932,07 euros pour les congés payés qui s'y rapportent,

48 095,26 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,

Y ajoutant,

Condamne la SARL BARBOSSI EXCOM à payer à Monsieur [S] [Q] la somme de 1200 € à titre d'indemnité de procédure en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/19075
Date de la décision : 26/11/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/19075 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-26;12.19075 ?
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