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26/11/2013 | FRANCE | N°12/19074

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 26 novembre 2013, 12/19074


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2013



N°2013/



MR/FP-D











Rôle N° 12/19074







[X] [T]





C/



SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE (EXCOM)







































Grosse délivrée le :

à :

Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE




Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 07 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/00415.





APPELANTE



Madame [X] [T], deme...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 26 NOVEMBRE 2013

N°2013/

MR/FP-D

Rôle N° 12/19074

[X] [T]

C/

SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE (EXCOM)

Grosse délivrée le :

à :

Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 07 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/00415.

APPELANTE

Madame [X] [T], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie PORTHE, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE (EXCOM), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Novembre 2013

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [X] [T] a été embauchée le 10 septembre 2007 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé à temps complet en qualité d'assistante de direction de l'activité équestre, statut cadre, par la SARL BARBOSSI EXCOM dans le centre équestre qu'elle exploite à Mandelieu.

Le 20 mars 2009 elle signait une convention de forfait jours à effet au 1er mai 2009.

Son licenciement lui était notifié le 18 janvier 2010 pour 'mécontentement de la clientèle et mésentente avec la direction dans les choix stratégiques'.

Son compagnon, employé en qualité de directeur de l'activité équestre, était licencié le même jour pour les mêmes motifs.

Elle saisissait le conseil des prud'hommes de Cannes pour contester son licenciement, demander paiement d'un rappel sur des heures supplémentaires et sur la contrepartie obligatoire en repos ainsi que le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 11 octobre 2012, Mme [X] [T] a relevé appel du jugement rendu le 7 septembre 1012 par le conseil de prud'hommes de CANNES qui a :

Dit et jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la SARL BARBOSSI EXCOM à lui payer les sommes suivantes :

19 260 € pour non-respect de la procédure de licenciement,

4000 € à titre de dommages et intérêts,

1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

mais l'a déboutée de ses autres demandes.

Elle demande à la cour :

de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la SARL à lui payer la somme de 1500 €

au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de l'infirmer pour le surplus, et,

statuant à nouveau,

de condamner la SARL à lui payer les sommes suivantes :

45 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,

133 307,23 euros à titre de rappel sur les heures supplémentaires,

13 338, 72 € au titre des congés payés qui s'y rapportent,

39 436,95 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

26 337,90 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel :

que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée ce qui équivaut à une absence de motivation et caractérise une absence de cause réelle et sérieuse,

que les griefs invoqués sont mensongers,

que le licenciement est irrégulier puisque prononcé sans convocation à un entretien préalable et sans possibilité pour elle de se faire assister,

qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires et que la convention de forfait qu'elle a signée est irrégulière et sans effet.

La SARL BARBOSSI EXCOM demande à la cour :

de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, d'indemnité compensatrice de congés payés qui s'y rapportent et d'indemnité pour travail dissimulé,

de l'infirmer en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a condamnée à payer les sommes de 19 260 € à titre de non-respect de la procédure de licenciement, 4000 € à titre de dommages-intérêts et 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

de débouter Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

de limiter le montant des dommages et intérêts accordés pour non-respect de la procédure de licenciement à la somme de 3210 €,

de débouter Mme [T] de sa demande d'indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

de la condamner à lui payer la somme de 1800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que Madame [T] a attendu 15 mois après son départ pour chiffrer sa demande relative aux heures supplémentaires, qu'elle ne verse aux débats aucune pièce ni aucun commencement de preuve de l'accomplissement de ses heures,

que la demande n'est pas étayée dans la mesure où elle ne donne aucun détail de son chiffrage,

qu'à compter du 1er mai 2009 Madame [T] est passée en forfait jours et qu'en tout état de cause sa demande au-delà de cette période doit être écartée,

que le contingent annuel d'heures supplémentaires déclenchant la contrepartie obligatoire en repos ne s'applique pas aux salariés qui ont conclu une convention de forfait,

que les attestations produites par Madame [T] sont des attestations de complaisance, non conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile et que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

qu'elle reconnaît seulement ne pas l'avoir convoquée à 1'entretien préalable mais que le montant de l'indemnité ne saurait être supérieur à son dernier salaire qui était de 3210€.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 2 octobre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Vu les dispositions de l'article L. 1235 - 1 qui prévoient qu'« en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.

Si un doute subsiste, il profite au salarié. »

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Nous faisons suite à notre entretien du jeudi 14 janvier et vous confirmons les éléments qui nous amènent à prendre ce jour la décision de vous licencier :

mécontentement de la clientèle,

mésentente avec la direction dans les choix stratégiques.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis ».

Devant la cour la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE n'a produit aucune pièce susceptible de donner consistance aux griefs énoncés dans ce courrier.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges, après avoir constaté que la lettre de licenciement ne donnait aucune précision permettant d'objectiver les griefs, et que l'employeur n'avait versé aucun élément aux débats pour les étayer, a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Agée de 30 ans, Madame [T] bénéficiait de deux ans et cinq mois d'ancienneté. Sa rémunération brute mensuelle s'établissait à 3611€ (moyenne des 12 derniers mois).

Pour justifier la somme qu'elle sollicite à titre de dommages et intérêts, Madame [T] fait valoir qu'elle n'a pu retrouver un travail qu'en s'expatriant en république démocratique du Congo, dans une zone de guerre, avec son compagnon et leurs deux enfants où ils vivent en proie à une insécurité permanente, affirmations qui sont cependant tempérées par les pièces produites par la SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE desquelles il ressort que Madame [T] est ressortissante britannique, native du Congo, pays dans lequel elle a séjourné de 1970 à 1973 et que son compagnon M.[S] [R] y est, à [Localité 1], manager de l'hôtel Lac Kivu Lodge depuis le mois de juillet 2012.

En l'absence d'éléments susceptibles de caractériser un préjudice excédant celui qui est inhérent à la perte d'un emploi, la cour fixera en conséquence à la somme de 20 000 € le montant des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice de Madame [T], le jugement déféré étant réformé sur ce point.

Sur la procédure :

Il n'est pas contesté que Madame [T] a été licenciée sans avoir été convoquée préalablement à un entretien avant la notification du licenciement, en violation des prescriptions des articles L. 1232 - 2 et L 1232- 4du code du travail, ce qui constitue une irrégularité justifiant l'octroi d'une indemnité.

Les premiers juges ont fixé le montant de cette indemnité à la somme de 24 000 €, ce qui excède très largement le préjudice subi.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point et, statuant à nouveau, la cour fixera le montant des dommages et intérêts à la somme de 3209 €.

Sur les heures supplémentaires :

Vu les dispositions de l'article L3171 - 4 du code du travail qui précisent :

« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectué, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ».

Mme [X] [T] a été embauchée en qualité d'assistante de direction des activités sportives de la société BARBOSSI EXCOM, au statut de cadre.

Le contrat est régi par les dispositions de la convention collective des espaces et loisirs numéro 3275.

Ses fonctions étaient les suivantes :

accueil, secrétariat du centre équestre,

développement et promotion des activités sportives notamment dans le domaine des compétitions, gestion administrative des compétitions,

recherche de sponsors,

relations commerciales.

À la signature du contrat, le 20 août 2007, la durée hebdomadaire de travail a été fixée à 35 heures. Une convention de forfait en jours ensuite été établi par un avenant signé le 20 mars 2009.

Mme [X] [T] indique avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires alors qu'elle était payée sur la base de 35 heures.

Elle indique En effet, elle travaillait du lundi au dimanche en moyenne de 8:00 à 19:30, soit 11:30 par jour, sept jours sur sept soit au total 80 heures 30 de travail par semaine.

Elle était également disponible par téléphone jusqu'à 22h 00, sept jours sur sept, lorsque son conjoint, M.[R] ne l'était pas.

Elle ajoute qu'elle logeait à proximité du domaine et non à l'intérieur, de sorte qu'elle y entrait le matin de bonne heure et repartait le soir tard ainsi que cela ressort du registre des entrées et sorties dont elle produit des photocopies.

Elle invoque l'article 28 de la convention collective applicable qui prévoit que 'l'employeur doit établir et afficher un horaire de travail qui indique, pour chaque journée travaillée de la semaine, le nombre d'heures qui doit être accompli par chaque salarié.

Cet horaire, daté et signé par le chef d'établissement, doit être communiqué ainsi que ces rectifications à l'inspecteur du travail, dans les huit jours de sa mise en service.

L'horaire de travail à fichier peut être remplacé par un registre tenu par l'employeur et contresigné par le salarié pour confirmer son accord. Cette validation intervient au moins toutes les deux semaines sur une base de calcul hebdomadaire. ».

Enfin, elle soutient que la convention de forfait de 218 jours qu'elle a signée le 20 mars 2009 est irrégulière et sans effets, aux motifs que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

La convention de forfait signée par Mme [X] [T] le 20 mars 2009 est ainsi libellée :

« Madame,

pour le bon fonctionnement de l'entreprise et afin d'être en adéquation avec vos fonctions, nous vous proposons d'apporter la modification suivante à vos conditions de travail : votre temps de travail sera désormais décompté en jours, communément appelé forfait jours, soit 218 jours de travail par année civile.

Cette modification prendra effet le 1er mai 2009.

Vous voudrez bien avant cette date nous faire part, par écrit, de votre accord.'

La SARL BARBOSSI EXPLOITATION COMMERCIALE n'excipe d'aucun accord collectif justifiant la mise en place d'un forfait annuel en jours sur l'année. Elle n'a pas précisé de quelle manière avaient été fixées les modalités de mise en 'uvre de la convention de forfait, du contrôle du nombre de jours travaillés ainsi que de l'entretien individuel annuel d'activité du cadre avec sa hiérarchie. Elle n'est pas fondée dans ces conditions à invoquer la convention de forfait qu'elle a soumise à la signature de Mme [T], celle-ci n'ayant aucune validité.

Le régime applicable en l'espèce au temps de travail est donc le régime du droit commun.

Pour étayer sa demande Mme [X] [T] a versé l'intégralité des fichiers EXCEL renseignés par les agents de sécurité de la société de gardiennage ATM à l'entrée du domaine de BARBOSSI sur la période du 11 décembre 2007 au 18 janvier 2010.

La cour ne s'est pas livrée à une lecture exhaustive des quelques 1000 journées ainsi détaillées, Madame [T], à qui il appartient d'étayer sa demande, ne s'y étant pas livrée elle-même.

Cependant, une lecture par sondage de ces fichiers permet de constater que les entrées et sorties de Madame [T] correspondaient dans l'ensemble au schéma suivant :

9:45(Entrée), 11:17(Sortie), puis 11:41(Entrée), 18:58 (Sortie)le 12 décembre 2007

8:47 à 16:16 puis 16:45 à 18:48 le 13 décembre 2007

9:19 à 18:04 le 16 janvier 2008

8:42 à 13:20 puis 13:47 à 19:08 le 28 mars 2008

9:10 à 18:23 le 7 avril 2008

8:50 à 19:19 le 25 avril 2008

9:45 à 12:53, puis 13:32 à 16:09, puis 16:46 à 20:14 le 19 mai 2008

8:40 à 18:00 le 6 octobre 2008

9:00 à 11:49, puis 12:23 à 19:17 le 13 décembre 2008

9:05 à 22:10 le 23 juin 2009

10:18 à 0h05 le 27 juin 2009

8:42 à 18:19 le 5 août 2009

9:00 à 16:07 puis 16:55 à 19:11 le 6 octobre 2009

9:00 à 18:38 le 30 octobre 2009

8:43 à 16:31 puis 17:12 à 19:35 le 3 décembre 2009

L'employeur affirme qu'au début de la relation contractuelle Mme [T] résidait à l'intérieur du domaine mais, non seulement il ne précise pas quelle serait la période concernée, mais encore il ne rapporte pas la preuve de ses allégations.

Dans ces conditions il faut présumer que Mme [T] entrait dans le domaine pour exercer ses fonctions et qu'elle en ressortait lorsque sa journée de travail était terminée.

Les attestations qu'elle a produites font état de sa grande disponibilité, notamment sa qualité de responsable du club poney.

Les personnes qui ont témoigné affirment :

« qu'elle était présente aux écuries sept jours sur sept pratiquement » (Madame [L]),

« qu'elle a toujours été disponible » « très attentive au bon déroulement de la vie aux écuries » (Madame [P])

« qu'elle était d'une disponibilité totale 24 heures sur 24 et sept jours sur sept » (Monsieur [FU]) (Mademoiselle [I] [U])

« qu'elle savait régler rapidement les demandes » (Monsieur [O])

Monsieur [B] [D] atteste « j'ai pu compter sur [X] à tout moment pour gérer toutes les formalités administratives du poney avec efficacité et disponibilité »

De même Monsieur [Z] [F] rapporte sa grande disponibilité tout comme Madame [Y] [N], Mademoiselle [E] [K], Mademoiselle [H] [W], Madame [C] [V], Mademoiselle [J] [G].

Monsieur [M] [Q] atteste qu'elle « était au bureau la plupart du temps étant très efficace pour toute la partie administrative »

Madame [A] [CI] : « elle ne comptait pas ses heures, était toujours disponible »,

Bien qu'elles soient établies en des termes généraux et non circonstanciés, ces attestations corroborent les constatations qui viennent d'être faites à la lecture du décompte des passages à l'entrée et à la sortie du domaine. Elles permettent de dire que Mme [T] effectuait des journées de grande amplitude sur le domaine excédant les horaires contractuellement prévus.

Madame [T] a également produit une note précisant les horaires d'ouverture du Club House de l'Etrier : en période estivale de 10:00 à 20:00 et en période de d'hiver de 10:00 à 19:00.

De même une étude statistique sur l'activité équestre du domaine révèle qu'au mois de juillet 2010, le club comptait 222 licences dont 21 licences compétitions, que ses activités se répartissaient entre le poney club et l'écurie de propriétaires, que le personnel se composait d'un enseignant dirigeant, de quatre enseignants salariés et de cinq autres salariés, qu'il assurait la garde et les soins de 23 poneys dans les clubs et quatre poneys propriétaires, ainsi que de 40 chevaux de propriétaires, éléments chiffrés qui rendent compte de l'importance de l'activité équestre et, corrélativement, des tâches qui de Mme [T].

L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices suffisants pour dire que Mme [T] a étayé sa demande.

L'article L3121-22 du code du travail dispose que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'Article L3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.

Pour justifier sa demande de rappel pour la période du 10 septembre 2007 au 22 janvier 2010 qu'elle a chiffrée à 133 307,23 euros, Mme [T] a produit un décompte prenant pour base les éléments suivants :

11:30 de travail par jour, sept jours sur sept, soit avec déduction d'une pause déjeuner de 1:30 par jour, 73 heures 30 par semaine - 35 heures = 38 heures supplémentaires 30 par semaine donnant lieu à la majoration suivante :

de la 36e à la 43e heure incluse 25 % (8 heures)

à partir de la 44e heure 50 % (30 heures 30).

Les calculs ont été effectués en prenant en compte le dernier salaire horaire brut de 21,16 euros, base de calcul qui n'a pas fait l'objet d'une contestation.

Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a débouté Mme [T] de sa demande de rappel au titre des heures supplémentaires.

Il sera en conséquence fait droit à la demande sur la base suivante :

8 heures x 21,16 x 125/100 = 211,64 euros

30,5 heures x21,16 x 150/100 = 968,07 euros

soit par semaine : 211,64 + 968,07 = 1179,71 euros.

113 semaines travaillées du 10 septembre 2007 au 22 janvier 2010,

113 x 1179,71= 133 307,23 euros outre 13 338 72e uros pour les congés payés qui s'y rapportent, sommes que la SARL BARBOSSI EXCOM sera condamnée à payer à Mme [X] [T].

Sur la demande de contrepartie obligatoire en repos pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires :

Vu les articles :

L3121-10 du code du travail :

- La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

La semaine civile est entendue au sens des dispositions de l'article L3122-1.

L3121-11 du code du travail :

- Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel après information de l'inspecteur du travail et, s'il en existe, du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel.

Ce contingent est déterminé par décret.

Article L3121-15 :

- Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Le dépassement du contingent d'heures supplémentaires induit l'octroi d'un repos compensateur spécifique.

Chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent ouvre droit à un repos compensateur de 50 % dans les entreprises de 20 salariés et moins. Ce repos se cumule avec le paiement des heures et des majorations pour heures supplémentaires. À défaut de contingent conventionnel fixé, le contingent réglementaire est de 220 heures.

Le salarié qui n'a pas été en mesure de formuler une demande de repos compensateur à droit à une indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés qui s'y rapporte.

Mme [T] a chiffré le dépassement du contingent annuel de 220 heures de la façon suivante :

Pour l'année 2007 : 37 heures 30 supplémentaires par semaine durant 20 semaines = 750 supplémentaires soient530heures au-delà du contingent légal annuel .

530 x 21,16 x 50 % = 5607,40 euros

Pour l'année 2008 : 37 heures 30 par semaine x 48 semaines = 1800 heures supplémentaires soient 1580 heures au-delà du contingent légal annuel.

1580 x21,16euros x 50 % = 16 716,40 euros

pour l'année 2009 : 37 heures 30 par semaine x 49 semaines = 1837,30 heures supplémentaires soient 1617,30 heures au-delà du contingent légal annuel.

1617,5 x 21,16 euros x 50 % = 17 113 15 euros

Total :39 436,95 €, somme que la SARL BARBOSSI EXCOM sera condamnée à payer à Mme [X] [T].

L'indemnité pour travail dissimulé :

La spécificité du litige sur les heures supplémentaires tient aux fonctions exercées par Mme [T] et à son statut de cadre.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d'heures travaillées n'apparaît pas dans ce contexte suffisamment caractérisé pour qu'il soit fait droit à la demande.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [T] de cette demande.

L'indemnité de procédure :

L'équité justifie d'accorder à Madame [T] une indemnité de procédure de 1000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Les dépens :

La SARL BARBOSSI EXCOM supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Réforme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le licenciement était irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a accordé à Mme [T] une indemnité de procédure de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

Statuant à nouveau sur tous les autres chefs de demande,

Condamne la SARL BARBOSSI EXCOM à payer à Madame [X] [T] les sommes suivantes :

20 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

3209 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

133 307,23 euros à titre de rappel sur les heures supplémentaires sur la période du 10 septembre 2007 au 22 janvier 2010

13 338, 72 € pour les congés payés qui s'y rapportent,

39 436,95 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos sur les heures supplémentaires,

Y ajoutant,

Condamne la SARL BARBOSSI EXCOM à payer à Madame [X] [T] la somme de 1000 € à titre d'indemnité de procédure pour ses frais irrépétibles exposés en appel,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/19074
Date de la décision : 26/11/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/19074 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-26;12.19074 ?
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