COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 19 NOVEMBRE 2013
N°2013/
GB/FP-D
Rôle N° 12/19909
SAS LA SOCIETE DE REALISATION EN BATIMENT ET TRAVAUX PUBLICS
C/
[I] [S] [N]
Grosse délivrée le :
à :
Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE
Me Benjamin COHEN, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 20 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/361.
APPELANTE
SAS LA SOCIETE DE REALISATION EN BATIMENT ET TRAVAUX PUBLICS, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christine GAILHBAUD, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Audrey GIOVANNONI, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [I] [S] [N], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Benjamin COHEN, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président , chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Martine ROS, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Novembre 2013
Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 17 octobre 2012, la société SO.REN.BTP a relevé appel du jugement rendu le 20 septembre 2012 par le conseil de prud'hommes de Cannes jugeant que le licenciement de M. [N] reposait sur une cause réelle et sérieuse pour lui allouer ses indemnités de rupture à hauteur des sommes suivantes :
- 6 768, ainsi que 676,80 euros au titre des congés payés afférents, pour préavis,
- 1 755 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
L'employeur demande à la cour de retenir comme légitime le licenciement pour faute grave prononcé le privant desdites indemnités.
Au bénéfice de son appel incident, le salarié [N] conteste son licenciement et poursuit la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes suivantes :
3 900 euros pour licenciement irrégulier,
31 200 euros pour licenciement illégitime,
7 800 euros, ainsi que 780 euros au titre des congés payés afférents, pour préavis,
1 755 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
2 200 euros pour ses frais non répétibles.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 14 octobre 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [N] a été engagé par la société SO.REN.BTP, en qualité de chef d'équipe, par un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein prenant effet le 2 novembre 2006.
Son licenciement, pour faute grave, a été prononcé le 21 avril 2011 en raison de dysfonctionnement de votre fonction de chef d'équipe. Le 4 avril 2011, un incident grave, lié à votre manquement au niveau du contrôle (vous n'avez pas respecté la procédure qui impose avant ce type de travaux de vérifier la réalisation de l'ouvrage, de vous assurer de la mise en sécurité de votre poste de travail et de celui de votre équipe et de contrôler avant l'exécution de cette tâche la bonne réalisation du coffrage), entraînant l'effondrement d'un mur existant, qui aurait pu provoquer des pertes humaines, s'est produit sur le chantier dont vous êtes responsable, l'hôtel [1] à [Localité 1]. Votre qualité et qualification de Chef d'Equipe auraient du vous permettre d'appréhender ce genre de problème.
Le mercredi 13 avril 2011, sans consulter votre hiérarchie, vous prêtez un véhicule de l'entreprise à un ouvrier d'une entreprise sous-traitante, à des fins personnelles : vous nous avez confirmé ces faits lors de notre entretien du 18 avril 2011.
L'ensemble de ces faits conjugué aux 3 précédents avertissement confirme votre manquement aux obligations liées à la sécurité et aux consignes mises en place dans la société. Ceci révélant un comportement totalement désinvolte et caractérisant la faute grave, nous ne pouvons pas risquer, dans l'intérêt de notre activité de vous maintenir dans notre effectif et de vous faire exécuter votre préavis.
Le salarié reconnaît avoir prêté un véhicule de l'entreprise à un ouvrier d'une société sous-traitante de son entreprise, pour, selon lui, ramener des sacs de ciment afin de poursuivre le chantier sans délai.
Cet ouvrier était de retour sur le chantier une heure après.
L'usage du véhicule de l'entreprise dans l'intérêt du chantier en cours n'est pas fautif.
L'employeur, qui a la charge de la preuve, ne démontrant pas que cet usage fut détourné de son objet, ce grief est écarté sans autre examen.
Par ailleurs, il ressort du rapport d'expertise technique initié par le voisin, clos le 30 septembre 2011, que l'origine du sinistre réside dans un défaut d'exécution de la réalisation du mur en béton contre le mur avoisinant utilisé comme coffrage extérieur, lequel mur d'appui, en raison de sa vétusté, n'a pas résisté à la pression exercée par le béton lors du coulage.
L'utilisation d'un mur avoisinant comme coffrage extérieur est une technique admise, mais qui suppose de vérifier la résistance du mur d'appui.
Le conseil du salarié fait observer utilement que le chef d'équipe est un simple exécutant qui applique les techniques de construction définies par le conducteur de travaux et/ou le chef de chantier.
Le chef de chantier chargé de l'opération de construction de cette extension de l'hôtel [1], M. [D], était en congé lors du sinistre.
M. [N] a donc pris au pied levé le suivi de ce chantier qui était simple techniquement.
Il a appliqué les instructions de M. [D] dont la mise en oeuvre s'est révélée désastreuse.
Sa responsabilité dans ce sinistre n'est donc pas engagée.
*** / ***
Le salaire brut mensuel de M. [N] était de 3 427,31 euros sur la base du salaire brut cumulé figurant sur son bulletin de paie édité pour le mois de décembre 2010.
Âgé de 35 ans au jour de son licenciement prononcé en l'état d'une ancienneté de quatre années au sein d'une entreprise occupant habituellement plus onze salariés.
Le salarié ne dit rien de son devenir professionnel, en conséquence de quoi l'indemnisation de son nécessaire préjudice sera égal au minimum légal de six mois de salaire, soit la somme de 20 564 euros.
Son préavis de deux mois représente la somme de 6 855 euros, sans préjudice des congés payés afférents.
L'indemnité de licenciement est égale à 1/10éme du salaire annuel sur 4,6 années, préavis inclus, soit la somme de 1 542,28 euros.
L'indemnité pour licenciement irrégulier ne se cumule avec l'indemnité pour licenciement illégitime lorsque, comme en l'espèce, le salarié a une ancienneté supérieure à deux ans au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de onze salariés, en conséquence de quoi la demande en paiement d'une indemnité de 3 900 euros en réparation d'une procédure de licenciement irrégulière est sans objet.
*** / ***
L'employeur supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Infirme le jugement déféré ;
Et, statuant à nouveau :
Juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [N] ;
Condamne la société SO.REN.BTP, sous réserve des paiements intervenus sur les causes de jugement attaqué, à lui verser une somme de 29 646,78 euros ;
Rejette les demandes contraires ou plus amples ;
Condamne l'employeur aux entiers dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SO.REN.BTP à verser à M. [N] 1 800 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus.
LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT
G. BOURGEOIS