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14/11/2013 | FRANCE | N°12/24224

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 14 novembre 2013, 12/24224


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2013



N°2013/473













Rôle N° 12/24224







SA INTERFIMO





C/



[T] [U]

SELARL PHARMACIE [B] ET [A]

SCP [M]

SA CREDIT LYONNAIS

Organisme ORDRE DES PHARMACIENS

Société OCP REPARTITION




































r>Grosse délivrée

le :

à :BOULAN

[V]

[H]

GUEDJ











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2012L01547.





APPELANTE



SA INTERFIMO SA, prise en la personne de son représentant légal

en exercice

dont l...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2013

N°2013/473

Rôle N° 12/24224

SA INTERFIMO

C/

[T] [U]

SELARL PHARMACIE [B] ET [A]

SCP [M]

SA CREDIT LYONNAIS

Organisme ORDRE DES PHARMACIENS

Société OCP REPARTITION

Grosse délivrée

le :

à :BOULAN

[V]

[H]

GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 20 Décembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2012L01547.

APPELANTE

SA INTERFIMO SA, prise en la personne de son représentant légal

en exercice

dont le siège est [Adresse 8]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Denis LAURENT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Maître [T] [U] es qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SELARL PHARMACIE [B] & [A]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SELARL PHARMACIE [B] ET [A] prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 6]

représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Eric SEMELAIGNE, avocat au barreau de MARSEILLE,

SCP [M] mission conduite par Me [G] [Q] es qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde et de commissaire à l'exécution du plan de la SELARL PHARMACIE [B] ET [A] demeurant [Adresse 3]

représentée par Me [K] [H] et plaidant par Me Vincent CARADEC, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me [H], avocat au barreau de MARSEILLE

SA CREDIT LYONNAIS prise en la personne de son représentant légal

dont le siège est sis [Adresse 1]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Alain USANNAZ-JORIS, avocat au barreau de MARSEILLE

Organisme ORDRE DES PHARMACIENS pris en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 5]

défaillant

Société OCP REPARTITION prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 2]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2013.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2013.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SELARL PHARMACIE [B] ET [A] a été créée en 2006 à l'occasion du rachat d'un fonds de commerce de pharmacie exploité [Adresse 7], moyennant un prix total de 3 369 656 € ainsi financé :

prêt sur 12 ans au TEG de 3,06 % de la somme de 2 870 000 € augmentée de 77 490 € de charges (commission de caution et retenue de garantie) souscrit auprès du CREDIT LYONNAIS (LCL),

apport des associés de 499 656 €.

Le LCL a été subrogé dans le privilège du vendeur et a pris un nantissement en premier rang sur le fond de commerce. Il bénéficie de l'engagement de caution de sa filiale, la société INTERFIMO, ainsi que de celui de Monsieur [P] [B] et de sa fille Madame [L] [A], associés de la SELARL.

L'importance des engagements financiers n'a pas permis à la SELARL PHARMACIE [B] ET [A] de faire face à la baisse de son chiffre d'affaire qui est passé de 2 500 000 € à 2 100 000 € en 2008. C'est ainsi qu'elle a sollicité le bénéfice d'une procédure de sauvegarde.

Par jugement en date du 23 septembre 2010, le tribunal de commerce de MARSEILLE a ouvert la procédure de sauvegarde prévue par les dispositions des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce à l'égard de la SELARL PHARMACIE [B] ET [A], désigné Monsieur [S] juge commissaire (sauf cas de remplacement), la SCP [M] en qualité d'administrateur judiciaire, mission conduite par Maître [G] [Q] ès qualité, Maître [T] [U] ès qualités de mandataire judiciaire et ouvert une période d'observation jusqu'au 23 mars 2011.

Suivant jugement du 24 mars 2011, le tribunal de commerce de MARSEILLE a autorisé la poursuite de l'activité pour une période se terminant le 23 septembre 2011 pour permettre le dépôt du projet de plan de redressement.

Par jugement en date du 22 septembre 2011, le tribunal a fait droit à la requête du Procureur de la République et a autorisé la poursuite de l'activité pour une période se terminant le 23 mars 2012 afin de permettre le dépôt du projet de plan de redressement.

En conclusion du bilan économique, social et environnemental, Maître [G] [Q] notait :

Le chiffre d'affaire et la rentabilité de cette officine n'ont eu de cesse de se dégrader depuis 2006, année de la reprise opérée par Monsieur [B] et sa fille.

Cette dégradation semble trouver sa cause dans l'évolution défavorable du secteur d'activité et dans la détérioration de certains ratios d'exploitation consécutivement notamment à certaines décisions de gestion entreprises par les dirigeants.

Pour autant, il ne faut aucun doute que cette officine n'a jamais été capable et ne l'aurait probablement jamais été d'assumer la charge de l'emprunt contracté.

C'est précisément pour cette raison que les modalités d'apurement du passif ont été élaborées sur la base de la capacité d'autofinancement susceptible d'être dégagée par cette officine et non pas en fonction des contraintes insupportables imposées par la banque dans le cadre du prêt octroyé, ayant conduit à la défaillance de cette entreprise.

Le plan ainsi proposé devrait permettre un désintéressement total des créanciers si et seulement si les résultats escomptés sont atteints et l'officine in fine réalisée dans des conditions optimales ou encore si l'établissement financier prêteur succombait devant la juridiction d'appel.

On notera que si aucune des deux conditions n'étaient réalisées, le dirigeant aurait alors la faculté de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire laquelle permettrait alors de lancer un appel d'offres.

Dans ce contexte le plan proposé bien qu'audacieux répond aux exigences de sérieux du texte, considérant qu'il a été établi dans l'objectif de maintenir l'emploi et de désintéresser l'intégralité du passif en respectant les impératifs fixés par la loi.

Suivant jugement du 10 mai 2012, le tribunal de commerce de MARSEILLE a :

arrêté le plan de sauvegarde de l'entreprise présenté par la SELARL PHARMACIE [B] ET [A],

fixé à 10 ans la durée du plan de sauvegarde, conformément aux dispositions des articles L. 626-12 et L. 631-19 du code de commerce,

donné acte aux créanciers qui l'ont accepté du délai de 10 ans à hauteur de 100 % accordé à la SELARL PHARMACIE [B] ET [A] pour s'acquitter de son passif,

imposé aux autres créanciers un délai uniforme de 10 ans, pour l'apurement des dettes de la SELARL,

fixé les modalités de paiement des dividendes arrêtés par le plan de la façon suivante :

1°) les créances inférieures à 300 € seront payées sans remise, ni délai,

2°) la SELARL réglera la totalité de son passif exigible au jour du jugement de sauvegarde tel qu'il résultera de la vérification des créances par le versement :

les 2 premières années du plan d'une somme de 120 000 €, la première devant intervenir à la date anniversaire du plan,

les 7 années suivantes de son plan, d'une somme de 151 911 € représentant chacune 5 % du passif total,

la dernière annuité de son plan, d'une somme de 1 734 835,60 €,

ordonné à la SELARL à compter du 5 juin 2012, la consignation des mensualités à régler dans le cadre du plan de sauvegarde à la caisse des dépôts et consignations par l'intermédiaire du commissaire à l'exécution du plan,

nommé la SCP [M] mission conduite par Maître [G] [Q] ès qualités de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan et ce pour la durée du plan,

dit que le commissaire à l'exécution du plan procédera à la répartition de l'annuité entre les créanciers, le tout à la date anniversaire du plan,

maintenu Monsieur [S] juge commissaire,

fixé à 12 mois le délai imparti au mandataire judiciaire pour déposer la liste des créances déclarées,

ordonné la réouverture des débats et renvoyé au 13 juin 2013 en enjoignant à la SELARL de produire lors de cette audience :

le bilan de son dernier exercice,

une situation comptable pour l'année 2013 arrêtée à la date la plus proche possible de l'audience,

une attestation de son expert comptable justifiant de ce qu'elle est à jour du paiement de ses cotisations sociales et fiscales.

La société INTERFIMO a formé tierce opposition à cette décision.

*

Par jugement rendu le 20 décembre 2012, le tribunal de commerce de MARSEILLE a :

pris acte que le LCL intervient volontairement à la procédure,

rejeté la tierce opposition de la société INTERFIMO et l'a débouté de toutes ses demandes,

mis les dépens à la charge de la société INTERFIMO.

Le tribunal a retenu qu'au regard des résultats réalisés par la société, du prévisionnel réaliste sur 3 ans (augmentation du chiffre d'affaires de 1 % et marge de 27,5 %), de la restructuration salariale de son officine, les modalités d'apurement du passif sont conformes à sa capacité d'autofinancement susceptible d'être dégagée pour un désintéressement total des créanciers et le maintien de l'emploi en respectant les impératifs fixés par la loi.

La société INTERFIMO a interjeté appel de cette décision le 27 décembre 2012.

Deux dossiers ayant été ouverts, la jonction a été prononcée par ordonnance du 24 janvier 2013.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 17 septembre laquelle a fixé les plaidoiries à l'audience du 15 octobre 2013.

**

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 22 août 2013, la société INTERFIMO demande à la cour de :

constater que le plan de sauvegarde ne porte pas sur le montant du passif vérifié de la SELARL PHARMACIE [B] ET [A],

constater que le plan de sauvegarde repose sur des éléments incertains et ne constitue pas une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée,

constater que ce plan porte atteinte aux droits de la société INTERFIMO,

infirmer le jugement du Tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 20 décembre2012 ayant rejeté la tierce opposition formée par la société INTERFIMO à l'encontre du jugement en date du 10 mai 2012 ayant homologué le plan de sauvegarde,

statuant à nouveau, faire droit à la tierce opposition formée par la société INTERFIMO à l'encontre du jugement en date du 10 mai 2012 ayant homologué le plan de sauvegarde et réformer le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 10 mai 2012 ayant homologué le plan de sauvegarde,

renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de MARSEILLE pour que soit statué sur les suites de la période d'observation ouverte le 23 septembre 2010,

prononcer l'ouverture d'une nouvelle période d'observation,

à titre subsidiaire,

prononcer la liquidation judiciaire de la SELARL PHARMACIE [B] ET [A],

condamner tout succombant aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE représentée par Maître Françoise BOULAN.

***

Suivant dernières conclusions signifiées et déposées le 10 mai 2013, la SELARL PHARMACIE [B] ET [A] demande à la cour de :

dire que son plan de sauvegarde répond aux exigences des articles L. 626-1 et L. 626-2 du code de commerce et ne repose pas sur des éléments incertains,

en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE du 20 décembre 20l2,

Y ajoutant, condamner la société INTERFIMO à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ainsi que la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil,

Subsidiairement, ordonner le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de MARSEILLE pour qu'il soit statué, après l'ouverture d'une nouvelle période d'observation sur les suites de la procédure de sauvegarde ouverte le 23 septembre 2010, conformément à l'article L 661-9 du code de commerce,

rejeter en toute hypothèse la demande de la société INTERFIMO de convertir la procédure en liquidation judiciaire, non fondée en droit et injustifiée au regard des résultats de l'entreprise et du montant de son passif à apurer,

la condamner aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître [I] [V].

****

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 6 septembre 2013, le CREDIT LYONNAIS demande à la cour de :

lui donner acte qu'il a un intérêt légitime, personnel et suffisant justifiant sa participation à la procédure de tierce opposition,

lui donner acte qu'il adopte et soutient les prétentions de la société INTERFIMO,

constater que le plan de sauvegarde ne porte pas sur le montant du passif vérifié de la société, qu'il repose sur des éléments incertains et n'assure pas sérieusement la sauvegarde de l'entreprise ce qui doit entraîner la rétractation du jugement du 10 mai 2012 dans toutes ses dispositions et le prononcé de l'ouverture d'une nouvelle période d'observation pour la présentation d'une offre de cession,

en conséquence, réformer le jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE du 20 décembre 2012 en toutes ses dispositions,

condamner tout succombant au entiers dépens ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN.

*****

Suivant dernières conclusions déposées et notifiées le 10 mai 2013, Maître [G] [Q] demande à la cour de :

dire la société INTERFIMO irrecevable ab initio en son action et par suite en son appel,

au fond, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

à titre subsidiaire, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de MARSEILLE pour qu'il soit statué après l'ouverture d'une nouvelle période d'observation, sur les suites de la procédure de sauvegarde, conformément aux dispositions de l'article L. 661-9 du code de commerce,

condamner la société INTERFIMO à payer à Maître [G] [Q] ès qualité la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître [K] [H].

Le commissaire à l'exécution du plan conteste l'intérêt à agir de la société INTERFIMO qui, en sa qualité de caution, bénéficie des dispositions du plan alors que la liquidation judiciaire l'exposerait à devoir payer sans délai le LCL. Il explique que l'acquisition de l'officine pour un prix total équivalent à près de 114 % du chiffre d'affaires TTC et son financement étaient particulièrement audacieux puisque le remboursement des échéances nécessitait d'utiliser plus de 100 % de la capacité d'autofinancement prévisionnelle établie au regard de celle constatée par le précédent exploitant, alors que le secteur de la pharmacie subit une dégradation constante de la marge depuis plus de 15 ans.

Le commissaire à l'exécution du plan estime que le délai de 10 ans est de nature à permettre à la société de trouver un nouvel associé, un nouveau partenaire financier ou un nouvel acquéreur pour régler la dernière échéance de 1 734 835,60 € alors que le fonds a été acquis à 2 870 000 € hors stock et frais.

******

Par dernières conclusions signifiées et déposées le 13 mai 2013, Maître [T] [U], mandataire judiciaire, demande à la cour de :

dire la société INTERFIMO irrecevable ab initio en son action et par suite en son appel,

au fond, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

à titre subsidiaire, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de MARSEILLE pour qu'il soit statué après l'ouverture d'une nouvelle période d'observation, sur les suites de la procédure de sauvegarde, conformément aux dispositions de l'article L. 661-9 du code de commerce,

condamner la société INTERFIMO à payer à Maître [T] [U] ès qualité la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître [I] [V].

*******

L'ordre des pharmaciens bien qu'assigné à la personne d'un préposé habilité par exploit du 15 mars 2013 n'a pas constitué avocat.

******

La société OCP REPARTITION bien qu'assignée à la personne d'un préposé habilité par exploit du 18 mars 2013 n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

1) Sur la recevabilité de l'action engagée par la société INTERFIMO

Maître [G] [Q] et Maître [T] [U] contestent la recevabilité de l'action engagée par la caution au motif qu'elle tend à contester le plan de sauvegarde qui la protège pourtant de l'exigibilité de la dette.

Mais la société INTERFIMO, filiale du préteur, qui bénéficie de la caution de Monsieur [P] [B] et sa fille Madame [L] [A] ainsi que d'un nantissement de premier rang du fonds de commerce, possède un intérêt commercial à se dégager dès à présent d'une opération de reprise qui s'avère difficile, étant assurée en l'état de ne subir aucune perte compte tenu de l'ensemble des garanties qu'elle détient et pouvant même espérer intervenir dans la nouvelle cession du fonds de commerce qu'elle appelle de ses v'ux.

Ainsi, la société INTERFIMO qui a intérêt, se trouve recevable en son action.

2) Sur les griefs dirigés contre le plan de sauvegarde

Il est institué par l'article L. 620-1 du code de commerce une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

L'article L. 626-2 du code de commerce précise qu'au vu du bilan économique, social et, le cas échéant, environnemental, le débiteur, avec le concours de l'administrateur, propose un plan lequel détermine les perspectives de redressement en fonction des possibilités et des modalités d'activités, de l'état du marché et des moyens de financement disponibles.

L'article L. 626-1 du code de commerce ajoute que lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation.

2-1) Sur le montant du passif pris en compte

La société INTERFIMO fait grief au plan de ne pas tenir compte de l'intégralité du passif, ayant minoré la créance LCL qui serait de 2 915 792,76 € soit :

échéances impayées au 10 mai 2012 : 857 745,86 €,

capital restant dû à la date d'homologation du plan : 1 541 553,36 €,

intérêts au taux de 2 % sur toute la durée du plan : 516 493,34 €.

Le plan a retenu une créance LCL de 2 500 511,85 € ainsi composée :

déclaration LCL (hors intérêts) : 1 992 100,84 €,

déclaration INTERFIMO (impayés au jour de l'ouverture de la sauvegarde) : 297 296,82 €,

frais financiers à courir : 211 114,19 €.

La différence entre les deux évaluations, soit la somme de 415 280,91 €, tient au calcul d'intérêt auquel se livre la banque alors qu'elle ne l'avait pas précisé au stade des productions mentionnant les intérêts pour mémoire. Ce calcul est contesté tant par la société débitrice que par les organes de la procédure. Des parts d'assurances non échus sont aussi prises en compte par INTERFIMO.

La cour relève que le tribunal s'est penché sur la question du passif, l'a déjà expurgé des montants déclarés par les cautions qui faisaient double emploi avec la créance déclarée par LCL, qu'il a pris en compte la renonciation de Monsieur [B] et Madame [A] au bénéfice de leur compte courant jusqu'à l'issue du plan, ainsi que les ajustements à la hausse des créances déclarées (notamment celle du LCL) et a abouti à l'estimation réaliste d'un passif de 3 038 213,92 €, intérêts et frais financiers du LCL compris.

A supposer que les intérêts réclamés par le LCL soient finalement retenus pour partie ou même pour le tout, cela ne modifierait pas l'économie globale du plan de sauvegarde mais viendrait uniquement augmenter la dernière échéance sur laquelle il sera bientôt statué.

2-2) Sur le caractère incertain des éléments retenus

L'action en responsabilité engagée contre le banquier ayant échoué à ce stade, INTERFIMO et le LCL font valoir que le plan repose pour plus de la moitié sur une dernière échéance de 1 734 835,60 € qui doit être encore augmentée des intérêts non pris en compte, laquelle échéance suppose pour être honorée que l'officine soit réalisée dans des conditions optimales à l'issue du plan ou que sa dette soit alors refinancée, ce qui est incertain.

Mais la cour retient que la perspective d'une cession d'un fonds de commerce acquis en 2006 au prix total de 3 369 656 € qui devrait intervenir en 2022 pour un prix d'environ 2 000 000 € constitue une possibilité sérieuse au sens de l'article L. 626-1 du code de commerce laquelle ne se fonde pas sur des éléments incertains mais au contraire prend suffisamment acte d'une dépréciation que justifie la baisse du chiffre d'affaire dont rien ne permet de penser qu'elle se poursuivra inexorablement, s'agissant d'une officine de pharmacie implantée dans le centre d'une métropole régionale.

Il convient en effet de relever que la loi n'exige qu'une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée et non une certitude et que si pour la société INTERFIMO et le LCL la cession rapide apporterait une certitude de paiement compte tenu des garanties dont ces organismes disposent alors que le plan ne constitue pour eux qu'une possibilité fut-elle sérieuse d'être réglés, il n'en va pas de même pour les autres créanciers lesquels représentent près de 500 000 € et n'auraient aucune chance sérieuse d'être payés en cas de cession rapide alors que le plan pourra les remplir de leurs droits.

2-3) Sur les perspectives de sauvegarde

La société INTERFIMO et le LCL reprochent encore au plan de sauvegarde de ne pas tendre à la pérennité de l'entreprise au sortir du plan puisqu'il prévoit une cession à cette échéance et ainsi de ne constituer qu'un plan d'apurement du passif.

L'article L 620-1 du code de commerce commande aux juges de s'attacher à la poursuite de l'activité économique, au maintien de l'emploi et à l'apurement du passif alors que l'article L. 626-1 leur fait obligation de vérifier qu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée.

Comme il a été dit, le plan réalise l'objectif d'apurement du passif. Il permet aussi de conserver 5 emplois salariés outre l'activité des deux associés et ce sur une période de 10 ans et prévoit à son terme la poursuite de l'activité économique par une cession de l'officine à défaut de refinancement de la dette.

Ainsi, les prescriptions légales se trouvent respectés, la loi ne visant pas à la pérennité de la société commerciale en cause mais de l'entreprise et recherchant, à travers la persistance de cette dernière, la poursuite de l'activité économique au-delà du plan dans l'intérêt notamment des salariés.

Il est dès lors parfaitement loisible à un entrepreneur de se placer sous la protection offerte par le régime de la sauvegarde afin de disposer de 10 ans pour exercer son activité et à l'issue choisir de la céder ou de s'endetter à nouveau, pour autant qu'il veille, au moyen des modalités du plan de sauvegarde, à apurer le passif durant le plan et au-delà à garantir la poursuite de l'activité économique et à maintenir l'emploi, comme c'est le cas en l'espèce.

3) Sur la demande de dommages et intérêt pour appel abusif

La SELARL PHARMACIE [B] ET [A] reproche à la société INTERFIMO un appel abusif.

La liberté d'appeler ne dégénère en abus que lorsque la procédure n'est fondée sur aucun élément précis et déterminant et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire et malveillante.

Tel n'est pas le cas d'espèce, les demandes étant précisément articulées tant en droit qu'en fait et nullement téméraires.

En conséquence la SELARL PHARMACIE [B] ET [A] sera déboutée de ce chef.

4) Sur les autres demandes

La société INTERFIMO qui succombe réglera à la SELARL PHARMACIE [B] ET [A], à Maître [G] [Q] ès qualité et à Maître [T] [U] ès qualité la somme de 1 500 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société INTERFIMO supportera encore les entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits au profit de Maître [I] [V], de Maître [K] [H] et de Maître [I] [V].

PAR CES MOTIFS

La cour, publiquement et par arrêt réputé contradictoire

Reçoit le CREDIT LYONNAIS en son intervention.

Déclare recevable la tierce opposition formée par la société INTERFIMO.

Confirme le jugement entrepris.

Déboute la société INTERFIMO et le CREDIT LYONNAIS de leurs demandes.

Déboute la SELARL PHARMACIE [B] ET [A] de sa demande de dommages et intérêts.

Condamne la société INTERFIMO à payer à la SELARL PHARMACIE [B] ET [A], à Maître [G] [Q] ès qualité et à Maître [T] [U] ès qualité la somme de 1 500 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société INTERFIMO aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel distraits aux profits de Maître [I] [V], de Maître [K] [H] et de Maître [I] [V].

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/24224
Date de la décision : 14/11/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/24224 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-14;12.24224 ?
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