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31/10/2013 | FRANCE | N°11/02737

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 31 octobre 2013, 11/02737


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2013



N° 2013/436













Rôle N° 11/02737







CAISSE DE CREDIT MUTUEL MEDITERRANEEN





C/



[H] [C]

[T] [K] épouse [C]

SCP PATRICK IVALDI-SERGE GRANATA GOLDMAN- B. MONIER

[Y] [X]





















Grosse délivrée

le :

à :

BADIE

BOULAN

COHEN



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Janvier 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 03/5479.





APPELANTE



CAISSE DE CREDIT MUTUEL MEDITERRANEEN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2013

N° 2013/436

Rôle N° 11/02737

CAISSE DE CREDIT MUTUEL MEDITERRANEEN

C/

[H] [C]

[T] [K] épouse [C]

SCP PATRICK IVALDI-SERGE GRANATA GOLDMAN- B. MONIER

[Y] [X]

Grosse délivrée

le :

à :

BADIE

BOULAN

COHEN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 17 Janvier 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 03/5479.

APPELANTE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL MEDITERRANEEN, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués, et plaidant par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [H] [C]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués et plaidant par Me GUNSETT, avocat au barreau de NICE de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Madame [T] [K] épouse [C]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués et plaidant par Me GUNSETT, avocat au barreau de NICE de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

SCP PATRICK IVALDI-SERGE GRANATA GOLDMAN- B. MONIER, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis

[Adresse 5]

représentée par Me Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me DUTERTRE de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE

Maître [Y] [X], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Laurent COHEN de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me DUTERTRE de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2013,

Rédigé par Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte notarié du 22 juillet 1992, le CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN a consenti aux sociétés PROJECT et AGENCE NOTRE-DAME une ouverture de crédit en compte courant de 350'632,74 € (2'300'000 F) d'une durée de deux ans au taux de 12 % destinée au financement d'un terrain à [Localité 1] d'une superficie de 30'000 m².

Pour sécuriser ce financement , les époux [C], communs en biens , se sont engagés comme cautions solidaires, la caution de Mme [C] ayant été recueillie suivant procuration donnée à M. [U] établie acte sous seing privé le 17 juillet 1992

À l'expiration du délai de deux ans, l'ouverture de crédit a été prorogée d'une durée d'un an supplémentaire pour montant limité à 274'400,23 € (1'800'000 F)

Le 14 février 1997, la SARL PROJECT a été placée en liquidation judiciaire , laquelle clôturée pour insuffisance d'actif le 15 juin 2012

Par acte du 12 août 1998, le CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN a dénoncé une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble appartenant aux époux [C] [Adresse 2].

Ces derniers ont combattu cette mesure devant le juge de l'exécution de Nice , Mme [C] contestant son engagement de caution , M. [C] estimant que le sien avait expiré .

Par jugement du 5 mars 1999, le JEX de Nice a fait droit aux demandes des époux [C]

Cependant, par arrêt du 5 décembre 2002, la cour d'appel D'AIX-EN-PROVENCE a infirmé cette décision, retenant que le JEX avait excédé ses pouvoirs en statuant sur la validité des cautionnements.

Par actes du 3 septembre 2003 , les époux [C] ont ainsi tour à tour saisi le tribunal de grande instance de Nice à l'encontre du CRÉDIT MUTUEL pour voir respectivement constater l'inexistence et la caducité des cautionnements souscrits , sollicitant la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise sur leur immeuble.

La banque a appelé en la cause Me [X], rédacteur de l'acte de prêt.

Le 30 décembre 2003, le CRÉDIT MUTUEL a consenti à la levée de l'hypothèque à l'occasion de la cession du bien immobilier sous réserve que la somme de 51'870,25 € correspondant aux droits de M. [C] lui soit versée et que la somme équivalente de 51'870,25 € correspond aux droits de Mme [C] soit séquestrée entre les mains du notaire Me [I] , dans l'attente de l'issue des procédures en cours.

Par jugement avant dire droit du 15 janvier 2007, sur l'action entreprise par les époux [C] , le TGI de Nice a ordonné une expertise en écriture pour vérifier l'authenticité de la signature de Mme [C] figurant sur la procuration donnée à M. [U] .

L'expertise a été déposée le 20 août 2007, celle-ci excluant que Mme [C] ait signé ladite procuration .

Par jugement du 17 janvier 2011, en lecture de rapport d'expertise , le tribunal de grande instance de Nice a :

' reçu l'intervention volontaire en la caus de la SCP de notaires IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER titulaire de l'office notarial dans lequel exerçait Me WALLERAND

' dit que M. et Mme [C] n'étaient tenus à aucune obligation de caution à l'égard du CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN , les invitant à saisir le juge de l'exécution de leur demande de mainlevée d'inscription d'hypothèque et du séquestre de la somme de

51'870,25 €

' débouté les époux [C] de leur demande de dommages-intérêts à l'encontre du CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN

' débouté la SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER de son moyen tiré de la prescription

' débouté la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN de l'ensemble de ses demandes

' condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN aux entiers dépens et à payer respectivement à Monsieur et Madame [C] , d'une part , et SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER, d'autre part, la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Le 15 février 2011, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN a interjeté appel de cette décision.

***

Vu les conclusions déposées le 24 septembre 2013 par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN par lesquelles celle-ci soutient la réformation du jugement en toutes ses dispositions exceptées celles intéressant Mme [C] et sollicite :

' le débouté des demandes des notaires

' le débouté des demandes de M. [C]

' la condamnation de M. [C] , en sa qualité de caution, à lui payer la somme de 303'459,87 € avec intérêts au taux de 10,85 % l'an à compter du 1er février 1997 et actualisé à 485'277,53 € au 18 septembre 2013

' sa condamnation, en tant que de besoin, au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure

' la condamnation in solidum de la SCP [X] , au visa de l'article 1382 du Code civil, à lui payer la somme de 485'277,53 € avec intérêts au taux de 10,85 % à compter du 18 septembre 2013.

' leur condamnation in solidum à relever et garantir la CAISSE FÉDÉRALE DU CRÉDIT MUTUEL de toutes condamnations qui pourraient intervenir au regard des préjudices invoqués par les époux [C]

' la condamnation de tous succombants aux entiers dépens et en paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

À l'appui de ses prétentions, la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN fait valoir :

' que , s'agissant du cautionnement donné par Mme [C], le notaire est responsable de la sécurité juridique des actes qu'il établit , ceci s'imposant comme une obligation de résultat qui aurait dû le conduire à vérifier les pouvoirs délégués par celle-ci à celui à qui elle avait donné procuration

' que, s'agissant du cautionnement donné par M. [C], il n'y a pas eu prorogation du terme du prêt mais simple proposition en ce sens présentée par le CRÉDIT MUTUEL de sorte que les relations entre parties sont restées régies par l'acte initial de prêt.

' qu'en tout état de cause, cette prorogation n'aurait pas eu effet de libérer la caution ainsi qu'en dispose l'article 2039 du Code civil

'qu'elle a donné son accord amiable à la mainlevée de l'hypothèque judiciaire une fois déposé le rapport d'expertise , Mme [C] ayant , pour sa part, réglé spontanément la quote-part lui revenant au titre de son engagement de caution sans qu'elle y soit obligée.

' que , s'agissant de son action à l'égard des notaires , celle-ci n'est pas prescrite puisque le délai de prescription ne court qu'à compter de la manifestation du dommage c'est-à-dire la date à laquelle les époux [C] ont délivré assignation en justice

' que l'obligation du notaire est une obligation de résultat lui imposant de vérifier l'identité des personnes contractantes

' que son dommage est constitué par la perte de chance de recouvrer sa créance sur la caution

**

Vu les conclusions déposées le 27 août 2013 par les époux [C] par lesquelles ces derniers sollicitent :

' le constat que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN abandonne toute poursuite à l'encontre de Mme [C]

' le déblocage par Me [I], notaire à [Localité 2], de la somme de 51'870,25 € outre intérêts dont il avait été désigné séquestre au titre de la revendication de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN

-- la confirmation du jugement en ce qu'ils ont été déchargés de tout engagement de caution

' la condamnation de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN, sous astreinte de 1000 € par jour de retard , d'avoir à restituer la somme de 51'870,25 € outre intérêts, indûment perçue dans le cadre de la cession du bien hypothéqué au titre de la quote-part de M. [C]

' la réformation du jugement en ce qu'ils ont été déboutés de leur demande en dommages-intérêts contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN

' la condamnation de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN à leur payer la somme de 60'000 € à titre de dommages-intérêts du chef de l'inscription litigieuse

' la condamnation de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN aux entiers dépens ainsi qu'en paiement de la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de leurs prétentions, les époux [C] prennent acte le CRÉDIT MUTUEL abandonne son action contre Mme [C] et font valoir :

'le caractère limité de l'engagement de caution de M. [C] non renouvelé et expirant le 22 juillet 1994

' que l'article 2292 du Code civil précise que le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites pour lequel il a été contracté

' que la prorogation du prêt n'a pas été accompagnée par la reconduction de la garantie ou la prorogation de son terme

' que leur préjudice découle du blocage de leur bien grevé d'hypothèque pendant 10 ans et par l'appréhension de la somme de 51'870,25 € sur le produit de sa vente le 30 décembre 2003.

**

Vu les conclusions déposées le 7 juillet 2011 par la SCP IVALDI - GRANATA GOLDMAN -B MONIER et de Me [X] et par Me WALLERAND par lesquelles ceux-ci sollicitent :

' l'infirmation du jugement en ce qu'ils ont été déboutés du moyen visant à voir déclarer prescrites l'action en responsabilité engagée par le CRÉDIT MUTUEL à leur il encontre

' la confirmation du jugement sur le surplus et :

' le débouté de la demande du CRÉDIT MUTUEL en l'absence de faute démontrée de ME [X] , de l'absence d'un lien de causalité certain et d'un préjudice avéré

' subsidiairement , la limitation à la somme de 51'870,25 € du montant du préjudice lié à la perte du cautionnement de Mme [C]

'la condamnation du CRÉDIT MUTUEL aux dépens et en paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de leurs prétentions, la SCP [X] et par Me [X] font valoir :

' que l'action de la banque obéit à la prescription décennale de l'article 189 bis du code du commerce , nouvellement L. 110-4 du code du commerce, et non à celle de l'article 2270 -1 du Code civil et se prescrit par 10 ans à compter de la naissance de l'obligation soit celle du contrat de prêt

' que l'obligation du notaire est une obligation de moyens et non de résultat seulement si sa défaillance est avérée

' que le notaire n'avait pas la possibilité de vérifier une difficulté dont il n'avait pas connaissance, dont il ne pouvait se douter et qu'il n'avait , en tout état de cause, pas les moyens de déceler.

' que celui-ci s'est borné à authentifier une ouverture de crédit , la procuration litigieuse ayant été effectuée par acte sous seing privé annexé

' qu'il n'y a pas de lien de causalité entre la faute prêtée au notaire et le dommage revendiqué né de la perte du cautionnement , le notaire n'étant en rien responsable de la défaillance de l'emprunteur et la banque n'établissant pas qu'elle aurait été entièrement remboursée par la caution des sommes qu'elle pouvait lui réclamer.

' que , tout au plus, se cette somme ne peut excéder celle séquestrée de 51'870,25 €

Sur quoi

1) sur les cautions :

Il y a lieu liminairement de prendre acte du fait que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN ne conteste pas le jugement rendu en ce qu'il a dit que Mme [C] n'était tenue à aucune obligation de caution envers la banque.

Ce jugement est définitif sur ce point.

S'agissant du cautionnement donné par M. [C], l'article 2292 du Code civil dispose :

« Le cautionnement ne se présume point. Il doit être exprès et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté »

En l'espèce , M. [C] s'est porté caution solidaire d'une ouverture de crédit de 2'300'000 F (350'632,74 €) consentie, selon acte notarié du 22 juillet 1992, aux SARL PROJECT et AGENCE DE NOTRE-DAME , ce concours étant assorti d'un taux d'intérêt de 12 % et octroyé pour une durée de deux ans.

L'acte notarié précise :

« Le présent cautionnement est délivré en garantie du paiement et du remboursement de toutes les sommes en capital, intérêts, commissions, frais et accessoires, que le débiteur doit ou devra à la créancière au titre de l'ouverture de crédit en compte courant de 2'300'000 F objet des présentes.

La caution déclare avoir pris connaissance de l'ensemble des obligations incombant tant au débiteur principal qu'au tiers garant. Elle déclare expressément en tant que caution solidaire ne contestaer aucunement le contrat ainsi conclu.

De la sorte, le présent engagement de caution constitue une convention expresse et un tout indissociable de l'obligation principale garantie, la caution accepte en conséquence que lui soient appliquées toutes les conditions et caractéristiques de cette obligation, notamment de montant, de durée, d'amortissement, d'intérêts et commission, d'exigibilité normale et anticipée, de preuves, de compétence de juridiction, ladite énumération étant seulement énumérative et non limitative »

Par courrier du 27 juillet 1994 adressé aux sociétés PROJECT et AGENCE NOTRE-DAME, le CRÉDIT MUTUEL a confirmé que la prorogation du financement partiel de l'acquisition du terrain et des travaux avaient été acceptés à de nouvelles conditions pour un montant de 1'800'000 F avec même taux de 12 % d'une durée supplémentaire d' un an , invitant Messieurs [U] et [C] à manifester leur adhésion en lui retournant le double de ce courrier après apposition de la mention « lu et approuvé, bon pour acceptation d'offre de crédit pour 1'800'000 F», la formalisation de l'accord devant intervenir dans le mois sous peine de péremption.

Cet accord a été recueilli le 17 août 1994 si bien que les parties ont été valablement engagées

par ce qui s'analyse être une nouvelle convention de financement se rapportant à de nouvelles conditions , ne serait-ce qu'à partir du moment où s'est opérée la rencontre des volontés jusqu'à celui où celle-ci aurait dû être régularisée à travers l'établissement d'un acte formel .

Cette dernière convention repose sur un concours bancaire d'un montant inférieur à celui octroyé le 22 juillet 1992 et ne peut par conséquent s'analyser comme la seule prorogation du terme de celle qui l'a précédée.

En cela, l'article 2039 du Code civil évoqué par la banque selon lequel « la simple prorogation du terme accordé par les créanciers au débiteur principal ne décharge point la caution qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement » ne peut recevoir application .

Cette nouvelle convention de financement , qui ne se réduit pas à une simple prorogation de délai , nécessitait au regard des règles posées par l'article 1292 du Code civil un nouvel engagement de caution clair et spécifique qui n'a pas été donné.

Cette nouvelle convention de financement , dépourvue de la caution de M. [C] , par ailleurs expirée depuis le 22 juillet 1994 quant au premier concours financier du 22 juillet 1992, ne peut donner lieu à rechercher celui-ci alors , qui plus est, que la banque ne justifie pas davantage avoir poursuivi le recouvrement de sommes issues de ce premier rapport contractuel .

Le jugement sera confirmé sur ce point.

2) sur la responsabilité des notaires :

a) sur la prescription :

Le délai de prescription applicable à l'action en responsabilité délictuelle de la banque à l'encontre des notaires ne peut être régi par l'article 189 bis du code du commerce car ce dernier est relatif ' aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants '.

Or, la banque et le notaire ne sont pas liés par un tel rapport d'où il suit que cet article ne peut recevoir application à l'espèce.

La prescription est celle fixée par l'article 2270-1 ancien du Code civil qui l'enferme dans un délai de 10 ans.

Ce délai ne court qu'à compter de la manifestation du dommage ou du jour où le titulaire du droit a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits justifiant son exercice c'est-à-dire la révélation de l'inauthenticité de la signature de Mme [C] .

Celle-ci a été évoquée dans l'assignation qu'a délivrée cette dernière à la banque le 3 septembre 2003 avant que d'être révélée par le rapport d'expertise déposé 22 août 2007. Cette dernière date fixe le point de départ du délai de prescription, si bien que l'action en responsabilité du notaire et de la société de notaire est recevable.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

b) sur le fond :

Le CRÉDIT MUTUEL fait grief au notaire et à la société de notaire de ne pas s'être assurés de l'identité de la personne signataire de la procuration donnée par Mme [C] à M. [U] à l'effet de se porter caution.

Le devoir du notaire rédacteur d'actes authentiques est de conférer à ceux cis la sécurité et l'efficacité que chacun est en droit d'en attendre.

S'agissant de l'engagement de caution de Mme [C] envers la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN , celui-ci a été recueilli et validé par le notaire, après que Mme [C] ait institué mandataire spécial ,M. [U], pour passer et signer tous actes en son nom , suivant procuration donnée par acte sous seing privé du 17 juillet 1992 .

Le notaire n'a pas eu la possibilité de vérifier par lui-même l'identité de la personne auteur de la procuration et a , ce nonobstant ,donné pleins effets aux engagements qui y étaient portés.

En pareil cas, il lui appartenait cependant, comme officier public ministériel ayant pouvoir d'authentifier les actes qu'il établit, de faire certifier la signature de la mandante par un officier public délégué ou d'exiger , à tout le moins, la production de spécimens d'écriture et de signature de comparaison pour exercer un contrôle minimun

En se départissant de cette dernière précaution , le notaire a manqué à l'obligation de prudence qui gouverne son action et a fait perdre à l'acte de cautionnement l'efficacité qui s'attache normalement à un acte authentique .

À ce titre, sa responsabilité est engagée et la société de notaires et Me [X] devront payer au CRÉDIT IMMOBILIER MÉDITERRANÉEN la somme de 51'870,25 € représentant la quote-part séquestrée de Mme [C] sur le produit de la vente du bien immobilier , laquelle ne pourra pas lui revenir et constitue le préjudice que la banque a réellement supporté.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

3) sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts des époux [C] :

Le CRÉDIT MUTUEL a engagé la procédure conservatoire sur la foi d'un acte notarié par lequel Mme [C] s'était engagée comme caution , ce dont l'établissement bancaire ne pouvait a priori douter jusqu'à ce que la lumière soit faite sur le défaut d'authenticité de sa signature après expertise ordonnée par le tribunal.

À ce stade, la banque a donné mainlevée de l'hypothèque conservatoire et a autorisé la vente du bien. Ainsi la responsabilité de la banque dans la mise en oeuvre de mesures ayant pour seule visée de préserver sa créance jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa validité a poursuivi un but légitime sans que cette façon d'agir puis être recherché à faute , d'autant que Mme [C] n'a pas saisi le JEX d'une demande en mainlevée d'inscription hypothécaire et de séquestre comme l' invitait à le faire le tribunal de grande instance de Nice dans son jugement du 17 janvier 2011.

Pareillement, M. [C] n'a pas usé de cette possibilité alors que son engagement de caution était devenu caduc dès le 22 juillet 1994 .

L'article L. 512 '2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire lorsqu'il en a été donné mainlevée et l'immobilisation du bien faisant l'objet de l'hypothèque suivi de la mise sous séquestre des sommes issues de sa vente est génératrice d'un préjudice qui , exclusif de faute, sera justement indemnisée par l'allocation d'une somme qui sera fixée à 1'000 €.

La société de notaire et ME [X] devront relever et garantir la banque de son paiement

Le jugement sera infirmé de ce chef .

4 ) sur les autres demandes :

Tenant la nature de la décision rendue, il sera fait droit aux prétentions des époux [C] tendant à voir ordonner le déblocage des fonds consignés en l'étude de Me [I] à hauteur de 51'870,25 € correspondant à la quote-part de Mme [C] sur la vente du bien hypothéqué et la restitution par le CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN de la même somme qu'elle a retenue au titre de la quote-part de M. [C] sans qu'il soit besoin d'assortir ces mesures d'une astreinte.

Succombants à parité , la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN et la SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER avec Me [X] se partageront la charge des entiers dépens de l'instance .

Le jugement sera confirmé, s'agissant de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, seulement pour ce qui concerne la condamnation de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN à l'égard des époux [C].

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN sera condamnée, en phase d'appel, à payer aux époux [C] la somme de 1500 € pour les avoir contraints à exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge et , pareillement, la SCP de notaires et Me [X] seront condamnés à verser cette même somme à l'établissement bancaire

PAR CES MOTIFS

La Cour, publiquement et contradictoirement :

' confirme le jugement dont appel dans les dispositions qui suivent :

'reçoit l'intervention volontaire en la cause de la SCP de notaires IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER titulaire de l'office notarial dans lequel exerçait Me WALLERAND

' dit que M. et Mme [C] ne sont tenus à aucune obligation de caution à l'égard du CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN

' déboute la SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER de son moyen tiré de la prescription

' déboute la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN de l'ensemble de ses demandes contre les époux [C]

' condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN à payer à Monsieur et Madame [C] la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'infirme pour le surplus et , statuant à nouveau :

' condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN à payer aux époux [C] la somme de 1'000 € à titre de dommages-intérêts et dit la SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER et Me [Q] tenus de relever et garantir la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN du paiement de cette somme

' condamne in solidum la SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER et Me [Q] à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN la somme de 51'870,25 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

' ordonne le déblocage par Me [I], notaire à [Localité 2], de la somme de 51'870,25 €

outre intérêts dont il a été désigné séquestre au titre de la revendication de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN

' ordonne la restitution par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN à M. [C] de la somme de 51'870,25 € outre intérêts qu'elle a perçu dans le cadre de la cession du bien hypothéqué lui appartenant

Y ajoutant

' condamne la SCP IVALDI ' GRANATA GOLDMAN -- B MONIER et Me [Q] à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

--condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN à payer aux époux [C] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- fait masse des entiers dépens et condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MÉDITERRANÉEN , d'une part, et la SCP [Q] , d'autre part, à en supporter la moitié dont distraction au profit des avocats de la cause .

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 11/02737
Date de la décision : 31/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°11/02737 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-31;11.02737 ?
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