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24/10/2013 | FRANCE | N°11/09110

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 24 octobre 2013, 11/09110


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2013



N°2013/



Rôle N° 11/09110







[G] [K] épouse [Q]





C/



SAS ABC INDUSTRIE



SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE DES BOUCHES DU RHONE















Grosse délivrée le :



à :



Madame [G] [K] épouse [Q]



Me Lila SCHURPF, avocat au barreau de MARSEILLE



SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTA

IRE DES BOUCHES DU RHONE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Mai 1940, enregistré au répertoire général sous le n° .





AP...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 OCTOBRE 2013

N°2013/

Rôle N° 11/09110

[G] [K] épouse [Q]

C/

SAS ABC INDUSTRIE

SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée le :

à :

Madame [G] [K] épouse [Q]

Me Lila SCHURPF, avocat au barreau de MARSEILLE

SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE DES BOUCHES DU RHONE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Mai 1940, enregistré au répertoire général sous le n° .

APPELANTE

Madame [G] [K] épouse [Q], demeurant [Adresse 3]

représentée par Mme [Y] [W] (Délégué syndical ouvrier) avec pouvoir

INTIMEE

SAS ABC INDUSTRIE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Lila SCHURPF, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

SYNDICAT GENERAL AGROALIMENTAIRE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Mme [Y] [W] (Délégué syndical ouvrier) avec pouvoir

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Octobre 2013

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[G] [K] épouse [Q] a été engagée, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 5 juillet 1976 au 5 janvier 1977, en qualité de « piqueur - tendeur de saucisson », au coefficient 110 de la convention collective nationale de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes du 29 mars 1972, par la société ABC Industrie dont l'activité est la fabrication, le tranchage, l'emballage et l'expédition de produits de « saucisserie » et de jambon.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste de « responsable équipe facturation et quai », au coefficient 210, bénéficiait du statut d'agent de maîtrise et percevait un salaire de base de 1984,43 €.

Par courrier du 2 juin 2006, un rappel à l'ordre lui a été adressé pour avoir tenu des propos grossiers à l'endroit d'un autre salarié. [G] [Q] a contesté les faits et, par courrier du 15 juin 2006 adressé au responsable des relations humaines, s'est interrogée sur le point de savoir s'il ne s'agissait pas là, de façon détournée, d'un harcèlement ou d'une tentative d'intimidation à l'endroit du délégué syndical qu'elle était.

Le 20 novembre 2009, l'employeur lui a notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, un avertissement au motif qu'elle avait proféré des insultes à l'encontre de madame [T], responsable de la planification.

La salariée a contesté cette sanction disciplinaire par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 décembre 2009.

Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie le 2 avril 2010.

Le 10 mai 2010, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence section industrie aux fins, notamment, d'annulation de l'avertissement prononcé le 20 novembre 2009, de requalification au coefficient 300 et de rappel de salaire.

La juridiction prud'homale, par jugement du 5 avril 2011, a:

*annulé l'avertissement du 20 novembre 2009 comme étant infondé et irrégulier,

*dit que la salariée aurait dû bénéficier, à compter du 1er octobre 2006, du coefficient 270,

*condamné l'employeur à payer à la salariée :

' la différence existant entre son salaire effectif et le minimum conventionnel correspondant au coefficient 270, soit la somme de 1764,82 €, à titre de rappel de salaire, du 1er octobre 2006 au 31 mars 2010 et celle de 176,48 € pour les congés payés afférents,

' 3000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

' 900 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

*ordonné à l'employeur de délivrer à la salariée des bulletins de salaire rectifiés pour la période du 1er octobre 2006 au 31 mars 2010,

*condamné l'employeur à payer à la salariée la prime d'encadrement 2010 et les congés payés afférents, au prorata du temps passé pour cette même année 2010,

'débouté la salariée du surplus de ses demandes,

'débouté le Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône de toutes ses demandes,

'débouté l'employeur de sa demande au titre de l'article 700,

'condamné l'employeur aux dépens.

[G] [Q] a, par déclaration du 6 mai 2011 enregistrée le 17 mai 2011, interjeté régulièrement appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 avril 2011. Cette procédure a été enrôlée sous le numéro RG 11 - 09110.

L'union départementale CFDT des Bouches-du-Rhône a également, le 19 mai 2011, interjeté régulièrement appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 avril 2011, procédure enrôlée sous le numéro RG 11 - 09180.

Par ordonnance en date du 22 mars 2012, la jonction de ces deux procédures a été ordonnée afin qu'elles soient suivies sous la seule référence RG 11 - 09110.

[G] [Q] a été classée, le 1er mars 2013, invalide de niveau II, catégorie 2 de la CPAM et déclarée  « inapte à tout poste dans l'entreprise » lors de la seconde visite de reprise en date du 21 mars 2013, cet avis précisant qu'une étude de poste avait été réalisée le 20 mars 2013.

Par ordonnance de référé du 28 juin 2013, le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence a ordonné à l'employeur de reprendre le versement du salaire à compter du 21 avril 2013 et jusqu'au reclassement ou au licenciement de la salariée, a débouté celle-ci de toutes ses autres demandes et l'a condamnée à verser à la société ABC Industrie la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 4 juillet 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement. Le comité d'établissement a émis, le 12 juillet 2013, un avis favorable à cette mesure. Par décision du 30 juillet 2013, l'inspection de travail a refusé d'autoriser le licenciement de [G] [Q].

Par décision du 20 septembre 2013, produite contradictoirement en cours de délibéré, l'inspection du travail a accordé l'autorisation de procéder au licenciement pour inaptitude de la salariée, membre suppléant du comité d'établissement et déléguée syndicale CFDT.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions, l'appelante, assistée de son défenseur syndical, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avertissement du 20 novembre 2009 et lui a reconnu le bénéfice du coefficient 270.

Elle lui demande,en outre :

' de reconnaître l'inexécution fautive du contrat de travail,

' de qualifier le harcèlement moral et la discrimination dont elle a été victime,

'de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

' de condamner celui-ci au paiement des sommes suivantes :

*2067,55 € au titre des rappels de salaires et 206,75 pour les congés payés afférents,

*4072,60 € au titre des heures supplémentaires et 407,73 € pour les congés payés afférents,

*5000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

*13627,74 € d'indemnité au titre du travail dissimulé,

*6000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination,

*5000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice financier,

*1000€ au titre de la prime d'encadrement 2010 et 100 € pour les congés payés afférents,

*7131,15 € d'indemnité au titre du préavis et 713,12 € pour les congés payés afférents,

*25275,97 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*4902,23 € au titre du solde de congés payés,

*342,30 € au titre du solde des RTT,

*100 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*743,14 € au titre du remboursement de la retenue sur salaire du mois de mai 2013,

' de condamner l'employeur à lui délivrer les bulletins de salaire rectifiés pour les années 2011 et 2012,

' d'assortir toutes les sommes demandées des intérêts de droit capitalisés à compter du jour de la saisine et de condamner l'employeur, outre aux dépens, à payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que :

'l'employeur a continué à la classer au coefficient 210, de sorte qu'il convient de lui accorder un rappel de salaire, pour la période du 1er avril 2010 au 1er janvier 2013, d'un montant de 729,42 € outre 72,94 € au titre des congés payés afférents et de condamner la société ABC Industrie à lui délivrer des bulletins de salaire rectifiés pour les mois de mai 2011 à janvier 2013,

'l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur est caractérisée par la sanction illicite et irrégulière dont elle a été victime, par son maintien abusif à des coefficients de bas de tableau et par l'application d'un forfait jours illicite,

'l'avenant à son contrat de travail de septembre 2007 étant illicite, elle est légitime à demander le paiement des heures supplémentaires dont elle dresse la liste ainsi que la somme de 13 627,74 € pour travail dissimulé,

'elle a été victime de faits de harcèlement moral caractérisés par la dégradation de ses conditions de travail, un entêtement de l'employeur à maintenir une sanction disciplinaire irrégulière et infondée et par la discrimination dont elle a été victime,

'elle n'a pas allégué de préjudice financier et c'est donc à tort que les premiers juges lui ont alloué des dommages et intérêts à ce titre,

'la résiliation judiciaire doit être prononcée aux torts de l'employeur dans la mesure où, d'une part, sa résistance à lui verser ses compléments de salaire au titre des arrêts de maladie de novembre 2011 à février 2012 l'a contrainte à saisir en référé le conseil de prud'hommes, d'autre part, l'employeur n'a pas appliqué la décision prud'homale s'agissant de son coefficient, enfin, il lui a adressé un compte rendu de réunion DP/CE tronqué et n'a pas respecté son obligation de reclassement, ce qui a été sanctionné par l'inspection du travail qui, dans un premier temps, n'a pas autorisé son licenciement.

Aux termes de ses écritures, la société ABC Industrie, intimée, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de constater :

'le caractère parfaitement justifié et fondé de l'avertissement du 20 novembre 2009,

'l'absence de manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles,

' l'adéquation du coefficient 210 aux fonctions de la salariée,

'la licéité du forfait hebdomadaire en heures de la salariée ainsi que l'absence d'heures supplémentaires non rémunérées,

'l'absence de travail dissimulé,

'l'absence de harcèlement moral et de discrimination à l'encontre de la salariée,

'l'absence de faits suffisamment graves justifiant la demande de résiliation judiciaire et la rupture du contrat aux torts de l'employeur.

Elle sollicite, en conséquence, que la salariée ainsi que le Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône, soient déboutés de l'ensemble de leurs demandes et que [G] [Q] soit condamnée, outre aux dépens, à payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

'un entretien préalable n'est pas obligatoire pour un avertissement et que les entretiens informels, qui se sont déroulés le jour des faits, ne s'analysent pas en un entretien préalable,

'la société a versé à la salariée depuis le prononcé du jugement le salaire minimum conventionnel correspondant au coefficient 210 qui est le sien,

'le prétendu harcèlement moral a forcément pris fin avant la demande de résiliation judiciaire de la salariée puisque celle-ci est en arrêt maladie depuis le 2 avril 2010,

' la salariée n'établit pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral,

'le maintien d'une sanction disciplinaire justifiée ne peut s'analyser en un harcèlement moral,

' la salariée a accepté par avenant du 7 septembre 2007 un forfait en heures de 36 heures 50 hebdomadaires en contrepartie duquel elle a bénéficié de 10 jours de RTT par année pleine,

'une convention de forfait hebdomadaire n'a pas à être prévue dans un accord collectif et peut être conclue avec tout salarié y compris les agents de maîtrise,

' la demande de rappel d'heures supplémentaires ne peut qu'être rejetée de même que sa demande présentée au titre du travail dissimulé,

' sa demande présentée au titre de la prime d'encadrement doit être rejetée,

' la salariée a perçu le complément de salaire avant même que le conseil de prud'hommes ne statue en la forme des référés,

'les reproches formulés par la salariée sont infondés et en tout état de cause ne sont pas suffisamment graves pour justifier une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Aux termes de ses écritures, le Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône demande à la cour :

' de condamner la société ABC Industrie à lui verser 9500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, somme se décomposant ainsi :

*2000€ pour non respect des dispositions conventionnelles sur la classification,

*2000 € pour non-respect de la procédure de sanction disciplinaire et mise en 'uvre d'une sanction disciplinaire infondée et illégale,

*2000€ pour non-respect des accords contractuels (forfait jours) et inexécution fautive et déloyale du contrat de travail,

*2000 € pour harcèlement moral et discrimination,

*1500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civil, outre condamnation aux dépens,

'd'ordonner l'affichage du jugement à intervenir pendant trois mois sur les panneaux d'affichage réservés à l'employeur dans tous les établissements de l'entreprise, sous astreinte de 50 € par jour de retard, dès la notification du jugement à intervenir et ce pendant trois mois,

'd'ordonner l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.

SUR CE

I- Sur l'avertissement du 20 novembre 2009 :

Selon les dispositions de l'article1333-1 du Code du travail, 'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier... si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié'.

Conformément aux dispositions de l'article L 1333-2 du même Code, 'le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise'.

Lorsque l'employeur prononce une sanction mineure , c'est-à-dire un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, il est seulement tenu d'informer par écrit celui-ci des griefs retenus contre lui.

Lorsqu'en revanche l'avertissement est présenté comme la condition d'un possible licenciement ultérieur, l'employeur doit suivre la procédure disciplinaire complète. Il en va de même lorsqu'il souhaite entendre le salarié.

L'avertissement notifié le 20 novembre 2009 à la salariée mentionne précisément que dans l'hypothèse où un incident du même type se reproduirait l'employeur pourrait être amené à prendre une sanction plus grave. Il résulte en outre d'un courrier adressé le 17 décembre 2009 par l'employeur à la salariée que celle-ci a été entendue le jour des faits et à propos des faits par le responsable de production et la responsable des ressources humaines ainsi que par le PDG de la société et la DRH du groupe.

C'est donc à bon droit que les premiers juges , après avoir constaté que [G] [Q] avait été convoquée oralement et sans délai à un entretien préalable pour lequel elle n'avait pas été en mesure de se préparer et au cours duquel elle n'était pas assistée par une personne de l'entreprise, ont annulé cette mesure disciplinaire irrégulière.

La cour confirme le jugement entrepris de ce chef sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien-fondé de cet avertissement frappé de nullité.

II- Sur le coefficient attribué à la salariée :

C'est à bon droit et par de justes motifs, que la cour adopte, que le conseil de prud'hommes a, d'une part, reconnu à la salariée, depuis octobre 2006, le bénéfice du coefficient 270 au regard de ses attributions, de la grille des notes de la convention collective et de ses compétences professionnelles reconnues par l'employeur, d'autre part, a condamné ce dernier à un rappel de salaire pour la période du 1er octobre 2006 au 31 mars 2010, rappel équivalent à la différence existant entre son salaire effectif et le minimum conventionnel correspondant au coefficient 270.

Le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

Constatant que la société ABC Industrie a continué à classer la salariée au coefficient 210 postérieurement à la décision entreprise, la cour condamne ladite société à payer à [G] [Q], à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2010 au 1er janvier 2013, conformément à sa demande, la somme de 729,42 € outre celle de 72,94 € au titre des congés payés afférents.

Elle ordonne à l'employeur de délivrer à la salariée des bulletins de salaire rectifiés conformément à la présente décision.

III- Sur la prime d'encadrement :

Une prime sur l'objectif a été instaurée au sein de l'entreprise. Le paragraphe 3 du procès-verbal de la commission paritaire des 26 et 27 octobre 1988 (pièce 36 de l'intimée) relatif à cet avantage est ainsi rédigé : « une prime sur objectif, d'un montant maximum de 5 % du salaire annuel sera instauré des agents, selon les mêmes conditions d'attribution que celles qui ont été mises en place pour les cadres, l'année dernière. Chaque agent de maîtrise aura donc avec son supérieur hiérarchique un entretien d'évaluation, au cours duquel l'ensemble de sa performance sera analysé et évaluer de façon contradictoire, le supérieur hiérarchique concerné fera alors une proposition de prime à la direction qui, soit l'entérinera, soit en discutera avec les intéressés. »

Il est établi que les entretiens d'évaluation ont traditionnellement lieu en juin et que la salariée a été placée en arrêt maladie le 2 avril 2010 de sorte qu'aucun entretien avec son supérieur hiérarchique n'a pu être tenu en 2010. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que cette prime est calculée d'avril à avril.

Il ressort des écritures, non contestées, de l'appelante qu'elle a respectivement perçu en 2007, 2008 et 2009 au titre de cette prime, les sommes de 861 €, 1010 €, 878 €.

Contrairement à ce qu'elle soutient, le conseil des prud'hommes n'a pas condamné la société ABC Industrie à lui payer la somme de 1000 € pour l'année 2009/2010, les premiers juges ayant « condamné l'employeur à payer (...) la prime d'encadrement 2010 et les congés payés afférents, au prorata du temps passé pour cette même année 2010 » et noté dans les motifs de leur décision que l'employeur avait indiqué à la barre qu'il régulariserait la situation de la salariée à son retour de maladie.

Considérant que le principe du paiement de cette prime n'est pas contesté par l'employeur et que la salariée n'a pas repris et ne reprendra pas son activité professionnelle, la cour fixe à la moyenne des sommes perçues au cours des trois années précédentes, le montant de la prime d'encadrement de la salariée pour l'année 2010. Elle condamne en conséquence la société ABC Industrie à payer à [G] [Q] la somme arrondie à 840 € outre celle de 84€ pour les congés payés afférents.

IV-Sur le forfait en heures hebdomadaires, la demande d'heures supplémentaires et le travail dissimulé :

En droit, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail n'incombe spécialement à aucune des parties. Il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

La salariée, qui liste des heures supplémentaires dans ses écritures, ne produit aucune pièce susceptible d'étayer sa demande.

L'employeur , qui invoque les dispositions de l'article L 3121-38 du Code du travail, verse aux débats (sa pièce 9) un avenant au contrat de travail de la salariée en date du 7 septembre 2007 portant la signature de celle-ci précédée de la mention « lu et approuvé bon pour accord ».

Conformément aux dispositions de l'article L 3121-38 du Code du travail, « la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois ».

A la différence des conventions de forfait annuel en heures ou en jours, le recours au forfait en heures sur la semaine ou sur le mois n'est pas subordonné à l'existence d'une convention ou d'un accord collectif préalable prévoyant un tel forfait. Il suppose en revanche la conclusion d'une convention individuelle de forfait avec chaque salarié concerné. Et il appartient à celui qui invoque une convention individuelle de forfait en heures hebdomadaires d'en apporter la preuve.

L'avenant signé par la salariée est ainsi rédigé : «Pour faire suite à votre candidature interne au poste de responsable équipe facturation et quai (...) nous avons le plaisir de vous confirmer votre changement de poste à compter du 17 septembre 2007 (...) Votre salaire mensuel de base passe à 1890 € bruts à compter du 17 septembre 2007. A cette même date , vous passez d'un horaire en modulation à un horaire forfaité et à 36,50 heures hebdomadaires, en contrepartie desquelles vous bénéficierez désormais de 10 jours de RTT par année pleine (1er juillet 2007 au 30 juin 2008). Les autres dispositions de votre contrat de travail restent inchangées ('.).

Cet avenant étant parfaitement valide, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande présentée au titre des heures supplémentaires et, y ajoutant, elle déboute cette dernière de sa demande subséquente présentée au titre du travail dissimulé.

V- Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail :

L'exécution fautive du contrat de travail imputable à l'employeur est caractérisée par la sanction irrégulière dont la salariée a été l'objet le 20 novembre 2009 et par son maintien à un coefficient inapproprié. Ces faits ayant nécessairement causé préjudice à la salariée, la cour lui alloue la somme de 750 € à titre de dommages et intérêts.

VI- Sur le harcèlement moral et la discrimination :

L'article L1152-1 du Code du travail dispose qu'« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

L'article L1154-1 du même Code prévoit que « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152 1 à L. 1152 3 et L. 1153 1 à L. 1153 4,.........le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Si la salariée justifie de ses arrêts de travail et prolongations ordonnés pour une asthénie puis pour un syndrome anxio-dépressif ainsi que de la nécessité d'un appareillage sur le plan auditif, de la reconnaissance de travailleur handicapé à compter du 2 juin 2010, enfin, de la reconnaissance par la CPAM d'un état d'invalidité réduisant des deux tiers au moins sa capacité de travail et de l'octroi d'une pension d'invalidité à compter du 1er mars 2013, elle n'établit pas des faits qui, pris dans leur ensemble, permettraient de présumer l'existence d'un harcèlement ayant généré un état dépressif.

En effet, les pièces qu'elle produit ne caractérisent pas des agissements répétés ayant pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible d'altérer sa santé physique ou mentale. Et c'est à tort qu'elle assimile à des faits de harcèlement un désaccord avec son employeur sur la régularité ou le bien-fondé d'une mesure disciplinaire ainsi que l'existence de conditions de travail difficiles.

Il convient également de souligner que le fait que l'employeur ait pris en considération les dires de madame [T], dires à l'origine de la sanction disciplinaire notifiée le 20 novembre 2009 à la salariée, sanction annulée par la cour, ne constitue pas davantage une discrimination.

La cour confirme en conséquence le jugement déféré qui a débouté [G] [Q] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et de la discrimination et précise qu'un manquement à l'obligation de résultat et de sécurité, en lien éventuel avec les difficultés de santé de la salariée, n'est pas établi.

Elle infirme le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à la salariée la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier et souligne que les écritures de l'appelante recèlent sur ce point précis une contradiction. En effet, alors qu'elle indique qu'elle n'a jamais allégué un tel préjudice (cf. bas de page 16 et haut de page 17 de ses conclusions), elle demande à la cour, dans le dispositif de ses écritures, de réformer la décision prud'homale en lui accordant 5000€ de dommages et intérêts au titre de ce même préjudice financier.

Il est rappelé que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.

VII- Sur la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur :

Saisi d'une demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, il appartient au juge du fond de vérifier si les manquements invoqués par le salarié sont établis et d'une gravité suffisante pour que la résiliation puisse être prononcée et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'annulation de l'avertissement prononcé en novembre 2009 par l'employeur ainsi que la condamnation de celui-ci au titre de rappels de salaire, faits déjà sanctionnés par l'octroi de dommages et intérêts, ne constituent pas des manquements suffisamment graves pour justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Il en est de même du paiement avec retard des compléments de salaire, avant que la formation de référés du conseil de prud'hommes ait statué et de la modification de l'organigramme interne de l'entreprise.

Ainsi, faute par elle d'établir des manquements suffisamment graves , la cour, qui ne se trouve pas saisie de son éventuel licenciement pour inaptitude, déboute l'appelante de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes indemnitaires subséquentes présentées au titre de la rupture.

VIII -Sur les autres demandes :

La demande de remboursement de la retenue sur salaire du mois de mai 2013 n'étant pas motivée, l'appelante ne peut qu'en être déboutée.

Les intérêts au taux légal avec capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du Code civil sur les sommes sus visées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.

La demande d'exécution provisoire est sans objet s'agissant d'une procédure d'appel.

La remise de bulletins rectifiés conformes au présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte.

Il y a lieu de donner acte au Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône de son intervention.

Les faits de harcèlement et de discrimination n'ayant pas été retenus par la cour, elle déboute ce syndicat de ses demandes présentées sur le fondement de l'article L 1154-2 du Code du travail.

La cour condamne la société ABC Industrie à payer au Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la classification. Elle déboute la partie intervenante du surplus de ses demandes indemnitaires et de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Il y a lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'allouer à ce titre 600 € à l'appelante, l'indemnité qui lui a été allouée en première instance étant confirmée.

L'employeur, qui succombe, ne peut bénéficier de cet article et doit être tenu aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris sauf, en sa disposition ayant alloué à [G] [K] épouse [Q] 3000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Déboute [G] [Q] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier,

Rappelle que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement,

Condamne la société ABC Industrie à payer à [G] [Q], en sus des indemnités confirmées, les sommes suivantes:

-729,42 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er avril 2010 au 1er janvier 2013,

-72,94 € pour les congés payés afférents,

- 840 € au titre de la prime d'encadrement pour l'année 2010,

-84 € pour les congés payés afférents,

-750 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

-600 €, en cause d'appel, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute [G] [Q] de ses demandes au titre du travail dissimulé et de la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ainsi que de sa demande de remboursement de la retenue sur salaire du mois de mai 2013,

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil sont dus sur la créance salariale (rappel de salaires,) à compter du 11 mai 2010, date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, à défaut d'accusé de réception et à compter du présent arrêt pour les autres sommes,

Donne acte au Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône de son intervention,

Condamne la société ABC Industrie à payer au Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la classification,

Déboute [G] [Q] et le Syndicat Général Agroalimentaire CFDT des Bouches-du-Rhône du surplus de leurs demandes,

Ordonne la remise par la société ABC Industrie à [G] [Q] de ses bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt,

Condamne la société ABC Industrie aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/09110
Date de la décision : 24/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/09110 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-24;11.09110 ?
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