La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2013 | FRANCE | N°12/17116

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 22 octobre 2013, 12/17116


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2013



N°2013/

MR/













Rôle N° 12/17116







[F] [T]





C/



SARL A2MICILE ANTIBES













































Grosse délivrée le :

à :

Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de GRASSE
>

Me Stéphanie GROSMAIRE, avocat au barreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 06 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/01345.





APPELANTE



Madame [F] [T]

(bénéficie d'une aid...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2013

N°2013/

MR/

Rôle N° 12/17116

[F] [T]

C/

SARL A2MICILE ANTIBES

Grosse délivrée le :

à :

Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de GRASSE

Me Stéphanie GROSMAIRE, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 06 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/01345.

APPELANTE

Madame [F] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2012/010273 du 26/11/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SARL A2MICILE ANTIBES, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie GROSMAIRE, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2013

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [F] [T] a été embauchée par la société A2MICILE ANTIBES en qualité d'aide à domicile le 17 juillet 2009 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel moyennant une rémunération brute horaire de 9,20 euros.

Le 6 septembre 2011 elle a saisi le conseil des prud'hommes de GRASSE après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail le 10 janvier 2011, pour réclamer paiement d'un rappel d'heures supplémentaires avec requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, et pour faire juger que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et donner lieu à paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 6 septembre 2012 le conseil des prud'hommes de GRASSE a débouté Madame [F] [T] de l'ensemble de ses demandes,

et l'a condamnée aux dépens.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 17 septembre 2012 Madame [F] [T] a relevé appel de cette décision.

Elle demande à la Cour  :

d'infirmer le jugement du 6 septembre 2012 en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

et, statuant à nouveau,

de dire et juger :

-que l'employeur n'a pas réglé l'intégralité de ses heures de travail effectif ,

-qu'il s'est rendu coupable de travail dissimulé,

-que le contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps plein,

sur la rupture :

à titre principal,

de dire et juger que le courrier du 10 janvier 2011 s'analyse en une prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur qui produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

de dire et juger que le licenciement pour faute grave qui lui a été notifié est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

de condamner la société A2MICILE ANTIBES à lui payer les sommes suivantes :

1655,79 euros bruts à titre de rappel sur les heures supplémentaires,

165,58 euros bruts pour les congés payés qui s'y rapportent,

8372,16 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

6118,56 euros bruts à titre de rappel de salaire sur requalification à temps plein,

611,86 euros pour les congés payés qui s'y rapportent,

1395, 36 € nets à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,

14 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1395,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

139,54 euros bruts pour les congés payés sur préavis,

418,60 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

de condamner la société A2MICILE ANTIBES au paiement de la somme de 2000 € au titre des articles 37 et 38 de la loi de 1991,

d'ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de la présente décision, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte,

d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Elle expose :

qu'elle a réalisé de nombreuses heures complémentaires et supplémentaires qui ne figurent pas sur ses fiches de paye.

Que par ailleurs les temps de déplacement entre deux séances consécutives de travail effectif doivent être assimilés à du temps de travail effectif.

Que ces heures ont été sciemment omises de ses bulletins de paye,

Qu'en application des dispositions de l'article L3123 ' 17 alinéa 2 du code du travail « les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accompli par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ».

Sur la prise d'acte de la rupture, que ses grief étaient fondés, qu'ils caractérisaient des manquements suffisamment graves de l'employeur et, dès lors, que la rupture contractuelle devait lui être imputée.

Dans l'hypothèse où la cour considérerait que le courrier du 10 janvier 2011 n'a pas mis fin au contrat de travail, elle relèverait, en application de l'article R 1232 ' 1 du code du travail, qu'elle n'avait pu librement choisir la personne appartenant au personnel de l'entreprise pour se faire assister lors de l'entretien préalable et que la procédure était entachée d'irrégularité.

En effet la convocation à l'entretien préalable du 28 mars 2011 mentionnait qu'il lui était permis de se faire assister lors de cet entretien par la déléguée du personnel.

Sur le caractère abusif du licenciement :

qu'il y avait concomitance entre sa saisine de la formation des référés le 3 mars 2011 pour obtenir paiement des salaires et remise des documents de fin de contrat après sa prise d'acte de la rupture, et le courrier de l'employeur daté du 9 mars 2011 la mettant en demeure de justifier de son absence plus de deux mois après cette prise d'acte de la rupture.

Que les griefs reprochés dans la lettre de licenciement du 26 avril 2011 n'étaient pas justifiés.

La SARL A2MICILE ANTIBES sollicite :

la confirmation dans toutes ses dispositions du jugement rendu le 6 septembre 2012 par le conseil des prud'hommes de GRASSE,

et le déboutement de Madame [F] [T] de l'ensemble de ses demandes,

elle demande à la cour de constater qu'elle a d'ores et déjà reçu la régularisation de ses salaires concernant ses heures de trajet et ses heures supplémentaires,

de dire que la rupture du contrat de travail résulte de ses seuls torts exclusifs et

que le licenciement est justifié,

de condamner Madame [F] [T] à lui payer la somme de 2000 € à titre d'indemnité de procédure.

Elle fait valoir :

sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : que l'analyse de l'inspecteur du travail a été faussée par le fait qu'il avait pris en compte le temps de trajet entre deux clients dans une période relevant de la pause déjeuner alors que le temps de trajet réel ne durait qu'une dizaine de minutes et que le temps consacré aux repas ne devait pas être pris en compte dans le temps de travail effectif.

Que la lettre du 10 janvier 2011 n'était qu'une lettre de doléances de la salariée suivie d'un échange de correspondance injurieux qui l'avait conduit à convoquer la salariée à un entretien préalable en vue de son licenciement.

Sur le travail dissimulé : que le logiciel de gestion avait été mis à jour, il s'agissait d'une erreur interne qui avait été corrigée par le versement à la salariée d'un rappel de salaire.

Sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein : qu'il avait rempli ses obligations contractuelles et accédé aux demandes de la salariée de faire des heures supplémentaires.

Par la suite en refusant de réintégrer son poste le 3 janvier 2011 après une période d'arrêt maladie la salariée avait abandonné son poste ce qui caractérisait une faute grave.

Sur la régularité de la procédure de licenciement : la mention portée à la lettre de convocation à l'entretien préalable ne restreignait pas le choix de la salariée de se faire assister lors de cet entretien par une personne appartenant à l'entreprise.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 4 septembre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les faits constants :

Madame [F] [T] a été embauchée par la SARL A2micile Antibes, par contrat à temps partiel à durée indéterminée en date du 20 juillet 2009, en qualité d'aide à domicile à compter du 17 juillet 2009.

Son contrat prévoyait un volume annuel minimal de 520 heures.

Il lui garantissait un minimum de 10 heures par semaine et de 43, 33 heures par mois .

Le volume annuel de travail a été porté à 1440 heures par avenant du 2 août 2009.

Le 29 novembre 2010 elle écrivait à son employeur. Après avoir évoqué « une mauvaise ambiance au sein de l'entreprise » ainsi que « diverses raisons » qu'elle ne précisait pas,

elle disait vouloir « trouver un accord », et lui demandait de lui « faire les papiers assez rapidement » afin qu'elle s'inscrive aux ASSEDICS pour mener à bien son projet de se « mettre en tant qu'auto entrepreneur », projet dont elle avait déjà parlé.

Le même jour, elle se rendait à l'inspection du travail pour se plaindre de ce que toutes ses heures ne lui étaient pas payées. L'employeur était convoqué en décembre 2010 à l'inspection du travail avec les plannings de la salariée et ses bulletins de salaire des 12 derniers mois.

Dans un courrier qu'il adressait à l'employeur au mois de janvier 2010, le contrôleur du travail lui transmettait le décompte rectifié du temps de travail de Mme [T] et l'invitait à régulariser sur la base suivante :

- 158 heures au taux normal,

- 91 heures au taux majoré de 25 %,

ainsi qu'à respecter la règlementation sur le repos quotidien de 11 heures.

Madame [T] s'absentait pour maladie les 29 et 30 novembre 2010 puis tout le mois de décembre.

Elle ne reprenait pas son poste au mois de janvier 2011 et adressait le 10 janvier 2011, à la gérante de la société, un courrier dans lequel, après avoir récapitulé ses griefs, et rappelé son désir de s'installer comme auto entrepreneur, elle se disait « désolée que cela finisse ainsi ».

Par courrier du 18 janvier 2011, l'employeur lui reprochait d'avoir instauré une situation conflictuelle pour le forcer à la licencier, lui faisait part de ce que « le climat conflictuel créé de son propre chef remettait en cause sa décision première de trouver une solution à sa situation » et lui demandait de reprendre son poste de travail « puisqu'elle ne souhaitait pas démissionner ».

Madame [T] ne reprenait pas son poste.

L'employeur reprenait les calculs du contrôleur du travail, minorant le nombre d'heures et réglait 663,13 euros par chèque à Madame [T] le 25 février 2011.

Le 3 mars 2011 Madame [T] saisissait le conseil des prud'hommes.

Par lettre recommandée en date du 9 mars 2011 l'employeur la mettait en demeure de justifier de son absence avant le 14 mars 2011.

Le 10 mars 2011 Mme [T] lui répondait qu'elle avait « déjà expliqué tous les problèmes » , qu' « on ne peut pas travailler avec les gérants de A2MICILE au moins d'[Localité 1] », et confirmait : « je ne peux plus travailler avec vous. »

Par lettre du 28 mars 2011 elle était convoquée à un entretien préalable fixé au 11 avril 2011 auquel elle ne se présentait pas et était licenciée par lettre du 26 avril 2011 pour absence injustifiée, comportement agressif et diffamatoire, menaces, ensemble de faits caractérisant une faute grave.

Son solde de tout compte lui était remis le 10 mai 2011 avec paiement d'une somme de 1407,6 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la demande de rappel de salaire :

Après rapprochement des bulletins de salaires et des plannings de Mme [T] sur la période de novembre 2009 à octobre 2010, le contrôleur du travail a relevé 249 heures de travail effectif ou assimilé (au titre du temps de trajet entre deux séquences de travail) ainsi réparties :

- 158 heures au taux normal,

- 91 heures au taux majoré de 25 %.

L'employeur n'avait en effet pas pris en compte le temps de trajet entre deux clients considérant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du travail n'était pas du temps de travail effectif.

Il n'est cependant pas contesté que pour remplir ses fonctions Mme [T] effectuait à pied ou en bus sur l'ensemble de la ville d'[Localité 1] la tournée des personnes qui lui avaient été confiées, et qu'ainsi ce temps de déplacement était nécessaire et inhérent à ses fonctions.

Il constituait de ce fait du temps de travail effectif et c'est donc à tort que l'employeur l'a déduit de son décompte.

L'employeur ne conteste pas que des heures aient pu être oubliées dans son décompte du temps de travail mais a entièrement repris le décompte du contrôleur du travail, en calculant le temps de trajet entre deux clientes et en déduisant le temps de pause déjeuner aux motifs que Mme [T] pouvait rentrer à son domicile pour la pause repas et vaquer librement à ses occupations.

Il ajoute avoir communiqué son tableau récapitulatif des heures de trajet au contrôleur du travail dans un courrier du 21 février 2001 et n'avoir reçu aucune contestation sur son mode de calcul.

Ainsi c'est par exemple que pour le mois de novembre 2009 le contrôleur du travail a retenu 4h50 de trajet alors que l'employeur en retient 3h30, ou que pour le mois de décembre le contrôleur du travail a retenu cinq heures de trajet alors que l'employeur retient 3h20, ou encore, que pour le mois de janvier 2010 le contrôleur du travail a retenu 15h25 de trajet alors que l'employeur n' a retenu que 6h45.

La Cour constate en premier lieu qu'il n'est pas justifié de l'envoi effectif du correctif au contrôleur du travail et qu'en conséquence la SARL A2MICIL ne saurait tirer argument d'un hypothétique accord.

Mais surtout, un examen par sondage des plannings qui ont été annotés par l'employeur fait apparaître que lorsque le vendredi 27 novembre 2009 la salariée quitte à 13h15 le domicile de Madame [N] [O] pour se rendre pour 14 heures chez Madame [K] [Z], il ne retient que 15 minutes de trajet.

Il ne retient également que 15 mn de trajet le dimanche 22 novembre lorsqu'elle quitte à 13h30 le domicile de Madame [N] [O] pour se rendre chez Madame [K] [Z] à 14 heures, ce qui amène à s'interroger sur ce que peut faire la salariée des 15mn résiduelles non décomptées.

De même, le 9 décembre 2009 lorsqu'à neuf heures elle quitte le domicile de Madame [H] [U] pour se rendre à 9h30 chez Madame [B] [I], il ne comptabilise que trois minutes de trajet, laissant de côté 27 mn.

Ou encore lorsque le lundi 17 décembre elle quitte à 12 heures le domicile de Madame [G] [P] pour se rendre à 12h30 au domicile de Madame [N] [O], l'employeur ne comptabilise que cinq minutes de trajet.

Dans ces conditions, s'estimant suffisamment éclairée par ces sondages, la cour retiendra que l'argumentation de l'employeur ne repose pas sur des éléments objectifs, ce qui discrédite ses critiques à l'égard des calculs du contrôleur du travail.

Il sera jugé en conséquence qu'il était du après réintégration du temps de trajet entre deux sites sur la période de novembre 2009 à octobre 2010 158 heures au taux normal et 91 heures au taux majoré de 25 %.

Le chèque de 663, 13 euros qui a été adressé en règlement à Mme [T] le 25 février 2011 ne l'a en conséquence pas remplie de ses droits.

La SARL A2MICILE sera condamnée à lui payer le complément, soit la somme de 1655, 79 euros outre 165, 59 euros pour les congés qui s'y rapportent et le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Sur le travail dissimulé : aux termes de l'article L8221-5 :

- Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'Article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'Article L3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre premier de la troisième partie.

La cour a relevé que l'employeur ne contestait pas ne pas avoir rémunéré toutes les heures de travail effectif de Madame [T], sa contestation ne portant que sur le volume retenu par le contrôleur du travail, et qu'il imputait cette anomalie à un dysfonctionnement de son logiciel de gestion, dysfonctionnement dont la preuve n'a à ce jour pas été rapportée.

La volonté de dissimulation de l'employeur est caractérisée par la réitération de la dissimulation et son caractère habituel sur une période de 12 mois.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

La SARL A2MICILE sera condamnée au paiement de l'indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire prévue par l'article L8223 ' 1 du code du travail, soit la somme de 8372,16 euros.

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein :

Vu les dispositions de l'article L3123-14 du CT selon lesquelles :

- Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application des articles L. 3123-25 et suivants, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

La cour constate que le contrat conclu entre Madame [T] et la société A2MICILE comporte toutes les mentions exigées par la Loi.

Il est également justifié par l'employeur de ce que les horaires de travail étaient bien communiqués chaque mois par écrit à Madame [T].

Sur le dépassement du quota d'heures : la salariée fonde sa demande sur les dispositions de l'article L 3123-17 du code du travail.

Il est certain qu'après rectification du temps de travail effectif en intégrant le temps de trajet entre deux clients, le temps de travail de Mme [T] a atteint :

En octobre 2010 : 184, 65 heures

En septembre 2010 : 183, 75 heures

En aout 2010 : 162 heures

En juillet 2010 : 178 heures.

Pour autant, sur l'ensemble de la période travaillée, ces dépassements demeurent accidentels.

En conséquence, la demande de requalification n'apparaît pas fondée et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de qualification du courrier du 10 janvier 2011 en courrier de prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

Ce courrier est ainsi libellé :

« Je sollicite votre bienveillance sur ce qui suit.

Je me suis présentée à votre bureau avec ma voisine suite à plusieurs problèmes au sein de votre entreprise.

Depuis plusieurs mois déjà, je constate qu'il me manque des heures sur mes fiches de paye, je vous en ai fait part, mais malgré cela rien n'a changé.

Tout d'abord en août 2009 vous m'avez fait signer un contrat suite au premier disant de le signer car vous aviez un contrôle, sur ce je n'ai jamais eu de copie.

Cela fait un an et demi que je suis au sein de l'entreprise, je travaille du lundi au dimanche en juillet 2010, cela faisait un an que je travaillais pour vous et je n'avais toujours pas eu de congés, et celà malgré mon insistance pour en avoir.

Je me suis retrouvée parfois malade pour une journée, vous me l'avez passé en congé.

Après plus d'un an, j'ai réussi à obtenir une semaine de congés, mais après deux jours, vous m'avez téléphoné pour reprendre le travail avec insistance.

Après 15 mois dans l'entreprise j'ai pu avoir 15 jours de congés.

Après plusieurs fois, vous avoir fait savoir qu'il me manquait des heures et après l'avoir dit aussi à votre s'ur, et que mes cris sont restés sans réponse, pendant mon congé de novembre, je suis allée à l'inspection du travail à [Localité 2].

J'ai expliqué avec mes fiches de paye et plannings le souci :

Sur les heures manquantes

sur les heures supplémentaires

sur les dimanches et fériés

sur les 5 nuits faites en juillet qui ne sont pas sur mes fiches de paye et donc sur le planning de juillet trois nuits marquées et deux en août car vous disiez que cela faisait trop pour juillet alors le reste sera payé en août et mis sur le planning d'aout.

Contrat de travail que je ne toujours pas eu.

Je vous ai fait savoir, vouloir me mettre à mon compte en tant qu'auto entrepreneur, du fait de beaucoup trop de problèmes survenant au sujet de mes papiers aussi auprès de Madame [O]. (')

Quand je suis venue vous voir de nouveau accompagnée de ma voisine, je vous ai fait part de tous les problèmes, et vous m'avez dit, pourquoi avoir été à l'inspection du travail, tu connais ma fille. (')

Je vous ai fait connaître à nouveau mon désir de me mettre à mon compte, si vous pouviez me signer mes papiers pour les ASSEDIC et les heures que vous me deviez.

Vous m'avez dit vouloir me licencier pour faute grave et qu'après mon arrêt maladie début janvier 2011 ne pas me présenter au travail ensuite un courrier me serait adressé, ne pas y répondre et qu'après un deuxième courrier me serait de nouveau envoyé et qu'en date du 15 janvier 2011 tout serait réglé car vous ne vouliez pas me signer mes papiers commun accord, car vous ne vouliez pas me donner mes indemnités de départ.

N'ayant commis aucune faute, mais vous m'avez volontairement omis des heures sur mes payes. (').

Je ne voulais pas grand-chose, juste ce que vous aviez omis de mettre sur mes fiches de paye toutes les heures soustraites et comme je l'ai fait savoir à l'inspection du travail que certains plannings étaient faux. Malversations déjà sur juillet et août 2010, les heures de nuit faites tout en juillet mais que vous avez marquées en août. (')

J'aimais tant mon travail, je voulais juste en finir c'est pour cela que je voulais me mettre à mon compte. (')

Désormais vous ne voulez plus me faire mes papiers pour en finir avec tous ces problèmes de par votre attitude, vous me causez la misère.

Je suis resté un mois en maladie suite à une fatigue que je n'arrivais pas à faire partir car je ne dormais presque plus et ce après mes congés et la pression que vous mettiez.

Vous avez dit vouloir les prud'hommes et faire traîner longtemps. Je suis sincèrement désolée que cela finisse ainsi.

Plusieurs personnes au travail se plaignent du vol des heures sur les payes, elles ont peur du fait de vos menaces et crises de nerfs sur eux.

Je transmets une copie : inspection du travail, CGT prud'hommes, URSSAF, conseil général, A2micile [Localité 3], APPA.

Dans l'attente d'une réponse favorable veuillez agréer mes salutations »

La prise d'acte de la rupture s'entend d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur.

Après avoir, dans ce courrier, récapitulé ses griefs, l'ensemble des incidents qui ont émaillé la relation de travail, et conclu « être sincèrement désolée que cela finisse ainsi », Madame [T] a cessé de se présenter à son poste de travail.

La cour dira en conséquence qu'elle a, par ce courrier, manifesté sa volonté de mettre fin à la relation de travail.

Il est également avéré que le calcul du temps de travail par l'employeur comportait de graves anomalies qui ont été détaillées par le contrôleur du travail.

Pour la période concernée de novembre 2009 à octobre 2010, le différentiel était de 844, 31 euros selon l'employeur mais il est de 2500, 10 euros selon les calculs validés par la cour.

La cour retiendra la réitération de ces anomalies sur une période de 12 mois consécutifs, qui entrainaient pour la salariée une baisse moyenne de sa rémunération mensuelle de 208, 34 euros (2500,10 euros : 12) ce qui caractérise un manquement grave de l'employeur à l'une de ses obligations essentielles qui est de payer le travail accompli.

Ce manquement grave justifie la prise d'acte de la rupture qui produira les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Agée de 56 ans, Madame [T] bénéficiait de 18 mois d'ancienneté et percevait une rémunération moyenne brute de 1395, 36 euros.

La SARL A2MICIL sera condamnée à lui payer :

- L'indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire : 1395, 36 euros brut outre 139, 56 euros pour les congés qui s'y rapportent,

- L'indemnité de licenciement : 418, 60 euros,

dont les montants au subsidiaire n'ont pas été contestés dans leur quantum.

Madame [T] indique rencontrer d'importantes difficultés pour retrouver un emploi malgré des recherches assidues et ne percevoir ce jour que les allocations-chômage. Pour justifier de son préjudice elle n'a produit que quelques attestations d'emploi établies par le centre national chèque emploi service et aucune autre pièce.

Son préjudice sera justement réparé par une somme que la cour fixe à 1400 euros.

La Cour ordonnera la remise des documents de rupture et du solde de tout compte rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant le contentieux de l'astreinte,

Compte tenu de la solution apportée au litige, toutes les demandes relatives au licenciement , tant en la forme que sur le fond, sont sans objet et seront, comme telles, écartées.

L'indemnité de procédure :

l'équité commande d'accorder à Madame [T] une indemnitéde procédure de 1500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel et de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Les dépens :

La SARL A2MICIL supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Dit que la lettre du 10 janvier 2010 constitue une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Condamne la SARL A2MICILE à payer à Madame [F] [T] les sommes suivantes :

1655, 79 euros à titre de rappel de salaire sur la période de novembre 2009 à octobre 2010,

8372 €, 16 au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

1395,36 euros au titre de l'indemnité de préavis,

139,53 euros pour les congés payés qui s'y rapportent,

418,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

1400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

ordonne la remise des documents de rupture et du solde de tout compte rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant le contentieux de l'astreinte,

Condamne la SARL A2MICILE à payer à Madame [F] [T] la somme de 1500 euros en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique,

Rejette toutes les autres demandes comme étant injustifiées ou sans objet,

Condamne la SARL A2MICILE prise en la personne de son responsable légal aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/17116
Date de la décision : 22/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/17116 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-22;12.17116 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award