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22/10/2013 | FRANCE | N°12/16883

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 22 octobre 2013, 12/16883


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2013



N°2013/

MR/













Rôle N° 12/16883







[T] [O]





C/



Sarl MEDIA DIFFUSION CONSEIL

SAS MEDIA PLUS COMMUNICATION

Sarl INFOCOM

































Grosse délivrée le :

à :

Me Magali TRAVERSINI, avocat au barreau de

NICE



Me Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 12 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1370.





APPELANTE



Mademoi...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 22 OCTOBRE 2013

N°2013/

MR/

Rôle N° 12/16883

[T] [O]

C/

Sarl MEDIA DIFFUSION CONSEIL

SAS MEDIA PLUS COMMUNICATION

Sarl INFOCOM

Grosse délivrée le :

à :

Me Magali TRAVERSINI, avocat au barreau de NICE

Me Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 12 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1370.

APPELANTE

Mademoiselle [T] [O], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Magali TRAVERSINI, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

Sarl MEDIA DIFFUSION CONSEIL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Ramona SALIMPOUR, avocat au barreau de NICE

SAS MEDIA PLUS COMMUNICATION, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Ramona SALIMPOUR, avocat au barreau de NICE

Sarl INFOCOM, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Ramona SALIMPOUR, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine ROS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2013

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Invoquant des relations contractuelles avec les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL, MEDIA PLUS COMMUNICATION et INFOCOM France, Madame [T] [O] a saisi le conseil des prud'hommes de Nice de diverses demandes tendant pour l'essentiel :

-à faire requalifier les 2 contrats de VRP multicartes conclus avec MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION en contrat de VRP exclusif,

-à faire juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail conclu avec MEDIA DIFFUSION CONSEIL le 7 octobre 2010 s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse que ces deux sociétés devaient indemniser,

-à faire juger qu'elle avait travaillé pour la société INFOCOM sans déclaration d'embauche et sans remise de bulletin de salaire ce qui constituait du travail dissimulé.

Par jugement en date du 12 juillet 2012 le conseil des prud'hommes de Nice a :

-dit et jugé que les sociétés Média Diffusion Conseil et Média Plus Communication étaient juridiquement distinctes et qu'elles avaient conclu des contrats de travail avec Madame [T] [O] indépendamment l'une de l'autre,

-dit que pour la société Média Plus Communication le contrat avait débuté le 22 août 2005 et pris fin le 28 juillet 2010 dans le cadre d'une rupture conventionnelle homologuée,

-dit que pour la société Média Diffusion Conseil le contrat avait débuté le 22 août 2005 et que la prise d'acte de la rupture s'analysait en une démission en date du 7 octobre 2010,

-dit que pour la société INFOCOM Madame [T] [O] précisait qu'aucun contrat ne la liait à cette société et que dès lors il ne pouvait être reconnu aucun lien de droit entre les parties,

-débouté Madame [T] [O] de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 10 septembre 2012, Madame [T] [O] a relevé appel de ce jugement. Elle demande à la Cour:

D'infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

De requalifier les 2 contrats de travail de représentant VRP multicartes conclus le 22 août 2005 avec les sociétés Média Diffusion Conseil et Média Plus Communication en un contrat de travail de représentant VRP exclusif,

De les condamner solidairement à lui payer la somme de 8945,37 euros à titre de rappel de salaire,

De constater que la prise d'acte du 7 octobre 2010 est intervenue aux torts de la société Média Diffusion Conseil,

De la requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

De condamner solidairement la société Média Diffusion Conseil et la société Média Plus Communications à lui payer les sommes suivantes :

12 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

2000 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

6000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

600 € les congés payés qui s'y rapportent,

et subsidiairement, sur la base de la rémunération minimale garantie prévue par la convention collective.

de les condamner solidairement à lui remettre la lettre de licenciement, certificats de travail, attestations Pôle Emploi sous astreinte de 100 € par jour de retard dans la limite de 90 jours,

de constater qu'elle a été embauchée par la société INFOCOM FRANCE sans qu'elle procède à la déclaration nominative à l'embauche et qu'elle ne lui a pas remis de bulletins de salaire,

de dire et juger qu'elle s'est rendue coupable de travail dissimulé,

et de la condamner à lui payer la somme de 12 000 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

subsidiairement, sur la base de la rémunération minimale garantie prévue par la convention collective de la condamner à lui payer la somme de 9172,80 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

De condamner la société Média Diffusion Conseil, la société Média Plus Communications et la société INFOCOM France à lui payer la somme de 3500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions elle expose :

-sur la requalification des contrats de VRP multicartes en contrat de VRP exclusif :

que l'absence de clause d'exclusivité dans les contrats de travail ne fait pas obstacle à la requalification du contrat multicartes en contrat exclusif et que le statut s'apprécie en fonction des modalités effectives d'exercice de la profession.

Que les deux sociétés Média Diffusion Conseil et Média Plus Communications se sont comportées comme un seul et unique employeur.

-sur la requalification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La société Média Diffusion conseil avait cessé de lui fournir du travail à compter du mois d'octobre 2009 et pendant plus d'une année, à l'exception d'un support qu'elle lui avait proposé de commercialiser le 4 octobre 2010 à 144 km de son domicile.

Par ailleurs, l'employeur refusait de lui verser la rémunération minimale conventionnelle en violation de la convention collective applicable,

Sur la dissimulation d'embauche par la société INFOCOM FRANCE :

Elle avait travaillé sans être déclarée pour le compte de cette société au cours de l'année 2010.

La production du contrat de travail non signé ne rapportait pas la preuve que ce contrat avait été envoyé avant l'exécution de la prestation de travail.

Le 28 mai 2010 la société l'avait mise en demeure de commercialiser un nouveau support, et elle justifiait avoir conclu trois commandes à son profit.

La position des intimés est la suivante :

1)MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION  sollicitent :

à titre principal,

que soit constatée la rupture conventionnelle du contrat de travail conventionnel homologuée entre Madame [T] [O] et la société Média Plus Communication,

et la démission fautive de Madame [T] [O] auprès de la société Média Diffusion Conseil,

à titre surabondant,

de constater que les contrats de travail conclus entre Madame [T] [O] et les société Média Diffusion Conseil et Média Plus Communication ne comportent aucune clause d'exclusivité,

et qu'elles sont deux entités distinctes ayant des activités et des secteurs distincts,

en conséquence,

de confirmer le jugement,

de débouter Madame [T] [O] de sa demande tendant à se voir octroyer une rémunération forfaitaire minimale,

à titre subsidiaire, si la cour estimait qu'il s'agit d'un contrat de VRP exclusif,

de constater que Madame [T] [O] a perçu des sommes au montant supérieur à la rémunération minimum garantie durant ses cinq années de travail pour le compte des deux sociétés,

en conséquence,

de la débouter de sa demande visant à se voir octroyer un prétendu solde restant dû par les employeurs et confirmer le jugement,

en tout état de cause de la débouter de l'intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 4000 €.

2)INFOCOM FRANCE :

sollicite le déboutement de Madame [T] [O] et la confirmation du jugement dans l'intégralité de ses dispositions,

la condamnation de Madame [T] [O] à lui payer une indemnité de procédure de 2000 € ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir :

que Madame [T] [O] n'a travaillé que quelques heures pour elle, postérieurement à la remise de son contrat de travail, que si celui-ci n'a pas été validé c'est de la propre initiative de Madame [T] [O] qui, après avoir laissé des incertitudes quant à ses intentions, lui a finalement adressé un courriel le 27 mai 2010 pour lui faire savoir qu'elle refusait de signer le contrat de travail.

Qu'en conséquence le délit de travail dissimulé n'est pas constitué, la société n'ayant jamais eu l'intention de dissimuler l'emploi de Madame [T] [O] .

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 4 septembre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les faits constants : le 22 août 2005 Mme [O] était engagée en qualité de VRP multicartes dans le cadre de 2 contrats de travail distincts, l'un conclu avec la société MEDIA PLUS COMMUNICATION, l'autre avec la société MEDIA DIFFUSION CONSEIL , sociétés ayant toutes deux pour activité la vente par démarchage auprès des commerçants, artisans et industriels, d'espaces publicitaires de tous ordres.

Le 23 juin 2010 ses deux employeurs lui proposaient, le même jour, une rupture conventionnelle qu'elle acceptait.

La rupture conventionnelle conclue avec la société MEDIA PLUS COMMUNICATION était homologuée par l'autorité administrative compétente.

En revanche celle qui avait été conclue avec la société MEDIA DIFFUSION CONSEIL ne l'était pas.

Il n'était pris aucune initiative par les parties pour rompre les relations contractuelles jusqu'au 7 octobre 2010, date à laquelle Madame [O] prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

-sur la requalification des contrats de VRP multicartes en contrat de VRP exclusif :

Madame [O] a été embauchée simultanément le 22 août 2005 par les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL, représentée par sa gérante Mme [I] [A], et MEDIA PLUS COMMUNICATION, représentée par son gérant M. [W] [A], pour assurer la vente d'espaces publicitaires sur les supports édités et commercialisés par chacune de ces sociétés en effectuant une prospection systématique des entreprises industrielles, commerciales et artisanales dans le secteur géographique concédé.

L'embauche a été formalisée par deux contrats signés le même jour, intitulés : « contrat de travail représentant VRP MULTICARTES », rigoureusement identiques tant par leur forme (police de caractères, mise en page) que sur le fond (Identité de chacune des clauses énumérées de l'article 1 à l'article 19) à l'exception du secteur :

-pour MEDIA DIFFUSION CONSEIL 06 et 83,

-et pour MEDIA PLUS COMMUNICATION la région PACA.

Chacun de ces contrats contient à l' article 8 une clause intitulée « Autres représentations, non-concurrence », ainsi libellée :

«En sa qualité, le représentant est tenu à une véritable obligation de fidélité qui lui interdit de s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente ou de collaborer sur quelque forme que ce soit avec une telle entreprise sauf autorisation expresse (...)

Sous la réserve indiquée ci-dessus, le représentant est autorisé à représenter d'autres entreprises et il déclare qu'à la date de signature du présent contrat il représente déjà les maisons suivantes » :

-MEDIA PLUS COMMUNICATION (Mention du contrat conclu avec MEDIA DIFFUSION CONSEIL),

-MEDIA DIFFUSION CONSEIL (Mention du contrat conclu avec MEDIA PLUS COMMUNICATION).

Il s'engage à informer la société au fur et à mesure des nouvelles représentations qu'il prendra ainsi que celles qu'il abandonnera. (...) »

Il convient de relever que par cette clause l'employeur interdisait à Madame [O] de représenter aucune autre entreprise commercialisant des espaces publicitaires à l'exception de la seconde société avec laquelle elle contractait.

Par ailleurs, les pièces produites font apparaître que ces contrats ont fait l'objet simultanément :

-le 21 mai 2010, d'un projet d'avenant autorisant la salariée à représenter en qualité de VRP multicartes la société INFOCOM FRANCE,

-le 23 juin 2010 de protocoles d'accord transactionnel dans le cadre d'une rupture conventionnelle,

-et le 3 août 2010 d'accords transactionnels.

La cour relève que les avenants préparés le 21 mai 2010 avaient pour objet d'autoriser Mme [O] à travailler pour le compte d'une troisième société INFOCOM France ayant une activité similaire, et dont le gérant était également M. [W] [A].

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les intimés, la volonté des deux sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION, était bien de mettre fin, le même jour, par des ruptures conventionnelles, au contrat de travail de Mme [O], le décalage survenu par la suite entre les dates de fin de contrat n'étant imputable qu'au refus de l'autorité administrative d'homologuer la rupture conventionnelle conclue avec MEDIA DIFFUSION CONSEIL.

La cour constate également que :

-Dans chacune des sociétés, la demande de congés annuels «Service commercial» est formalisée par un imprimé identique, seul changeant le logo de l'entreprise,

-Il existe pour les deux sociétés une fiche de poste « fonction : Commercial » unique, extraite du même « livre de procédures SERVICE COMMERCIAL » répertorié sous la même nomenclature « IMI/A »,

-L'état des impayés des clients avec lesquels Madame [O] a traité pour les deux sociétés est récapitulé sur un imprimé unique,

-Les deux sociétés ont diffusé un appel commun à candidatures pour les Antilles en mars 2010,

-M. [E] [R] était Directeur commercial chez MEDIA PLUS COMMUNICATION et chez MEDIA DIFFUSION CONSEIL, ainsi que cela ressort notamment de cet appel à candidatures ou encore du document intitulé « recherche multicritères », pièce numéro 31 de l'appelante,

-Il existe un responsable régional des ventes unique, M. [M] [N], pour les deux sociétés,

-Les deux sociétés ont fait et diffusé un classement commun des meilleurs commerciaux du premier trimestre 2008 puis de l'année 2008,

-Leurs adresses électroniques à destination des annonceurs et des mairies est regroupé sur le même imprimé,

-Elles ont publié en commun leurs résultats cumulés pour 2009 et ont défini et diffusé leurs objectifs communs pour 2010,

Ces éléments mettent en évidence une activité identique, des objectifs communs, une communauté de moyens et de direction entre les deux sociétés, et constituent un faisceau d'indices permettant de retenir que ces 2 entités juridiquement distinctes n'étaient en réalité à l'égard de Mme [O] qu'un seul et unique employeur.

Il ressort par ailleurs des extraits d'agenda produits par Mme [O], plus particulièrement pour les périodes de janvier 2006 à octobre 2006, de mars 2007 à juin 2007, de février 2008 à novembre 2008, et de janvier 2009 à juin 2009, au vu des rendez-vous qui ont été notés, que son activité pour ses employeurs l'occupait à temps plein.

Ces constatations sont corroborées par l'entretien d'appréciation individuel réalisé en 2006 avec M. [E] [R] qui définissait une moyenne de 15 à 20 rendez-vous par semaine, la nécessité de prendre des rendez-vous et de commencer le phoning dès le lundi matin 9:00 et un objectif mensuel moyen de 15 000 €.

Madame [O] était par ailleurs tenue de transmettre par courriel chaque soir au commercial son planning de rendez-vous ainsi que d'établir un rapport hebdomadaire d'activité adressé au plus tard le lundi matin à son responsable.

Il est certain dans ces conditions que l'activité de Mme [O] était nécessairement dédiée exclusivement à l'une ou l'autre des deux sociétés dont il vient d'être dit qu'elle constituait un seul et unique employeur, le caractère exclusif se déduisant des contraintes qui lui étaient imposées.

Redonnant à la relation de travail son exacte qualification, la cour dira en conséquence, en dépit de l'absence de clause d'exclusivité, que chacune des deux sociétés doit être regardée comme ayant engagé Mme [O] en tant que VRP exclusif à temps plein et le jugement déféré sera réformé en ce sens.

Madame [O] est dès lors bien fondée à solliciter le bénéfice de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP qui prévoit en faveur des représentants de commerce engagés à titre exclusif par un seul employeur une ressource minimale forfaitaire au titre de chaque trimestre d'emplois à temps plein.

Le montant de cette rémunération minimale est équivalent à 520 fois le taux horaire du SMIC .

Madame [O] demande à la cour de réévaluer cette rémunération en prenant en compte son expérience antérieure à l'embauche, plus de 10 ans, ainsi que son ancienneté de cinq ans au sein de l'entreprise au moment de la rupture de son contrat de travail.

Cette demande qui n'est pas fondée sur l'application d'une grille de salaires conventionnelle ne saurait aboutir, la cour ne disposant pas d'éléments objectifs justifiant cette réévaluation.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande dans les conditions suivantes :

Pour l'année 2005 :

Minimum statutaire : 1391,86 euros par mois

Rémunération due à ce titre à compter du 22 août 2005, date de l'embauche, jusqu'au 31 décembre 2005 : 5914,40 euros

Sommes perçues par Mme [O] : 11 446, 84 €,

Cette somme étant supérieure au minimum statutaire il n'est dû aucun complément à la salariée,

pour l'année 2006 :

Minimum statutaire :1433,46 euros par mois

Rémunération annuelle due à ce titre : 17 201,52 euros

Sommes perçues par Mme [O] : 22 693 €, soit une somme supérieure au minimum statutaire de sorte qu'il n'est du aucun complément pour l'année 2006,

pour l'année 2007 :

Minimum statutaire : 1462 € par mois

Rémunération annuelle due à ce titre : 17 544 €

Sommes perçues par Mme [O] : 26 111, 40 €, soit une somme supérieure au minimum statutaire de sorte qu'il n'est du aucun complément pour l'année 2007,

pour l'année 2008 :

Minimum statutaire : 1495 ,86 € par mois

Rémunération annuelle due à ce titre : 17 958 32 €

sommes perçues par Mme [O] : 27 838,59 euros, soit une somme supérieure au minimum statutaire de sorte qu'il n'est du aucun complément pour l'année 2008,

pour l'année 2009 :

Minimum statutaire : 1528 € par mois,

Rémunération annuelle due à ce titre : 18 346, 32 €

Sommes perçues par Mme [O] : 19 449 67 €, soit une somme supérieure au minimum statutaire de sorte qu'il n'est du aucun complément pour l'année 2009,

pour l'année 2010 :

Rémunération statutaire : 1532,73 euros par mois,

Sommes perçues par Mme [O] : 5241,13 euros.

La relation de travail a pris fin par la prise d'acte de la rupture le 7 octobre 2010.

il est du en conséquence au titre de la rémunération annuelle statutaire la somme de (1532,73 euros x 9) + (1532,73 : 30 x 7) = 14 152,20 euros, soit un différentiel de 8911 €, somme que les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION seront condamnées solidairement à payer à Madame [O].

-sur la requalification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Dans le courrier qu'elle a adressé à la société MEDIA DIFFUSION CONSEIL le 7 octobr2010, la salariée rappelle qu'on ne lui a confié aucun dossier à commercialiser depuis le mois d'octobre 2009 en dépit de ses multiples demandes auprès du directeur commercial, déplore la précarité dans laquelle elle se retrouve et conclut par ces mots : « je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs, notre relation contractuelle est donc rompue dès ce jour. »

La lecture des bulletins de salaire sur la période d'octobre 2009 à septembre 2010 montre une quasi-absence de rémunération.

Dans un courrier du 10 août 2010 Madame [O] rappelle à son employeur, MEDIA DIFFUSION CONSEIL qu'elle est à son entière disposition et que cette situation l'a plongée dans la précarité.

La société MEDIA DIFFUSION CONSEIL soutient que la salariée n 'a réclamé aucun dossier à commercialiser à partir du mois d'octobre 2009 et jusqu'en Septembre 2010, cependant étant tenu en sa qualité d'employeur de fournir du travail, c'est à elle qu'il revient de rapporter la preuve qu'elle a continué à remplir son obligation pendant la période litigieuse en justifiant au besoin de ce qu'elle aurait mis la salariée en demeure de remplir son contrat.

Cette preuve n'est pas rapportée.

Dès lors, l'absence de fourniture de travail constitue un motif suffisamment grave pour dire que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Âgée de 43 ans, Madame [O] bénéficiait d'une ancienneté de cinq ans et sa rémunération moyenne mensuelle s'établissait à 1532,73 euros.

Elle ne conteste pas avoir reçu dans le cadre de la rupture conventionnelle avec la société MEDIA PLUS COMMUNICATION une somme de 1200 €, et en application de l'accord transactionnel conclu avec la société DIFFUSION CONSEIL une somme de 500 €;

Son préjudice sera réparé par la somme de 12 000 €.

Il y a lieu de lui allouer par ailleurs :

Au titre de l'indemnité légale de licenciement : un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté soit la somme chiffrée, à titre subsidiaire par Mme [O] à 1528,80 euros,

Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois et chiffrée à titre subsidiaire par Mme [O] à 4586,40 euros,

Au titre des congés payés qui s'y rapportent : 458 ,64 €.

-Sur la dissimulation d'embauche par la société INFOCOM France :

Mme [O] demande à la cour de dire qu'elle a travaillé pour la société INFOCOM France, dont le gérant est également M. [W] [A], gérant de la société MEDIA PLUS COMMUNICATION, et dont l'activité est identique, sans être déclarée, tout au long de l'année 2010.

Pour en justifier elle a produit un courrier de mise en demeure établi sur papier à en-tête INFOCOM, daté du 28 mai 2010 ainsi libellé :

(...)«Votre refus de commercialiser le dossier de [Localité 1] n'est donc pas recevable en l'état.

De plus cette situation nous oblige à douter de votre réelle motivation à assumer nos responsabilités en tant que commercial au sein de l'entreprise.

En conséquence par la présente qui constitue une mise en demeure à exécuter, nous vous demandons de commercialiser sans délai le dossier agenda 2011 de [Localité 1]. »

Il ressort de ce courrier que la société INFOCOM lui a confié ce dossier pendant la semaine du 16 au 21 mai 2010 (semaine 20).

La cour relève cependant avec intérêt que dans un courrier du 10 juin 2010 Mme [O] répondait en ces termes à une mise en demeure de la société INFOCOM : « aucun contrat ne me lie à INFOCOM , je ne suis donc en aucun cas tenue de me rendre de nouveau à [Localité 1] pour traiter ce support. »

Il a également été produit un contrat de travail en date du 21 mai 2010 en qualité de représentant VRP MULTICARTES , document non signé par les parties.

La société INFOCOM indique que Mme [O] a démarché les clients sans en avoir été avisée.

De son côté Mme [O] indique que la société lui a confié la réalisation de la prestation de travail avant même de lui avoir adressé le projet de contrat de travail, et en déduit que l'employeur n'a jamais souhaité régulariser sa situation, et qu'il n'avait pas signé le projet de contrat qu'il avait remis.

La cour retiendra :

En premier lieu, que le contrat que la société INFOCOM affirme avoir « au préalable » remis à Mme [O] est daté du 21 mai 2010, ce qui correspond au vendredi de la semaine 20.

Or, 2 projets d'avenant aux contrats conclus avec MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION ont été formalisés le même jour, 21 mai 2010, en application de l'article 8 du contrat, afin d' autoriser la salariée à travailler avec la société INFOCOM, ce qui accrédite déjà une intention de la société INFOCOM d'embaucher Mme [O].

Dans un mail daté du mardi 25 mai 2010 Madame [O] indique avoir appris « vendredi soir » que son nouveau dossier était l'agenda de [Localité 1], ce qui confirme bien que la société INFOCOM lui a confié son premier travail le vendredi 21, ce qui correspond à la date du contrat de travail.

Ces éléments tendent à démontrer qu'à compter du 21 mai 2010 la société INFOCOM avait bien l'intention d'embaucher Mme [O], peu important que le contrat n'ait pas été signé par la salariée.

Ce même courriel met en évidence le refus de Mme [O] de se rendre à [Localité 1] en raison d'une situation bancaire catastrophique.

Le 28 mai 2010 la société INFOCOM mettait Mme [O] en demeure d'exécuter ce travail, et le 10 juin 2010, persistant dans son refus, elle exposait tout à la fois qu'aucun contrat ne la liait à la société mais qu'elle avait néanmoins exécuté la sommation et signé quelques bons de commande.

Ces trois bulletins de commandes à en tête INFOCOM ont été signés le 4 juin 2010 auprès de commerçants de la commune de [Localité 1].

Au vu de ces éléments il sera retenu que, nonobstant l'absence de signature du contrat avec INFOCOM et des avenants avec MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION, il y a eu commencement d'exécution d'un contrat de travail entre la société INFOCOM et Mme [O], ce commencement d'exécution étant caractérisé par la fourniture d'un travail, l'exercice par INFOCOM de son pouvoir de direction en lui donnant des instructions, puis en la mettant en demeure de les exécuter, et d'autre part par le fait que Mme [O] ait pris trois commandes sur la commune de [Localité 1].

Pour autant, la volonté de la Société INFOCOM France de dissimuler l'emploi de Madame [O] n'est nullement caractérisée et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [O] de toutes ses demandes à l'égard de la Société INFOCOM France.

La remise des documents de rupture : La société MEDIA DIFFUSION CONSEIL sera condamnée à remettre à Mme [O] un certificat de travail, un bulletin de salaire rectificatif ainsi qu'une attestation Pôle Emploi conforme aux dispositions du présent arrêt, dans le délai de 15 jours à compter de sa notification, sous peine passé ce délai d'une astreinte de 100 € par jour de retard, la cour se réservant le contentieux de l'astreinte.

Elle ne saurait en revanche être contrainte de remettre une lettre de licenciement. Cette demande sera rejetée.

L'indemnité de procédure : Il serait inéquitable de laisser Mme [O] supporter la charge ses frais irrépétibles de première instance et d'appel. Les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION seront condamnées solidairement à lui payer une indemnité de procédure de 2500 € .

En revanche la situation respective des parties n'impose pas d'accorder à la société INFOCOM FRANCE l'indemnité de procédure qu'elle sollicite.

Sa demande sera rejetée.

Les dépens : Les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION seront condamnées aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [T] [O] de toutes ses demandes à l'égard de la société INFOCOM FRANCE,

L'infirme pour le surplus,

et, statuant à nouveau,

requalifie les contrats de travail conclus le 22 août 2005 avec les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION en un seul contrat de VRP exclusif,

Condamne solidairement les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION à payer à Madame [O] la somme de 8911 € à titre de rappel sur le minimum statutaire pour l'année 2010,

Dit que la prise d'acte de la rupture en date du 7 octobre 2010 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne solidairement les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION à payer à Madame [O] les sommes suivantes :

1528,80 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4586,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

458,64 euros pour les congés payés qui s'y rapportent.

Condamne la société MEDIA DIFFUSION CONSEIL à remettre à Mme [O] un certificat de travail, un bulletin de salaire rectificatif ainsi qu'une attestation Pôle Emploi conforme aux dispositions du présent arrêt, dans le délai de 15 jours à compter de sa notification, sous peine passé ce délai d'une astreinte de 100 € par jour de retard, la cour se réservant le contentieux de l'astreinte.

Rejette toutes les autres demandes comme étant injustifiées ou sans objet,

Condamne solidairement les sociétés MEDIA DIFFUSION CONSEIL et MEDIA PLUS COMMUNICATION à payer à Madame [O] une indemnité de procédure de 2500 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Les condamne solidairement aux dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/16883
Date de la décision : 22/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/16883 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-22;12.16883 ?
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