COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 10 OCTOBRE 2013
N°2013/
Rôle N° 13/04242
[T] [C]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Grosse délivrée le :
à :
Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 12 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1356.
APPELANTE
Madame [T] [C], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne assistée de Me Nicolas MERGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre
Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller
Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2013
Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
[T] [C], a été embauchée à compter de septembre 2004, pour une durée de 1 mois, par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, par « contrat de prestations de services», ayant pour objet « la réalisation d'oeuvres graphiques liées à la communication de l'entreprise ».
Son contrat, a été renouvelé le 20 octobre 2004, puis le 20 novembre suivant, toujours pour une durée d'un mois.
La relation contractuelle s'est ainsi poursuivie, de façon exclusive, sans écrit et sans interruption, jusqu'en avril 2010 .
Contestant les conditions de la rupture de son contrat, [T] [C] a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence qui s'est, par jugement du 12 février 2013, déclaré incompétent, et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce d'Aix-en Provence.
Par déclaration du 21 février 2013, [T] [C] a formé contredit à l'encontre de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
L'appelante, conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande, dans le dernier état de ses conclusions de :
dire que la relation de travail qui s'est déroulée entre elle et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence, de septembre 2004 à avril 2010, s'analyse en du salariat et doit être requalifiée en contrat de travail,
évoquer le fond de l'affaire,
dire que la rupture du contrat de travail, équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
fixer le salaire mensuel brut à 3.500€,
condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à lui payer et porter les sommes suivantes :
-84 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-10 500€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1 050€ à titre d'incidence congés payés sur préavis,
-8 750€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-17 500€ à titre de rappel de salaire sur le 13ème mois de 2005 à 2009,
-1 750€ à titre d'incidence congés payés sur 13ème mois,
-25 000€ à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
-15 000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice lié à la privation des allocations d'assurance chômage et des indemnités journalières d'assurance maladie,
-4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, si la cour de céans refusait d'évoquer le fond de l'affaire,
renvoyer l'affaire devant le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, section agriculture, pour trancher les conséquences de la rupture du contrat de travail,
condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence à lui payer la somme de 4.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, qu'elle était bien liée au Crédit Agricole par un lien de subordination, résultant de ce que ses taches étaient définies par le responsable, qui répartissait les missions de chacun des salariés, de ce qu'elle effectuait son travail dans les locaux de l'entreprise, ses horaires de travail étant fixés à l'avance, alors que le matériel lui était fourni, qu'elle disposait des avantages accordés aux salariés, et était intégrée dans un service organisé par l'employeur.
Elle expose encore, que le Crédit Agricole avait envisagé de la titulariser, lui avait promis une embauche en contrat à durée indéterminée, la traitait comme les autres salariés de l'entreprise, la considérait comme une salariée, et qu'elle figurait sur l'organigramme de l'entreprise.
La société intimée, conclut à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite en outre la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, que l'appelante est intervenue uniquement en qualité de prestataire « freelance », dans le cadre d'un contrat de prestation de services, qu'elle disposait d'indépendance dans son travail, qu'elle n'avait pas à rendre de comptes, ni à obéir à des instructions précises, et qu'elle n'était donc pas tenue par un lien de subordination.
Elle considère, que les éléments fournis par l'appelante, n'établissent pas le pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur, mais uniquement sa volonté, en sa qualité de donneur d'ordres, de disposer d'éléments permettant la poursuite de l'activité et qu'il est normal que, dans le cadre du service auquel l'appelante participait, un local et du matériel lui aient été fournis.
Elle soutient encore, que les conditions d'exécution du travail, n'ont pas été imposées et définies unilatéralement par elle, mais déterminées d'un commun accord entre les parties .
Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures des parties déposées à l'audience et réitérées lors des débats oraux.
SUR CE
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
En l'absence, comme en l'espèce, d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à l'appelante, qui invoque un contrat de travail, d'en rapporter la preuve.
Les deux premiers critères du contrat de travail, l'exécution d'une prestation et la rémunération, ne sont pas contestés, seule étant en débat l'existence d'un lien de subordination.
L'appelante, fournit aux débats l'attestation de Mme [V], qui relate qu'elle disposait d'un badge, d'un bureau dédié, d'une adresse mail, qu'elle figurait sur les organigrammes, participait aux réunions et qu'elle l'a sollicité pour être titularisée en contrat à durée indéteminée, et l'attestation de Mme [Y], qui mentionne qu'elle avait une équipe de trois personnes sous ses ordres, dont [T] [C], qui occupait le poste de directeur artistique à plein temps, qui effectuait 39h par semaine, et dont le statut de freelance devait être transformé en contrat de travail à durée indéterminée..
Cependant, la fourniture à [T] [C] d'un local situé dans l'entreprise et du matériel pour effectuer sa prestation, d'un badge, d'une adresse mail, le fait qu'elle figurait sur l'organigramme en tant que responsable artistique, qu'elle participait à des réunions, ne permettent pas suffisament d'établit l'existence d'une relation de travail, et sont parfaitement compatibles avec l'exécution d'une prestation de service.
De même, à supposer que l'embauche de [T] [C] ait été envisagée, cette circonstance ne permet pas d'en déduire qu'elle était salariée.
Contrairement à ce que l'appelante soutient, il n'apparaît nullement que des horaires de travail, à hauteur de 39 heures, lui étaient imposés.
Le fait de bénéficier des mêmes avantages que les autres salariés, et d'avoir accès notamment au restaurant de l'entreprise, ne permettent pas davantage de démontrer la qualité de salariée de l'appelante.
L'appelante, se prévaut également d'un courriel de Mme [Y], la responsable, en date du 4 septembre 2007.
Or ce courriel, qui se contente de l'inviter à laisser ses fichiers en libre accès en cas d'absence, afin de pouvoir permettre à l'équipe de continuer à fonctionner, ne saurait être considéré comme une manifestation de l'autorité de l'employeur .
Il y a lieu de relever en outre, que le contrat de prestations initial, liant les parties, contient deux clauses, l'une par laquelle le client renonce à rechercher la responsabilité du prestataire, incompatible avec l'exercice de son pouvoir disciplinaire par l'employeur, l'autre par laquelle il est prévu l'attribution des oeuvres réalisées par le prestataire au client, le Crédit Agricole, à certaines conditions, alors que, dès l'origine, un employeur est propriétaire des créations du salarié.
Par ailleurs, comme l'ont souligné les premiers juges, l'appelante émettait des factures.
Si l'appelante produit aux débats, des tableaux de suivi des projets, établis par le Crédit Agricole, récapitulant ses taches et le temps qu'elle y consacrait, il n'est pas démontré que les conditions d'exécution de ses missions ont été définies unilatéralement par le Crédit Agricole, et non d'un commun accord, comme le prétend la société intimée.
En conséquence, quant bien même l'appelante travaillait au sein d'un service organisé, il n'est pas démontré par les éléments qu'elle fournit, qu'elle a reçu des directives précises relatives à l'exécution de ses taches, que ses conditions de travail et leurs modalités spécifiques de mise en oeuvre, ont été définies unilatéralement par le donneur d'ordre, qu'elle était tenue de rendre compte de son activité à intervalles réguliers, ou encore qu'elle a été sanctionnée pour un manquement à une obligation particulière, ou même qu'elle pouvait l'être.
Il en résulte, que l'existence d'un lien de subordination et partant, d'un contrat de travail liant les parties, n'est pas caractérisée.
Il convient donc, rejetant le contredit, de confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a retenu l'existence d'un contrat de prestation de service, et dit que le conseil des prud'hommes était incompétent au profit du tribunal de commerce.
Sur les autres demandes
Sur l'article 700 du code de procédure civile, il n'est pas inéquitable de laisser à l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a pu exposer.
Les dépens de première instance et de contredit, seront laissés à la charge de l'appelante .
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement dont appel,
Reçoit [T] [C] en son contredit mais le dit mal fondé,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne [T] [C] aux dépens de première instance et de contredit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT