La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2013 | FRANCE | N°11/01335

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 10 octobre 2013, 11/01335


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2013



N° 2013/ 397













Rôle N° 11/01335







[C] [Z]





C/



SA BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE (BCME)





















Grosse délivrée

le :

à :BADIE

ERMENEUX

















Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06117.





APPELANT



Monsieur [C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-E...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2013

N° 2013/ 397

Rôle N° 11/01335

[C] [Z]

C/

SA BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE (BCME)

Grosse délivrée

le :

à :BADIE

ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06117.

APPELANT

Monsieur [C] [Z]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (13), demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués et plaidant par Me Michel MOATTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE (BCME), prise en la personne de son représentant légal en exercice, venant aux droits et obligations de la CAMEFI BANQUE,

dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Martial VIRY de la SCP PLANTARD / ROCHAS / VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2013,

Rédigé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [Q] [Z] et Madame [V] [Z] ont fait donation à leur fils, Monsieur [C] [Z] d'une partie des parts qu'ils détenaient dans une société IMPRIMERIE LA LITHOTYP LOUIS DRUET.

Le montant des droits de mutation s'établissait à la somme de 250 517 €. Aussi Monsieur [C] [Z] a demandé le bénéfice du paiement différé et fractionné des droits de mutation, lequel lui a été accordé le 6 août 2003 sous réserve de la fourniture d'une caution bancaire de 300 000 €.

Dans le cadre d'un montage ayant pour fin la transmission de l'entreprise IMPRIMERIE LA LITHOTYP LOUIS DUET, la société PRINT INVEST, dirigée par Monsieur [Q] [Z] a emprunté la somme de 2 745 000 € le 16 juillet 2003 auprès de quatre banques, la BNP PARIBAS, le CREDIT DU NORD, la BANQUE POPULAIRE PROVENCALE ET CORSE et la société CAMEFI BANQUE, chacune prêtant à concurrence de 25 %.

La société CAMEFI BANQUE s'est engagée le 1er octobre 2003 en qualité de caution de Monsieur [C] [Z] à hauteur de la somme de 300 000 € au profit de la recette divisionnaire des impôts de BASTIA.

Monsieur [C] [Z] a fait apport à la société PRINT INVEST qu'il dirigeait des actions reçues par donation partage, à charge pour cette dernière société de s'acquitter des droits afférents à la donation au terme du paiement différé et fractionné dont Monsieur [C] [Z] avait obtenu le bénéfice.

L'assemblée générale de la société PRINT INVEST tenue le 26 septembre 2003 a validé cet apport, la société s'engageant dès lors à contre garantir CAMEFI BANQUE de l'engagement de caution donné au profit de Monsieur [C] [Z] par un cautionnement à hauteur de 300 000 € et un nantissement d'un compte d'instrument financiers à hauteur de 220 000 € lequel a été réalisé par la société CAMEFI BANQUE le 18 novembre 2003.

La société PRINT INVEST a été déclarée en redressement judiciaire le 25 juin 2008.

A la demande de la société PRINT INVEST et de son administrateur judiciaire, CAMEFI BANQUE a donné main levée du nantissement qui lui avait été consenti, considérant qu'il constituait une convention interdite en application de l'article L. 225-43 du code de commerce.

La société PRINT INVEST ne s'étant pas acquitté des droits de succession, Monsieur [C] [Z] n'a par respecté l'échéancier convenu avec l'administration fiscale et CAMEFI BANQUE a été contrainte de régler la somme de 284 777 €, le 4 mars 2009.

*

La société CAMEFI BANQUE a assigné Monsieur [C] [Z] en paiement de cette somme de 284 777 € et ce dernier lui a réglé la somme de 28 826 € correspondant à un trop perçu que le Trésor Public lui a restitué.

Suivant jugement rendu le 13 décembre 2011, le tribunal de grande instance de MARSEILLE a :

'condamné Monsieur [C] [Z] à verser à la SA CAMEFI BANQUE la somme de 256 151 € avec intérêts capitalisés calculés au taux légal à compter du 10 mars 2009,

'rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [C] [Z],

'condamné Monsieur [C] [Z] à verser à la SA CAMEFI BANQUE la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'rejeté la demande formée par Monsieur [C] [Z] sur ce même fondement,

'condamné ce dernier aux dépens.

Le premier juge a retenu que l'intention de décharger le débiteur primitif peut être tacite, que cette intention peut résulter notamment des circonstances et être déduite d'un comportement du créancier, mais qu'en l'espèce la délibération de l'assemblée générale de la société PRINT INVEST ne peut rapporter la preuve que la société CAMEFI BANQUE a déchargé Monsieur [C] [Z] de sa dette et qu'il en est de même de l'acceptation du nantissement par la SA CAMEFI BANQUE.

La BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE ' BCME vient aux droits et obligations de la société CAMEFI BANQUE suite à sa fusion absorption.

Monsieur [C] [Z] a interjeté appel du jugement précité suivant déclaration du 24 janvier 2011.

Par ordonnance du 18 janvier 2013, le conseiller de la mise en état a fixé les plaidoiries à l'audience du 10 septembre 2013 en précisant que l'ordonnance de clôture interviendra à l'audience, ce qui advint.

**

Vu les conclusions déposées par Monsieur [C] [Z] le 4 février 2013 par lesquelles l'appelant demande à la cour de :

'constater que dans le cadre d'une substitution de débiteur, l'intention du créancier de décharger le débiteur primitif peut être tacite,

'constater que la CAMEFI BANQUE reconnaît que les associés, lors de l'assemblée générale de la société PRINT INVEST du 26 septembre 2003, ont accepté que cette société prenne en charge les droits afférents à la donation des titres de la société LA LITHOTYP dont elle était devenue propriétaire,

'constater que la société CAMEFI BANQUE a accepté cette substitution de débiteur, en acceptant le 16 novembre 2003 le nantissement à son profit consenti par la société PRINT INVEST pour garantir les engagements de la CAMEFI BANQUE au titre de l'acte de cautionnement du 1er octobre,

'constater que la société CAMEFI BANQUE ne pouvait accepter pareil nantissement de la part de la société PRINT INVEST sans accepter la substitution de débiteur, la société PRINT INVEST ne pouvant garantir l'engagement de son dirigeant,

en conséquence

'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

statuant à nouveau

'débouter la société CAMEFI BANQUE de toutes ses demandes,

'condamner la société CAMEFI BANQUE à la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

'condamner la société CAMEFI BANQUE au paiement de la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD et JUSTON.

***

Vu les conclusions déposées par la BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE - BCME le 14 juin 2011 par lesquelles l'intimée demande à la cour de :

'confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

'et y ajoutant, condamner Monsieur [C] [Z] au paiement d'une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont ceux d'appel distraits au profit de SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LVAIQUE, avoués associés aux offres de droit.

La BCME y fait valoir qu'il ne peut être tiré de l'existence d'une contre garantie accordée par la société PRINT INVEST la renonciation anticipée par la société CAMEFI BANQUE à son recours subrogatoire contre le débiteur principal alors qu'aux termes de l'article 1275 du code civil, la délégation, par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère pas novation si le créancier n'a pas expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui fait la délégation.

La BCME soutient encore qu'elle n'a pas commis de faute en ne déclarant pas une créance au passif de la société PRINT INVEST et en ayant donné mainlevée du nantissement, le créancier qui bénéficie d'une garantie consentie par un tiers n'ayant pas l'obligation de la mettre en 'uvre préalablement à la poursuite du débiteur principal.

SUR QUOI

1) Sur la novation par substitution de débiteur

L'article 1271 du code civil prévoit que la novation s'opère notamment lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien qui est déchargé par le créancier, l'article 1273 précise que la novation ne se présume point et qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.

L'article 1275 reprend ces règles en disposant que la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation.

Le caractère exprès de la déclaration par laquelle le créancier a entendu décharger son débiteur qui a fait la délégation doit être apprécié différemment selon que se trouve concernée la matière commerciale ou la matière civile.

En l'espèce CAMEFI BANQUE a expressément manifesté sa volonté d'accepter le nantissement des instruments financiers qui lui était offerts par la société PRINT INVEST en ouvrant dans ses livres un compte de nantissement de ces derniers.

La banque n'a pu accepter un tel nantissement qu'au vu de la délibération de l'assemblée générale le lui offrant, délibération nécessaire pour vérifier le pouvoir dont disposait le président de l'assemblée générale de procéder à l'opération. Cette délibération est ainsi rédigée :

« première résolution

L'assemblée générale accepte que la société PRINT INVEST bénéficiaire d'un apport de titres consenti par Monsieur [C] [Z] ' titres issus d'une donation-partage en avancement d'hoirie ' prenne à sa charge les droits y afférents résultant de la donation, s'élevant à la somme de 250 517 €.

Elle s'engage d'autre part à ce que la société PRINT INVEST comptabilise le montant des droits ainsi dûs, comme un élément du prix de revient des titres ; les intérêts, frais et accessoires seront comptabilisés en charge.

Cette résolution est adoptée à l'unanimité, Monsieur [C] [Z] ne prenant pas part au vote conformément à la loi ; ses actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

Deuxième résolution

En conséquence de la résolution précédemment adoptée, l'assemblée générale qui consent expressément à ce que la société PRINT INVEST se substitue à Monsieur [C] [Z] dans les paiements des droits ci-avant visés,

décide que la société PRINT INVEST se portera caution au bénéfice de CAMEFI BANQUE, pour sûreté du paiement étalé de ses droits et intérêts au taux de 1 % l'an pour toute la durée qu'il appartiendra, dans les termes visés par le code général des impôts (art. 397 A et 404 GA annexe 3).

Le montant de la caution est arrêté à la somme de 300 000 € - dont 220 000 € de placements nantis au profit de CAMEFI BANQUE ' et sera souscrit par la société auprès de cette dernière.

Cette résolution est adoptée à l'unanimité. »

Ainsi CAMEFI BANQUE savait que la société PRINT INVEST avait racheté la dette fiscale de son dirigeant, faisait de cette dernière un élément du prix de revient des titres qu'il lui avait apportés. En qualité de professionnel des affaires, la banque savait aussi que la société PRINT INVEST ne pouvait contre garantir le cautionnement de la dette fiscale de Monsieur [C] [Z] que si ce dernier en était déchargé à l'égard de CAMEFI BANQUE, sauf à prêter la main à une convention prohibée par les dispositions de l'article L. 225-43 du code de commerce.

Dès lors, CAMEFI BANQUE ne pouvait recevoir les nouvelles garanties qui lui était offertes sans accepter nécessairement de décharger Monsieur [C] [Z] de sa dette à son égard, sauf à tenter de se prévaloir de sa propre turpitude.

En conséquence, le jugement dont appel sera réformé en ce qu'il condamne Monsieur [C] [Z] à s'acquitter des sommes réglées par CAMEFI BANQUE au trésor public.

2) Sur la demande de dommages et intérêts

Monsieur [C] [Z] reproche à CAMEFI BANQUE de ne pas avoir déclaré sa créance privilégiée au passif de la société PRINT INVEST et d'avoir donné mainlevée des SICAV gagées à hauteur d'une somme de 220 000 € qui auraient pu permettre de la désintéresser.

Comme il vient d'être dit, CAMEFI BANQUE a réalisé une analyse erronée de la situation. Pour autant, elle n'a porté préjudice qu'à elle-même, perdant de ce fait tout recours alors qu'elle s'est régulièrement acquitté de son engagement de caution.

L'appelant fait encore grief à la banque d'avoir pris une hypothèque judiciaire sur le logement familial mais ne démontre nullement la réalité de son préjudice de ce chef et sera dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts.

3) Sur les autres demandes

Succombant, la société BCME sera condamnée à payer à Monsieur [C] [Z] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD et JUSTON.

PAR CES MOTIFS

La cour, publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [C] [Z].

L'infirme pour le surplus.

Déboute la société BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE de ses demandes.

Y ajoutant,

Condamne la société BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE à payer à Monsieur [C] [Z] la somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société BANQUE COMMERCIALE POUR LE MARCHE DE L'ENTREPRISE aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP BADIE SIMON THIBAUD et JUSTON.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 11/01335
Date de la décision : 10/10/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°11/01335 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-10;11.01335 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award