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24/09/2013 | FRANCE | N°12/15534

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 24 septembre 2013, 12/15534


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 24 SEPTEMBRE 2013



N°2013/



YR/FP-D











Rôle N° 12/15534







[Z] [Q]





C/



SAS ADREXO











































Grosse délivrée le :

à :

Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE



Me

Dominique CHABAS, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 03 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1384.





APPELANTE



Madame [Z] [Q], demeurant [Adresse 2]
...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 24 SEPTEMBRE 2013

N°2013/

YR/FP-D

Rôle N° 12/15534

[Z] [Q]

C/

SAS ADREXO

Grosse délivrée le :

à :

Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

Me Dominique CHABAS, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 03 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1384.

APPELANTE

Madame [Z] [Q], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SAS ADREXO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2013

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [Z] [Q] est entrée au service de la société ADREXO le 17 mars 2008, en qualité de distributeur de documents publicitaires et de journaux gratuits, à temps partiel.

Après entretien préalable, elle a été licenciée pour faute grave par LR AR du 8 janvier 2010, dans les termes suivants : « En date du mercredi 2 décembre 2009, un contrôle de distribution a été effectué sur les secteurs 243 et 244. Il a révélé que les documents publicitaires des enseignes " MONOPRIX, CRF, ATLAS, SCHLECKER, GO SPORT ET COVIVA" inscrits sur vos feuilles de route des 1er et 2 décembre 2009 référencées " 011/49/06RVUQ et "011/49/06RWCI" n'ont pas été distribués ou mal distribués aux adresses suivantes :

- [Adresse 11] au n°4: 43 BALS

- [Adresse 8] aux n°10, 12, 14 et 20: 77 BALS

- [Adresse 5] au n°3: 14 BALS

- [Adresse 13] aux n°1, 4 et 5: 78 BALS

- [Adresse 6] au n°1: 9 BALS

- [Adresse 14] aux n°7, 7 bis, 8, 9, 10 et 12: 108 BALS

- [Adresse 7] aux n°1, 3, 10 et 12: 59 BALS,

- RESIDENCE [1] aux n°2H, 2B, 4B, 4F, 6B, 6C, 6D, et 8A: 138 BALS

- [Adresse 10] aux n°3, 5, et 8 bis: 60 BALS,

- [Adresse 9] aux n°2, 3, et 7 : 77 BALS

- [Adresse 4] au n°11: 52 BALS

- [Adresse 15] aux n°1 et 2: 37 BALS,

- PALAIS [2] au n°10C: 25 BALS,

- [Adresse 12] aux n°10C et 12B: 55 BALS,

- [Adresse 3] aux n°11 et 13: 28 BALS

De plus les documents publicitaires référencés ci-dessous ont été distribués en dehors des secteurs 243 et 244:- [Adresse 8] aux 11 et 19: 11 BALS, N'ayant pu obtenir d'explications satisfaisantes sur ces faits lors de l'entretien du 5 janvier 2010, nous ne pouvons qu'en conclure que vous n'avez pas effectué l'intégralité de votre mission intentionnellement et ce, en violation de vos obligations contractuelles. Nous vous rappelons que nous ne pouvons tolérer de tels agissements qui portent préjudice à l'image de marque de notre entreprise et sommes contraints de vous licencier pour faute grave».

Contestant ce licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nice de différentes demandes qui ont été rejetées.

Appelante, elle demande à la cour de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de juger que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés, que la société ADREXO a dissimulé son activité salariée et qu'elle a manqué à son obligation de sécurité de résultat, de la condamner, en conséquence, à lui payer la somme de 23 426,34 euros à titre de rappel de salaire et celle de 2342,63 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 7711,86 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé, la somme de 15 423,72 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 1285,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 128,53 euros à titre de congés payés sur préavis, la somme de 471,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, la somme de 3855,93 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, d'ordonner la remise de documents sociaux et bulletin de payé rectifiés sous astreinte et lui accorder la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ADREXO indique que les distributeurs qu'elle employait étaient recrutés avec des contrats de travail dont le contenu était fixé par une convention d'entreprise de 1993, puis par la convention collective nationale de la distribution directe à partir de 2004; qu'en fonction des jours de disponibilité déclarés par le salarié, il lui était remis les documents à distribuer ainsi qu'une « feuille de route » et un « rapport journalier de distribution » qui permettaient, une fois remplis, d'établir la paye ; qu'aucun horaire de référence n'était donc appliqué dans ce système ; que la convention collective nationale de la distribution directe, signée le 9 février 2004, a mis en place le temps partiel modulé ainsi qu'un mécanisme de référencement horaire ; que l'accord d'entreprise du 11 mars 2005, pris sur la base de ces dispositions a fixé les règles du temps partiel modulé et du décompte du temps de travail ; que, dans ce système, la planification de la durée mensuelle du travail du distributeur est garantie par la remise d'un planning indicatif prévu par l'article 2.1 de l'accord ; que cet accord prévoit aussi que le calcul de la durée du travail procède d'une quantification préalable de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur ; qu'il prévoit également que le décompte du temps de travail effectué par chaque salarié est récapitulé grâce aux feuilles de route ou bons de travail en application des dispositions de la grille de correspondance, laquelle est établie en fonction d'un cadencement horaire par rapport au nombre de boîtes à lettres à distribuer à l'heure.

Elle demande à la cour de juger que la relation de travail s'est exécutée dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé, que le licenciement est fondé, de rejeter l'intégralité des demandes de Madame [Z] [Q] et de la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 2500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces et aux conclusions déposées et oralement reprises.

SUR CE, LA COUR,

1. La société ADREXO fait valoir que le contrat de travail à temps modulé a été institué par la loi du 19 janvier 2000 ; qu'en vertu de l'article L212 ' 4 ' 6 du code du travail alors applicable, le contrat de travail à temps partiel modulé doit uniquement mentionner la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération et la durée hebdomadaire mensuelle de référence ; que la Cour de Cassation a admis qu'il n'était pas nécessaire que le contrat mentionne la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, dès lors que le salarié connaissait la répartition de son temps de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que le contrat, qui mentionnait une durée contractuelle de travail de 727,44 par an et une moyenne mensuelle de 60,60 heures est régulier.

Elle indique aussi que la convention collective nationale de la distribution directe a été étendue par arrêté du 16 juillet 2004, ce qui a eu pour effet de rendre son application obligatoire pour tous les employeurs concernés ; qu'un accord collectif a été signé avec les organisations syndicales le 11 mai 2005, qui s'est substitué à l'accord collectif d'entreprise de 1993 ; que la Cour de Cassation admet que la quantification préalable conventionnelle de la durée du travail du salarié est un élément à prendre en compte en matière de preuve de la durée du travail ; qu'en l'espèce, la salariée ne fournit pas préalablement des éléments étayant sa demande de rappel de salaire fondée sur des heures de travail prétendument accomplies ; qu'à la lecture des listes détaillées qu'elle produit en pièce 12 il n'est en rien établi qu'elle se trouvait à la disposition permanente de la société ; qu'en réalité, elle distribuait les documents durant les jours où elle était disponible, suivant ses propres indications et elle était totalement libre d'organiser ses distributions ; qu'en particulier, il résulte des listes qu'elle produit, et notamment de l'attestation BEMON FOLIES BIJOUX qu'elle a toujours travaillé les lundis, mardis et mercredis et aucun autre jour de la semaine ; qu'elle travaillait également toujours sur les mêmes secteurs et que par conséquent connaissant les jours de travail et les secteurs de distribution elle ne fait pas la preuve qui lui incombe.

Mais, l'article L 3123 ' 25 du code du travail, alors applicable, disposait qu'une convention ou un accord collectif pouvait prévoir une variation de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, dans certaines limites sur tout ou partie de l'année, à condition qu'il prévoit, notamment la durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle et la durée minimale de travail pendant les jours travaillés.

Or, l'accord collectif d'entreprise du 11 mai 2005 ne comporte pas ces précisions.

D'autre part, la durée du travail est calculée sur la base d'une « quantification préalable » de l'ensemble des missions confiées et accomplies par le distributeur, selon l'article 2.2.1.2. de la convention collective, ce qui n'équivaut pas, en soi, à la mention de la durée du travail convenu.

Dès lors que le contrat de travail ne mentionne pas cette durée et que la preuve n'est pas faite que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas constamment à la disposition de l'employeur, il sera requalifié en un temps plein.

Les calculs de rappels de salaires, aux termes desquels Madame [Z] [Q] réclame le paiement de la somme de 23 426,34 euros, sont justement contestés par l'employeur, puisque celle-ci ne tient pas compte de l'avenant signé le 13 avril 2009, qui a modifié la durée du travail pour la porter à 34,67 heures mensuelles.

Le calcul de rappel de salaire est le suivant pour la période du 17 mars 2008 au 13 avril 2009 :

151,57 ' 26= 125,57 heures

125,57 × 8,48 euros= 1064,83 euros

1064,83 euros x 12 mois= 12 777,96 euros

(1064,83 :30) x 26 jours= 926,31 euros

Il est le suivant pour la période s'achevant à la prise d'effet du licenciement :

151,57 ' 34,67= 116,90 heures

116,90 × 8,48 euros= 991,31 euros

991,31 × 9 mois= 8921,80 euros

Il sera donc accordé à Madame [Z] [Q] la somme de 22 626,07 € ( 12 777,96 + 926,31 + 8921,80) à titre de rappel de salaires, ainsi que la somme de 2262,60 euros, représentant l'incidence des congés payés.

2. Madame [Z] [Q] fait valoir que la société ADREXO a été parfaitement informée de l'illégalité du principe de détermination des heures effectuées par les salariés fondé sur la quantification préalable de la convention collective et en conclut qu'elle est en droit d'obtenir une indemnité pour travail dissimulé.

Mais la société ADREXO a appliqué un mécanisme de référencement horaire sur la base de la convention collective de branche et l'application de la présomption de contrat de travail à temps plein n'équivaut pas à la preuve d'une intention de fraude.

En conséquence, sa demande sera écartée.

3. La société ADREXO estime que le licenciement pour faute grave est fondé puisque Madame [Z] [Q] connaissait les consignes qualitatives de préparation et de distribution incombant aux distributeurs et l'interdiction de certaines pratiques, ainsi que l'obligation de signaler toute difficulté sur la feuille de route ; qu'or, un contrôle effectué par des salariés de l'entreprise spécialement habilités, en décembre 2009, sur les secteurs traités par cette salariée a montré que 860 boîtes à lettres n'avaient pas été distribuées.

Toutefois, le rapport de contrôle de la distribution effectuée sur les secteurs 243 et 244 est difficilement lisible et insuffisamment explicite. De plus, dans le laps de temps qui a séparé la distribution du contrôle, des prospectus convenablement distribués ont pu être retirés des boîtes à lettres par leurs destinataires. Par ailleurs, la salariée n'a pas reçu de reproches antérieurement et produit des attestations selon lesquelles elle a toujours travaillé correctement.

La preuve de la faute grave n'étant pas rapportée, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard des justificatifs que produit Madame [Z] [Q], son préjudice n'excède pas la rémunération correspondant à 3 mois de salaire, soit 3855,93 euros.

Il lui sera accordé la somme de 1285,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 128,53 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que 471,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, pour une ancienneté d'un an et 10 mois.

4. Madame [Z] [Q] indique qu'elle n'a jamais passé de visite médicale d'embauche.

Pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, elle réclame le paiement de la somme de 3855,93 euros, à titre de dommages-intérêts.

Quoiqu'en dise la société ADREXO, ce manquement est avéré et il est source d'un préjudice pour Madame [Z] [Q] à laquelle il sera accordé la somme de 800 €, à titre de dommages-intérêts.

La société ADREXO devra remettre à Madame [Z] [Q] un bulletin de salaire rectifié, unique et récapitulatif, en accord avec le présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Elle devra lui payer la somme de 1500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ses demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement et contradictoirement,

REÇOIT l'appel,

INFIRMANT le jugement entrepris,

REQUALIFIE le contrat de travail à temps partiel de Madame [Z] [Q] en contrat à temps plein,

DIT QUE son licenciement pour faute grave n'est pas justifié,

EN CONSEQUENCE, CONDAMNE la société ADREXO à lui payer la somme de 22 626,07 € à titre de rappel de salaires, ainsi que la somme de 2262,60 euros, au titre des congés payés afférents, la somme de 3855,93 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 1285,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 128,53 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que 471,28 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et la somme de 800 € pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

ORDONNE la remise par la société ADREXO à Madame [Z] [Q] d'un bulletin de salaire unique et récapitulatif, tenant compte des dispositions du présent arrêt,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société ADREXO à payer à Madame [Z] [Q] la somme de 1500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/15534
Date de la décision : 24/09/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-24;12.15534 ?
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