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24/09/2013 | FRANCE | N°12/13625

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 24 septembre 2013, 12/13625


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 24 SEPTEMBRE 2013



N°2013/

CH/FP-D













Rôle N° 12/13625







SARL IMPERIAL GAROUPE





C/



[L] [E]













































Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE <

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Me Laurence TRUC, avocat au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 06 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/263.





APPELANTE



SARL IMPERIAL GAROUPE, prise en la pe...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 24 SEPTEMBRE 2013

N°2013/

CH/FP-D

Rôle N° 12/13625

SARL IMPERIAL GAROUPE

C/

[L] [E]

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

Me Laurence TRUC, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 06 Juillet 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/263.

APPELANTE

SARL IMPERIAL GAROUPE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Béatrice BARRAL, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [L] [E], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Laurence TRUC, avocat au barreau de PARIS ([Adresse 2])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Corinne HERMEREL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2013

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[L] [E] a été engagé par la société IMPERIAL GAROUPE, qui exploite un hôtel restaurant cinq étoiles situé au [Localité 1], en qualité de chef de cuisine du restaurant « Le pavillon », selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 Avril 2007, à compter du 24 Avril suivant.

Le statut de [L] [E] était celui d'un agent de maîtrise, niveau IV échelon 2 de la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants. Son salaire était de 5210,48 euros bruts pour 39 heures de travail soit 169 heures par mois.

L'établissement n'était ouvert que du 15 avril au 15 Octobre de chaque année.

Selon courrier du 4 Octobre 2010, [L] [E] démissionnait de son poste.

Le 22 Février 2011, il saisissait le Conseil de Prud'hommes pour réclamer notamment l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'un harcèlement moral, un rappel d'heures supplémentaires impayées, de repos et de congés non pris.

Selon jugement de départage du 6 Juillet 2012, le Conseil de Prud'hommes de GRASSE a constaté que la démission de Monsieur [E] était claire et non équivoque.

Le Conseil de Prud'hommes a condamné la société IMPERIAL GAROUPE à verser à [L] [E] les sommes de :

*8454,70 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

*40 000 euros au titre de la perte de chance de pouvoir établir le montant de sa créance d'heures supplémentaires

*5000 euros au titre des dommages et intérêts pour perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos

*30195,36 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

*5000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

L'employeur a été condamné à remettre à [L] [E] un certificat de travail et une attestation Pole Emploi rectifiée, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et à lui verser la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le 12 Juillet 2012, la société IMPERIAL GAROUPE a interjeté appel du jugement.

Le 24 Juillet 2012, [L] [E] a interjeté appel à son tour de la décision.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 12 Mars 2013.

[L] [E] demande à la Cour :

*d'infirmer le jugement dont il est fait appel

-en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de requalification de la démission forcée en rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires de [L] [E],

*de réformer le jugement

-en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués à [L] [E] au titre de la perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos,

-en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts alloués à [L] [E] pour harcèlement moral,

*de confirmer le jugement pour le surplus.

Il sollicite la condamnation de la SARL IMPERIAL GAROUPE à lui payer les sommes suivantes:

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 mois) : 40 260,48 euros nets

- indemnité compensatrice de préavis: 10 065,12 euros bruts

- congés payés y afférents: 1 006,51euros bruts

- indemnité légale de licenciement: 3 709,83 euros nets

- dommages et intérêts pour préjudice moral spécifique lié au harcèlement moral (4 mois) :

20 130,24 euros nets

- indemnité compensatrice de congés payés (42 jours): 8 454,70 euros bruts et subsidiairement 8454,70 euros bruts au titre des 40 jours de repos hebdomadaires et 3 jours fériés non pris ainsi qu'un rappel de congés payés de 65,14 euros bruts,

- rappel d'heures supplémentaires (2516 heures) : 95 630,88 euros bruts et congés payés y afférents : 9 563,08 euros bruts,

subsidiairement,

- dommages et intérêts pour perte de chance d'établir le montant exact de sa créance d'heures supplémentaires du fait des manquements de l'employeur à ses obligations résultant du contrôle de la durée du travail de ses subordonnés :105 193,96euros nets

- dommages et intérêts pour perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos: 21 282, 18 euros

- dommages et intérêts pour dissimulation d'emploi (6 mois) : 30 195,36 euros nets

- article 700 du CPC: une somme complémentaire de 3 000 euros nets au titre des frais irrépétibles en cause d'Appel,

Enfin, il demande à la Cour d'ordonner à la SARL IMPERIAL GAROUPE :

- la remise des bulletins de salaire, de l'attestation pour le pôle emploi et du certificat de travail rectifiés conformément à l'arrêt à venir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard pour chacun des documents,

- les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts au taux légal sur le fondement de l'article 1154 du code civil,

A titre subsidiaire, il demande de :

*confirmer le jugement du 6 juillet 2012 dans l'ensemble de ses dispositions,

y ajoutant,

*condamner la Société IMPERIAL GAROUPE à payer à [L] [E] en cause d'appel une somme supplémentaire de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*condamner la Société IMPERIAL GAROUPE aux entiers dépens,

La société IMPERIAL GAROUPE demande pour sa part de retenir :

* que la démission de Monsieur [E] est claire et non équivoque, et uniquement motivée par son embauche au sein d'un restaurant gastronomique concurrent voisin;

* que Monsieur [E] ne rapporte aucunement la preuve d'une quelconque situation de harcèlement moral à son encontre;

* que Monsieur [E] ne rapporte aucunement la preuve de quelconques heures de travail effectuées non rémunérées ou non récupérées;

* que Monsieur [E] a été réglé de l'intégralité des sommes dues tant au titre de l'exécution de son contrat de travail que de la rupture de celui-ci;

En conséquence, de :

*Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Grasse du 6 juillet 2012 en ce qu'il a:

- jugé la démission de Monsieur [E] claire et non équivoque;

- rejeté la demande de Monsieur [E] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

- rejeté la demande de Monsieur [E] au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- rejeté la demande de Monsieur [E] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- rejeté la demande de Monsieur [E] au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires et des congés payés afférents.

Et de réformer le jugement le jugement du Conseil de prud'hommes de Grasse du 6 juillet 2012 en ce qu'il a :

- alloué la somme de 5000 euros à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

- alloué la somme de 40 000 euros à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'établir le montant de sa créance d'heures supplémentaires;

- alloué la somme de 30 195,36 euros à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;

- alloué la somme de 5000 euros à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts pour perte du droit à contrepartie obligatoire en repos;

- alloué la somme de 8454,70 euros à Monsieur [E] à titre d'indemnité compensatrice de congés payés;

- condamné la société IMPERIAL GAROUPE à remettre à Monsieur [E] un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI rectifiés en fonction des condamnations prononcées, assorti d'une astreinte de 30 euros par jour de retard;

- dit que les intérêts des sommes dues depuis au moins un an porteront intérêts au taux légal ;

- condamné la société IMPERIAL GAROUPE à 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens ;

Et statuant de nouveau:

- Débouter Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner Monsieur [E] au remboursement des sommes payées par la société IMPERIAL GAROUPE au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance soit la somme de 48 552.48 euros;

- Condamner Monsieur [E] au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive;

- Condamner Monsieur [E] au paiement de la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure, et aux conclusions des parties oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification de la démission

Selon courrier du 4 Octobre 2010, [L] [E] démissionnait de son poste en ces termes :

« Faisant suite à notre conversation du samedi 2 Octobre 2010, j'ai le regret de vous confirmer que je ne souhaite pas poursuivre davantage notre collaboration. J'ai été très heureux et très fier de faire partie de votre équipe durant ces quatre années passées à l'hôtel Impérial Garoupe et je vous en remercie. J'espère de tout c'ur que vous en avez retiré autant de satisfaction que moi et que vous en garderez le meilleure souvenir. Je cesserai mon activité après trois mois de préavis, c'est-à-dire à partir du 10 Janvier 2011, recevez, Monsieur [K], mes plus respectueuses salutations.. »

Lorsque, comme en l'espèce, le salarié remet en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise date de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, ou dans le cas contraire d'une démission .

Le salarié soutient qu'il ne savait pas rédiger une lettre de démission et qu'il a demandé conseil au responsable administratif de l'hôtel qui l'a écrite à sa place et soumise pour signature.

La Cour estime que le salarié, alors âgé de 44 ans, qui se targue par ailleurs de son expérience au sein de La Tour d'Argent à [Localité 3], puis à [Localité 5] et encore dans d'autres établissements prestigieux, ne peut décemment soutenir, eu égard à sa maturité, à son expérience des relations professionnelles et à son statut, qu'il a demandé à un tiers de rédiger la lettre de démission à sa place et l'a signée sans adhérer à son contenu.

Le salarié soutient par ailleurs que la relation de travail s'est révélée exécrable dès le début de son exécution, le gérant, Monsieur [K] faisant régner la terreur autour de lui, le salarié ne bénéficiant d'aucune autonomie dans l'embauche du personnel, disposant d'un budget insuffisant, étant totalement surchargé de travail et ne pouvant prendre aucun jour de repos en juillet et en août. Il expose qu'il a été contraint de travailler durant la saison d'hiver 2009- 2010 à l'hôtel [Localité 4], à [Localité 2], où il a remplacé le chef cuisinier, et ce sans augmentation de salaire, et sans pouvoir récupérer ses jours de repos hebdomadaires non pris en été et qu'il a enchaîné la fermeture de ce restaurant avec l'ouverture en avril 2010 du restaurant Le pavillon.

Il ajoute qu'alors que ledit restaurant venait d'être doté d'un macaron au guide Michelin, le gérant continuait de le traiter « d'incompétent ».

Le salarié explique qu'à la fin de la saison d'été 2010, exténué par le travail, et face à la menace d'être contraint par Monsieur [K] de faire la saison d'hiver 2010-2011à [Localité 4], il avait démissionné.

La cour relève que, pourtant, quelques jours après l'envoi du courrier de démission qui ne trahit aucun ressentiment, le salarié écrivait encore à l'employeur le 13 Octobre 2010,« je me tiens à votre disposition pour accomplir toute tâche que vous voudrez bien encore me confier et que je serai très heureux de mener à bien (') je profite de ce courrier pour vous exprimer une nouvelle fois toute ma gratitude pour l'opportunité que vous m'avez fournie de travailler à vos côtés dans un établissement aussi prestigieux et vous dire à quel point je suis fier d'avoir pu contribuer à obtenir l'étoile Michelin qu'il mérite. Je suis heureux de pouvoir dire « mission accomplie ».

Si le salarié fait état d'un litige à propos de la durée du préavis et de la prise des congés payés, il demeure que ce conflit, réel, n'a pu avoir aucune incidence sur la démission puisqu'il est survenu postérieurement à celle-ci. Monsieur [E] fait  état également de griefs liés au comportement de l'employeur postérieurement à sa démission et qu'il n'y a donc pas lieu d'analyser.

Les autres manquements de l'employeur sont, selon le salarié,

*le harcèlement moral dont il a été la victime du fait du comportement humiliant et insultant de Monsieur [K] à son égard.

*la pression considérable que Monsieur [K] a fait peser sur lui sans lui donner les moyens d'exécuter sa mission. Le salarié fait ainsi état d'une surcharge de travail, d'un grand nombre d'heures supplémentaires impayées et non récupérées, de l'absence de repos hebdomadaire pendant les deux mois d'été.

Selon le salarié, l'attitude de l'employeur à son égard a toujours été la même. Il résulte des attestations notamment des clients et des anciens salariés qu'en réalité, c'est le comportement de Monsieur [K] en général et à l'égard de tous qui est stigmatisé, ce dernier étant décrit comme autoritaire, colérique, vis-à-vis du personnel comme parfois de la clientèle.

Cependant, ces attestations qui décrivent d'une manière générale l'attitude habituellement grossière de l'employeur vis à vis de son équipe, ne permettent pas au salarié d'établir des faits précis, circonstanciés et concordants qui permettraient, pris dans leur ensemble de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Quant aux heures supplémentaires, il est indéniable que le salarié en a accompli régulièrement, comme en attestent les témoins.

Le salarié établit également qu'il ne prenait pas ses jours de repos hebdomadaires pendant la haute saison.

Monsieur [E] ne peut en revanche pas soutenir qu'il lui a été imposé d'aller travailler comme chef de cuisine à [Localité 2] durant l'hiver 2009 2010 alors que rien de tel n'était prévu à son contrat de travail et que Monsieur [E] était libre de refuser de saisir cette opportunité de se faire connaître dans un autre milieu privilégié.

L'acharnement au travail de Monsieur [E] est généralement inhérent au métier de chef de cuisine d'un grand restaurant aspirant de surcroît, comme Monsieur [E], à l'obtention d'un macaron Michelin. Il est incontestable que Monsieur [E] a accompli ces heures supplémentaires de son plein gré car il n'aurait pas manqué, eu égard à son expérience professionnelle passée et à son niveau de responsabilité, de revendiquer auprès de son employeur un autre rythme de travail. Tel n'a pas été le cas et ce dur labeur, auquel le salarié a sacrifié des jours de repos, a été finalement gratifié par le guide touristique, comme il l'ambitionnait.

D'ailleurs, les termes de la lettre de démission en date du 4 Octobre 2010, par laquelle Monsieur [E] a rappelé combien il avait été « très heureux et fier de faire partie de votre équipe durant ces quatre années » ou encore ceux du second courrier en date du 13 Octobre 2010, dans lequel Monsieur [E] exprime « toute ma gratitude pour l'opportunité que vous m'avez donnée de travailler à vos côtés ..et vous dire à quel point je suis fier d'avoir pu contribuer à obtenir l'étoile Michelin qu'il mérite », démontrent que Monsieur [E] avait pris son parti de l'attitude de l'employeur et n'avait gardé de la relation professionnelle que l'aspect positif de la valorisation de son travail par l'acquisition d'une étoile.

Ces lettres, dont Monsieur [E] ne peut sérieusement contester la sincérité confirment que l'autoritarisme de Monsieur [K] et la surcharge de travail, que Monsieur [E] a analysé a postériori comme des manquements, n'étaient pas un sujet de discorde avec son employeur dans un temps contemporain ou antérieur à la démission.

Dès lors, la démission ne peut être considérée comme équivoque et c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a débouté le salarié de sa demande de requalification de la démission en prise d'acte de la rupture.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de congés payés

Si la surcharge de travail n'était pas de nature, dans le contexte rappelé, à rendre équivoque la démission il demeure que les congés payés et les jours de repos non pris doivent être indemnisés.

Il ressort des bulletins de salaire de Monsieur [E] qu'il avait acquis 32 jours de congés payés sur l'exercice allant du 1 Juin 2008 au 31 Mai 2009 ainsi que 10 jours sur la période allant du 1 Juin 2009 au 30 Septembre 2010.

Le jugement déféré sera confirmé sur le quantum de la condamnation prononcée à la charge de l'employeur au titre des congés payés et des jours de repos hebdomadaires non pris.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Il résulte de l'article L. 3171. 4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que lorsque le salarié fournit au juge des éléments de nature à étayer sa demande, il appartient à l'employeur d'apporter des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés.

En l'espèce Monsieur [E] produit des attestations de Monsieur [Y], directeur de restaurant durant la saison 2008 expose que [L] [E] faisait des heures invraisemblables dépassant toute durée légale autorisée. Monsieur [G], atteste de ce que l'équipe de cuisine a fait du non stop sans aucun jour de congé et que l'amplitude de travail était souvent de 8h00-24 heures. Madame [T], maître d'hôtel, durant trois saisons indique à propos de Monsieur [E] «il était toujours présent dans les cuisines et je me demandais s'il n'y dormait pas ».Monsieur [Z], chef de rang expose que Monsieur [E] n'a pu prendre un seul jour de congé et a accumulé le nombre d'heures de travail sans prendre son temps de pause pour déjeuner ou diner et ce en dépit de graves problèmes de santé. Madame [R], hôtesse , précise que les heures de travail n'étaient enregistrées nulle part et que le personnel n'était pas réglé des heures supplémentaires.

[L] [E] réclame un rappel portant sur 365 heures majorées à 20% et 2153 heures majorées à 50% et demande en conséquence la condamnation de l'employeur à lui verser 95630,88 euros outre l'indemnité compensatrice des congés payés.

Si le salarié démontre par de multiples témoignages qu'il effectuait des heures supplémentaires non réglées, les éléments qu'il soumet à la cour ne sont pas suffisants pour confirmer le calcul qu'il opère à hauteur des 2518 heures de travail réclamées.

L'employeur pour sa part, n'est pas en mesure de justifier des horaires effectués par son salarié.

En l'état des éléments versés par le salarié à l'appui de réclamation, la Cour fixe le rappel de salaire du au titre des heures supplémentaires à la somme de 55 000 euros.

Il convient en conséquence, d'infirmer en ce sens le jugement déféré et de condamner l'employeur à verser à Monsieur [E] la somme de 55000 euros, outre 5500 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par les articles L 8221-1, L 8223-1 et L 8221-5 du Code du Travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il est avéré que des heures supplémentaires n'ont pas été payées, et de manière permanente.

Madame [O], comptable au sein de l'IMPERIAL GAROUPE de novembre 2009 à Juillet 2010 atteste que durant la saison d'hiver à [Localité 2], Monsieur [E] lui faisait parvenir ses plannings de travail desquels il ressortait qu'il travaillait 6 jours voire 7 jours sur 7. Elle déclare que « [W] [K] m'a ordonné de corriger les plannings en marquant 5 jours de travail et 2 jours de repos et que, lui faisant remarquer que ce n'était pas légal, il m'a répondu qu'il en faisait son affaire ».

Il résulte du caractère permanent de l'accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées et de l'attestation de Madame [O] que le caractère intentionnel de la dissimulation est établi.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à [L] [E] une indemnité de 30195,36 euros à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser Monsieur [E] supporter la charge des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'engager pour faire valoir ses droits. L'employeur sera condamné à ce titre à lui verser 1500 euros.

L'employeur supportera les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale

Infirme le jugement en ce qu'il a :

*condamné la société IMPERIAL GARAOUPE à payer à [L] [E] la somme de 5000 euros au titre du harcèlement moral.

*condamné la société IMPERIAL GAROUPE à verser à [L] [E] la somme de 40 000 euros au titre de la perte de chance d'établir le montant de sa créance d'heures supplémentaires et la somme de 5000 euros à titre de perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos.

*assorti d'une astreinte la condamnation à la remise au salarié des documents sociaux rectifiés.

Statuant de nouveau sur ces points,

Déboute [L] [E] de sa demande au titre du harcèlement moral.

Condamne la société IMPERIAL GAROUPE à verser à [L] [E] la somme de 55  000 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et 5500 euros au titre des congés payés y afférents.

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Y ajoutant,

Condamne la société IMPERIAL GAROUPE à payer à [L] [E] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/13625
Date de la décision : 24/09/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/13625 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-24;12.13625 ?
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