La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2013 | FRANCE | N°12/09545

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 18 juin 2013, 12/09545


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2013



N°2013/524

JONCTION



12/10956

joint au 12/9545







Rôle N° 12/09545







CGEA - ILE DE FRANCE OUEST



SELAFA MJA





C/





[Q] [X]





















Grosse délivrée le :

à :



Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON



Me Benoît HOVA

SSE, avocat au barreau de PARIS



SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 30 Mars 2012, enregistré au répertoire généra...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 JUIN 2013

N°2013/524

JONCTION

12/10956

joint au 12/9545

Rôle N° 12/09545

CGEA - ILE DE FRANCE OUEST

SELAFA MJA

C/

[Q] [X]

Grosse délivrée le :

à :

Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON

Me Benoît HOVASSE, avocat au barreau de PARIS

SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 30 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/191.

APPELANTS

CGEA - ILE DE FRANCE OUEST,

demeurant [Adresse 1]

Déclaration d'Appel du 30 Mai 2012

représenté par Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON

SELAFA MJA, mandataire liquidateur de la SA CHANTIERS DU NORD ET DE LA MEDITERRANEE,

Déclaration d'Appel du 15 juin 2012

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Benoît HOVASSE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [Q] [X],

demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2013

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société Les Chantiers du Nord et de la Méditerranée, ( LA NORMED), a été créée le 24 décembre 1982 à la suite du regroupement à travers la Société de Participation et de Constructions Navales (SPCN) des branches navales de trois autres sociétés, la Société Industrielle et Financières des Chantiers de France [Localité 1], la Société des Chantiers Navals de [Localité 2] (CNC) et la Société des Constructions Navales et Industrielles de la Méditerranée (CNIM)

Monsieur [Q] [X] a travaillé pour le compte de LA NORMED sur le chantier naval de [Localité 3], du 16 octobre 1952 au 31 janvier 1989 au en qualité d'ingénieur .

LA NORMED ayant été mise en redressement judiciaire, le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire, le 27 février 1989, Maître [W] a été désigné mandataire liquidateur.

LA NORMED a été inscrite par arrêté du 7 juillet 2000 sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA).

Invoquant une exposition à l'amiante dans l'exécution de son travail et, par ce fait, avoir subi un préjudice d'anxiété, le salarié a saisi, le 2 février 2011, le conseil de prud'hommes de Toulon aux fins d'obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement du 30 mars 2012 , le conseil de prud'hommes de Toulon , a :

- fixé la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de LA NORMED à la somme de 9500€ à titre de dommages-intérêts pour le préjudice d'anxiété.

- dit que la créance est opposable au CGEA-AGS.

- dit que le CGEA-AGS doit sa garantie dans les limites du plafond légal applicable lors de la rupture du contrat de travail.

- rejeté les surplus des demandes

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

C'est le jugement dont appel a été régulièrement interjeté par le liquidateur judiciaire et le CGEA-AGS

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Me [W], es qualités de liquidateur judiciaire de LA NORMED et le CGEA-AGS IDF OUEST demandent à la cour de:

-in limine litis, pour ceux des salariés ayant bénéficié de l'ACAATA, se déclarer incompétente au profit du TASS des Bouches du Rhône pour toute demande ayant trait au montant de L'ACAATA et, en tout état de cause , se déclarer incompétente au profit du TASS des Bouches du Rhône et au profit du FIVA, s'agissant de demandes d'indemnisation de préjudice découlant d'une 'contamination' ou de demandes d'indemnisation de préjudice physique ou de préjudice d'anxiété comme préjudice découlant directement d'une exposition à l'amiante ,. Ils soutiennent, en effet, que de telles demandes relèvent de la compétence du TASS et du FIVA en application des articles 41-VI de la loi du 23 décembre 1998, 53, 53-I-2° et 53-II de la loi du 232 décembre 2000 dès lors que sont invoqués une contamination à l'amiante et ou un préjudice physique.

-dire les demandes irrecevables et les mettre hors de cause au cas où l'appelant n'aurait jamais été le salarié de LA NORMED (si son contrat de travail avait pris fin avant la création de celle-ci) ou bien au cas où l'appelant n'aurait plus été le salarié de LA NORMED au jour de la liquidation judiciaire (si son contrat de travail avait été transféré vers la société CNL ou la société CNIM lesquelles n'ont pas été appelées dans la cause.)

-dire les demandes irrecevables au cas où le salarié aurait agi en justice plus de trente ans après la rupture du contrat qui constitue le point de départ de la prescription.

-dire, le cas échéant, que le demandeur ne justifie pas de sa prise en charge par L'ACCATA.

-sur le fond, infirmer le jugement en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété.

-débouter le demandeur de ses prétentions faute d'avoir rapporté la preuve de la réalité du préjudice spécifique d'anxiété, découlant notamment d'un suivi médical, et du préjudice spécifique prétendument lié au bouleversement dans les conditions d'existence.

-à titre subsidiaire, dire que la faute de l'employeur n'est pas démontrée. Ils invoquent à cet égard que la faute n'est pas automatique, que les préjudices allégués ne découlent pas de l'arrêté ACAATA ou de l'adhésion à ce dispositif, qu'une présomption d'exposition ne démontre pas une faute, que ces préjudices ne sont pas liés à une obligation de sécurité de résultat, que l'article L 4121- 1 du code du travail n'était pas applicable à la date des faits, que les demandeurs ne prouvent pas avoir subi individuellement une violation d'une règle de sécurité applicable à l'époque en relation directe avec les préjudices allégués, que l'employeur avait au contraire investi dans la sécurité et la santé de ses salariés, qu'il avait respecté sur le site de [Localité 3], les règles applicables avant et après 1977 concernant la protection contre les poussières et qu'aucune instance représentative ou de contrôle n'avait exercé son droit d'alerte.

Se fondant sur divers documents qu'il verse aux débats, il affirme qu' à partir de l'année 1977, l'amiante n'était plus utilisée sur les navires construits par les chantiers de [Localité 3];

-en tout état de cause, débouter le salarié au cas où l' emploi (ingénieur, dessinateur, dessinateur-projeteur, dessinateur-études, dessinateur-principal),aurait été sans rapport avec l'utilisation de l'amiante alors que rien ne démontre qu'il aurait subi une exposition passive car

il aurait déclaré la maladie et la cour devrait alors se déclarer incompétente au profit du TASS.

-en tout état de cause, dire que la créance qui pourrait éventuellement être fixée ne serait pas opposable à l'AGS dès lors qu'il ne s'agirait pas d'une créance directement liée à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail mais une créance de nature délictuelle ou quasi-délictuelle. Au demeurant, il est soutenu que si cette créance devait avoir une origine contractuelle, elle ne serait pas pour autant couverte par la garantie de l'AGS car les préjudices allégués seraient alors nés postérieurement à la liquidation judiciaire, c'est à dire postérieurement à la période de garantie due par l'AGS. Ils considèrent que la date de naissance de la créance ne pourrait être que celle de la réalisation du dommage et non pas celle de l'exposition à l'amiante ni celle de la prétendue 'mise en danger' puisqu'à ces dates les salariés affirment ne pas avoir eu connaissance de la dangerosité de l'amiante, cause génératrice, selon eux, de leur anxiété et du bouleversement dans leurs conditions d'existence.

-en tout état de cause, il est demandé de débouter le demandeur soit au visa de l'article 1150 du code civil, les dommages n'étant pas prévisibles, soit parce qu'aucun justificatif de quelque nature que ce soit n' a été produit, à l'exclusion 'd'attestations croisées' ..

-très subsidiairement, il est sollicité la réduction des dommages-intérêts à de plus justes proportions.

Monsieur [Q] [X] demande à la cour de:

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné La NORMED et alloué des dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété.

-le réformer pour le surplus des demandes et statuant à nouveau,

-fixer la créance de dommages-intérêts au passif de la liquidation judiciaire de la société NORMED aux sommes de:

*15000€ pour le préjudice d'anxiété;

*15000€ pour le préjudice lié au bouleversement dans ses conditions d'existence;

-dire que l'arrêt sera opposable au CGEA-AGS qui devra garantir et avancer les sommes susvisées.

- dire qu' à défaut de fonds disponibles le liquidateur devra présenter au CGEA-AGS un relevé de créance et un justificatif de l'absence de fonds dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500€ par jour de retard.

Répliquant à l'exception d'incompétence, il fait valoir, pour l'essentiel, que la cour est compétente puisque ses prétentions ne portent que sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et non sur la reconnaissance d'une pathologie professionnelle ou de la faute inexcusable de l'employeur ni sur le droit à bénéficier de L'ACAATA ou son montant.

Il considère également que son action n'est nullement prescrite et que le point de départ de la prescription trentenaire est le jour où il a eu conscience du danger et des conséquences de son exposition à l'amiante c'est à dire, selon lui, à compter de la publication de la loi du 23 décembre 1998 dont l'article 40 a permis de relever de la prescription de deux ans les victimes dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable.

S'agissant de l'arrêt pénal de non-lieu invoqué par les intimés, il fait observer qu'il n' a aucune incidence sur la recevabilité de ses demandes puisque cette action pénale a visé le chantier de [Localité 1] et non celui de [Localité 3] où il travaillait et qu'au demeurant, postérieurement à cet arrêt, d'autres poursuites pénales ont été exercées à l'encontre des anciens dirigeants de LA NORMED pour le site de [Localité 1].

Sur le fond, il soutient qu'il a été salarié de la NORMED, que pour la période considérée, ses fonctions l'avaient exposé à l'amiante et que d'ailleurs elles figurent sur l'arrêté du 7 juillet 2000. Il conteste les affirmations de l'appelant selon lequel il n' y aurait plus eu d'exposition à l'amiante sur le chantier de [Localité 3] après 1977 et il renvoie aux diverses pièces produites démontrant, selon lui, le contraire. Il considère que l'employeur avait commis une faute en ne prenant pas les mesures suffisantes de protection prévues par la loi de 1893 et ses décrets d'application puis celles prévues par le décret du 17 août 1977, notamment les mesures atmosphériques imposées par ce décret ainsi que les mesures de protection prévuesen cas de dépassement des seuils. Il souligne que la preuve du respect de ses obligations n' a pas été rapportée par l'employeur. Dès lors, il reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité ce qui avait amené le salarié à inhaler des poussières d'amiante toxiques susceptibles d'entraîner des maladies graves, incurables même après plusieurs années.

Il considère que cette faute a eu pour conséquence, d'une part, de le plonger dans un état permanent d'anxiété face à la possibilité de voir la maladie se déclarer un jour, même si ce n'est pas le cas actuellement, peu important qu'il se soit ou non soumis à des examens médicaux de contrôle et, d'autre part, de perturber ses conditions d'existence en ce qu'il ne vivra pas la période de sa retraite sur le plan moral et affectif, comme il l'aurait espéré. Il estime que les attestations produites en sa faveur sont régulières et probantes.

S'agissant de l'AGS, il conclut que les indemnisations des préjudices découlant des manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat lui incombant dans le cadre de l'exécution du contrat de travail entrent dans le champ des garanties de L'AGS et que l'inexécution par l'employeur est antérieure à la procédure collective.

Il ajoute que cette garantie de l'AGS est également due pour les salariés qui avaient été mis à compter du 15 juin 1987 à la disposition temporaire de la société CNL dans le cadre d'un contrat de location. Si ces salariés présentent un certificat de travail visant une période postérieure à la liquidation judiciaire de LA NORMED, cela ne signifie pas qu'ils avaient été transférés à une autre entité juridique mais s'explique par le congé de conversion dont ils avaient bénéficié.

S'agissant, le cas échéant, des salariés dont le contrat de travail avait pu prendre fin avant la création de LA NORMED, il a été réitéré à l'audience que le traité d'apport avait eu pour effet une transmission universelle de tous les droits nés du contrat de travail y compris ceux nés avant les opérations d'apport et révélès postérieurement.

* * *

Pour le surplus, la cour entend ici renvoyer pour plus amples développements des faits, de la procédure des moyens et arguments des parties aux conclusions déposées avant l'audience et expressément reprises par les parties au cours de celle-ci.

SUR QUOI

SUR LA JONCTION

Il convient, pour une bonne administration de la justice, de joindre les appels interjetés par le liquidateur judiciaire et le CGEA-AGS et de statuer par un seul et même arrêt.

SUR LES APPELS

Interjetés dans les formes et délais légaux, les appels sont réguliers et recevables.

SUR LE LITIGE

1) sur l'exception d'incompétence au profit du TASS et sur les irrecevabilités liées au FIVA

Si la notion de 'contamination' est mentionnée dans les conclusions du salarié, cette référence reste sans portée puisque le fondement des demandes ne vise ni l'existence d'une pathologie ayant été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante, ni l'existence d'une pathologie n'ayant pas été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante mais dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante dans le cadre du FIVA conformément à l'arrêté du 5 mai 2002. La faute inexcusable de l'employeur n'est pas non plus invoquée. Pour le cas où le salarié aurait bénéficié du dispositif, le litige ne porte pas davantage sur une quelconque contestation de l'allocation spécifique dite ACAATA.

Il sera également constaté qu'en l'absence d'une pathologie ayant été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante ou d'une pathologie n'ayant pas été reconnue comme une maladie professionnelle provoquée par l'amiante mais dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante dans le cadre du FIVA conformément à l'arrêté du 5 mai 2002, ni le FIVA ni le TASS n'indemnisent les préjudices extra-patrimoniaux. Au demeurant, même en cas de déclaration de la maladie, le FIVA et ou le TASS n'indemniseraient pas le préjudice d'anxiété exclusivement lié à la perspective du déclenchement d'une maladie professionnelle provoquée par l'amiante puisqu'il s'agirait d' un préjudice portant sur une période nécessairement antérieure à la maladie et qui serait différent du préjudice moral indemnisé par le FIVA et ou le TASS comme découlant de cette maladie, c'est à dire un préjudice portant sur une période postérieure à celle-ci.

En réalité,le fondement invoqué au soutien des demandes indemnitaires est l'existence d'un contrat de travail ayant lié les parties au cours duquel le salarié aurait, selon lui, été exposé aux poussières d'amiante sans que l'employeur ait pris les mesures suffisantes de protection contre ces poussières ce qui caractériserait le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat. Les demandes sont donc fondées sur l'exécution entre les parties du contrat de travail . Or, il résulte de l'article L1411-1 du code du travail que les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes.

2) sur les autres irrecevabilités

Le demandeur n'est pas concerné par le moyen tiré de la rupture du contrat de travail avant 1982 ni par celui du transfert de son contrat vers les sociétés CNL ou CNIM

Sur la prescription

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008, ayant fixé à 5 ans la prescription des actions personnelles ou mobilières, la prescription était de 30 ans. La loi nouvelle a prévu des dispositions transitoires desquelles il résulte, pour l'essentiel, que les actions nées avant son entrée en vigueur ( soit le 19 juin 2008 qui est le lendemain de sa publication au journal officiel) doivent être excercées avant le 19 juin 2013 sans pouvoir toutefois aboutir à une durée supérieure à 30 ans.

Les parties sont en réalité opposées sur le point de départ de cette prescription. Le demandeur soutient que la prescription avait commencé à courir à compter de la connaissance de l'anxiété soit, selon lui, la publication de la loi du 23 décembre 1998, de sorte que son action n' était pas precrite au jour de la saisine du conseil de prud'hommes de Toulon, le 2 février 2011 alors, au contraire, que le CGEA-AGS et le liquidateur soutiennent que plus de trente ans s'étant écoulés depuis la rupture du contrat de travail, l'action du salarié concerné par le dépassement de ce délai est prescrite.

Le point de départ de la prescription d'une action en responsabilité fondée sur le contrat de travail est, en principe, le dernier jour de la relation contractuelle. Toutefois, le point de départ de la prescription peut être celui du jour de la réalisation du dommage ou de sa révélation au demandeur si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, il ne saurait être soutenu que jusqu'à la publication de la loi du 23 décembre 1998, les salariés de LA NORMED auraient ignoré le risque amiante lié à leur exposition et notamment la circonstance que les maladies professionnelles engendrées par l'amiante pouvaient se déclarer très tardivement après leur exposition.

En effet, force est de constater que la nocivité du minerai d'amiante est connue depuis très longtemps., les premières parutions en France, en 1906, faisant déjà état d'une surmortalité des ouvriers utilisant l'amiante.

Les dangers liés à l'amiante ont été ainsi reconnus dès l'ordonnance du 3 août 1945 et la maladie professionnelle liée à l'amiante (asbestose) est apparue pour la première fois dans le décret du 17 décembre 1947. Puis le tableau n° 30 relatif aux maladies consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante a été créé par le décret du 3 octobre 1951. Ensuite, le décret du 5 janvier 1976 a ajouté le mésothéliome primitif et a étendu certaines pathologies résultant de l'asbestose.

Si la loi du 12 juin 1893, le décret d'application du 11 mars 1894, le décret du 13 décembre 1948 ont concerné de manière générale la protection contre les poussières, en revanche c'est le décret du 17 août 1977 qui a visé de manière spécifique la protection contre les poussières d'amiante puisqu'il a réglementé les mesures de protections contre de telles inhalations sur les lieux du travail en prévoyant notamment des prélèvements dans l'air, soulignant ainsi la particularité et donc la nocivité des micro-fibres d'amiante.

La liste des maladies de l'amiante sera encore complètée par un décret du 19 juin 1985 créant les tableaux 30 A, B ,C, D et E, ajoutant des maladies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante. Le décret du 22 mai 1996 a créé le tableau n°30 bis spécifique à certains cancers provoqués par ces inhalations .L'article D465-25 du code la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 26 mars 1993, modifié par la décret du 4 janvier 1995, a institué une surveillance médicale post-professionnelle, certes facultative, des anciens travailleurs exposés à l'amiante, sur présentation d'une attestation d'exposition délivrée par l'employeur et le médecin du travail.

Sont ensuite intervenus la loi du 23 décembre 1998 (en application de laquelle sera pris l'arrêté du 7 juillet 2000) instaurant le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les salariés exposés à l'amiante et organisant le fond finançant l'allocation dite ACAATA, la loi du 23 décembre 2000 et le décret du 23 octobre 2001 mettant en place le FIVA offrant une réparation intégrale aux personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle liée à l'amiante.

Si l'évolution de la législation jusqu'à la dernière décennie, telle que rappelée ci-dessus, a pu correspondre à une connaissance de plus en plus grande des maladies liées à l'amiante , il doit être retenu que les travailleurs ayant été exposés à l'amiante n'avaient eu, indépendamment des données acquises de la science bien avant 1976, une information minimum mais suffisante quant au risque de voir un jour la maladie se déclencher, même très tardivement, qu'à compter du décret du 17 août 1977 de sorte que la date du 20 août 1977 (date de parution au JORF du décret du 17 août 1977) doit être retenue comme étant le point de départ de la prescription trentenaire pour les contrats de travail ayant pris fin avant le 20 août1977. Pour les contrats de travail conclus ou poursuivis après cette date, le point de départ de la prescription est le dernier jour de la relation contractuelle.

Il en résulte, compte tenu de la date de rupture du contrat de travail, soit le 31 janvier 1989, et de celle de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 2 février 2011, que les demandes dirigées contre LA NORMED sont recevables moins de trente ans ayant couru entre ces deux dates.

Sur le non-lieu

L'arrêt de non-lieu auquel il fait référence ne vise pas les mêmes faits, les mêmes lieux, les mêmes personnes. Il n' a donc aucune incidence sur la recevabilité des demandes.

3) sur le fond

Sur la responsabilité

Il est constant que le principe de la responsabilité civile implique la démonstration de l'établissement d'une faute d'autrui, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre-eux qui justifie le droit à réparation de l'intégralité des dommages subis.

Comme déjà indiqué , LA NORMED a été créée le 24 décembre 1982 à la suite du regroupement à travers la Société de Participation et de Constructions Navales (SPCN) des branches navales de trois autres sociétés, la Société Industrielle et Financières des Chantiers de France [Localité 1], la Société des Chantiers Navals de [Localité 2] (CNC) et la Société des Constructions Navales et Industrielles de la Méditerranée (CNIM).

Il est établi que LA NORMED, dans le cadre de son activité de construction navale, de réparation et de maintenance et, avant elle, les sociétés susvisées aux droits et obligations desquelles elle est tenue, avait utilisé sur tous ses chantiers navals, dont celui de [Localité 3], des matériaux contenant de l'amiante et que dans le cadre de leur travail les salariés de LA NORMED avaient pu être exposés aux poussières d'amiante. Par arrêté du 7 juillet 2000, LA NORMED a d'ailleurs été inscrite sur la liste des établissements de construction et de réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA au profit des salariés concernés sur la période comprise entre 1946 et 1989, dans le cadre du dispositif prévu par la loi du 23 décembre 1998.

Comme déjà évoqué, il est admis par la communauté scientifique que les poussières d'amiante avaient été identifiées comme vecteur potentiel de maladies professionnelles, dès la moitié du vingtième siècle , par l'inscription, de pathologies liées à l'amiante au tableau des maladies professionnelles, que de nombreux documents, études et rapports publiés depuis le début du XX° siècle avaient apporté la preuve d'une connaissance de plus en plus précise des dangers de l'amiante et qu'une pathologie liée à l'inhalation de poussières pouvait se révéler de nombreuses années après.

Si l'obligation de sécurité mise à la charge de l'employeur a été codifiée par l'article L. 230-2 ancien du code du travail, devenu L. 4121-1, dont la rédaction est issue de la loi du 31 décembre 1991, il n'en demeure pas moins que sur le fondement de la responsabilité contractuelle résultant de l'article 1147 du code civil, ainsi qu'au visa des dispositions règlementaires prises antérieurement en matière de sécurité (loi du 12 juin 1893, décret d'application du 11 mars 1894, décret du 13 décembre 1948 concernant de manière générale la protection contre les poussières et le décret du 17 août 1977 concernant de manière spécifique la protection contre les poussières d'amiante), la carence d'un employeur dans la mise en oeuvre des mesures de prévention des risques auxquels un salarié est exposé pendant l'exercice de son emploi, en l'espèce le fait de ne pas avoir pris les précautions suffisantes pour éviter une exposition potentiellement nocive aux poussières d'amiante, est constitutive d'un manquement à ses obligations contractuelles de nature à engager sa responsabilité et à justifier la réparation intégrale des préjudices subis.

En l'espèce, il est soutenu par le liquidateur de LA NORMED et par le CGEA-AGS , d'une part, que l'amiante n'était plus utilisée sur le chantier naval de [Localité 3] après 1977, et, d'autre part, que toutes les mesuresde prévention et de sécurité avaient été prises sur ce chantier y compris après 1977.

.../...

A cet égard, ils se fondent essentiellement sur:

-les bilans démontrant, selon eux, les investissements effectués dans les équipements destinés à l'élimination et à l'évacuation des poussières 'diverses' (aspirateurs industriels, ventilation première tranche, soudure, plonge, ateliers, aspirateurs fumées, masques individuels,etc...)

-le compte-rendu d'analyses, daté du 10 mars 1981, effectué à la suite d'un contrôle par la CRAM du sud-est établissant que l'un des matériaux utilisés, la navinite, ne contenait pas d'amiante, que l'aspiration ainsi que la ventilation étaient effectives, que des masques anti-poussières distribués en grand nombre étaient disponibles sur demande et que tout manquement à l'obligation de le porter était susceptible d'être sanctionné.

-un courrier du 22 octobre 1981, adressé par la direction de la CNIM à la commission d'amélioration des conditions de travail, émanation du comité d'entreprise, rappelant sa décision de ne plus utiliser d'amiante ainsi que le port obligatoire du masque anti-poussières.

-une décision définitive de non-lieu pour le site de [Localité 1].

-une décision de la cour de cassation constatant qu'à partir de l'année 1977, l'amiante n'était plus utilisée sur le site de [Localité 3].

-un courrier de la CPAM, datant de janvier 1985, établissant qu'il n' y avait plus d'amiante au sein de La NORMED et que les mesures de prévention ne s'imposaient plus.

-un rapport annuel du médecin du travail mentionnant que les règles de l'époque étaient respectées.

-l'absence d'alerte de la part des diverses administrations ou organismes extérieurs à l'entreprise ainsi que des instances représentatives du personnel de l'entreprise.

Toutefois et après l'examen des pièces susvisées,la cour considère que l'argumentation visant à faire juger que l'amiante n'était plus utilisée sur le site de [Localité 3] après 1977, ne saurait prospérer.

En effet, il sera constaté en premier lieu que, postérieurement à 1977 et jusqu'au jour de la liquidation judicaire de 1989, le chantier de [Localité 3], fut il en déclin, avait continué à exercer son activité de construction et de réparation navale, c'est à dire un secteur d'activité utilisant massivement de l'amiante, matériau omniprésent en raison notamment de ses très grandes qualités d'isolant .Le liquidateur de LA NORMED ne produit d'ailleurs pas les documents, que l'employeur est seul susceptible de détenir, venant étayer son affirmation selon laquelle, à compter de 1977, il avait utilisé, pour l'ensemble de son activité, des matériaux de substitution à l'amiante alors qu'il est, au contraire, établi que le paquebot, anciennement baptisé FAIRSKY, construit avec des matériaux contenant de l'amiante, était sorti du chantier naval de [Localité 3] en 1984.C'est pourquoi, l'arrêté du 7 juillet 2000 ayant inscrit le chantier de [Localité 3] de La NORMED parmi les établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA a retenu la période posterieure à 1977 puisque la période concernée est 1946-1989.

En second lieu, les pièces versées aux débats par le demandeur corroborent la présence d'amiante sur le chantier naval de [Localité 3] après 1977( comptes-rendus des réunions du comité d'hygiène et de sécurité du site de [Localité 3] des 30 mars 1977 et 11 octobre 1978 faisant référence explicitement au fait que des salariés avaient continué à être exposés à des matériaux contenant de l'amiante, notes de service des 27 mars 1981 et 29 septembre 1983 attribuant des 'bons de douche' aux salariés ayant été affectés sur des emplois exposés à l'amiante).

Les pièces versées aux débats par le liquidateur et le CGEA-AGS ne sont pas de nature à contredire ce constat de la présence d'amiante sur le site de [Localité 3] après 1977.Pour certaines, elles vont même confirmer ce constat. Ainsi, le rapport annuel 1977 intitulé'Hygiène et sécurité' concernant la société CNIM fait référence à la présence de panneaux incombustibles à base d'amiante dont aucun document ne démontre qu'ils auraient été supprimés.dès 1978.

Le compte-rendu d'analyse en date du 10 mars 1981, parce qu'il ne vise l'analyse que d'un seul matériau suspecté- à tort- à l'époque de contenir de l'amiante, n' a qu'une portée limitée . La lettre du 22 octobre 1981, adressée par la société CNIM à la commission d'amélioration des conditions de travail, si elle affirmait une volonté de recourir de moins en moins à l'amiante reconnaissait néanmoins de façon non équivoque que l'amiante était encore utilisée en 1981 sur le chantier naval de [Localité 3], cettre lettre rappelant d'ailleurs que l'amiante n'était pas interdite. La lettre de la CRAM sud-est du 17 janvier 1985 ne permet pas davantage de retenir la suppression de l'amiante sur le chantier naval de [Localité 3] dès 1977. Elle mentionne seulement que : 'l'amiante n'étant plus utilisée dans votre établissement, les mesures de prévention ne s'imposent plus' .Elle n'indique cependant ni la date de fin d'utilisation de l'amiante, ni le sort des bâteaux contenant de l'amiante et dont la maintenance continuait pourtant d' être assurée par le chantier naval de [Localité 3], ni le sort des locaux immobiliers, susceptibles de contenir de l'amiante, dans lesquels les ateliers et les bureaux étaient situés . En tout état de cause, cette lettre rappelle qu'étaient encore présents sur le chantier naval, des salariés ayant été 'précédemment exposés au risque amiante'

Il est encore cité par le liquidateur et le CGEA-AGS , l'arrêt rendu par la cour de cassation, le 19 mars 1998, ayant rejeté le pourvoi inscrit contre un arrêt de la cour d'Aix-en-Provence qui, le 22 mai 1996, avait débouté la veuve d'un salarié de la société CNIM de sa demande en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur . Cet arrêt du 19 mars 1998 retient 'qu'ayant relevé, d'une part, que l'entreprise avait cessé d'utiliser l'amiante à partir de 1977, et, d'autre part, que pour la période antérieure, l'employeur, compte tenu de la législation alors en vigueur avait pu ne pas avoir conscience du risque encouru par le salarié, la cour d'appel en a exactement déduit que les éléments de la faute inexcusable n'étaient pas réunis' Toutefois, cet arrêt ne saurait conférer la moindre autorité de la chose jugée à la question , de surcroît de pur fait, de savoir si l'amiante avait été utilisée ou non après 1977 sur le site de [Localité 3].

Il est également invoqué la circonstance que la plainte pénale visant les conditions de travail sur le chantier naval de [Localité 1] avait l'objet d'une décision définitive de non-lieu. Là encore, cette issue pénale est sans influence sur la présente instance.

La réalité des expositions aux poussières d'amiante est attestée par les témoignages concordants et produits régulièrement aux débats, fussent -ils désormais contestés par les intimés, dequels il résulte que l'amiante avait été utilisée sur tout le chantier de [Localité 3] sans que les salariés exposés avaient pu bénéficier de protections suffisantes ce qui les avait conduits à inhaler les poussières d'amiante et que beaucoup d'entre eux avaient été affectés par des pathologies liées à l'amiante dont certains étaient aujourd'hui décédés.

Les mesures de protection auxquelles les pièces du liquidateur et le CGEA -AGS font référence (aspirateurs, ventilateurs, masques) s'inscrivaient en réalité davantage dans le cadre des mesures de protection prises contre les poussières en général mais, concernant le site de [Localité 3] où le salarié était affecté et concernant l'emploi exercé par ce dernier, aucun document n'est produit par l'employeur démontrant qu'il s'était libéré de son obligation d'assurer l'effectivité des mesures particulières prévues par le décret du 17 août 1977, notamment les prélèvements dans l'air atmosphérique, leur périodicité et les dispositifs de protection à mettre en oeuvre au-delà de certains seuils de présence dans l'air des micro-fibres d'amiante, pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié contre les poussières d'amiante.

Si Monsieur [Q] [X] avait exercé sur le chantier naval de [Localité 3] un emploi d'ingénieur, non visé à l'arrêté du 7 juillet 2000, il n'en demeure pas moins, au vu des attestations produites ([H]) que ce salarié avait été, compte tenu de ses conditions de travail, au surplus identiques ou analogues à celles des salariés exerçant un emploi visé par cet arrêté, réellement mis en contact direct avec des matériaux contenant de l'amiante et avait donc été exposé à de telles inhalations nocives..LA NORMED, qui affirme l'absence de rapport avec l'amiante du seul fait de la nature du poste occupé par le demandeur, ne verse pour autant aucun document technique, qu'elle est la seule à pouvoir détenir, venant étayer cette affirmation.

Il s'ensuit que les manquements fautifs imputés à l'employeur sont établis quand bien même le demandeur ne serait atteint à ce jour d'aucune pathologie résultant de l'exposition à des poussières d'amiante, de telle sorte qu'il importe d'analyser les prétentions sur les préjudices allégués.

Sur les préjudices allégués

* en ce qui concerne le préjudice d'anxiété

Le CGEA comme le liquidateur soutiennent qu'aucun élément probant n'est produit pour établir la réalité du préjudice d'anxiété et son lien avec un manquement fautif de l'employeur alors que l' ancien salarié invoque l'inhalation des poussières d'amiante générant un état d'anxiété légitime liée à la crainte permanente d'être atteint d'une pathologie due à cette situation du fait du caractère cancérigéne de ce produit scientifiquement établi. Il conteste l'argument de la partie adverse sur la nécessité de justifier d'un suivi médical pour prétendre à l'établissement d'un préjudice d'anxiété.

Or, alors que la réalité de l'exposition de l'ancien salarié aux poussières d'amiante au cours de l'exercice de son emploi pendant plusieurs années sur l'un des sites de la société NORMED, formellement visée au titre des entreprises concernées par les pathologies en rapport avec l'amiante, et pour lesquelles le dispositif spécifique de l' ACAATA a été mis en place dans le cadre de la loi du 23 décembre 1998, est établie puisqu'il exerçait l'un des métiers visés par l'arrêté du 7 juillet 2000 ou dans des conditions identiques à ceux visés par cet arrêté , et que cette situation a mis en évidence les manquements fautifs de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, il est parfaitement compréhensible que dans ces circonstances, quand bien même aucune maladie n'a été constatée à ce jour en lien avec son exposition à l'amiante,l'ancien salarié soit confronté à une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, indépendamment des contrôles et examens médicaux réguliers et nécessaires ayant en fait pour effet que d'aggraver l'angoisse initiale.

En l'état des éléments produits aux débats et compte tenu des circonstances spécifiques de la présente affaire ( longue durée d'exposition, délai de déclaration de la maladie, surmortalité avérée chez les travailleurs de l'amiante) le préjudice d'anxiété doit être réparé à hauteur de la somme de 8.000,00€ .

* en ce qui concerne le préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence

Le salarié présente une demande nouvelle au titre de son préjudice lié au bouleversement dans ses conditions d'existence. Selon lui, il s'agirait d' un préjudice spécifique résultant de son exposition à l'amiante, qui ne saurait être confondu ni avec le préjudice économique ni avec le préjudice d'anxiété et qui serait caractérisé par son impossibilité d'anticiper sereinement son avenir compte tenu du changement dans ses conditions de vie dû à sa contamination à l'amiante. Il fait notamment valoir la reconnaissance par d'autres juridictions de ce préjudice dont il demande réparation.

Tant le liquidateur que le CGEA s'opposent à cette prétention qui serait insuffisamment démontrée, ce dernier faisant valoir que le bouleversement décrit par l'ancien salarié serait soit hypothétique et non indemnisable, soit constituerait un cumul d'indemnisation avec le préjudice d'anxiété.

Sans méconnaître le principe constant de la réparation intégrale des préjudices subis du fait du comportement fautif d'autrui, la seule affirmation par cet ancien salarié selon laquelle il aurait subi un dommage spécifique, selon lui distinct de celui réparé au titre du préjudice d'anxiété, sans même établir précisément ni même suffisamment en quoi ses conditions d'existence avaient été perturbées depuis la prise de connaissance des risques de son exposition à l'amiante dans le cadre de l'emploi qu'il avait exercé au sein de la NORMED, ne peut justifier une indemnité complémentaire dans la mesure où, au vu de ses explications, il ressort qu'il ne fait qu'invoquer, à travers cette nouvelle prétention, une argumentation résultant des conséquences de l'anxiété qu'il a légitimement ressentie du fait des manquements mis à la charge de l'employeur et dont il sera indemnisé par la somme fixée en sa faveur par la cour au titre du préjudice d'anxiété. En outre, à supposer qu'il y ait eu bouleversement dans les conditions d'existence, il ne démontre pas qu'il en est résulté pour lui un dommage nécessitant une réparation en lien direct avec les manquements susvisés de son ancien employeur, les divers aléas de la vie de tout individu pouvant à eux seuls générer ce genre de bouleversements sans pour autant justifier dédommagement sur le fondement de la responsabilité civile.

Cette demande doit dès lors être rejetée.

Sur l'opposabilité de la créance du salarié à L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA

La créance indemnitaire résulant des dommages-intérêts alloués au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations nées du contrat de travail est garantie par L'AGS-CGEA dans les conditions de l'article 3253-8 du code du travail.

En l'espèce, dans la mesure où le préjudice d'anxiété subi par le salarié découle, non pas de l'obligation de sécurité édictée par l'article L. 4121-1 du code du travail, mais du manquement contractuel fautif de l'employeur ci-dessus caractérisé, lequel résulte de l'exposition à l'amiante au cours de l'exécution du contrat de travail, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société NORMED, compte tenu de la durée du contrat de travail de cet ancien salarié au sein de cette société, au visa des règles de garantie susvisées, la créance de dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété doit être garantie par l'AGS-CGEA dans les limites légales prévues par les dispositions applicables à la date de rupture du contrat de travail. Il ne saurait davantage être invoqué pour les contrats rompus avant 1982 la nature commerciale de la créance puisque par l'effet du traité d'apport partiel d'actif LA NORMED s'est trouvée tenue de payer une créance née du contrat de travail, donc garantie par L'AGS peu important la nature des recours qu'elle aurait pu exercer ou non contre la société apporteuse.

En cas de défaut de disponibilité des fonds entre les mains du liquidateur de la NORMED, celui-ci devra transmettre un état de créance à l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA d' ILE DE FRANCE OUEST et de [Localité 4] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision. Il n'y a pas lieu, en l'état, d'ordonner une astreinte.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant en matière prud'homale, par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement

-Ordonne la jonction des appels enregistrés sous les numéros répertoire général 12/09545 et 12/10956 et dit qu'il sera statué par un seul et même arrêt sous le numéro de répertoire général 12/09545

-Déclare les appels recevables en la forme

-Rejette l'exception d'incompétence.

-Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 30 mars 2012

-Statuant à nouveau.

-Reçoit Monsieur [Q] [X] en ses demandes.

-Fixe la créance de Monsieur [Q] [X] au passif de la S.A. NORMED représentée par la SELAFA MJA en la personne de M° [W], ès qualités de liquidateur, à la somme de HUIT MILLE EUROS (8.000,00 euros) au titre du préjudice d'anxiété,

-Dit que l'UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA d' ILE DE FRANCE OUEST et de MARSEILLE ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 à L. 3253-21 du même code, et sous les limites du plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le liquidateur dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-20 de ce code,

.../...

-Rejette la demande indemnitaire présentée au titre du préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence.

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

-Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés par le liquidateur.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 12/09545
Date de la décision : 18/06/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-18;12.09545 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award