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04/06/2013 | FRANCE | N°12/15116

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 04 juin 2013, 12/15116


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 04 JUIN 2013

J.V

N° 2013/













Rôle N° 12/15116







[Q] [K]





C/



DIRECTION GÉNÉRALE DES SERVICES FISCAUX DES ALPES MARITIMES





















Grosse délivrée

le :

à :LATIL

DESOMBRE

















Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 24 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04046





APPELANTE



Madame [Q] [K], née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 2] ,demeurant [Adresse 1]



représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENC...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUIN 2013

J.V

N° 2013/

Rôle N° 12/15116

[Q] [K]

C/

DIRECTION GÉNÉRALE DES SERVICES FISCAUX DES ALPES MARITIMES

Grosse délivrée

le :

à :LATIL

DESOMBRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 24 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04046

APPELANTE

Madame [Q] [K], née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 2] ,demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL ALLIGIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Juliana BENAMRAN, avocat au barreau des Hauts de Seine,

substituant Me Pierre Jean DOUVIER, avocat au barreau des Hauts de Seine,

INTIMEE

DIRECTION GÉNÉRALE DES SERVICES FISCAUX DES ALPES MARITIMES Représentée par son Directeur en exercice domicilié en cette qualité en ses bureaux, demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.VEYRE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2013,

Signé par Monsieur Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu le 24 mai 2012 par le tribunal de grande instance de Nice dans le procès opposant Madame [Q] [K] à la Direction des services fiscaux des Alpes Maritimes;

Vu la déclaration d'appel de Madame [K] du 02 août 2012 ;

Vu les conclusions déposées par Madame [K] le 20 août 2012 ;

Vu les conclusions déposées par l'administration le 21 septembre 2012.

SUR CE

Attendu que la loi n° 2005-227 du 14 mars 2005 a autorisé l'approbation d'un avenant à la convention du 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de [Localité 1], assujettissant à l'impôt sur la fortune, à compter du 1er janvier 2002, dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France, les personnes de nationalité française ayant transporté leur domicile ou leur résidence à [Localité 1] depuis le 1er janvier 1989 ;

Attendu que Madame [Q] [K], qui vient aux droits de sa mère Madame [M] [V], décédée le [Date décès 1] 2004, de nationalité française et qui résidait à [Localité 1], s'est acquittée de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2002 à 2005, puis en a demandé le remboursement, suivant réclamation du 4 janvier 2010 ; que cette réclamation a été rejetée le 7 avril 2010 ;

Attendu que Madame [K] sollicite la restitution des sommes ainsi acquittées, avec intérêts au taux légal, sous déduction de l'ISF éventuel correspondant aux seuls biens français et, subsidiairement, l'intérêt au taux légal des sommes payées en avance alors qu'aucun texte n'était adopté ;

Attendu, sur les modalités de recouvrement et le moyen tiré de l'impossibilité technique de recouvrer un impôt rétroactif, et l'illégalité du recouvrement opéré par l'administration, qu'il est constant que Madame [K] s'est acquittée spontanément de l'impôt litigieux, et que c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'aucune irrégularité n'affectait la perception de ces sommes, réglées certes par anticipation, mais sans obligation, et qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à cet égard ni à l'Etat, ni au comptable public, l'annonce dans une réponse ministérielle, de ce qu'aucune pénalité ne serait appliquée pour la période antérieure à la ratification du texte et que des échéanciers pourraient être accordés, ne pouvant notamment constituer un grief de nature à entraîner leur responsabilité ; que ces moyens doivent en conséquence être écartés, Madame [K] étant par ailleurs déboutée de sa demande en paiement d'un euro à titre de dommages et intérêts ;

Attendu, sur l'inapplicabilité de l'ISF aux résidents fiscaux de [Localité 1] et la contradiction entre la loi interne et les dispositions de l'avenant, que l'article 53 de la Constitution prévoit que les traités qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ne peuvent être notifiées ou approuvés qu'en vertu d'une loi, et qu'ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés ; que l'avenant du 26 mai 2003 prévoyant l'assujettissement à l'ISF sur leur patrimoine mondial des français résidant à [Localité 1] a été approuvé par une loi du 14 mars 2005, puis publié par décret du 23 août 2005 et est entré en vigueur avec effet rétroactif au 1er janvier 2002 notamment pour les dispositions concernant l'ISF, ce qui lui a donné force légale à l'égard des contribuables et l'intègre à l'ordre juridique français ; que la principauté de [Localité 1] l'a signé en tant qu'Etat souverain, acceptant que les personnes de nationalité française résidant sur son sol soient soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune sur leur patrimoine situé hors de France, et que ces dispositions spéciales apportent une exception, consentie par la principauté de [Localité 1], à l'article 885 A - 2° du Code général des impôts, permettant de soumettre à l'impôt de solidarité sur la fortune les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en principauté de [Localité 1] à raison de leurs biens situés en France ou hors de France, les nationaux français qui ont transporté leur résidence à [Localité 1] depuis le 1er janvier 1989 étant réputés conserver leur domicile fiscal en France au regard de cet impôt, par dérogation aux dispositions précitées de l'article 885 A - 2° du Code général des impôts, ce qui crée une situation analogue à celle qui existe en matière d'impôt sur le revenu ; que ces dispositions n'aggravent pas la situation des résidents monégasques puisqu'elles tendent à les mettre dans la même situation que les français vivant sur le territoire français, dans lequel est enclavé l'Etat monégasque ; qu'il respecte l'article 55 de la constitution prévoyant que les traités ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve de leur application par l'autre partie, ce qui est le cas en l'espèce, la principauté de [Localité 1] ayant accepté de l'appliquer à ses résidents de nationalité française ; qu'ainsi, en raison notamment de la hiérarchie des normes juridiques françaises l'avenant du 23 mai 2003 intégré à l'ordre juridique français, a eu pour effet de rendre inapplicable aux français résidant à [Localité 1] l'article 885 A 2° du Code général des Impôts ;

Attendu, sur l'incompatibilité de l'assujettissement à l'ISF avec la Constitution française et la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qu'aucune question de constitutionnalité n'a été soulevée par Madame [K], et qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, s'agissant de l'atteinte alléguée au principe d'égalité devant l'impôt, l'avenant ne fait pas de discrimination entre les Français résidant en France en prenant en compte la situation particulière de la Principauté vis à vis de la France, et qu'il est fondé sur un motif d'intérêt général, à savoir éviter l'évasion fiscale, et éviter ainsi une discrimination entre les Français selon qu'ils ont ou non les moyens financiers de résider à [H] et qu'il étend des règles déjà applicables en matière d impôt sur le revenu ; que cette imposition ayant pour objet d'assujettir les citoyens français résidant à [Localité 1] au même titre que ceux résidant en France, et ayant pour but l'intérêt général, dans la mesure où il n'existe pas d'impôt de ce type à [Localité 1], ce moyen n'est pas fondé ;

Attendu, sur le droit au respect des biens et de la propriété prévu par l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, que ce texte ne fait pas obstacle à ce que l'Etat français prenne des dispositions fiscales comme l'impôt sur la fortune, qu'elles s'appliquent aux Français qui vivent en France ou à ceux qui résident à [Localité 1]; que l'article 14 de la Convention sur la discrimination ne s'oppose pas à ce que, ainsi que le prévoit l'avenant du 25 mai 2003, les Français résidant à [Localité 1] soient soumis à l'ISF, puisqu'il ne fait pas de discrimination entre les personnes qui se trouvent dans cette situation, et la prend en compte pour les mettre dans la même situation que les Français vivant sur le territoire français dans lequel, faut-il le rappeler, est enclavée la principauté de [Localité 1] ; qu'ainsi ce texte, fondé sur un motif d'intérêt général, à savoir éviter l'évasion fiscale de manière à ce que les Français ne choisissent pas de résider à [Localité 1] pour échapper à l'impôt, n'est en rien discriminatoire ;

Attendu, sur la rétroactivité, que l'article 7-3 de la Convention fiscale franco-monégasque, approuvée par la loi du 14 août 2005 publié avec l'ensemble de l'avenant par décret du 23 août 2005 au journal officiel du 1er septembre 2005, dispose que les personnes de nationalité française qui ont transporté à [Localité 1] leur domicile ou leur résidence à compter du 1er janvier 1989 sont assujetties à l'impôt sur la fortune à compter du 1er janvier 2002 dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, cette mesure, ainsi que son entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2002, ont été publiquement annoncées le 24 octobre 2001, puis en 2002, que les contribuables concernés ont été incités à anticiper l'entrée en vigueur du texte, et qu'il a été prévu de leur accorder de larges facilités de paiement, aucune pénalité n'étant appliquée sur la période 2002-2005 ;

Attendu qu'il peut être dérogé au principe de non rétroactivité qui ressort de la loi, et qu'une loi peut avoir un caractère rétroactif si elle le précise expressément, comme c'est le cas en l'espèce; que cette rétroactivité ne crée pas d'atteinte exorbitante au droit de propriété et qu'elle était justifiée par un motif d'intérêt général tenant à la nécessité de rétablir, notamment pour le passé, une égalité entre les contribuables en supprimant une possibilité d'évasion fiscale ; qu'elle est dès lors parfaitement compatible avec l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et des Citoyens, et l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CEDH ;

Attendu que l'imposition litigieuse étant en conséquence due, son paiement par anticipation ne peut ouvrir droit à restitution ni intérêts, et que c'est à bon droit que le tribunal, dont la décision doit être confirmée, a débouté Madame [K] de ses demandes ;

Attendu que Madame [K], qui succombe au principal doit supporter les dépens, et qu'il apparaît équitable de la condamner à payer une somme supplémentaire de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne Madame [K] à payer à la Direction générale des Finances publiques 1500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne Madame [K] aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 12/15116
Date de la décision : 04/06/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°12/15116 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-04;12.15116 ?
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