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28/05/2013 | FRANCE | N°11/17833

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 28 mai 2013, 11/17833


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2013



N° 2013/













Rôle N° 11/17833





Sarl SOCIETE MEDITERRANEENNE D'ELECTRICITE





C/



[P] [X]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Christian SCOLARI, avocat au barreau de NICE



Me Stéphane CHARPENTIER, avocat au

barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 06 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1474.







APPELANTE



Sarl SOCIETE MEDITERRANEENNE D'ELECTR...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 28 MAI 2013

N° 2013/

Rôle N° 11/17833

Sarl SOCIETE MEDITERRANEENNE D'ELECTRICITE

C/

[P] [X]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Christian SCOLARI, avocat au barreau de NICE

Me Stéphane CHARPENTIER, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 06 Septembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1474.

APPELANTE

Sarl SOCIETE MEDITERRANEENNE D'ELECTRICITE, représentée par son gérant en exercice, Monsieur [D] [J], demeurant [Adresse 1]. [M] [L]

représentée par Me Christian SCOLARI, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [P] [X], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Stéphane CHARPENTIER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mai 2013 prorogé au 28 mai 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2013.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [P] [X], travailleur handicapé, a été embauché par la SARL Société Méditerranéenne d'Electricité, ci-après désignée SME, à compter du 28 Janvier 2003, en qualité d'aide électricien, selon contrat à durée déterminée, à temps plein du 28 Janvier 2003 au 28 Février 2003, moyennant un salaire mensuel brut de 1035,91 euros.

Il a été encore engagé à compter du 1 Mars 2003 par la même société, dans les mêmes conditions, mais en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.

Monsieur [X], travailleur handicapé de catégorie B, ainsi déclaré par décision de la COTOREP en date du 7 Décembre 2000, était régulièrement suivi par la médecine du travail et son état de santé justifiait quelques réserves à son aptitude au travail. Il était souvent absent pour maladie, notamment durant presque toute l'année 2009.

La relation de travail était très conflictuelle, Monsieur [X] se plaignant en particulier de l'absence de point d'eau et donc de sanitaires dans l'entreprise. Le salarié alertait à ce sujet l'inspection du travail dès 2006 puis le syndicat CGT qui à son tour rappelait à l'employeur par courrier du 11 Mai 2010 quelles étaient ses obligations légales sur la nécessité d'installer des lieux d'aisance et de verser au salarié des indemnités de repas.

Le 20 Mai 2010, une altercation survenait entre les parties, l'employeur reprochant au salarié de déjeuner dans un véhicule de service, sur le parking de l'entreprise. A la suite de cette dispute, le salarié était mis à pied.

Le 25 Mai 2010, Monsieur [X] était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 3 Juin 2010.

Par courrier du 14 Juin 2006, il était licencié pour faute grave dans les termes suivants : 

« Pour faire suite à vos différents avertissements, mise à pied à titre conservatoire et entretien préalable du jeudi 3 juin 2010, j'ai le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

En effet, votre attitude inqualifiable n'a été en rien justifiée lors de cet entretien.

Il ressort que vos absences injustifiées, refus d'obtempérer, agression verbale et menace physique envers le gérant de la société, ne nous permettent pas de vous conserver au sein de l'entreprise.

Nous tenons à votre disposition dès aujourd'hui votre dernier fiche de paye et tous les documents légaux y compris le certificat de congés payés, qu'il vous appartiendra de liquider auprès de la caisse.

Aucun préavis ni indemnité de licenciement ne vous sera versée. Vous êtes libre aujourd'hui de toutes obligations envers la société ; »

Le 29 Juillet 2010 Monsieur [X] a saisi le Conseil de Prud'hommes pour contester son licenciement, solliciter les indemnités de rupture, de repas, de transport et des dommages et intérêts pour défaut d'information sur ses droits individuels à la formation.

Selon jugement du 6 Septembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de Nice a considéré que la mise à pied immédiate du 20 Mai était une sanction disciplinaire, la lettre de mise à pied conservatoire ayant été présentée au salarié le 21 Mai 2010, tandis que sa convocation à l'entretien préalable ne lui a été adressée que le 25 Mai 2010 .

Le Conseil de Prud'hommes a donc estimé que les faits visés par la lettre de licenciement avaient déjà été sanctionnés dans le cadre de la mise à pied et que le licenciement était par conséquent sans cause réelle et sérieuse.

Le Conseil de Prud'hommes a condamné la société SME à  verser au salarié:

*4629,45 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

*462,94 euros au titre des congés payés y afférents

*2447,73 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

*5176 euros au titre de l'indemnité de repas

*6200 euros au titre des dommages et intérêts

*820 euros au titre pour préjudice subi au titre du DIF

*1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Le Conseil de Prud'hommes a débouté les parties de leurs autres demandes et condamné la société SME aux dépens.

Le 11 Octobre 2011, la SARL SME a interjeté appel du jugement. Elle souligne que par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 20 Mai, soit le jour même de l'incident, elle a notifié au salarié une mise à pied conservatoire « à compter de ce jour dans l'attente d'une future sanction », comme indiqué expressément dans ce courrier.

Elle soutient en conséquence que cette mise à pied n'est pas une sanction mais bien une mesure conservatoire destinée à écarter le salarié de l'entreprise jusqu'à son congédiement.

Elle considère au surplus que si cette mise à pied était considérée comme une sanction à part entière, d'autres faits fautifs que ceux commis le 20 Mai sont évoqués dans lettre de licenciement, en particulier 6 jours d'absences injustifiées entre le 5 Mars et le 22 Mars 2010, de sorte que ces faits, non prescrits selon elle, justifient à eux seuls la rupture.

Elle rappelle que le salarié s'est fait remarquer défavorablement durant l'exécution du contrat de travail puisqu'il a fait l'objet de trois avertissements, le 20 Septembre 2006, le 3 octobre 2006 et le 12 Février 2007, trois rappels à l'ordre les 5 Janvier ,6 Février et 27 Février 2007.

Elle produit des attestations pour justifier du comportement insultant et provocateur du salarié à l'encontre du gérant le 20 Mai 2010, et de son insubordination dès lors qu'en dépit de l'ordre donné, le salarié a refusé de quitter le véhicule de service dans lequel il déjeunait.

Elle souligne que la médecine du travail a seulement eu l'occasion, au fil de la relation de travail, de préconiser que le salarié ne porte pas de poids supérieur à 20 kilos mais qu'en tout état de cause, et en dépit de ses 609 jours d'absence entre 2006 et 2010, le médecin n'a jamais déclaré Monsieur [X] inapte à son poste de travail.

La société demande l'infirmation du jugement, le débouté des demandes du salarié, la condamnation de Monsieur [X] à lui verser :

*800 euros au titre du caractère abusif de la procédure

*1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des menaces et injures proférées par le salarié

*2500 euros au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [X] demande la confirmation du jugement qui a considéré que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il soutient que la mise à pied qui lui a été infligée le 20 Mai était une sanction disciplinaire qui empêchait l'employeur de le licencier ensuite à raison des mêmes faits.

Subsidiairement, il considère que le licenciement est infondé.

Il sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a été débouté de sa demande au titre des rappels de salaires correspondant aux indemnités de trajet et de transport qu'il réclame à hauteur de 2178 euros.

Il réclame aussi l'infirmation du jugement :

*sur le quantum de l'indemnité allouée en réparation du licenciement abusif que la Cour devrait fixer à 25000 euros.

*sur le quantum alloué en réparation du défaut d'information sur ses droits individuels à la formation soit la condamnation de l'employeur à lui régler 3000 euros à ce titre .

Il demande la confirmation du jugement pour le surplus.

Il forme également deux demandes nouvelles :

*la condamnation de la société SME à lui verser une indemnité de requalification de son contrat à durée déterminée initial en contrat de travail à durée indéterminée, soit la somme de 3086 euros correspondant à deux mois de salaires.

* la condamnation de la société SME à lui verser 10 000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

*2500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure, et aux conclusions des parties oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nature de la mise à pied

Il n'est pas contesté que l'incident qui a opposé les parties le 20 Mai 2010 a été suivi aussitôt d'une mesure de mise à pied.

Par courrier daté du 20 Mai 2010 et envoyé le jour même, intitulé « mise à pied conservatoire », l'employeur a notifié cette mise à pied au salarié comme suit :

« Recommandé AR-MISE A PIED CONSERVATOIRE

Le 20 Mai 2010

Monsieur

Je constate une fois de plus que mes instructions ne sont pas appliquées et qu'elles sont totalement ignorées par vous.

En effet, je vous rappelle que j'ai ordonné que les ateliers soient fermés entre 12 heures et 13 heures 30 et que les véhicules de l'entreprise soient stationnés et fermés à clef sur le parking. Or, ce jour, vous trouvant installé dans un véhicule de l'entreprise et déjeunant à l'intérieur sans nulle autre forme, je vous ai rappelé à l'ordre , chose que vous n'avez pas apprécié.

Outre le fait que vous affichiez une attitude hostile, vous vous êtes permis de me traiter d'imbécile devant Monsieur [Q] [M], employé dans l'entreprise.

Cette situation n'est plus acceptable !

D'autant qu'à 13H30 ce même jour, vous avez réitéré vos insultes à mon encontre devant Messieurs [R] [K] et [Y] [F], tous deux employés dans l'entreprise à savoir :

« que j'étais un connard » « que je n'avais pas de couilles pour vous licencier » et vous avez menacé de me « casser la gueule »..

Compte tenu de la violence de vos propos et de votre attitude avec menace expresse, je me vois obligé de vous signifier une mise à pied conservatoire à compter de ce jour, dans l'attente d'une future sanction. »

Le 21 mai 2010, le salarié qui n'avait pas encore été destinataire du courrier recommandé, se présentait sur son lieu de travail. L'employeur faisait intervenir les forces de l'ordre pour lui en empêcher l'accès.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 Mai 2010 distribuée le 26 Mai, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 3 Juin 2010.

A l'audience du Conseil de Prud'hommes, Monsieur [J], gérant de la société, interrogé à la barre sur la date de notification de la mise à pied, a répondu : « le 20 Mai de manière orale et le 21 Mai par lettre recommandée. »

Cette chronologie des faits est rappelée dans le jugement déféré.

Contrairement à ce qu'indique la SARL SME , la lettre de mise à pied conservatoire n'a pas été présentée au salarié en même temps que la convocation à l'entretien préalable.

La cour constate que la lettre de mise à pied du 20 Mai 2010 stipule en son en-tête de manière expresse qu'elle est de nature « conservatoire ». Si elle n'est pas concomitante de l'envoi de la convocation préalable qui marque l'engagement de la procédure de licenciement, il demeure que le bref délai de quelques jours, incluant un week-end, écoulé entre la notification de la mesure conservatoire, le vendredi 21 Mai 2010 et l'engagement de la procédure de licenciement, le mardi 25 Mai 2010 n'est pas de nature à ôter à la mesure prise son caractère conservatoire.

Sur la nature du licenciement

La lettre de licenciement est motivée comme suit :

Par courrier du 14 Juin 2006, il était licencié pour faute grave dans les termes suivants : 

« Pour faire suite à vos différents avertissements, mise à pied à titre conservatoire et entretien préalable du jeudi 3 juin 2010, j'ai le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

En effet, votre attitude inqualifiable n'a été en rien justifiée lors de cet entretien.

Il ressort que vos absences injustifiées, refus d'obtempérer, agression verbale et menace physique envers le gérant de la société, ne nous permettent pas de vous conserver au sein de l'entreprise.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant

En l'espèce la lettre de licenciement fait donc référence à des faits non datés mais matériellement vérifiables.

Il s'agit des précédents avertissements, dont l'employeur précise qu'ils ont été infligés le 20 Septembre 2006, le 3 Octobre 2006, le 12 Février 2007 ainsi que des rappels à l'ordre notifiés le 5 Janvier 2007, le 6 Février 2007le 26 Février 2007.

Ces sanctions disciplinaires datent de plus de trois ans et ne peuvent donc être invoquées à l'appui du licenciement, en application des dispositions de l'article L 1332- 5 du Code du Travail.

L'employeur précise que les absences injustifiées auxquelles il fait référence dans le courrier de rupture sont celles du 5,9,10,11,12 et 22 Mars 2010 intervenues en conséquence plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement laquelle a été déclenchée par l'envoi de la convocation à l'entretien préalable le 25 Mai 2010.

En application des dispositions de l'article L 1332-4 du Code du Travail, ces absences ne pouvaient donc plus être invoquées à l'appui d'un licenciement.

S'agissant des insultes et du refus d'obtempérer, l'employeur précise que ces faits ont été commis le 20 Mai 2010 et produit un courrier de Monsieur [K] [R] par lequel cette personne, associée au sein de la SARL, indique avoir assisté à l'altercation au cours de laquelle Monsieur [J] a reproché au salarié de déjeuner à 12 h15 dans un véhicule de service sur le parking alors que personne ne doit s'y trouver et que ces voitures doivent être fermés à clef entre 12 H et 13H30.

Monsieur [X] aurait alors insulté Monsieur [J] en le traitant de « connard » et lui aurait dit 'qu'il n'avait pas de couilles pour le licencier'. Suite à cela Monsieur [X] aurait menacé Monsieur [J] de lui « casser la gueule.'

L'employeur produit également une lettre par laquelle Monsieur [M] [Q] atteste le 20 Mai 2010 que le jour même, Monsieur [X] a refusé de sortir du véhicule et a traité Monsieur [J] « d'imbécile ».

Il convient d'observer que Monsieur [Q], qui n'est plus salarié de la société, a établi ensuite une deuxième attestation, le 26 Janvier 2011, dans laquelle il indique « je n'ai pas rédigé l'attestation moi-même et après signature et relecture de l'attestation j'ai fait remarquer à Monsieur [J] que tous les faits n'étaient pas relatés sur l'attestation, et que devant faire une attestation pour Monsieur [X], je lui ai fait simplement remarquer que je me devais de dire la vérité et rien d'autre afin de ne léser aucun parti. Sur ce l'attestation faite à Monsieur [X] explique les faits tels qu'ils se sont déroulés ».

Monsieur [X] produit une attestation de Monsieur [F] [Y] qui n'est plus salarié de la société et déclare que lors de l'altercation, il n'a à aucun moment entendu Monsieur [X] traiter Monsieur [J] de « connard », lui dire « qu'il n'avait pas les couilles pour le licencier », le menacer de lui « casser la gueule ». Il ajoute que d'une façon générale, Monsieur [X] faisait l'objet constamment de brimades.

La Cour observe que Monsieur [Y] atteste ici de manière surprenante de ce qu'il n'a pas entendu et ne décrit rien de la scène à laquelle il a assisté.'.. Cette attestation est en conséquence totalement inopérante.

Les attestations de Monsieur [R] et de Monsieur [Q] sont des lettres et ne sont pas rédigées dans les formes requises par l'article 202 du Code de Procédure Civile, règles qui ne sont cependant pas prescrites à peine de nullité. Il appartient à la juridiction de rechercher si leur contenu, malgré les irrégularités de forme qui l'entachent, fournit des éléments de nature à l'éclairer.

Monsieur [R] et Monsieur [Q] étaient tous deux au service de la société SME lorsque l'incident entre Monsieur [J] et Monsieur [X] s'est produit. Ce seul lien ne peut suffire à écarter leur attestation dès lors que les employés de l'entreprise ont été les seuls témoins de la scène.

Monsieur [Q], explique très clairement les circonstances dans lesquelles la première attestation lui avait été soumise par l'employeur pour signature, après relecture. Il convient d'observer qu'alors qu'il n'est plus dans un lien de subordination avec l'employeur puisque selon les écritures de Monsieur [X] il aurait quitté la société, il réitère et confirme ce qu'il s'était contenté de lire et d'approuver la première fois.

Il résulte de ces témoignages de Messieurs [Q] et [R] que Monsieur [X] a, a minima, traité son employeur d' « imbécile » et a refusé de sortir du véhicule de l'entreprise.

Cette attitude provocatrice qui remet en cause le pouvoir de direction de l'employeur et bafoue son autorité constitue assurément un comportement fautif justifiant la rupture de la relation de travail. Cependant, la gravité de la faute commise doit s'apprécier au regard du contexte très conflictuel et ancien qui opposait les parties, et qui ressort notamment des dépôts de plaintes de l'employeur, des avertissements donnés, mais aussi des plaintes du salarié auprès du médecin du travail, auprès du syndicat, de ses absences justifiées mais fréquentes, de sorte que le grief doit être relativisé et ne constitue dans cette ambiance délétère à laquelle les deux parties ont nécessairement contribué , qu'une faute simple constituant un motif réel et sérieux de licenciement.

Sur les conséquences de la rupture

C'est par des calculs exacts que le Conseil de Prud'hommes a fixé, conformément aux dispositions légales et conventionnelles, les sommes qu'il convenait d'allouer au salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.

Sur les dommages et intérêts pour défaut d'information sur les droits individuels de formation

Selon les articles L 6323-17 à L 6323-20 du Code du Travail, la lettre de licenciement doit indiquer, sauf faute lourde, les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation. L'absence de préavis liée au licenciement pour faute grave non retenu a privé le salarié de la faculté qui lui est donnée par l'article L 6323-17 du Code du Travail de pouvoir bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l'article L 6323-18 du Code du Travail. Ce défaut d'information a nécessairement causé un préjudice au salarié que le Conseil de Prud'hommes a justement réparé par l'allocation de la somme de 820 euros. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'indemnité conventionnelle de petits déplacements.

Aux termes de l'article 8-11 de la Convention collective applicable, « le régime des petits déplacements a pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment des frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements, inhérente à la mobilité de leur lieu de travail.

Le régime d'indemnisation des petits déplacements comporte 3 indemnités : de repas, de frais de transport et de trajet.

Il résulte de l'article 8-12 de la convention définissant les bénéficiaires de ces indemnités qu'ils sont des ouvriers non sédentaires qui ne sont pas transportés, logés et nourris gratuitement ou avec une participation financière de l'employeur.

Monsieur [X] réclame le versement des seules indemnités de repas et des indemnités de trajet. L'employeur ne développe pas d'argumentation à ce sujet.

Le Conseil de Prud'hommes a fait une juste analyse de la situation de Monsieur [X] affecté à Beaulieu tandis que le siège de la société est à Villefranche sur Mer et qu'il habite à DRAP, pour faire droit à sa demande au titre de l'indemnité de repas en lui allouant la somme de 5176 euros couvrant la période quinquennale, amputée des jours d'absence du salarié.

L'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir .

Monsieur [X] a été débouté de sa demande à ce titre au motif qu'il avait une activité sédentaire à [Localité 1] et ne se déplaçait que de temps en temps avec le véhicule de l'entreprise.

Nonobstant le caractère forfaitaire de l'indemnité réclamée, il incombe à Monsieur [X] de démontrer qu'il remplit les conditions posées par l'article 8.12 de la convention collective et qu'il se rendait sur les chantiers régulièrement.

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le salarié a été débouté de sa demande au titre de l'indemnité de trajet.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la violation par la société de son obligation de sécurité de résultat.

Sur le fondement de la violation par l'employeur de son obligation de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, et notamment des dispositions de l'article L 4121-1 du Code du Travail selon lesquelles l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, Monsieur [X] demande plus spécifiquement l'indemnisation de la violation par la société SME de ses obligations relatives à l'utilisation des lieux de travail et notamment des dispositions de l'article R 4228-1, dont il résulte que l'employeur est tenu de mettre à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle.

En l'espèce, l'employeur ne conteste pas qu'aucun lieu d'aisance ni point d'eau n'équipe l'établissement alors même que Monsieur [X] le 21 Février 2007, puis le syndicat CGT le 11 Mai 2010 ont insisté, en vain, sur la nécessité de respecter les obligations en la matière.

Ces conditions d'hygiène déplorables ont causé un préjudice à Monsieur [X] qui justifie la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 1000 euros.

Sur la demande au titre de l'indemnité de requalification du contrat de travail.

A l'appui de cette demande nouvelle en cause d'appel, le salarié produit les deux contrats de travail successifs qu'il a signés: le premier, un contrat à durée déterminée du 28 Janvier 2003 au 29 Février 2003 et le second, un contrat de travail à durée indéterminée conclu à compter du 3 Mars. Il ressort de la lecture du contrat à durée déterminée que celui-ci n'est pas conforme aux dispositions des articles L 1242-2 et L 1242-1 du Code du Travail. En effet, il n'a pas été conclu pour une tâche précise et temporaire et ne comporte pas la définition précise de son motif.

Tout contrat conclu en méconnaissance de ces dispositions légales est réputé à durée indéterminée. L'employeur est redevable d'une indemnité qui, en application de l'article L1245-2 du Code du Travail ne peut être inférieure à un mois de salaire soit 1543 euros.

Il sera ajouté au jugement déféré sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser Monsieur [X] supporter la charge de ses frais irrépétibles au titre desquels la société sera condamnée à lui verser 1500 euros.

La société SME supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, en matière prud'homale

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [X] était sans cause réelle et alloué des dommages et intérêts à Monsieur [X] à ce titre.

Statuant à nouveau sur ce point,

Dit que le licenciement pour faute grave n'est pas justifié mais qu'il est motivé par une cause réelle et sérieuse.

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pour le surplus.

Y ajoutant,

Condamne la Société Méditerranéenne d'Electricité à payer à Monsieur [X] la somme de 1543 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée signé le 28 Janvier 2003.

Condamne la Société Méditerranéenne d'Electricité à payer à Monsieur [X] la somme de 1000 euros en indemnisation du préjudice né de la violation par l'employeur de son obligation en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Condamne la Société Méditerranéenne d'Electricité à payer à Monsieur [X] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

Condamne la Société Méditerranéenne d'Electricité SME aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 11/17833
Date de la décision : 28/05/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°11/17833 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-28;11.17833 ?
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