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23/05/2013 | FRANCE | N°12/17982

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 23 mai 2013, 12/17982


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2013



N° 2013/ 256













Rôle N° 12/17982







SA BANQUE MARTIN MAUREL





C/



[M] [J]



























Grosse délivrée

le :

à :SIDER

DESOMBRE



























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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 20 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/07600.





APPELANTE



SA BANQUE MARTIN MAUREL prise en la personne de son représentant légal en exercice , dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2013

N° 2013/ 256

Rôle N° 12/17982

SA BANQUE MARTIN MAUREL

C/

[M] [J]

Grosse délivrée

le :

à :SIDER

DESOMBRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 20 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/07600.

APPELANTE

SA BANQUE MARTIN MAUREL prise en la personne de son représentant légal en exercice , dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Jean Michel LOMBARD, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMEE

Madame [M] [J]

née le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 2] (13), demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP DESOMBRE M & J, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Isabelle ESPIE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président

Madame Brigitte BERTI, Conseiller

Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2013

Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 5 décembre 2005, Mme [J] , accompagnée par son ami M. [P] , a gagné la somme de 117'160,40 € en jouant sur une machine à sous du casino municipal d'[Localité 1].

En rétribution de ce gain, le casino a procédé au paiement de la somme en espèces de 7'160,40 € et de la somme de 110'000 € réglée par chèque bancaire barré libellé à l'ordre de Mme [J] tiré sur la BONASSE LYONNAISE DE BANQUE (CIC).

Le 6 décembre 2005 , Mme [J] et M. [P] se sont ensemble rendus à l'agence de la BANQUE MARTIN MAUREL, pour déposer sur le compte qu'y détenait M. [P] le chèque de 110'000 € , après que Mme [J] l'ait endossé , M. [P] et Mme [J] apposant l'un et l'autre leur signature au verso du chèque.

Le 13 décembre 2005, Mme [J] a ouvert un compte auprès de cette même banque MARTIN MAUREL et y a déposé un chèque de 40'000 € établi à son ordre par M. [P] .

Par requête du 12 février 2007, Mme [J] a sollicité du président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la désignation de deux huissiers pour vérifier auprès du directeur du casino municipal d'Aix-en-Provence et celui de la BONASSE LYONNAISE DE BANQUE l'identité de la personne ayant encaissé le chèque de 110'000 € à sa place .

Par ordonnance du 13 février 2007 , il a été fait droit à sa demande.

Le 6 mars 2007, M. [P] est décédé.

Le 28 juillet 2007, par lettre adressée au Procureur de la République d'Aix-en-Provence, Mme [J] a porté plainte contre toute personne , X , susceptible d'avoir encaissé son chèque à son détriment.

Le 22 février 2008, cette plainte a été classée sans suite par le Parquet faute d'éléments suffisants pour caractériser l'infraction dénoncée.

Par acte du 8 décembre 2008, Mme [J] a fait assigner la banque MARTIN MAUREL devant le juge des référés du tribunal d'Aix-en-Provence pour l'entendre condamner en paiement du chèque de 110'000 € outre autres sommes.

Par ordonnance du 27 janvier 2009, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a condamné Mme [J] aux dépens et en paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 6 décembre 2010, Mme [J] a fait assigner la banque MARTIN MAUREL pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 110'000 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2005 et autres indemnités à raison de sa faute consistant en l'endossement d'un chèque barré sur un compte autre que le sien, la banque concluant pour sa part à son débouté au regard sa communauté d'intention avec M. [P].

Par jugement du 20 septembre 2012, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

' condamné la BANQUE MARTIN MAUREL à payer à Mme [J] la somme de

110'000 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2008

' débouté Mme [J] de sa demande en dommages-intérêts

' condamné la BANQUE MARTIN MAUREL à payer à Mme [J] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

' condamné la BANQUE MARTIN MAUREL aux dépens.

Le 26 septembre 2012, la BANQUE MARTIN MAUREL a interjeté appel de cette décision.

Depuis lors, par ordonnance de référé du 26 octobre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a autorisé la banque MARTIN MAUREL à consigner la somme de 110'000 € outre intérêts pour garantir l'exécution des condamnations prononcées à son encontre.

**

Dans ses dernières écritures, la BANQUE MARTIN MAUREL sollicite la réformation en tous points du jugement rendu et, statuant à nouveau :

Au principal :

' le débouté de Mme [J]

À titre subsidiaire :

' la déduction de la somme perçue de 40'000 € du montant des dommages-intérêts susceptibles de lui être alloués au titre d'un préjudice seulement lié à la perte d'une chance

En tout état de cause :

' la condamnation de Mme [J] aux dépens et en paiement de la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, la BANQUE MARTIN MAUREL se prévaut :

' du consentement de Mme [J] aux opérations qu'elle dénonce , n'ayant jamais été abusée par M. [P] mais bien au contraire gratifiée par celui-ci à hauteur d'une somme de 40'000 € après qu'elle ait accepté de lui transmettre la provision du chèque.

' du caractère tardif de sa dénonciation survenue après le décès de M. [P]

' de l'absence de toute action dirigée contre les enfants de M. [P] , pourtant eux aussi bénéficiaires de sommes provenant du gain à hauteur de 60'000 €.

**

Dans ses dernières écritures déposées le 8 mars 2013, Mme [J] sollicite la confirmation du jugement du 20 septembre 2012 en ce qu'il a prononcé la condamnation de la banque en paiement de la somme de 110'000 € et celle de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre qu'aux dépens .

Elle sollicite son infirmation et , statuant à nouveau :

'fixer le point de départ des intérêts sur la somme de 110'000 € à compter du 8 décembre 2005, date de l'encaissement erroné du chèque, ou à compter de la première réclamation judiciaire du 5 décembre 2008 devant le juge des référés

' condamner la BANQUE MARTIN MAUREL en paiement de la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel subi

' condamner la BANQUE MARTIN MAUREL en paiement de la somme de 4000 €

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

À l'appui de ses prétentions, Mme [J] se prévaut :

' de la faute commise par la banque d'avoir procédé à l'endossement d'un chèque barré au profit d'un tiers au mépris des dispositions légales

' de la reconnaissance par la banque elle-même de sa faute , ceci valant aveu judiciaire et engagement de sa responsabilité

' de son absence de consentement à l'endossement du chèque

' de l'importance de son préjudice né de la perte d'un gain légitime et de la résistance abusive de la banque.

Sur quoi

Il est établi que le 5 décembre 2005 Mme [J] a gagné au jeu la somme de 117'160,40 € alors qu'elle se trouvait à une machine à sous du casino d'[Localité 1] avec son compagnon M. [P] , joueur habituel , lequel s'était momentanément absenté .

La maison de jeu lui a remis un chèque barré de 110'000 € tiré sur la banque CIC .

En application des dispositions de l'article L. 131 45 du code monétaire et financier , ce chèque barré n'est payable seulement qu'à un banquier ou au client de la banque sur lequel il est tiré, sans possibilité d'encaissement au profit d'autres personnes.

Ce nonobstant, le lendemain 6 décembre 2005, M. [P] et Mme [J] se sont rendus ensemble à l'agence marseillaise de la banque MARTIN MAUREL où ce dernier dispose d'un compte et ont obtenu de la responsable d'agence l'endossement du chèque au profit de M. [P] , ce dernier ainsi que Mme [J] apposant leur signature à son verso pour avaliser l' opération.

Quelques jours plus tard, le 13 décembre 2005 , Mme [J] retournait à cette même agence où elle ouvrait un compte personnel pour y déposer un chèque de 40'000 € émis le 12 décembre 2005 à son ordre par M [P].

Pour condamner la banque MARTIN MAUREL à payer le chèque à son véritable bénéficiaire , soit Mme [J] à l'ordre duquel il avait été émis, le jugement querellé relève que l'établissement bancaire a commis une faute responsable de la perte de la provision .

En effet, la banque a reconnu avoir commis une faute pour s'être départie des obligations de l'article L. 135-45 du code monétaire et financier et indique dans ses conclusions que :

« l'opération inadéquate (encaissement de chèque barré sur un compte d'un tiers) constitue une carence de l'employé (de la banque) ayant réalisé l'opération engageant la responsabilité de la banque » .

Pour autant, cette responsabilité ne peut être recherchée qu'à concurrence du préjudice que le comportement fautif a pu occasionner.

Pour admettre que la banque soit tenue à restitution intégrale des sommes versées par erreur sur le compte de M. [P] , encore faut-il que cette erreur ait été faite au préjudice de celle qui s'en plaint. L'examen du déroulement des faits permet cependant de retenir que Mme [J] a acquiescé au dépôt des sommes qu'elle avait gagnées sur le compte de M. [P] qui n'était autre que son compagnon.

Cette dernière s'est présentée avec lui le lendemain de l'émission du chèque devant la responsable de l'agence bancaire qui a procédé à son encaissement au profit de M. [P] , Mme [J] lui apparaissant tout à fait consentante à cette opération, ce dont sa signature au verso du titre de paiement suffit à rendre compte quand bien même cet endossement serait irrégulier.

Au demeurant, Mme [J] est retournée à l'établissement bancaire quelques jours plus tard , sans élever d' observations par rapport à une opération qu'elle aurait effectuée sous la contrainte , mais, au contraire , pour y ouvrir un compte afin d'y déposer un chèque de

40'000 € émis à son ordre par M. [P] , lequel s'analyse alors comme une répartition convenue de son gain.

Ce n'est que près deux ans plus tard et dans la période du décès de M. [P] que Mme [J] s'est enfin enquis , non sans une certaine mauvaise foi, de la personne qui avait encaissé le chèque en ses lieux et place , sollicitant du président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence la désignation de deux huissiers pour ce faire et en portant successivement plainte contre X auprès du procureur de la république.

Cependant, il résulte de la signature non contestée de Mme [J] au verso du chèque , de la déposition du responsable de l'agence de la banque MARTIN MAUREL et de la propre déclaration de Mme [J] aux services de police que celle-ci n'a jamais ignoré qui était la personne bénéficiaire de la provision.

Son inaction pendant deux ans et sa plainte entreprise seulement après le décès de son compagnon , comme les éléments recueillis démontrent à l'évidence que cette dernière était consentante à l'opération qu'elle incrimine à faute de la banque alors que cette faute n'a aucunement participé à un préjudice inexistant et purement allégué de mauvaise foi.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions , Mme [J] déboutée de l'ensemble de ses demandes principale comme accessoires et condamnée aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la banque MARTIN MAUREL la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'avoir contrainte à exposer des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, publiquement et contradictoirement :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- déboute Mme [J] de l'ensemble de ses demandes

- condamne Mme [J] à payer à la BANQUE MARTIN MAUREL la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- la condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Laurent Sider.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/17982
Date de la décision : 23/05/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/17982 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-23;12.17982 ?
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