La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2013 | FRANCE | N°11/20692

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 23 mai 2013, 11/20692


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2013



N° 2013/351

AB











Rôle N° 11/20692





SA CHACOK DEVELOPPEMENT





C/



[S] [K]













































Grosse délivrée le :



à :



Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE >


Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 08 Novembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1201.







APPELANTE



SA CHACOK DEVELOPPEMENT, demeu...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2013

N° 2013/351

AB

Rôle N° 11/20692

SA CHACOK DEVELOPPEMENT

C/

[S] [K]

Grosse délivrée le :

à :

Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE

Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 08 Novembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1201.

APPELANTE

SA CHACOK DEVELOPPEMENT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [S] [K], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assistée de Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Avril 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Alain BLANC, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2013.

Signé par Monsieur Alain BLANC, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La S.A CHACOK DÉVELOPPEMENT est régulièrement appelante d'un jugement rendu le 8 novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de GRASSE qui l'a condamnée à payer à Madame [S] [K], son ancienne salariée, les sommes de 40 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour inobservation des critères d'ordre des licenciements et sérieuse et de 700,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, la société appelante demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a:

- constaté que le motif économique invoqué à l'appui du licenciement de Madame [K] est réel et sérieux,

- constaté que la société CHACOK DÉVELOPPEMENT a respecté son obligation de reclassement,

- dit que le licenciement de Madame [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- infirmer le dit jugement pour le surplus et statuant à nouveau constater que les critères d'ordre des licenciements ont été respectés, débouter Madame [K] de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [K] demande à la Cour de:

- dire que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la société intimée à lui payer la somme de 40 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société n'avait pas respecté les critères d'ordre des licenciements et condamner la société intimée à lui payer la même somme à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Elle réclame enfin la somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les conclusions des parties oralement soutenues à l'audience;

Attendu que Madame [K] a été engagée le 21 janvier 1991 en qualité de secrétaire commerciale par la société appelante et qu'elle exerçait en dernier lieu les fonctions de secrétaire de direction bilingue anglais pour une rémunération mensuelle brute de 2 673,00 euros;

que, le 8 juillet 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement pour motif économique, la société ayant annexé à la lettre de convocation deux propositions de reclassement sur des postes de vendeuses situés à [Localité 2] et à [Localité 3];

que la salariée ayant refusé ces postes et accepté la convention de reclassement personnalisé, elle se voyait notifier son licenciement par lettre recommandée avec avis de réception datée du datée du 5 août 2010, les termes en tant les suivants:

' ( ...) La société CHACOK, créée en 1970, connaît une croissance régulière pour atteindre en 2000 un chiffre d'affaires supérieur à 18 millions d'euros. La société rencontre ses premières difficultés majeures fin 2002, avec un résultat net négatif de 4, 6 millions d'euros du en majeure partie à l'échec du parfum, mais aussi à certaines pertes exceptionnelles (fermeture de la boutique de [Localité 1]).

C'est dans ces conditions que le 23 juillet 2003, le Tribunal de Commerce d'Antibes a ouvert une procédure générale de redressement judiciaire de la SA CHACOK DÉVELOPPEMENT sur déclaration de cessation des paiements. Le Chiffre d'affaires 2004 s'élevait à 11,5 millions d'euros. Le 15 octobre 2004, le Tribunal de commerce d'Antibes accepte et entérine le plan de continuation présenté par la SA CHACOK DÉVELOPPEMENT, étalant le remboursement de sa dette à 1OO % sur 10 ans.

De 2004 à 2008, le chiffre d'affaires augmente alors progressivement pour atteindre 15,7 millions d'euros en 2008. Durant l'exercice clos au 31 décembre 2009, l'activité de la société Chacok Développement a généré un chiffre d'affaires de 14,6 millions d'euros hors taxes, accusant une baisse de l'ordre de 6,90 %. L'activité de la société permettant d'avoir une visibilité de Chiffre d'affaires avec 6 mois d'avance, il est alors confirmé que la tendance enregistrée en 2009 se poursuit en 2010 avec un chiffre d'affaires prévisionnel de 13, 4 millions d'euros, soit une nouvelle perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 9 %. Cette situation est d'autant plus délicate puisqu'il faut honorer les échéances du plan de continuation, en l'absence de tout concours bancaire. Enfin la défaillance de la Direction administrative et financière ne nous a pas permis d'avoir un pilotage normal de notre activité. Dès que la situation est devenue plus claire, la Direction Générale a immédiatement pris une série de mesures drastiques afin non seulement de pérenniser l'activité de l'entreprise mais aussi de ne pas avoir à recourir au licenciement. Au titre de ces mesures, on peut notamment citer l'abandon total du plan média pour le second semestre, la diminution des honoraires de création et de communication ainsi que la mise en place d'une politique restrictive concernant les frais sur lesquels il existait encore des leviers d'action ( déplacements, prise d'ordre, défilés .. .). D'autres mesures visant à l'augmentation et /ou à la non dégradation du Chiffre d'affaires ont également été mises en place : optimisation des moyens de déstockage, attention accrue quant à la qualité des productions et des livraisons (mise en place d'alertes quasi journalières en cas de problème), création de collections de réactualisation destinées à la vente aux distributeurs multimarques, ouverture d'une boutique en ligne prévue avant la fin de l 'exercice 2010.

Ces mesures d'économies s'étant malheureusement avérées insuffisantes, la société s'est trouvée dans l'obligation de rechercher d'autres sources d'économie. A ce titre, nous avons tenté de calquer la rémunération de notre réseau de vente en propre sur nos capacités à assumer cette rémunération ainsi que sur l'atteinte des objectifs vitaux pour la survie de l'entreprise.

Ces mesures d'économie s'étant malheureusement avérées insuffisantes, la société s'est trouvée dans l'obligation de rechercher d'autre source d'économie. La baisse de l'activité commerciale export a fait baisser le volume d'heures pour les actions que vous meniez en support pour ce service. Corrélativement, du même fait de cette baisse d'activité, les membres du service commercial se sont retrouvés avec une diminution de leur activité, leur permettant d'absorber les missions support que vous assuriez pour eux. Il ne nous était dès lors plus possible de maintenir le poste. (...) ';

Attendu que la société appelante invoque une diminution de son chiffre d'affaires de 6,90 % entre l'année 2008 et l'année 2009 et argue de prévisions de diminution de ce même chiffre de 9 % pour l'année 2010;

qu'elle fait également valoir que la baisse de l'activité commerciale ' export ' a réduit le volume d'heures des actions menées par cette salariée et que corrélativement, les membres du service commercial ont subi ne diminution de leur activité qui leur a ainsi permis d'absorber ces missions;

que c'est la raison invoquée pour l'impossibilité prétendue de maintenir le poste de travail de l'intimée;

Attendu que l'intimée fait justement observer que c'est faussement que la société appelante prétend, en raison de la diminution alléguée de son chiffre d'affaires, avoir totalement abandonné son plan média pour le second semestre de l'année 2010 alors que les éléments versés aux débats démontrent le contraire;

que l'employeur a invoqué, sans apporter les éléments matériels permettant de vérifier cette assertion, la mise en oeuvre d'autres mesures d'économies notamment la diminution des honoraires de création et de communication , la mise en place d'une politique budgétaire restrictive concernant les frais de déplacement, les frais liés aux prises d'ordre et les frais de collection ou de défilés;

que si la société pouvait invoquer des prévisions de baisse de chiffre d'affaire pour l'année 2010, il apparaît cependant que pour la période du 1 er janvier 2010 au 30 juin 2010, elle avait réalisé un chiffre d'affaires de 6 985 409,00 euros nets mais qu'elle n'a pas produit de documents permettant à la Cour d'apprécier la réalité de sa prétention concernant la baisse alléguée pour l'ensemble de l'année 2010;

Attendu que l'intimée fait ensuite observer que la société a ouvert au mois de décembre 2010 une nouvelle boutique située [Adresse 3] et qu'il était en projet l'ouverture d'une nouvelle franchise à [Localité 4];

que l'ensemble des éléments produits par la salariée , et notamment un article paru le 30 octobre 2010 sur le site Internet ' lejournaldesentreprises.com 'que la situation financière de l'entreprise n'était pas obérée, un chiffre d'affaire de 14 millions d'euros invoqué pour l'année 2004 étant décrit comme étant passé à 18,5 millions pour l'année 2009;

Attendu que l'intimée fait également valoir qu'il ressort des pièces comptables déposées par la société pour l'exercice 2010 que le résultat net a augmenté de plus de 300 %, avec un résultat d'exploitation en hausse de 93% ;

que l'ensemble des éléments non sérieusement discutés par la société appelante fait apparaître que la prétention de la société appelante selon laquelle, en deux ans, le chiffre d'affaires de la société allait accuser une baisse de 16%; et son résultat net comptable divisé par 15 n'est pas étayée;

qu'enfin, la société soutient en vain que la situation s'avérait d'autant plus inquiétante que le plan de continuation en cours imposait à la société d'honorer les échéances du plan en l'absence de tout concours bancaire alors qu'il apparaît qu'elle disposait d'une trésorerie positive substantielle de 4 millions d'euros à la fin de l'année 2009 et qu'elle ne démontre pas avoir eu besoin de recourir au crédit bancaire;

qu'il n'est en outre pas sérieusement contesté qu'elle bénéficiait également d'un crédit fournisseur non négligeable ;

qu'il apparaît également que , si le résultat net de 2009 fait état d'une baisse par-rapport à 2008, cela résulte de provisions pour risques et charges exceptionnels à hauteur de 537 398 euros;

Attendu enfin que la salariée a fait valoir, sans que l'employeur ne le conteste utilement au vu des éléments qu'elle produit, que ses fonctions ne se limitaient pas à des fonctions de secrétaire de direction et étaient particulièrement larges et polyvalentes et que la seule diminution alléguée de l'activité commerciale export (supprimant la nécessité pour le service commercial de recourir aux services de Madame [K] pour l'exercice des actions de support) ne saurait constituer un motif réel de suppression du poste de cette salariée ;

qu'il apparaît en conséquence que les difficultés économiques n'étaient pas réelles;

Attendu en outre qu'en ce qui concerne l'obligation préalable de reclassement de l'employeur, la salariée intimée fait justement observer que les deux seules propositions étaient imprécises pour ne comporter aucune indication concernant la date de transfert escompté, ses modalités et le délai de réflexion raisonnable dont disposait la salariée;

que ces deux seuls postes étaient de catégorie inférieure alors qu'il apparaît que cette salariée aurait pu être reclassée sur un poste RH ou un poste marketing, sachant que l'évaluation annuelle de ses objectifs fait également apparaître qu'elle dépendait de la direction commerciale, administrative et financière;

qu'il ressort des éléments de la cause que les recherches ont concernés des postes très éloignés alors que les copies des registres du personnel produits par la société appelante sont inexploitables et ne démontrent pas l'impossibilité prétendue de procéder au reclassement de cette salariée;

qu'ainsi, c'est justement que l'intimée fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera réformé en ce sens;

Attendu que l'intimée était âgée de 51 ans à la date du licenciement et qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de plus de 19 ans au sein de l'entreprise;

qu'elle justifie avoir été employée dans la cadre de contrats en intérim pendant plusieurs mois et justifie de nombreuses recherches infructueuses d'emploi tant en contrat de travail à durée indéterminée qu'en intérim ;

qu'elle justifie vivre seule avec un enfant adolescent à charge;

que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments , la Cour est en mesure de fixer à 60 000,00 euros la somme qui lui sera allouée en réparation du préjudice résultant de ce licenciement injustifié, le jugement étant émendé en ce sens;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Réforme le jugement déféré, et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Madame [S] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la S.A CHACOK DÉVELOPPEMENT à lui payer les sommes suivantes:

- 60 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société appelante à supporter les entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/20692
Date de la décision : 23/05/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°11/20692 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-23;11.20692 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award