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23/05/2013 | FRANCE | N°11/19638

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 23 mai 2013, 11/19638


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2013



N° 2013/435













Rôle N° 11/19638





SAS SENEQUIER SAINT-TROPEZ





C/



[V] [X]

































Grosse délivrée

le :

à :

- Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE



- Me Dominique FERRATA, avocat au barreau d

e MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 27 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/77.







APPELANTE



SAS SENEQUIER SAINT-TROPEZ, venant aux droi...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2013

N° 2013/435

Rôle N° 11/19638

SAS SENEQUIER SAINT-TROPEZ

C/

[V] [X]

Grosse délivrée

le :

à :

- Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE

- Me Dominique FERRATA, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 27 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/77.

APPELANTE

SAS SENEQUIER SAINT-TROPEZ, venant aux droits de la SAS SOCIETE D'EXPLOITATION SENEQUIER, représentée par Monsieur [O] [H], en sa qualité de Président demeurant et domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sophie BOYER MOLTO, avocat au barreau de GRASSE

INTIME

Monsieur [V] [X], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté par Me Dominique FERRATA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Avril 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Guénael LE GALLO, Président

Madame Fabienne ADAM, Conseiller

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2013 et prorogé au 23 mai 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2013.

Signé par Monsieur Guénael LE GALLO, Président et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Embauché par la SARL SENEQUIER en qualité de serveur, dans le cadre de contrats à durée déterminée du 2 mai 1993 au 14 novembre 1993, du 27 mars 1994 au 13 novembre 1994, et du 1er avril 1995 au 17 novembre 1995, suivis d'un contrat de travail à durée indéterminée non écrit à compter du 18 décembre 1995, formalisé par la signature le 1er mars 2006 d'un contrat écrit qui a été modifié par avenant signé le 25 juin 2009, Monsieur [V] [X], devenu responsable de salle, a été licencié pour faute grave par lettre du 26 décembre 2009.

Contestant son licenciement et réclamant le paiement d'un solde de prime d'intéressement, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus, en référé, le 21 décembre 2009, et au fond, par requête reçue le 16 février 2010 et conclusions écrites ampliatives, afin de voir condamner l'employeur à lui payer plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par ordonnance de référé du 22 février 2010, le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à lui payer la somme de 1.881,06 € à titre de reliquat de prime d'intéressement (juillet à octobre 2009), outre une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 10 janvier 2011, la cour de céans a constaté l'incompétence de la formation de référé, a renvoyé les parties devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Fréjus et a condamné Monsieur [X] à payer à la société SENEQUIER la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 octobre 2011, assorti de l'exécution provisoire, le conseil de prud'hommes a dit que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la S.A.S. SENEQUIER à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2010 :

' indemnité de licenciement 14.010,27 €

' indemnité de préavis 7.700,30 €

' congés payés y afférents 770,03 €

' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 46.201,81 €

' dommages et intérêts pour préjudice moral 5.000,00 €

' rappel de salaire sur mise à pied conservatoire 1.285,82 €

' article 700 C.P.C. 3.000,00 €

La S.A.S. SENEQUIER SAINT-TROPEZ venant aux droits de la S.A.S. Société d'exploitation SENEQUIER a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 15 novembre 2011, et par acte du 28 février 2012, elle a saisi en référé le premier président de la présente cour d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Cette demande a été rejetée par décision du 26 mars 2012, la consignation de la somme de 74.968,41 € auprès de la Caisse de dépôts et consignations étant toutefois ordonnée.

Dans ses conclusions écrites soutenues oralement à l'audience, faisant valoir qu'au début du mois de décembre 2009, elle a découvert qu'une véritable organisation frauduleuse avait été mise en place entre plusieurs serveurs, avec la nécessaire complicité de Monsieur [X] en sa qualité de responsable de caisse et responsable de salle, en vue de soustraire une partie des recettes qui étaient perçues en espèces auprès de la clientèle sans l'édition d'un ticket de caisse, et ajoutant que, si sa plainte du chef de vols en réunion déposée auprès du procureur de la République de Draguignan le 18 mars 2010 a été classée le 17 juin 2011, l'instruction relative à la plainte avec constitution de partie civile qui a suivi ce classement se poursuit, la société appelante demande à la cour, à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à la décision pénale.

Subsidiairement, exposant que les faits constatés le 18 juillet 2009 nécessitaient des vérifications approfondies, qu'elle a engagé la procédure de licenciement dès qu'elle a acquis la certitude que Monsieur [X] avait commis des fautes graves, que celui-ci ne saurait donc se retrancher derrière une prétendue prescription et que son licenciement est parfaitement justifié, qu'enfin les demandes à titre de complément de prime d'intéressement et d'heures supplémentaires ne sont pas fondées, l'appelante demande à la cour de débouter l'intimé de l'ensemble de ses réclamations.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la confirmation de l'ordonnance de référé concernant le rappel de prime d'intéressement et, en tout état de cause, elle demande de condamner Monsieur [X] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Répliquant, dans ses écritures plaidées à l'audience, que la plainte déposée par la société SENEQUIER a été classée sans suite au terme de l'enquête préliminaire, qu'en l'absence d'un quelconque élément nouveau, la demande de sursis à statuer est purement dilatoire, que les faits du 18 juillet 2009 pour lesquels il a été licencié étaient prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement et qu'au surplus, ils ne sont pas établis, que par ailleurs ses demandes à caractère salarial et indemnitaire sont dûment justifiées, l'intimé demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner l'appelante à lui payer les sommes suivantes :

' rappel d'heures supplémentaires36.752,48 €

' congés payés afférents 3.675,24 €

' indemnité pour travail dissimulé 29.220,00 €

' dommages-intérêts pour repos hebdomadaires non pris 14.145,13 €

' rappel de prime sur le chiffre d'affaires 2009 1.881,06 €

' indemnité de licenciement 15.325,33 €

' indemnité de préavis 9.740,00 €

' congés payés afférents 974,00 €

' dommages-intérêts pour licenciement abusif 92.403,62 €

' article 700 C.P.C. 3.500,00 €

Le président ayant invité les parties à justifier au cours du délibéré de l'ouverture et de la poursuite de l'instruction pénale relative à la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société SENEQUIER, cette société a transmis les éléments requis par l'intermédiaire de son conseil.

MOTIFS DE L'ARRÊT

- sur les heures supplémentaires

Il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail accomplies n'incombe spécialement à aucune des parties. S'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, l'employeur doit fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

En l'espèce, Monsieur [X], qui était rémunéré pour une durée mensuelle de travail de 169 heures et qui affirme avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires non réglées, verse aux débats au soutien de sa demande :

- un décompte hebdomadaire des heures de travail qu'il dit avoir réellement accomplies du 12 mars 2007 au 15 novembre 2009 ;

- les témoignages de plusieurs serveurs ([L], [Z], [G], [E]), déclarant qu'il travaillait une dizaine d'heures par jour, six jours par semaine ;

- ses feuilles de présence (2007 et 2008) et de décompte journalier de la durée du travail avec récapitulatif hebdomadaire (2009), non signées par l'employeur, mentionnant selon lui ses heures de travail réellement effectuées ;

- une lettre de l'inspecteur du travail en date du 27 avril 2010, indiquant avoir fait le constat suivant à son sujet, lors de sa visite dans l'entreprise, le 9 novembre 2009 : 'Une étude des pointages journaliers et hebdomadaires fait apparaître un nombre d'heures supplémentaires pour une majorité de salaires. Ces heures enregistrées sur les pointages ne sont pas mentionnées sur les bulletins de paie.'

Si l'employeur en discute la portée et la sincérité, ces éléments sont néanmoins suffisants pour étayer la demande.

Alors qu'il lui appartient de justifier les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié, l'employeur ne produit aucun élément.

En conséquence, il sera fait droit à la demande précisément chiffrée à la somme totale brute de 13.175,81 € (2007) + 11.334,05 € (2008) + 12.242,61 € (2009) = 36.752,48 €, l'indemnité de congés payés y afférents s'établissant à 3.675,24 €.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

- sur le travail dissimulé

L'intention de l'employeur de se soustraire à l'obligation de mentionner sur les bulletins de paie toutes les heures de travail réellement accomplies résultant de la durée de l'omission et du volume d'heures éludées, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué au salarié l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail en cas de rupture, et celle-ci sera réévaluée à la somme de 29.220,00 €.

- sur le rappel de prime

L'avenant litigieux, produit par le salarié en original et signé par les parties le 25 juin 2009, est ainsi libellé :

'Votre contrat de travail conclu le 18 décembre 1995 avec la SARL A. Senequier, remplacé à l'identique par votre nouveau contrat avec la SAS d'Exploitation Senequier en date du 01/03/2006, est modifié dans ses dispositions concernant votre mode de rémunération.

Vous n'avez plus effectivement de contacts directs avec la clientèle, puisque vous êtes responsable de salle. Vous passerez donc d'une rémunération variable calculée actuellement sur une répartition du service à une rémunération mensuelle fixe, assortie d'un intéressement sur le résultat global de la salle, calculé chaque année à la fin de la saison.

La rémunération fixe mensuelle brute s'établit à 2.895 euros. Elle sera complétée annuellement par une prime calculée sur le chiffre d'affaire global réalisé par l'ensemble de la salle, de façon à vous garantir au moins la même rémunération que si vous étiez resté au salaire au pourboire (sur la base de l'exercice 2007/2008).

Cette modification prendra effet à compter du 1er juillet 2009.'

Alors que l'appelante fait valoir à juste titre que, pour calculer le montant de cette prime, il y a lieu de comparer les salaires fixes versés à Monsieur [X] pendant la période du 1er juillet 2009, date d'application de l'avenant, au 31 octobre 2009, terme de l'exercice, avec l'ensemble de la rémunération, fixe et variable, que celui-ci a perçue pendant la même période de l'année précédente, et qu'elle justifie avoir réglé à l'intéressé à ce titre la somme de 7.088 € sur son bulletin de paie mois de novembre 2009, conformément au décompte du cabinet comptable TRINTIGNAC qu'elle verse aux débats, le salarié ne justifie pas son propre décompte, qui a été établi sans tenir compte des termes de l'avenant.

Cette demande nouvelle en cause d'appel sera rejetée.

- sur les repos hebdomadaires

S'il résulte des débats qu'il n'a pas bénéficié des deux jours de repos hebdomadaires prévus à son contrat de travail pendant la période de mai 2007 à octobre 2009 visée dans sa demande et s'il a nécessairement subi un préjudice à ce titre, le salarié n'est pas fondé à réclamer des dommages et intérêts équivalents au montant des salaires afférents, dont il a par ailleurs réclamé le paiement à titre d'heures supplémentaires.

En conséquence, son préjudice afférent sera indemnisé par une somme de 1.500 € et il sera ainsi partiellement fait droit à sa demande indemnitaire distincte de ce chef en cause d'appel.

- sur la cause du licenciement

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, mis à pied à titre conservatoire et convoqué par courrier du 10 décembre 2009 à un entretien préalable fixé au 21 décembre 2009, Monsieur [X] a été licencié pour faute grave par lettre du 26 décembre 2009, signée par Monsieur [O] [H] et ainsi motivée :

'Le 18 juillet 2009, un incident grave a été découvert par [C] [H] alors en poste au Glacier qui jouxte la terrasse de Sénéquier.

Ainsi, il s'est aperçu en soirée qu'un Serveur, Monsieur [I] [Y], déposait à trois tables différentes des consommations sans tickets de caisse.

Le système informatique est ainsi sophistiqué qu'il est impossible pour un Serveur de taper ses commandes sur son «pokky» sans qu'immédiatement, la commande parte à l'office ou au bar et qu'un TICKET DE CAISSE correspondant soit concomitamment édité, de sorte que le plateau ne doit pas et ne peut pas être servi sans ticket.

Ce jour là, en votre qualité de Responsable de Salle, vous teniez la Caisse, comme d'habitude, en soirée et ne pouviez donc pas ne pas avoir vu qu'un plateau sans ticket passait devant votre Caisse.

Cette grave défaillance s'est confirmée lorsque [C] [H] a demandé des explications au Serveur, Monsieur [Y], qui décontenancé, s'est empressé de taper maladroitement sur son «pokky» les consommations qu'il avait déjà servies, oubliant d'ailleurs dans sa précipitation d'en facturer une.

Au même moment à la Caisse, vous vous êtes aperçu que le Serveur avait été démasqué.

Avec un empressement incontrôlé, vous vous êtes dépêché d'inscrire les commandes sur l'écran tactile, sauf que vous vouliez faire très vite et que vous avez regroupé les trois tables en un seul ticket. Comment avez-vous pu remettre à chaque client son ticket détaillé faisant ressortir toutes les mentions légales ' Ceci prouve incontestablement que vous étiez parfaitement au courant de la sortie des consommations sans ticket par le Serveur. Enfin puisque les consommations sont sorties sans être facturées, il n'a pas été possible de retrouver non plus, à l'office ou au bar, les bons de préparation respectifs.

Compte tenu que la saison battait son plein, il était alors trop compliqué pour la Direction d'enquêter de façon plus approfondie sur ce type d'agissement dont le seul but est évidemment le détournement du prix d'un certain nombre de plateaux, pour lesquels il n'y a jamais de ticket.

J'ai donc décidé, pour éviter toute suspicion, dès le 19 juillet, d'assumer la responsabilité de la Caisse le soir et ceci jusqu'à ce jour.

Manifestement cela ne vous a pas plu et comme certains Serveurs, en rétorsion, vous avez exercé des pressions sur le Personnel de sorte qu'une ambiance épouvantable s'en est dégagée, générant des tensions insupportables pour tous y compris, d'ailleurs, pour l'Employeur et encore plus pour sa Clientèle.

C'est également au même moment que vous vous êtes autorisé des insultes d'une vulgarité inacceptable devant témoins, à l'égard de mon fils qui venait de découvrir un dysfonctionnement grave quant à la procédure d'encaissement au sein de la Brasserie. Vous avez une autre fois menacé le personnel à haute voix de l'intervention de vos amis Toulonnais pour intimider l'ensemble du personnel.

- La société a donc profité de sa fermeture pour congés du 16 novembre 2009 au 11 décembre 2009 pour mener une enquête auprès d'anciens Salariés et de Salariés en cours d'exécution de leur contrat de travail pour savoir si ces pratiques dont le but est, évidemment le détournement des encaissements de consommations, leur étaient connues au sein de l'établissement et depuis quand.

A ma grande surprise, j'ai découvert alors qu'une véritable organisation avait été mise en place depuis déjà bien longtemps entre plusieurs Serveurs et nécessairement avec votre bénédiction, en votre qualité de Responsable de Salle et Responsable de la Caisse en soirée.

Certains Salariés se sont même aperçus qu'après l'incident du 18 juillet, certains plateaux continuaient à passer sans ticket, même si c'était en nombre nécessairement moins important du fait de mes heures de présence.

Dans le même temps la Direction n'a pourtant pas été informée car le Personnel disait craindre les rétorsions qu'il pouvait subir à cause de votre pression sur les Salariés.

- Enfin, l'exercice social de la société étant clos au 31 octobre 2009, j'ai profité de la période de fermeture de l'établissement pour reprendre des états comptables et établir des pointages sur différentes familles de produits parmi les plus identifiables.

La Comptabilité est révélatrice.

Il a donc été découvert des variations très importantes dans les ratios «achats/ventes» entre la période où la Caisse était tenue par vous, soit du 1er novembre 2008 au 18 juillet 2009, et la période où la Caisse était tenue par moi-même, soit du 19 juillet 2009 au 31 octobre 2009.

Il en est de même d'ailleurs, concernant l'évolution du chiffre d'affaires.

Il en résulte le constat suivant, à savoir que, quel que soit votre rôle et votre implication, qu'il s'agisse d'une connivence avec des Serveurs, barmen ou officiers ou d'un manquement à vos obligations, en votre qualité de Responsable de Salle, il s'agit dans les deux cas d'une faute grave ne permettant plus la poursuite de nos relations contractuelles.

Je me réserve d'ailleurs la possibilité d'un dépôt de plainte avec constitution de partie civile afin que soit déterminée la responsabilité de chacun.

A cela, il conviendra simplement d'ajouter que vous avez développé une véritable volonté de nuire à mon égard, celui de la société et bien sûr de la Clientèle ; il en va pour preuve la remise à l'Inspection du Travail de feuilles de présence, non revêtues du cachet de l'entreprise et encore moins de ma signature, en mon absence et à mon insu, de sorte que ces documents ont très probablement été montés de toutes pièces par vous puisqu'ils sont écrits de votre main et que vous aviez pour attribution la gestion de plannings horaires des Serveurs, placés sous votre autorité.

De plus j'ajouterai que le réflexe normal qui aurait dû être le vôtre aurait été de m'appeler à l'arrivée de l'inspecteur du travail (j'habite à 10 mn du Port) et à défaut de lister les documents remis et en demander décharge et enfin de m'informer dès mon retour de ce que vous aviez fait. Au lieu de cela, c'est à ma demande, près de 24 heures plus tard que vous m'avez très évasivement informé des événements de la veille.

En l'état de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre contrat de travail prendra fin à la date de la notification de la présente sans indemnité de licenciement ni préavis (...)'

Il résulte des termes mêmes de cette lettre qu'à la suite des faits constatés le 18 juillet 2009 et aussitôt portés à sa connaissance, l'employeur n'a entrepris des vérifications qu'à partir du 16 novembre 2009, date de fermeture de l'établissement pour congés annuels, au motif inopérant que 'la saison battait son plein (et qu') il était alors trop compliqué pour la Direction d'enquêter de façon plus approfondie sur ce type d'agissement'.

S'il produit sa lettre recommandée adressée au salarié le 10 octobre 2009, réitérant sa demande de rapport écrit déjà formulée dans un précédent courrier du '6 courant', concernant 'l'incident survenu le 18 juillet vers 22h40', à laquelle l'intéressé a répondu de manière circonstanciée par courrier recommandé du 22 octobre 2009, l'employeur n'allègue pas ni ne justifie avoir accompli auparavant une quelconque autre diligence afin de vérifier la réalité et le degré de gravité des faits litigieux, en sorte que, sa plainte auprès du procureur de la République ayant été déposée le 18 mars 2010, et sa plainte avec constitution de partie civile ayant donné lieu à une ordonnance de consignation en date du 19 janvier 2012, les faits reprochés étaient prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement, le 10 décembre 2009, étant observé que leur réitération affirmée dans la lettre de licenciement, alors même qu'aux termes de cette lettre, Monsieur [X] n'a plus exercé les fonctions de responsable de caisse, ne résulte d'aucun élément de la cause.

Les insultes reprochées dans la lettre de licenciement, qui auraient été proférées par le salarié le 19 juillet 2009, selon l'attestation d'un client versée aux débats, sont également prescrites.

Enfin, la remise par Monsieur [X] à l'inspecteur du travail qui a visité l'entreprise, le 9 novembre 2009, de feuilles de présence non signées par l'employeur, sans que celui-ci n'en soit immédiatement avisé, n'est pas fautive.

En conséquence, l'issue de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société SENEQUIER n'étant pas susceptible d'influer sur la solution du litige compte tenu de la prescription des faits reprochés et le sursis à statuer n'apparaissant pas nécessaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- sur ses conséquences

Son licenciement n'étant pas justifié, le salarié est fondé à réclamer le paiement du salaire retenu pendant la période de mise à pied conservatoire.

Sur la base d'un salaire mensuel brut de référence exactement fixé à 4.870 € compte tenu des heures supplémentaires, l'indemnité de préavis sera réévaluée à la somme brute de 9.740 € et l'indemnité de congés payés y afférents à la somme de 974 €.

Le salarié ayant exactement fixé son ancienneté à 14 ans et 11 mois, conformément à ses bulletins de paie mentionnant une ancienneté au 01/04/1995, l'indemnité de licenciement sera portée à la somme de 15.325,33 € conformément à la demande modifiée en cause d'appel et non discutée par l'employeur dans son montant.

Alors âgé de 41 ans, titulaire d'une ancienneté supérieure à deux ans dans l'entreprise qui employait au moins onze salariés, Monsieur [X] justifie avoir perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 15 janvier 2010 au 30 novembre 2011, fixée en dernier lieu à un montant brut journalier de 74,48 €, et déclare s'être ensuite installé à son propre compte.

Compte tenu de l'ensemble des éléments de la cause, vu l'article L. 1235-3 du code du travail, une seule somme de 50.000 € lui sera allouée à titre de dommages et intérêts, tant en réparation de son préjudice financier résultant de la perte de son emploi que de son préjudice moral.

Le jugement sera ainsi partiellement infirmé de ces chefs.

- sur les intérêts des sommes allouées

Les sommes allouées à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, d'heures supplémentaires et d'indemnités de rupture porteront intérêts au taux légal à compter du 16 février 2010, date de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à compter de la date du jugement, et les autres sommes à compter du présent arrêt.

- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Ces dispositions du jugement seront confirmées, sauf à préciser que l'indemnité allouée au salarié au titre de ses frais irrépétibles de première instance couvrira ses frais irrépétibles d'appel, tandis que l'employeur sera débouté de sa propre demande sur ce fondement en cause d'appel et supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi qu'en ses dispositions relatives au rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Infirme ce jugement pour le surplus, statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la S.A.S. SENEQUIER SAINT-TROPEZ venant aux droits de la S.A.S. Société d'Exploitation SENEQUIER à payer à Monsieur [X] les sommes suivantes :

' heures supplémentaires 36.752,48 €

' congés payés afférents 3.675,24 €

' indemnité pour travail dissimulé 29.220,00 €

' indemnité de préavis 9.740,00 €

' congés payés afférents 974,00 €

' indemnité de licenciement 15.325,33 €

' dommages-intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires 1.500,00 €

' dommages-intérêts au titre de la rupture (toutes causes confondues) 50.000,00 €

Dit que les sommes allouées à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, d'heures supplémentaires et d'indemnités de rupture porteront intérêts au taux légal à compter du 16 février 2010, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à compter de la date du jugement, et les autres sommes à compter du présent arrêt,

Déboute Monsieur [X] de sa demande de rappel de prime,

Dit que l'indemnité allouée au salarié au titre de ses frais irrépétibles de première instance couvrira ses frais irrépétibles d'appel,

Rejette la demande de l'appelante sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne celle-ci aux dépens d'appel.

LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 11/19638
Date de la décision : 23/05/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°11/19638 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-23;11.19638 ?
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