COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 16 MAI 2013
N° 2013/401
S. K.
Rôle N° 12/14761
[V] [E]
C/
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE 'LES FORESTIÈRES'
[Adresse 4]
Grosse délivrée
le :
à :
Maître CHETRITE
Maître SIMONIAN
Maître DUREUIL
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 17 Juillet 2012 enregistrée au répertoire général sous le N° 12/00683.
APPELANT :
Monsieur [V] [E]
né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 3]
[Localité 1]
représenté et plaidant par Maître Guy CHETRITE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉES :
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE 'LES FORESTIÈRES',
dont le siège est [Adresse 2]
représentée et plaidant par Maître Sonnia SIMONIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMMUNE DE VENELLES,
prise en la personne de son Maire en exercice,
domicilié en cette qualité [Adresse 5]
représentée et plaidant par Maître Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Avril 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Serge KERRAUDREN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, président
Monsieur André JACQUOT, conseiller
Madame Laure BOURREL, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2013.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2013,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Par arrêt du 30 septembre 2010, cette cour a notamment dit qu'était parfaite la vente passée entre le directeur des services fiscaux et Monsieur [V] [E] d'une parcelle sise à [Adresse 7] (Bouches-du-Rhône), section BX numéro [Cadastre 1], lieudit '[Adresse 6]'. Se plaignant de ce que cette parcelle avait fait l'objet d'une appropriation illicite par l'association syndicale libre 'Les Forestières' (l'ASL), Monsieur [E] a saisi en référé le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence à l'effet d'obtenir, pour l'essentiel, qu'il soit fait interdiction à l'ASL sous astreinte d'user et jouir de sa parcelle, qu'elle soit condamnée sous astreinte à supprimer ou faire supprimer tous les aménagements effectués sur la même parcelle et à remettre les lieux en état d'origine, qu'elle soit condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle en cas d'occupation illicite, et que soit ordonnée une expertise.
Par ordonnance du 17 juillet 2012, la juridiction a rejeté les prétentions de Monsieur [E] et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer à l'ASL la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [E] a relevé appel de cette ordonnance et il a conclu le 8 mars 2013.
L'ASL, de son côté, a conclu le 4 avril 2013 et la commune de Venelles le 29 octobre 2012.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS
Attendu que l'ASL reprend, devant la cour, le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative ; que la commune de Venelles soutient, pour sa part, que la demande d'enlèvement d'aménagements constituant des ouvrages publics se heurte à une contestation sérieuse ; que, de son côté, Monsieur [E] estime que les ouvrages ont été réalisés par le lotisseur, de manière illicite, sur sa propriété et qu'il ne s'agit pas d'ouvrages publics ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que la parcelle BX [Cadastre 1] (anciennement E [Cadastre 2]) ne fait pas partie de celles transférées par le lotisseur à l'ASL ; que, par lettre du 21 août 1986, le maire de [Localité 4] a donné son accord au lotisseur pour que soient établis sur cette parcelle tous éléments de voirie desservant le lotissement envisagé ainsi que l'assiette d'équipements publics et notamment un bassin de rétention; que la parcelle a fait l'objet d'une intégration dans le domaine communal par délibération du 14 février 1995 du conseil municipal de [Localité 4] ;
Attendu que le permis de lotir des résidences de la Brianne, du 28 juillet 1986, expose que les équipements publics ont été réalisés solidairement par les aménageurs de ces résidences et des Forestières et remis gratuitement à la commune de Venelles ; qu'il y est fait état d'opérations effectuées sur le territoire de la commune, en accord avec ses services techniques (voirie, assainissement, éclairage public, bassin de rétention, espace public en vue de la réalisation ultérieure d'une placette publique, etc.) ; qu'il ressort notamment de l'étude hydraulique présentée à la commune en juillet 2008 que celle-ci compte plusieurs bassins d'orage qui servent à la régulation des épisodes de crues, et notamment le bassin de rétention précité ; qu'il n'est par ailleurs pas discuté que des réseaux publics d'eaux de pluie passent sous la parcelle, tous éléments affectés à l'utilité générale ;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que les actes dont se plaint Monsieur [E], même s'ils n'émanent pas directement d'une personne publique, ont pour origine le fait d'une personne privée participant à l'action administrative ; qu'il ne peut donc s'agir que d'une emprise résultant d'une prise de possession manifestement irrégulière, puisque Monsieur [E] n'invoque pas la voie de fait, d'ailleurs écartée par l'arrêt de la cour du 30 septembre 2010 qui a confirmé ses droits de propriétaire de la parcelle en cause;
Attendu que, si la juridiction judiciaire est compétente pour assurer la réparation pécuniaire du préjudice causé par une emprise irrégulière, elle est en revanche incompétente pour ordonner des expulsions ou des restitutions dans ce cas, ou la suppression d'un ouvrage public ; qu'il s'ensuit que les demandes formées par Monsieur [E], qui ne le sont pas à titre provisionnel en vue de son indemnisation du préjudice subi, échappent à la compétence de cette juridiction ;
Attendu en revanche que l'appelant a un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile d'obtenir l'organisation d'une expertise notamment au contradictoire de l'A.S.L., dont il rappelle à bon droit qu'elle a obtenu le transfert à son profit de la propriété des biens, équipements et réseaux divers communs du lotissement, succédant aux droits et obligations du lotisseur ; que les résultats de la mesure d'instruction lui permettront, le cas échéant, d'engager une action en vue de la réparation de son préjudice à l'encontre de l'une et/ou l'autre des parties à cette instance ; que la mission de l'expert sera précisée au dispositif du présent arrêt ;
Attendu enfin qu'il n'est pas contraire à l'équité que chaque partie supporte ses frais irrépétibles de procédure ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Réforme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Se déclare incompétente pour se prononcer sur les demandes de Monsieur [E], à l'exception de celle fondée sur l'article 145 du code de procédure civile,
Ordonne une expertise,
Commet pour y procéder :
Monsieur [T] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
avec mission de :
- se rendre sur les lieux, entendre les parties,
- examiner les titres et toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
- décrire la parcelle cadastrée section BX n° [Cadastre 1], sise à [Adresse 7], tant au jour de l'assignation du 24 avril 2012 qu'à la date du 2 avril 1999,
- décrire les ouvrages et aménagements implantés sur la parcelle et leur mode de gestion,
- déterminer les travaux de remise en état de la parcelle dans son état antérieur à la réalisation des ouvrages et aménagements du lotissement, la durée et le coût des travaux,
- fournir tous éléments d'appréciation du préjudice subi, le cas échéant, par Monsieur [E],
'Dit que le contrôle de l'expertise ordonnée est dévolu au président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ou à son délégataire chargé du contrôle des expertises à qui une expédition du présent arrêt sera transmise.
'Dit que Monsieur [E] devra consigner à peine de caducité au greffe du tribunal de grande instance à qui est dévolu le contrôle de l'expertise dans le délai de 1 mois à compter de l'avis donné par le greffe en application de l'article 270 du nouveau code de procédure civile, la somme de 4.000,00 €uros (quatre mille euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert.
'Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours.
'Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au président du tribunal de grande instanced'Aix-en-Provence ou son délégataire, la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire.
'Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, se faire assister d'un sapiteur d'une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la cour de céans.
'Désigne le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ou son délégataire pour contrôler l'expertise ordonnée.
'Dit que l'expert devra déposer au greffe du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence rapport de ses opérations dans le délai de 4 mois à dater de l'avis de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandatée.
'Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport.
'Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente à monsieur le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence ou son délégataire.
Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [E] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct, pour ces derniers, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT