COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 02 MAI 2013
N° 2013/ 203
Rôle N° 12/06727
[O] [E] épouse [V]
[F] [V]
C/
SA SOCIETE GENERALE
Grosse délivrée
le :
à :LEVAIQUE
LACROUTS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 21 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/437.
Demanderesse au contredit
Madame [O] [E] épouse [V]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1] (06), demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituant Me Jean-Marie LESTRADE, de la SELARL LESTRADE CAPIA avocats au barreau de NICE
Appelant
Monsieur [F] [V]
né le [Date naissance 2] 1949 à NICE (06), demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituant Me Jean-Marie LESTRADE de la SELARL LESTRADE CAPIA avocats au barreau de NICE
Défenderesse au contredit et intimée
SA SOCIETE GENERALE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me LACROUTS de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocats au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2013,
Rédigé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR
Le 28 janvier 2005, la SAS Etudes techniques ingénierie (ETI) a souscrit auprès de la Société générale une convention de trésorerie courante portant octroi d'un crédit par découvert en compte de 100 000 €.
Le 10 décembre 2008, un avenant a porté le concours à 200 000€ et M. [F] [V], dirigeant de la société ETI s'est porté caution solidaire envers la Société générale en garantie de tout engagement, dans la limite de 552 500 € incluant principal, intérêts et accessoires. Son épouse, Mme [O] [E], a souscrit le même jour un engagement identique.
La société ETI a été mise en redressement judiciaire le 26 janvier 2010 puis en liquidation judiciaire le 27 juillet suivant.
La banque a déclaré une créance de 226 272,14 €, représentant le solde débiteur du compte courant dont la clôture est intervenue le 2 mars 2010.
Après avoir mis en demeure les cautions, le 20 avril 2010, la banque les a fait assigner en paiement le 5 mai 2011 devant le tribunal de commerce de Nice.
Mme [V] a soulevé l'incompétence matérielle de la juridiction saisie.
Par jugement du 21 mars 2012 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal :
- a rejeté l'exception d'incompétence ;
- a condamné 'conjointement et solidairement' les époux [V] à payer la somme de 227 694,31 € avec intérêts au taux de 6,63% à compter du 24 mars 2011, se capitalisant dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
- a rejeté les moyens de défense tirés d'un soutien abusif de crédit et d'une disproportion des engagements de caution ;
- a alloué à la banque la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [V] a formé contredit à l'encontre de ce jugement.
Par arrêt du 13 septembre 2012, cette cour a dit qu'elle aurait dû être saisie par la voie de l'appel et a ordonné aux parties de constituer avocat.
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Vu les conclusions remises le 11 janvier 2013 par la Société générale ;
Vu les conclusions remises le 25 janvier 2013 par les époux [V] ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 février 2013 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'exception d'incompétence
La cour étant juridiction d'appel du tribunal de grande instance de Nice dont la compétence est revendiquée par Mme [V], l'exception d'incompétence est dépourvue de portée puisqu'en application de l'alinéa premier de l'article 79 du code de procédure civile, la cour serait tenue de statuer sur le fond du litige dans l'hypothèse où l'exception serait fondée.
Sur l'application des dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation
En vertu de l'article L 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu avec une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
La fiche de renseignements patrimoniaux signée par M. [V] le 15 juillet 2008 ne faisant mention que d'un salaire mensuel de 15 000 €, à l'exclusion de tout actif, l'engagement de caution qu'il a souscrit le 10 décembre 2008, à concurrence de 552 500 €, est manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Quant à Mme [V], la banque justifie qu'elle est propriétaire de 3 immeubles. Ne s'expliquant pas sur ces actifs, alors que la charge de la preuve du moyen qu'elle invoque lui incombe, Mme [V] doit être déboutée de sa demande en inopposabilité de son engagement, faute d'avoir mis la cour en mesure d'apprécier l'existence d'une disproportion au regard de ses biens.
Sur le grief de soutien abusif de crédit
Les appelants forment une demande en paiement de dommages-intérêts en reprochant à la banque d'avoir, 'en accordant à la société ETI un financement en compte courant extrêmement important ... de fait soutenu une entreprise déficitaire et accordé abusivement un crédit, commettant ainsi une faute contractuelle'.
La Société générale, qui a recueilli de M. [V] une garantie disproportionnée lorsqu'elle a accepté d'accroître l'autorisation de découvert en compte, ne peut faire échec à cette demande en se prévalant des dispositions de l'article L 650-1 du code de commerce.
Mais, les époux [V] ne démontrent en aucune manière que la société se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise, ni même lourdement obérée, lorsque le crédit abusif prétendu a été consenti puisqu'ils se bornent à se prévaloir, ce qui est inopérant, d'une absence de vérification par la banque de la situation financière de la société ETI préalablement à l'octroi puis à l'accroissement du concours.
Par suite, le moyen est écarté.
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Le jugement attaqué est confirmé en ses dispositions relatives à Mme [V].
Mme [V], qui succombe, est condamnée aux dépens de son lien d'instance avec la Société générale.
La Société générale supporte les dépens de son lien d'instance avec M. [V].
L'équité ne commande pas en appel l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Constate que l'exception d'incompétence est dépourvue de portée,
Confirme le jugement attaqué en ses dispositions relatives à Mme [O] [V],
L'infirme en ses dispositions relatives à M. [F] [V],
Statuant à nouveau
Dit que la Société générale ne peut se prévaloir du cautionnement souscrit le 10 décembre 2008 par M. [F] [V],
Dit n'y avoir lieu en appel à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [O] [V] aux dépens d'appel de son lien d'instance avec la Société générale,
Condamne la Société générale aux dépens de son lien d'instance avec M. [F] [V],
Dit que les dépens d'appel peuvent être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président