COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 26 MARS 2013
N°2013/
YR/FP-D
Rôle N° 12/01412
Sarl COMPAGNIE AZUREENNE DES TELECOMMUNICATIONS (C.A.T.)
C/
[P] [E]
[M]
[X]
AGS - CGEA DE MARSEILLE
Grosse délivrée le :
à :
Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE
Me Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 15 Décembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/85.
APPELANTE
Sarl Compagnie AZUREENNE DE COMMUNICATIONS (placée sous sauvegarde de justice), demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame [P] [E], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Philippe LASSAU, avocat au barreau de GRASSE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Maître [M]agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la SARL COMPAGNIE AZUREENNE DES TELECOMMUNICATIONS (CAT), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Maître [X] mandataire judiciaire de la SARL COMPAGNIE AZUREENNE DE TELECOMMUNICATION, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
AGS - CGEA DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Richard PELLEGRINO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mars 2013
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société COMPAGNIE AZUREENNE de TELECOMMUNICATIONS a embauché Madame [P] [E] en qualité d'aide-comptable à temps complet par contrat à durée indéterminée à compter du 3 novembre 2003.
Sur les 12 derniers mois de son emploi, le salaire de Madame [E] s'est élevé à la somme mensuelle de 1902,82 euros.
À la suite d'un premier examen médical, en date du 27 septembre 2010, le médecin du travail l'a déclarée inapte provisoirement à son poste.
Puis, lors de l'examen du 12 octobre 2010 il a déclaré qu'elle était totalement inapte à celui-ci.
Madame [E] a ainsi été convoquée à un entretien préalable au licenciement, auquel elle ne s'est pas présentée, puis par courrier du 12 novembre 2010, elle a été licenciée pour inaptitude dans ces termes : « à la suite des visites médicales du 27 septembre 2010 et du 12 octobre 2010, le médecin du travail a constaté votre inaptitude définitive à votre poste de travail avec impossibilité de reclassement au sein de l'entreprise. En raison de cette impossibilité de reclassement nous ne pouvons maintenir le contrat de travail et nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement. Dans la mesure où vous êtes dans l'incapacité d'exécuter normalement votre travail pendant la durée du préavis, le contrat prendra fin des réception du présent courrier ».
Contestant la validité de ce licenciement, Madame [P] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Cannes de différentes demandes, lequel, statuant par jugement du 15 décembre 2011 a dit que son licenciement était sans cause réelle sérieuse et condamné la société COMPAGNIE AZUREENNE de TELECOMMUNICATIONS à lui payer la somme de 3807,64 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 380,76 euros au titre des congés payés sur préavis, de 35 000 € au titre à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés et rejeté les autres demandes.
Appelante, la société CAT demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater que Madame [E] a été déclarée inapte définitivement à son emploi ; qu'il n'a pas été possible de la reclasser, de rejeter ses demandes ou, subsidiairement, de limiter le montant des dommages-intérêts aux salaires des six derniers mois et de la condamner à lui payer la somme de 1000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle fait valoir que Madame [E] a adressé un courrier le 13 août 2010 par lequel elle a demandé à faire valoir ses droits à la retraite au motif fantaisiste qu'elle était victime d'un harcèlement de la part de l'épouse du gérant de la société ; qu'elle a ensuite demandé à être examinée par la médecine du travail, ce qui a abouti aux deux avis d'inaptitude ; qu'en conséquence de cette inaptitude, elle s'est vue dans l'obligation de la licencier, puisqu'aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise n'existait ; que contre toute attente Madame [E] a saisi le conseil de prud'hommes pour contester ce licenciement, ceci avant que le tribunal de commerce de Cannes, statuant par jugement du 29 novembre 2011, prononce à son égard une procédure de sauvegarde et désigne un administrateur judiciaire, avec une mission de surveillance ainsi qu'un mandataire judiciaire, la période d'observation initiale ayant été prorogée de 6 mois supplémentaires par un nouveau jugement du 11 décembre 2012.
Madame [P] [E] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de lui allouer la somme de 3807,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 380,76 euros, au titre des congés payés afférents, de lui allouer également la somme de 70 000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que celle de 20 000 €, à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de condamner la société COMPAGNIE AZUREENNE de TELECOMMUNICATIONS à lui payer la somme de 3000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Le CGEA fait valoir qu'en vertu de l'article L.625-1 du code de commerce, seul le débiteur ou l'administrateur doivent être mis en cause, en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, comme en l'espèce et que, dès lors, que la société CAT n'est pas en état de cessation des paiements, à la différence d'un débiteur qui aurait été déclaré en redressement ou en liquidation judiciaire, l'AGS doit être mise hors de cause.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé aux pièces, au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
SUR CE, LA COUR,
1. Selon l'article L 3253 ' 1 du code du travail, les créances résultant du contrat de travail sont garanties dans les conditions prévues par le Code civil et, en cas de sauvegarde, elles sont garanties conformément aux articles L625-7 et L625-8 du code du commerce, dans les conditions prévues aux articles L 3253-2 à L 3253-21.
En particulier l'article L 3253-20 du code du travail prévoit en son alinéa 2, que dans le cas d'une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie aux institutions de garantie mentionnées à l'article L 3253 ' 14, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée.
C'est donc à tort que le CGEA soutient qu'il n'est pas concerné par l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
En conséquence, le présent arrêt lui sera déclaré opposable, dans les limites de sa garantie.
2. Madame [P] [E] a été déclarée « inapte définitive à son poste de travail » après deux examens médicaux espacés de deux semaines, réalisés par le médecin du travail le 27 septembre 2010, puis le 12 octobre 2010, au visa de l'article R4624-31 du code du travail, étant observé qu'en cette matière le médecin du travail peut également intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L4624 ' 1 du code du travail qui l'habilite à proposer des mesures individuelles afin de tenir compte notamment de l'état de santé du salarié.
D'autre part, contrairement à ce que soutient Madame [E], il résulte de la pièce numéro 2 qu'elle produit, constituée par la lettre que lui a adressée le contrôleur du travail le 1er mars 2011 que l'employeur a été régulièrement informé de son initiative qui a déclenché la procédure d'inaptitude auprès de la médecine du travail.
Il n'en demeure pas moins que l'employeur était tenu d'une obligation de reclassement, qui aurait dû être recherché dans le mois suivant l'examen, compte tenu des propositions du médecin du travail et des indications formulées par lui sur l'aptitude de la salariée à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise dans un emploi approprié à ses capacités et aussi proche que possible de l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
Or, force est de constater que l'employeur n'a tenté aucun reclassement.
À ce dernier égard, les arguments de l'employeur selon lesquels la société employait moins de 50 salariés, dont la plupart d'entre eux étaient des techniciens travaillant sur le terrain, de sorte qu'il n'existait aucune tâche administrative pouvant être confiée à Madame [E], tous les emplois administratifs étant occupés, est inopérante, compte tenu en particulier qu'aucun aménagement de poste n'a été envisagé ni soumis au médecin du travail.
En conséquence, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
3. Mme [E] prétend aussi avoir été victime de harcèlement de la part de l'épouse du gérant, Mme [B].
Elle produit une série de plaintes manuscrites adressées par elle-même à son employeur pour se plaindre du comportement de Mme [B], ainsi que des photographies, dont une représentant un aérosol de désodorisant qu'elle dit être posé sur son bureau et avoir été utilisé de façon humiliante par l'épouse du gérant qui propulsait du produit en se bouchant le nez et en disant « ça pue ».
Elle affirme également avoir été privée du règlement de ses salaires et de ses primes.
Toutefois, à l'exception de la pièce numéro 11 qui montre que le versement des primes a été régularisé par l'employeur, ce en quoi sa réclamation a été suivie d'effet, les autres pièces produites par Madame [E], constituées par ses plaintes et par des photographies prises dans des circonstances inconnues, sont insuffisantes à établir la réalité des griefs qu'elle fait à Madame [B].
Dans ces conditions, elle ne produit aucun élément dont il se déduit qu'elle a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement, de sorte que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.
4. Le licenciement sans cause réelle et sérieuse a causé à Madame [E] un préjudice réparable.
Son employeur soutient qu'il est très limité, puisque celle-ci, âgée de 60 ans, avait demandé à faire valoir ses droits à la retraite.
A l'inverse, Madame [E] soutient qu'elle a recherché vainement un emploi et produit une série de lettres adressées à des employeurs potentiels.
Elle indique également que POLE EMPLOI « très vraisemblablement débordé de travail, ne l'assiste plus dans ses démarches qu'elle effectue seule depuis le mois de mars 2012 ».
Au regard de l'ensemble de ces éléments, son préjudice sera liquidé à une somme équivalente à 8 mois de salaire environ, soit la somme de 15 000 €, à titre de dommages-intérêts.
5. Madame [E] fait également valoir qu'elle a dû présenter de multiples réclamations à son employeur pour obtenir la délivrance des documents sociaux et réclame la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts.
Toutefois elle ne produit aucune pièce établissant que l'employeur a manqué à ses obligations à cet égard et qu'il lui a causé un préjudice, étant observé que le certificat de travail est quérable et non portable et que dans sa lettre de réclamation adressée à l'employeur le 15 novembre 2010 (pièce 12), Madame [E] demande à l'employeur l'envoi de documents de fin de contrat.
6. Ainsi que le demande Madame [E], les dispositions du jugement entrepris qui lui a alloué la somme de 3807,64 euros au titre du préavis et celle de 380,76 euros au titre des congés payés sur préavis seront confirmées.
Il en ira de même de la décision relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et à la remise des documents sociaux rectifiés.
L'employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 1500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement et contradictoirement,
REÇOIT l'appel,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a alloué la somme de 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
L'INFIRMANT de ce chef et statuant à nouveau,
CONDAMNE la SARL COMPAGNIE AZUREENNE de TELECOMMUNICATIONS, à payer à Madame [P] [E], la somme de 15 000 €, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
REJETTE les autres demandes,
DECLARE le présent arrêt opposable au CGEA, dans les limites de la garantie de l'AGS,
CONDAMNE la SARL COMPAGNIE AZUREENNE de TELECOMMUNICATIONS à payer à Madame [P] [E] la somme de 1500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT