COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 21 MARS 2013
N° 2013/ 121
Rôle N° 11/11735
SA COM'PLUS
C/
[S] [Q]
Grosse délivrée
le :
à :
[W] [F]
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Mars 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 08/6221.
APPELANTE
SA COM'PLUS, représentée par son représentant légal en exercice,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Cédric PORTERON, avocat au barreau de NICE substitué par Me Audrey MALKA, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [S] [Q], exerçant sous l'enseigne TRACES DESIGN,
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL avoué, précédemment constituée
plaidant par Me Jacques ZAZZO, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Février 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur FOHLEN, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2013,
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Monsieur [S] [Q], citoyen belge, a été de 2000 à 2007 directeur de création puis directeur/responsable artistique au sein de la S.A. monégasque COM'PLUS dirigée par Monsieur [R] [U] [anciennement dénommée BELLA KATIA & CIE] qui s'occupait de publicité et de communication; il exerce aujourd'hui à titre personnel une activité sous le nom .
Le 28 octobre 2008 Monsieur [Q] a assigné la société COM'PLUS devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, qui par jugement du 8 mars 2011 a :
* dit que la seconde a porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux du premier en reproduisant ses oeuvres notamment par internet sans autorisation;
* condamné la société COM'PLUS à payer la somme de 20 000 € 00 à titre de dommages-intérêts;
* prononcé des mesures d'interdiction et publication;
* condamné cette société à payer la somme de 3 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La S.A. COM'PLUS a régulièrement interjeté appel le 19 juillet 2011. Par conclusions le 28 septembre 2011 elle soutient notamment que :
- l'ensemble des logos, images, photos, maquettes et présentations (à l'exception de La Louvière) de la brochure publicitaire adressée par Monsieur [Q] aux clients d'elle-même lui appartiennent en tant que créations élaborées pour ceux-ci; ces éléments se retrouvent également sur le site internet de son adversaire www.tracesdesign.fr avec la date de 2007;
- Monsieur [Q] ne rapporte pas la preuve de sa qualité d'unique auteur des oeuvres litigieuses; celles-ci ont été réalisées à l'initiative et sous la direction d'elle-même, leur réalisaiton n'entrant que partiellement dans le cadre des attributions dévolues à l'intéressé, qui avait été embauché pour travailler en équipe;
- même comme concepteur des oeuvres Monsieur [Q] n'a pas de droit d'auteur, faute de prouver qu'il soit l'auteur de la forme originale sous laquelle elles ont été divulguées; ces oeuvres sont collectives;
- elle-même est l'auteur de celles-ci qui sont collectives car demandées par la clientèle et conçues en équipe; les images et photographies ont été achetées par elle; comme exploitante d'une oeuvre collective elle est présumée titulaire du droit d'auteur; lors de la rupture de son contrat de travail en 2007 Monsieur [Q] a reconnu être rempli de ses droits et renoncer à toute action contre elle-même; ces oeuvres sont divulguées sous son nom;
- le jugement a statué de manière globale et non au regard de chaque oeuvre; Monsieur [Q] affirme avoir travaillé sur les oeuvres mais sans le prouver;
- son adversaire n'a pas le droit de reproduire les oeuvres collectives dans le cadre de son activité commerciale concurrente TRACES DESIGN;
- Monsieur [Q] a démarché la clientèle de son ancien employeur en se présentant comme l'auteur exclusif des oeuvres litigieuses, ce qui constitue une concurrence déloyale fautive.
L'appelante demande à la Cour, vu les articles L. 113-2 alinéa 2, L. 113-5 et L. 121-8 du Code de la Propriété Intellectuelle, de :
- dire et juger que Monsieur [Q] n'est pas l'auteur des oeuvres litigieuses;
- réformer le jugement en ce qu'il a considéré celui-ci comme auteur;
- reconventionnellement vu les droits d'elle-même sur les oeuvres litigieuses, la contrefaçon dont s'est rendu coupable Monsieur [Q], et l'atteinte au droit d'auteur d'elle-même, condamner celui-ci au paiement de la somme de 20 000 € 00 en réparation de ladite atteinte;
- vu l'article 1382 du Code Civil, les actes distincts de concurrence déloyale et le préjudice subi par elle condamner le même à lui payer la somme de 80 000 € 00 à titre de dommages-intérêts;
- en outre et sous astreinte de 500 € 00 par jour de retard :
. interdire à Monsieur [Q] la diffusion des brochures d'information contenant les créations appartenant à elle-même;
. interdire au même de démarcher toute personne quelle qu'elle soit à l'aide des supports créés et appartenant à elle;
. condamner Monsieur [Q] à retirer immédiatement de son site internet l'intégralité des créations d'elle-même s'agissant de travaux réalisés pour les 22 clients énumérés;
. condamner Monsieur [Q] à retirer les logos, images, photos et reproductions qu'il avait publiés sur le présent site internet et qui appartiennent en réalité à elle-même;
. condamner le même à la destruction de toutes les brochures litigieuses dont il serait encore en possession;
. condamner le même à lui remettre le listing contenant l'identité de toutes les personnes, et justifier que l'intégralité de ces dernières aura été prévenue des termes de l'arrêt et ce par courrier recommandé, de manière à ce que toute confusion dans leur esprit cesse;
- condamner Monsieur [Q] au paiement de la somme de 5 000 € 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Concluant le 28 novembre 2011 Monsieur [S] [Q] répond notamment que :
- il n'a pas cédé à la société COM'PLUS ses droits de création; les oeuvres litigieuses ont été créées en reprenant strictement des oeuvres antérieures à son recrutement au sein de cette société et en développant seul ses savoir-faire et art; son adversaire ne démontre pas de création artistique tierce, et a présenté à titre publicitaire sur son site internet www.groupecomplus.com toute une série de projets, dessins et plaquettes créés par lui-même;
- son travail individuel est attesté;
- la société COM'PLUS ne démontre pas le caractère collectif des oeuvres en cause.
L'intimé demande à la Cour de confirmer le jugement et y ajoutant de condamner la société COM'PLUS à lui payer les sommes de :
- 30 000 € 00 supplémentaires par application des articles L. 111-1 et L. 335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle;
- 20 000 € 00 pour atteinte à son nom par application de l'article 9 du Code Civil;
- 5 000 € 00 en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2013.
----------------------
M O T I F S D E L ' A R R E T :
L'accord transactionnel et irrévocable signé le 15 janvier 2007 entre la société COM'PLUS et Monsieur [Q] porte uniquement sur les conséquences du licenciement/congédiement du second par la première; par suite la mention que celui-ci 'déclare renoncer à toutes autres prétentions, indemnités et dommages-intérêts de quelque nature que ce soit et à exercer toute réclamation ou recours à l'encontre de' celle-là ne vise pas les problèmes de droit d'auteur de l'un ou de l'autre qui sont étrangers au contrat de travail proprement dit.
Monsieur [Q] justifie avoir, avant son embauche par la société COM'PLUS en 2000, réalisé divers travaux artistiques et/ou graphiques tels qu'affiches, dessins, dépliants publicitaires, etc. Par ailleurs Monsieur [U] directeur de cette société l'a plusieurs fois félicité pour son travail (5 février et 12 avril 2003). En outre plusieurs des créations litigieuses mentionnent comme auteur ou co-auteur Monsieur [Q] et non la société COM'PLUS elle-même, de même que plusieurs attestations ([H], [L], [B], [J], [G], etc.) ainsi que le fond bleu balayage particularité de l'intéressé.
Il n'est nullement démontré par la société COM'PLUS, notamment par les attestations qu'elle communique ([I], [X], [A], [Y], etc;), que tout ou partie des oeuvres litigieuses, sans qu'il soit nécessaire dans le présent arrêt de les examiner une par une, constitue une oeuvre collective au sens de l'article L. 113-2 alinéa 3 du Code de la Propriété Intellectuelle ['oeuvre créée sur l'initiative d'une personne (...) morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé'], dans la mesure où seule la contribution personnelle de Monsieur [Q] est identifiable.
Pour les motifs ci-dessus et ceux du Tribunal de Grande Instance que la Cour adopte le jugement sera confirmé.
La violation des droits d'auteur de Monsieur [Q] par la société COM'PLUS a été insuffisamment évaluée par le Tribunal de Grande Instance, et la somme allouée de 20 000 € 00 sera portée à 35 000 € 00 soit un complément de 15 000 € 00.
En diffusant les oeuvres de Monsieur [Q] sans indiquer l'identité de celui-ci sur la totalité d'entre elles la société COM'PLUS a porté atteinte au nom de l'intéressé en application de l'article 9 du Code Civil, ce qui justifie que celle-ci soit condamnée à payer à celui-là une indemnité de 10 000 € 00.
Enfin ni l'équité, ni la situation économique de la société COM'PLUS, ne permettent de rejeter la demande faite par son adversaire au titre des frais irrépétibles d'appel.
---------------------
D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 8 mars 2011.
Condamne en outre la S.A. COM'PLUS à payer à Monsieur [S] [Q] :
* la somme de 15 000 € 00 à titre de complément de dommages et intérêts;
* celle de 10 000 € 00 pour atteinte au nom;
* une indemnité de 5 000 € 00 au titre des frais irrépétibles d'appel.
Rejette toutes autres demandes.
Condamne la S.A. COM'PLUS aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.