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12/03/2013 | FRANCE | N°12/04934

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 12 mars 2013, 12/04934


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 12 MARS 2013



N°2013/

MV/FP-D













Rôle N° 12/04934







[T] [H]





C/



SARL STEM













































Grosse délivrée le :

à :

Monsieur [T] [H]



Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barr

eau d'AIX-EN-

PROVENCE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 10 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1402.





APPELANT



Monsieur [T] [H], demeurant [Adresse 1]



comparant en personne, assisté de M....

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 12 MARS 2013

N°2013/

MV/FP-D

Rôle N° 12/04934

[T] [H]

C/

SARL STEM

Grosse délivrée le :

à :

Monsieur [T] [H]

Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 10 Février 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1402.

APPELANT

Monsieur [T] [H], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de M. [X] [S] (Délégué syndical ouvrier) muni d'un pouvoir

INTIMEE

SARL STEM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2013

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [T] [H] a été engagé par la SARL STEM le 23 février 2005 en qualité de conducteur super lourds groupe 6 coefficient 138 M moyennant la rémunération calculée « sur un horaire de travail de 180 heures de travail par mois pour un salaire brut de 8,56 € de l'heure sur 180 heures compris la majoration heures supplémentaires + prime de nuit » outre une prime mensuelle d'intéressement conduite de 100 € liée au non accident et à l'entretien du matériel et une prime mensuelle d'intéressement qualité de 100 € liée à la prévention des litiges et à la qualité du service «soit environ 1350 € nets par mois plus frais de route ».

Le 16 mars 2007 il donnait sa démission.

Le 30 avril 2008 M. [H] était à nouveau engagé à compter du 22 avril 2008 par la SARL STEM aux mêmes fonctions et qualification pour un horaire de travail de 180 heures par mois moyennant la rémunération mensuelle brute de « 1665,67 € sur 151,67 heures compris prime forfait heures de nuit compris des heures supplémentaires à 125 % sur une base de 28,33 heures supplémentaires par mois » outre une prime mensuelle d'intéressement conduite de 100 € liée au non accident et à l'entretien du matériel et une prime mensuelle d'intéressement qualité de 100 € liée à la prévention des litiges et à la qualité du service et d'accidents répétitifs pouvant donner lieu à licenciement au-delà de deux par période annuelle .

La relation de travail était soumise à la Convention Collective Nationale numéro 3085 des transports Routiers et Activités Auxiliaires du Transport du 21 décembre 1950 étendue par arrêté du 1er février 1955.

Le 25 mars 2009 par lettre remise en mains propres il était licencié pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

«... Nous faisons suite à notre entretien où nous avons évoqué votre licenciement conformément aux motifs et raisons relatés dans votre contrat de travail et rapportés sur le tableau d'affichage par note de services ( suite à la trop grande sinistralité de 2008 ayant amené 30 000 € de surprime à notre société), ainsi que dans votre convocation à entretien préalable et sommes au regret de vous confirmer celui-ci.

Les motifs évoqués seront :

- Un trop grand nombre d'incidents et d'accidents, incompatibles avec une bonne exécution des tâches qui vous sont confiées dans la rentabilité de l'entreprise.

- Une mauvaise gestion de votre temps de service.

- De plus, nous estimons qu'au travers de nos discussions, vous représentez un risque potentiel d'accident grave, aussi bien pour vous-même que pour l'entreprise.

A l'encontre, nous prolongerons le préavis légal jusqu'au 30 avril 2009, afin de vous laisser le temps de trouver autre chose, le cas échéant.

Nous nous engageons à vous rendre disponible immédiatement si besoin est... »

La relation de travail était toutefois maintenue.

Le 22 août 2009 Monsieur [H] présentait sa démission dans les termes suivants :

« veuillez trouver ci-joint ma démission pour motif trop grand nombre de harcèlement de votre part et celle de vos soi-disant responsables. D'ailleurs je ne manquerai pas de prouver ses exactitudes devant les tribunaux : par ailleurs du fait que vous ne respectez pas la législation du transport (fiche salaire) un dossier va être déposé aux prud'hommes afin de faire valoir mes droits.

Par cette lettre je vous demande de m'expliquer la raison de congé forcé de votre part afin de réparer votre tracteur le 286 ARE 06. Dans l'attente... »

Le 3 septembre 2009 Monsieur [H] saisissait le Conseil de Prud'hommes de NICE d'une demande en paiement de salaires et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lequel, par jugement avant dire droit du 30 juillet 2010, a désigné des Conseillers Rapporteurs avec mission de :

« faire le compte des parties, se faire donner les disques chronotachygraphes, vérifier la qualification du demandeur (coefficient applicable). Donne en outre la mission la plus large.

Ordonne à la SARL STEM de produire les originaux des disques chronotachygraphes de tous les véhicules qui ont été conduits par le demandeur ainsi que la lecture visio qu'il en a faite . »

Les conseillers rapporteurs déposaient leur rapport le 12 août 2011.

Par jugement du 10 février 2012 le Conseil de Prud'hommes de NICE a dit qu'il n'y avait pas lieu de faire droit aux demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a constaté que la rupture du contrat de travail était la conséquence de la démission de M. [H], a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes, débouté la SARL STEM de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [H] aux dépens.

Ayant le 12 mars 2012 régulièrement relevé appel de cette décision M. [H], au visa des articles 515 du code de procédure civile, 1153 du Code civil et du code du travail conclut à l'infirmation du jugement et sollicite la condamnation de la SARL STEM à lui verser les sommes de :

5 094,30 € au titre des frais professionnels,

5 472,46 € au titre du rappel de salaire sur la base du coefficient 150 M,

547,25 € au titre des congés payés y afférents,

30,60 € au titre du repos compensateur,

ou :

5 094,30 € au titre des frais professionnels,

4841,33 € au titre du rappel de salaire sur la base du coefficient 138 M,

484,13 € au titre des congés payés y afférents,

30,60 € au titre du repos compensateur,

au subsidiaire:

5 094,30 € au titre des frais professionnels,

4075,76 € au titre du rappel de salaire

407,58 € au titre des congés payés y afférents,

dans tous les cas de dire et juger que sa démission est motivée et doit s'analyser comme étant un licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence dire le licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL STEM à lui verser les sommes de :

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1632,41 € au titre de l'indemnité compensatrice de délai congé,

163,24 € au titre des congés payés y afférents,

et ce avec les intérêts de droit,

1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'à lui remettre ses documents sociaux sous astreinte de 100 € par jour et par document.

Il fait valoir en application de la convention collective applicable qu'il relevait du coefficient 150 M, que l'employeur ne fournit aucune preuve des heures de travail, que les premiers juges ont retenu pour valable les explications de ce dernier sans preuve, qu'il n'était pas rémunéré sur la base de 151,67 heures mais de 180 heures, que le rapport des Conseillers Rapporteurs ne dit rien sur les lectures communiquées, ni sur le coefficient applicable ni sur le fait que les disques doivent être conservés pendant cinq ans ; que les Conseillers Rapporteurs n'ont pas rempli la mission qui leur était impartie.

La SARL STEM conclut à la confirmation du jugement déféré, au rejet de l'ensemble des demandes présentées par M. [H] et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que pendant la première période de travail M. [H] n'a formulé aucune doléance ; que pendant la seconde relation de travail M. [H] a multiplié les accidents de la route et a été licencié pour ce motif ; que toutefois excipant d'une situation personnelle particulièrement délicate, de difficultés de logement et d'intempérance, M. [H] a obtenu la validation de son licenciement et a été maintenu dans les effectifs ; que c'est avec stupéfaction qu'elle a reçu la lettre de démission de l'intéressé ; que le coefficient attribué à M. [H] a toujours parfaitement correspondu à ses fonctions, que toutes les heures supplémentaires réalisées ont été strictement réglées ; qu'au regard des exigences de la convention collective M. [H] ne peut prétendre au coefficient 150 M groupe VII ; qu'en outre M. [H] ne justifie en rien le nombre de points exigé par la convention collective égal au moins à 55 en application du barème ; que concernant le rappel de salaire subsidiairement formulé par M. [H] sur la base du coefficient 138 M, les calculs de celui-ci sont faux ; qu'en effet ce dernier a été rémunéré à hauteur de 10,98 euros de l'heure (1665,67 € pour 151,67 heures) ce qui dépasse largement les minima conventionnels ; que M. [H] ne produit pas l'ombre d'une preuve de l'existence de prétendues heures réalisées et non rémunérées ; que le rapport des Conseillers Rapporteurs sur ce point est clair ; que le tableau produit par M. [H] est inexploitable et pire encore en totale discordance avec les disques chronotachygraphes produits ; qu'en ce qui concerne les heures de nuit la Convention Collective pose la règle du non-cumul ; qu'au sein de la société les heures de nuit sont forfaitisées puisque les chauffeurs perçoivent des indemnités de déplacement incluant la nuit, libellées CC 30 sur le bulletin de salaire ; que dès lors, M. [H] percevant déjà une compensation au titre du travail de nuit il ne peut prétendre à celles prévues par la Convention Collective, qu'il s'agisse d'une contrepartie pécuniaire ou en repos ; qu'en outre M. [H] reconnaît avoir été rémunéré pour ses heures de nuit et ne présente aucune demande chiffrée précise permettant de vérifier ses réclamations se contentant de verser un tableau brumeux mélangeant allègrement les heures de nuit et les heures supplémentaires.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

Lors de l'audience M.[P], gérant de la SARL STEM, ne conteste pas que M. [H] conduisait un véhicule articulé mais indique que dans les conditions prévues par la Convention Collective pour l'octroi du coefficient 150 M il y a également des conditions subjectives ; que M. [H] était affecté à un service grand régional, à savoir les navettes régulières sur [Localité 2]-[Localité 1] avec coupures toutes les 48 heures chez lui ; que cela relève du coefficient 138 M ; qu'a contrario les chauffeurs faisant du trafic national et qui sont quatre nuits hors de leur domicile relèvent du coefficient 150 M.

M. [H] répond que ce n'est pas ce que dit la Convention Collective.

Sur ce,

Sur la demande en rappel de salaires fondée sur le coefficient 150 M groupe VII,

Attendu tout d'abord que contrairement à ce que soutient la SARL STEM le rapport des Conseillers Rapporteurs n'apporte rien au débat puisque ces derniers n'ont nullement établi le nombre d'heures de travail réellement effectuées par M. [H] se contentant d'indiquer :

« lecture des disques : elle permet de constater que M. [H] roule essentiellement de nuit.

Les documents SOLID 4. 22 et les disques remis ne nous permettent pas de vérifier la stricte concordance entre les heures mentionnées sur les documents papier et la lecture des disques s'y rapportant.

Les bulletins de paie : ils mentionnent un nombre d'heures de travail de nuit invariable, quel que soit le mois considéré ; un nombre d'heures supplémentaires effectuées également invariable, quelle que soit la période incriminée »

et n'ont nullement recherché quelle était la qualification du demandeur se contentant d'indiquer à ce titre :

« la qualification : le salarié est en charge du trajet [Localité 2]-[Localité 1]-[Localité 2]. Il effectue donc 1000 kilomètres aller et retour sur le territoire français sur une période d'environ 24 heures.

M. [H] nous dit qu'il reste dans son camion. Il roule la nuit et n'est chez lui que durant deux nuits par semaine.

L'employeur soutient de son côté que le salarié ne découche pas durant ce type de trajet. De plus, son salarié perçoit une prime mensuelle de 100 € dite " prime de qualité service".

A notre question de savoir ce qui caractérise le fait de " découcher " :

Réponse du salarié : lorsqu'il se trouve à [Localité 1], il dort dans son véhicule et considère qu'il " découche " puisqu'étant hors de chez lui.

Réponse du gérant : rester à [Localité 1] durant la coupure de 9 H sur place est le fait de la réglementation routière et du contrat de travail prévoyant des heures de conduite de nuit »

de sorte que ce rapport n'est nullement " clair " comme l'indique la SARL STEM précision faite que cette dernière soutient que M. [H] « ne produit aucune preuve qu'il aurait effectué des heures supplémentaires » alors qu'en application de l'article L. 3171. 4 du code du travail :

« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable »

ce dont il résulte que si le salarié doit préalablement étayer sa demande l'employeur doit pouvoir justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Attendu par ailleurs qu'en application combinée des articles 14, paragraphe 2, du règlement CEE 3821 / 85,3, alinéas 2 et 3, du décret et 96-1082 et 12 décembre 1996,L 3171- 4, L. 3245 1 du code du travail et 2177 du Code civil, l'employeur d'un chauffeur routier doit être en mesure de produire les feuilles d'enregistrement des temps de conduite, dans la limite de la prescription quinquennale, lorsqu'il existe une contestation sur le nombre d'heures effectuées par le salarié ;

Attendu qu'en l'espèce M. [H] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 3 septembre 2009 la SARL STEM devait être en mesure de produire les disques chronotachygraphes pour la période remontant à cinq ans en arrière et en l'espèce à compter de l'embauche du 23 février 2005, ce qu'elle n'a pas fait, ne produisant les disques que du 22 avril 2008 au 22 août 2009 de sorte qu'elle ne permet pas la vérification du temps de travail de l'intéressé sur toute la période d'emploi ;

Attendu qu'il convient en conséquence de vérifier à partir des éléments disponibles si M.[H] peut prétendre en application de la Convention Collective applicable à l'octroi du coefficient 150 M, groupe VII justifiant le rappel de salaire qu'il sollicite ;

Attendu qu'aux termes de la Convention Collective le coefficient 150 M groupe VII est ainsi défini :

« 7. Conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourd - ouvrier chargé de la conduite d 'un véhicule automobile, porteur ou tracteur, et ayant la qualification professionnelle nécessaire à l'exécution correcte (c'est-à-dire avec le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l'efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle) de l'ensemble des tâches qui lui incombent normalement (c'est-à-dire conformément à l'usage et dans le cadre des réglementations existantes) dans l'exécution des diverses phases d'un quelconque transport de marchandises.

En particulier: utilise rationnellement (c'est-à-dire conformément aux exigences techniques du matériel et de la sécurité) et conserve en toutes circonstances la maîtrise de son véhicule; en assure le maintien en ordre de marche; a les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de dépanner son véhicule, s'il en a les moyens, soit en cas de rupture de pièces ou d'organes de signaler à l'entreprise la cause de la panne ; peut prendre des initiatives notamment s'il est en contact avec le client ; est capable de rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d'accident, de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule ; assure l'arrimage et la préservation des marchandises transportées ; est responsable de la garde de son véhicule, de ses agrès, de sa cargaison et, lorsque le véhicule est muni d'un coffre fermant à clé, de son outillage ; peut être amené en cas de nécessité à charger ou décharger son véhicule.

Doit en outre justifier habituellement d'un nombre de points égal au moins à 55 en application du barème ci-après: conduite d'un véhicule de plus de 19 tonnes de poids total en charge: 30 points ; services d'au moins 250 kilomètres dans un sens: 20 points, repos quotidien hors du domicile (au moins trente fois par période de douze semaines consécutives): 15 points, services internationaux à l'exclusion des services frontaliers (c'est-à-dire ceux effectués dans une zone s'étendant jusqu'à 50 kilomètres à vol d'oiseau des frontières du pays d'immatriculation du véhicule: 15 points, conduite d'un ensemble articulé ou d'un train routier: 10 points ; possession du CPA ou d'un diplôme de FPA de conducteur routier: 10 points. L'attribution de points pour la conduite de véhicule assurant des transports spéciaux sera de droit pour les titulaires de tout titre de qualification professionnelle reconnu par les parties signataires » ;

Attendu qu'en l'espèce la SARL STEM ne conteste pas que M. [H] , engagé en qualité de conducteur super lourds, disposait de la qualification professionnelle nécessaire à l'exécution correcte de sa fonction et des tâches qui lui étaient confiées mais fait valoir l'existence de conditions subjectives de nature à le priver du coefficient revendiqué au motif qu'il ne satisfaisait pas à la condition de « l'utilisation rationnelle (c'est-à-dire conformément aux exigences techniques du matériel et de la sécurité) et la conservation en toutes circonstances de la maîtrise de son véhicule » ayant eu de multiples accidents de la route et connaissant un problème d'intempérance ;

Attendu toutefois que la SARL STEM a renoncé au licenciement qu'elle avait prononcé à l'encontre de M. [H] de sorte qu'elle ne peut plus invoquer les reproches alors retenus au soutien de la mesure et ne justifie dans le cadre de la présente instance, en dehors de ses affirmations, d'aucune circonstance démontrant que M. [H] n'aurait pas répondu à la condition susvisée ;

Attendu que la SARL STEM reproche également à M. [H] de n'avoir eu aucune connaissance mécanique, même basique qui aurait pu lui permettre de dépanner lui-même son véhicule, se référant en cela à un incident survenu au cours duquel M. [H] n'a pas remarqué pendant plusieurs semaines que si la sirène d'alarme sonnait dans son camion c'était uniquement en raison du manque de liquide de direction lequel était indiqué par un voyant rouge qui s'allumait sur le tableau de bord ;

Attendu toutefois que la SARL STEM ne démontre pas que le problème technique relevé n'était dû qu'à une négligence de M. [H] dans la surveillance des niveaux et ce d'autant qu'elle ne conteste pas que le camion concerné a été amené à l'atelier de sorte que la Convention Collective applicable exigeant seulement que le chauffeur ait « les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de dépanner son véhicule s'il en a les moyens, soit en cas de rupture de pièces ou d'organes de signaler à l'entreprise la cause de la panne »et « de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule » il n'est pas établi que M. [H] ait manqué sur ce point à ses obligations contractuelles ;

Attendu qu'il est à titre superflu observé que M. [H] ayant été embauché à deux reprises par la SARL STEM et cela pendant une période globale de près de trois ans et demi il est difficilement crédible que ses compétences techniques en cas de panne n'aient pas déjà été mises à l'épreuve ;

Attendu par ailleurs que la SARL STEM précise qu'aucune opération de chargement ni de déchargement n'était confiée à M. [H], ce qui est inopérant dans la reconnaissance du coefficient revendiqué puisque la Convention Collective ne prévoit nullement comme condition d'octroi du coefficient 150 M l'exécution d'opérations de chargement ou de déchargement mais seulement l'exécution d'opérations d'arrimage et de préservation des marchandises transportées et de garde du véhicule, des agrés et de la cargaison ainsi que de la possibilité « en cas de nécessité » de charger ou décharger son véhicule, de sorte que le fait que M. [H] n'ait pas eu à procéder à des opérations de chargement ou de déchargement, ce qui ne faisait pas partie de ses tâches de base, n'est pas de nature à le priver du coefficient revendiqué ;

Attendu que concernant le nombre de points, soit 55, dont doit en outre justifier habituellement un chauffeur pour prétendre au coefficient 150 M , la Convention collective applicable prévoit un barème dont la SARL STEM indique à son sujet que « M. [H] ne justifie en rien un nombre de point égal au moins à 55 en application du barème susvisé » sans s'expliquer point par point sur son mode de calcul ;

Attendu qu'en qualité de chauffeur super lourds la SARL STEM ne conteste pas que M.[H] puisse conduire un véhicule de plus de 19 tonnes de poids total en charge ce qui attribue à ce dernier 30 points ;

Attendu que la SARL STEM ne conteste pas davantage que M. [H] effectuait au moins « 250 km dans un sens » puisqu'il faisait des transports [Localité 2] [Localité 1] aller-retour, ce qui attribue à ce dernier 20 points ;

Attendu que la société STEM ne conteste pas davantage que M. [H] prenait son repos quotidien hors du domicile au moins 30 fois par période de 12 semaines consécutives, puisque pour un temps de conduite entre [Localité 2] et [Localité 1] de 5 heures 45 soit de 11,30 heures aller-retour il était nécessaire compte tenu des temps de repos et de conduite qu'il dorme hors de son domicile avant de revenir à [Localité 2] ce qui lui attribue 15 points ;

Attendu enfin que lors de l'audience la SARL STEM, ce qui a été acté, a reconnu que M.[H] conduisait bien un véhicule articulé ce qui attribue à ce dernier 10 points, de sorte que M.[H] bénéficiait au total de 75 points ;

Attendu en conséquence que c'est à juste titre que M. [H] sollicite l'application du coefficient 150 M, groupe VII et le rappel de salaire correspondant sur le calcul duquel la société STEM n'apporte aucune contestation sérieuse, ne procédant , même à titre subsidiaire, à aucun calcul, se contentant de dire que M. [H] ne peut prétendre au coefficient revendiqué et d'affirmer qu'il a normalement été payé au coefficient 138 M sur la base de « 10,98 € de l'heure soit 1665,67 € pour 151,67 heures de travail » et ce alors même que M. [H] effectuait contractuellement 180 heures mensuelles ;

Attendu que M. [H] peut donc prétendre sur la base du coefficient 150 M au rappel de salaire qu'il sollicite soit 5 472,46 € outre 547,25 € au titre des congés payés y afférents et 30,60 € au titre du repos compensateur ;

Sur la rupture,

Attendu que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;

Attendu qu'il apparaît que M. [H] n'était pas rémunéré au coefficient auquel il était en droit de prétendre et a donc été injustement privé d'une partie de son salaire de sorte que sans qu'il y ait lieu de se pencher sur les affirmations et les photos non probantes de M. [H] à partir desquelles il affirme que l'employeur lui confiait des véhicules vétustes, mal entretenus et dangereux ce qui est contesté par l'employeur qui affirme à l'inverse que l'état des véhicules était directement en relation avec la façon de conduire accidentogène de M. [H], il n'en demeure pas moins que le défaut de paiement du salaire même partiellement constitue un manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier que la démission du salarié soit requalifiée en rupture imputable à l'employeur ;

Attendu qu'il y a donc lieu de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'allouer à M.[H] les sommes qu'il sollicite et qui n'ont pas été subsidiairement contestées dans leur quantum au titre du préavis, soit 1632,41 € et des congés payés y afférents, soit 163,24 € ;

Attendu qu'au regard de l'ancienneté de M. [H] qui ne peut pour le calcul de celle-ci être prise en compte qu'à compter de son second contrat de travail, soit le 22 avril 2008, dans une entreprise de plus de 10 salariés et tenant compte du fait que quelques jours après sa démission il a retrouvé un nouvel emploi en contrat de travail à durée déterminée en qualité de conducteur groupe VII au coefficient 150 M devenu en avril 2010 un contrat de travail à durée indéterminée, il y a lieu, en fonction du seul préjudice résultant de la perte de son emploi, de fixer à 2000 € le montant des dommages et intérêts devant lui être alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la demande au titre des frais professionnels,

Attendu que M. [H] démontrant à partir des tableaux qu'il produit et sans être sérieusement contredit qu'il n'a pas bénéficié du remboursement au tarif conventionnel du coefficient 150 M, soit 48,10 € jusqu'au mois de décembre 2005, 48,87 € à compter de janvier 2006 , 49,70 € à compter de février 2007, 50,70 € à compter d'avril 2008 et 52,22 € à compter de janvier 2009 , des frais engagés il y a lieu de faire droit à la demande qu'il forme à ce titre à hauteur de 5 094,30 € ;

Attendu que la SARL STEM devra délivrer à M. [H] des documents sociaux rectifiés conformément au présent arrêt, la nécessité du prononcé d'une astreinte n'étant toutefois pas rapportée ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner la SARL STEM à verser à M. [H] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau sur le tout,

Dit que M. [H] peut prétendre coefficient 150 M groupe VII,

Dit que la démission s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société STEM à payer à M. [H] les sommes de :

5 472,46 € au titre du rappel de salaire ,

547,24 € au titre des congés payés y afférents,

5 094,30 € au titre des frais professionnels,

1632,41 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

163,24 € au titre des congés payés y afférents,

2000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ainsi qu'à lui délivrer des documents sociaux rectifiés conformément au présent arrêt,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la SARL STEM aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu' à payer à M. [H] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 12/04934
Date de la décision : 12/03/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°12/04934 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-12;12.04934 ?
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