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07/03/2013 | FRANCE | N°11/10943

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 07 mars 2013, 11/10943


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2013



N°2013/



Rôle N° 11/10943







SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS SNCF





C/



[G] [J]



UNION LOCALE CGT DE CARPENTRAS



















Grosse délivrée le :



à :



Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Anne France BREUILLOT, avocat au barreau de CA

RPENTRAS



UNION LOCALE CGT DE CARPENTRAS



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 12 Mai 2011, enregistré au répertoire général ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 MARS 2013

N°2013/

Rôle N° 11/10943

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS SNCF

C/

[G] [J]

UNION LOCALE CGT DE CARPENTRAS

Grosse délivrée le :

à :

Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Anne France BREUILLOT, avocat au barreau de CARPENTRAS

UNION LOCALE CGT DE CARPENTRAS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 12 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/298.

APPELANTE

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS SNCF, prise en la personne de son représentant légal en exercicey domicilié en cette qualité et encore en son agence de MARSEILLE, [Adresse 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Mademoiselle [G] [J], demeurant [Adresse 7]

comparante en personne assistée de Me Anne France BREUILLOT, avocat au barreau de CARPENTRAS

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

UNION LOCALE CGT DE CARPENTRAS, demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [F] [O] (Délégué syndical ouvrier)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

Madame Nathalie VAUCHERET, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2013

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant convention régularisée le 15 septembre 2008, [G] [J] a conclu avec la SNCF, un contrat à durée déterminé de professionnalisation à effet à cette date jusqu'au 31 juillet 2010, en vue de l'obtention d'un BTS « Assistant de gestion », dans le cadre d'une formation pédagogique assurée par l'IFC.

Après avoir obtenu son BTS le 1er juillet 2010, [G] [N] a conclu avec la SNCF un second contrat de professionnalisation en date du 1er août 2010, devant se terminer le 31 juillet 2011, dans le but d'obtenir le diplôme de « bachelor chargé de gestion administrative et RH ».

[G] [J], a été en arrêt de travail du 28 février 2011 au 1er mars 2011, du 1er mars au 12 avril 2011, puis du 13 mai 2011 au 17 mai 2011 .

Pendant le déroulement de son second contrat, [G] [J] a saisi directement le bureau de jugement du Conseil des prud'hommes d'Aix en Provence, qui a, par jugement du 12 mai 2011 :

requalifié les contrats de professionnalisation en contrat à duré indéterminée,

reçu l'intervention de l'union locale CGT de CARPENTRAS,

condamné la SNCF à lui payer les sommes de :

-1500€ au titre de l'indemnité de requalification,

-500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SNCF à payer à l'union locale CGT les sommes de :

-100€ au titre de l'indemnité de requalification,

-500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté les demandes plus amples ou contraires.

La SNCF, a interjeté appel de cette décision le 2 juin 2011.

A compter du 2 août 2011 et jusqu'au 12 octobre 2011, [G] [J] a été en arrêt maladie.

Alors qu'à l'issue de son arrêt maladie, elle demandait à reprendre son travail, la SNCF lui a rappelé que son contrat de professionnalisation avait pris fin depuis le 31 juillet 2011.

Elle a saisi le conseil des prud'hommes statuant en formation de référé, pour obtenir sous astreinte sa réintégration à la SNCF.

Elle a été déboutée de sa demande, par ordonnance du 21 juin 2012, rendue en formation de départage, confirmée par arrêt de la Cour de céans en date du 24 janvier 2013.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le dernier état de ses conclusions, la SNCF demande de :

dire qu'elle n'a pas violé les dispositions régissant le contrat de professionnalisation et n'y avoir lieu à requalification du dit contrat,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions au titre du harcèlement moral ou de la discrimination,

dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité,

rejeter la demande d'annulation de la rupture du contrat formée par la salariée,

dire n'y avoir lieu à réintégration en l'absence de dispositions légales le prévoyant expressément,

dire n'y avoir lieu à sursis à statuer dans l'attente du jugement du TASS, indifférent sur la validité de la rupture qui n'a pas été prononcée pendant une période d'arrêt de travail,

statuer dans la limite des bulletins de salaire produits par mademoiselle [J] en limitant son indemnité à 6 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence d'autres préjudices démontrés,

statuer ce que de droit sur les indemnités de préavis, congés payés et l'indemnité légale de licenciement,

reformer le jugement entrepris, en ce qu'il a accueilli l'intervention de l'union locale CGT de CARPENTRAS en l'absence d'intérêts collectifs,

condamner la salariée au paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

-le deuxième contrat de professionnalisation, a été conclu à la demande de la salariée et qu'elle avait obtenu une dérogation de la direction départementale du travail pour signer un second contrat de professionnalisation pour une année supplémentaire, le financement de ce second contrat ayant été en outre accordé par l'OPCA,

-la circulaire du 23 juillet 2007, relative à la mise en 'uvre du contrat de professionnalisation, prévoit la possibilité de la succession d'un contrat à durée déterminée de droit commun et d'un contrat de professionnalisation,

-elle n'a pas manquée à son obligation de formation,

-la salariée, n'a jamais rempli les missions correspondant au poste qu'elle réclame et n'avait pas la qualification qu'elle revendique.

Elle fait valoir, sur le harcèlement moral, qu'il n'est rapporté aucune preuve de tels agissements et qu'elle s'est au contraire montrée prévenante et attentive aux demandes de la salariée.

De même, elle expose qu'il n'existe aucun lien, entre la rupture du contrat à son terme et l'action exercée à son encontre par la salariée devant la juridiction prud'homale.

Elle allègue encore, que la salariée ne peut se prévaloir de la législation protectrice des accidents du travail, son arrêt de travail étant survenu après la rupture du contrat.

Sur l'intervention du syndicat CGT, l'appelante la considère comme étant irrecevable et non fondée, faute de démonstration de ce que l'intérêt collectif de la profession qu'il représente aurait été atteint.

L'intimée, qui fait appel incident, demande de :

requalifier en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de professionnalisation conclu le 1er août 2010,

constater qu'elle conserve de ce fait l'ancienneté acquise depuis son embauche initiale intervenue le 15 septembre 2008 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation à durée déterminée,

condamner la SNCF à lui payer les sommes de :

-2000 € à titre d'indemnité de requalification,

-30 550,98 € à titre de rappel de salaire afférents à la requalification pour la période allant du 15 septembre 2008 au 31 juillet 2011, correspondant aux fonctions exercées d'assistant dpx,

constater qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale,

dire nulle et de nul effet la rupture de son contrat de travail intervenue le 31 juillet 2011 à l'initiative de la SNCF,

faire injonction à la SNCF de lui fournir la prestation de travail conforme au contrat de travail a durée indéterminé liant les parties sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt,

condamner sous même astreinte la SNCF à lui payer les salaires d'août 2011 à octobre 2012, soit pour chaque mois 1702,6242€ et la condamner à la reprise du paiement des salaires en fin de mois ;

condamner la SNCF à lui payer les sommes suivantes :

-15 000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale,

-21 473,59€ en réparation du préjudice causé par la perte de revenu depuis le 31 juillet 2011,

a titre subsidiaire, surseoir à statuer sur le prononcé de la nullité du licenciement et la demande de

réintégration dans l'attente de la décision définitive de la juridiction de sécurité sociale sur la prise en charge des arrêts de travail depuis le 28 février 2011 au titre de la réglementation sur les accidents du travail,

à titre infiniment subsidiaire, constater que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la SNCF à lui payer les sommes suivantes :

-30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2851,39 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-285,13 au titre des congés payés correspondants,

-1140,55 à titre d'indemnité légale de licenciement pour 4 années d'ancienneté,

-5000 € à titre de dommages et intérêts, pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

Elle fait valoir que :

-après son arrêt de travail, elle a demandé à reprendre son ancien poste et qu'il lui a été confirmé qu'il « avait été mis fin » à son contrat de professionnalisation le 31 juillet 2011, et ce malgré la décision du conseil des prud'hommes ayant requalifié ce contrat en contrat à durée indéterminée,

-pendant toute la relation de travail, elle a été victime de harcèlement et a été privée de son outil de travail, ces agissements ayant altéré son état de santé,

-le harcèlement moral, ayant entraîné de nombreux arrêts de travail, l'a empêché d'obtenir son diplôme,

son licenciement a eu lieu, en représailles à l'action en justice qu'elle a engagée contre la SNCF,

-le licenciement, intervenu dans ce contexte, est nul et qu'elle doit donc être réintégrée, sa réintégration n'étant pas impossible,

- la rupture du contrat à durée déterminée, requalifié en contrat à durée indéterminée, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en produit les effets.

Le syndicat CGT, demande que son intervention soit déclarée recevable et fondée et conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées lors des débats oraux à l'audience.

SUR CE

sur la requalification du contrat de professionnalisation

Le contrat de professionnalisation liant les parties, est un contrat à durée déterminée, obéissant aux règles applicables pour ce type de contrat.

En outre, l'article L 6325-7 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 28 juillet 2011, prévoyait que le contrat de professionnalisation ne pouvait être renouvelé qu'en cas d'échec aux épreuves d'évaluation, ou maternité, ou maladie..

Il est constant, que le contrat de professionnalisation en cause n'a pas été renouvelé pour l'un des motifs limitativement énumérés au texte précité, [G] [J] ayant effectivement obtenu son BTS.

Comme l'ont relevé les premiers juges, si il est possible de conclure à la suite d'un contrat à durée déterminée de droit commun un contrat de professionnalisation, ou à la suite d'un tel contrat de professionnalisation un contrat à durée déterminée de droit commun, tel n'a pas été le cas en l'espèce, deux contrats de professionnalisation successifs ayant été conclus.

En conséquence, nonobstant le fait que la conclusion du second contrat ait été sollicitée par la salariée, alors que la dérogation accordée par l'autorité administrative ne précise pas si ce contrat pouvait être à durée déterminée, il y a lieu à requalification de l'ensemble de la relation contractuelle à compter du 1er septembre 2008, en contrat à durée indéterminée.

[G] [J], est donc fondée à réclamer une indemnité de requalification sur le fondement de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail.

La décision des premiers juges, qui ont fait droit à la demande de la salariée à hauteur de 1500€, sera par conséquent confirmée de ce chef.

sur la demande de rappel de salaires afférents à la requalification du contrat de travail pour la période allant du 15 septembre 2008 au 31 juillet 2011

[G] [J], qui réclame des rappels de salaire correspondant au salaire qu'elle aurait du percevoir en qualité assistante de dirigeant de proximité, ci après dénomméassistant DPX, doit établir qu'elle a effectivement exercé cet emploi.

Sil [G] [J] a été embauchée comme assistant DPX, il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'elle n'a pas bénéficié d'une formation dispensée par la SNCF, ni qu'elle a été employée dans des conditions normales de travail d'un assistant DPX, en dehors de toute notion de formation, même si elle pouvait être placée en situation réelle, en fonction des exigences de son apprentissage.

En conséquence, faute pour elle d'établir qu'elle a occupé effectivement l'emploi d'assistant DPX, [G] [J] sera déboutée de sa demande de rappels de salaires.

Sur le harcèlement

Par application de l'article L.1154-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, c'est à dire qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la salariée a adressé à son employeur, une lettre du 28 février 2011, accompagnée d'un certificat d'arrêt de travail initial, relatant que depuis l'arrivée de Mr [Y], son nouveau tuteur, celui ci a retiré l'écran d'ordinateur sur lequel elle travaillait continuellement pour le mettre dans un coin du guichet d'accueil, l'a évincé de son bureau pour la mettre dans un bureau avec un siège cassé, que depuis le 18 février 2011, il lui a retiré son écran d'ordinateur, ce qui l'a obligé à emprunter celui d'un collègue en repos et que, depuis le 28 février 2011, elle n'a plus d'écran d'ordinateur pour travailler .

Elle produit en outre, plusieurs certificats médicaux, faisant état de stress réactionnel, consécutif à des conflits professionnels, et mentionnant pour certain la notion de harcèlement moral, un rapport d'examen de Mme [U] psychologue des hôpitaux relevant de nombreux signes cliniques évocateurs d'un harcèlement moral, et qui considère les symptômes que présente la salariée sont constitutifs et confirment un état de stress post traumatique.

Par ailleurs, [G] [J] soutient, qu'à partir du moment ou elle a dénoncé la situation, elle a reçu un avertissement daté du 5 avril 2011 pour absence irrégulière, alors que son arrêt de travail avait été prolongé, ce dont la SNCF était avisée, que lors de la reprise de son travail en avril 2011, qui n'a durée qu'un mois, elle a été mutée.

Ainsi, [G] [J] établit des agissements ayant eu des répercussions importantes sur son état de santé, laissant supposer un harcèlement moral.

De son coté, la SNCF reconnaît que l'écran d'ordinateur de la salariée lui a été enlevé dès le 20 janvier 2011, explique qu'un des ordinateurs de la gare de [Localité 6] était en panne, que celui de [G] [J] qui était en cours ce jour là, a été récupéré en urgence, qu'en attendant la livraison d'un nouvel écran il lui a été demandé d'utiliser un poste disponible situé dans l'espace de vente, ce qu'elle a fait jusqu'au 28 février 2011. De même, elle explique la mutation de [G] [J] par la panne d'ordinateur.

Elle produit une attestation, qui relate que deux ordinateurs étaient en panne, mais sans préciser s'il s'agissait bien de ceux de la gare de [Localité 6], lieu de travail de [G] [J] et deux bons de commande d'écrans d'ordinateur des 18 février 2011 et 16 mars 2011, sans qu'il soit possible d'établir si ces bons de commande concernent bien le lieu de travail et l'écran d'ordinateur de [G] [J].

Si ces éléments fournis par la SNCF, au demeurant contradictoires avec son affirmation selon laquelle un seul ordinateur était en panne, confirment les allégations de [G] [J] et le fait que, le 20 janvier 2011, puis du 28 février 2011, jusqu'au moins au 16 mars 2011, puis en avril 2011, après son arrêt de travail, raison pour laquelle elle aurait été mutée, elle s'est trouvée privée d'écran d'ordinateur et donc d'outil de travail, ils ne permettent pas d'expliquer pourquoi c'est son poste et non celui d'une autre salariée qui lui a été retiré, pourquoi c'est elle qui a du changer de bureau, alors qu'en outre le siège de ce bureau état cassé, et pourquoi un tel délai s'est écoulé entre la panne de son écran d'ordinateur et la commande effectuée pat la SNCF, à supposer que cette commande concerne bien l' outil de travail de [G] [J].

Ainsi, la SNCF n'apporte pas en cause d'appel d'éléments de preuve, de nature à établir que le comportement à l'égard de [G] [J], aurait été justifié par des raisons objectives.

Elle sera donc condamnée à payer à [G] [J], la somme de 8000€ à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi, tel qu'il résulte des documents médicaux fournis aux débats par la salariée.

Aux termes de l' article L 1152-2 du code du travail, alors applicable, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés et, selon l'article L 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul .

Or en l'espèce, le contrat n'a pas pris fin pour une inaptitude médicale consécutive au harcèlement moral, mais à son terme prévu initialement, soit le 31 juillet 2011, près de 5 mois après les faits dénoncés par la salariée dans sa lettre du 28 février 2011, aucun élément ne permettant dans ces conditions de rattacher la rupture du contrat avec le harcèlement moral .

En conséquence, les demandes d'annulation de la rupture du contrat, et les demandes afférentes, seront rejetées.

Sur la discrimination

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à une discrimination , le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La salariée fait valoir, sans être contredit sur ce point qu'elle était syndiquée à la CGT depuis le 25 janvier 2011, que la SNCF n'ignorait pas son appartenance syndicale, que de même, elle était travailleur handicapé.

Elle soutient, que la rupture du contrat est intervenue dans ce contexte, en considération de son appartenance syndicale et de son handicap et ne peut s'expliquer que par ces circonstances.

Or, la SNCF établit que la rupture du contrat est sans lien avec l'appartenance syndicale mais qu'elle est la pure et simple application des conditions contractuelles, qui prévoyaient que le contrat devait prendre fin le 31 juillet 2011, étant relevé en outre qu'elle a fait appel du jugement requalifiant le contrat en contrat à durée indéterminée.

Dès lors, la demande d'annulation de la rupture du contrat, fondée sur une discrimination liée à l'appartenance syndicale ou au handicap et les demandes qui en découlent seront rejetées.

sur l'atteinte à la liberté d'ester en justice.

L'article L1134-4 du code du travail dispose que, est nul et de nul effet, le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Il est constant en l'espèce, que la SNCF a rompu le contrat de professionnalisation à son terme, alors que le conseil des prud'hommes d'AIX en PROVENCE venait de requalifier ce contrat en contrat à durée indéterminée et que la rupture ne pouvait intervenir qu'en respectant les règles applicables pour les contrats à durée indéterminée.

Pour autant, il y a lieu de relever que la SNCF a bien attendu le terme initialement prévu au contrat à durée déterminée pour le rompre, que la rupture du contrat était envisagée et prévue dès sa conclusion, la SNCF n'ayant donc fait qu'appliquer les conditions contractuelles de la rupture et que la SNCF a interjeté appel du jugement ayant requalifié la relation contractuelle.

Ainsi, il n'existe au dossier aucun élément, laissant supposer que la rupture du contrat de travail s'inscrit dans un contexte de représailles menées par l'employeur en violation des dispositions de l' article L. 1134-4 du code du travail.

En conséquence, la demande d'annulation de la rupture contrat présentée sur ce fondement et les demandes afférentes, seront rejetées.

Sur le sursis à statuer

Il est constant, que l'arrêt de travail dont se prévaut la salariée, est survenu après la rupture du contrat de professionnalisation à son terme et sans que cette rupture ait pour cause son inaptitude.

Dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer, les décisions à venir de la juridiction des affaires de sécurité sociale étant sans incidences sur la solution du litige.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements .

En l'espèce, la SNCF a manqué à son obligation de sécurité résultat en ne mettant pas fin aux agissements dénoncés par [G] [J], en s'étant contentée de lui écrire pour lui proposer un rendez vous pour discuter des problèmes qu'elle évoquait, sans prendre la mesure de ses difficultés.

En conséquence, elle sera condamnée au paiement de la somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice distinct subi par la salariée .

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

La rupture du contrat de professionnalisation, requalifié en contrat à durée indéterminée, sans lettre de licenciement motivée, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Du fait de son ancienneté supérieure à deux ans, et de la taille de l'entreprise, [G] [J] ne peut prétendre qu'à des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application de l'article L 1235-3 du code du travail, cette indemnité réparant également l'irrégularité de procédure.

Tenant l'âge de la salariée, son ancienneté, les circonstances particulières de la fin du contrat, eu égard à sa situation actuelle, il lui sera alloué les sommes de :

-13 000€ à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2851,39 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-285,13 au titre des congés payés correspondants,

-1140,55 à titre d'indemnité légale de licenciement pour 4 années d'ancienneté.

sur la recevabilité de l'intervention de la CGT

En application des dispositions des articles L 2131-1 et suivant du code du travail, le syndicat

régional des cheminots CGT est tant recevable que bien fondé à intervenir dans la présente

procédure, dès lors que l'action en justice a pour fondement des faits de nature à porter atteinte directement ou indirectement à l'intérêt des salariés de la SNCF qu'il représente.

La décision entreprise, sera donc également confirmée sur ce point.

sur les autres demandes

Succombant en son appel, la SNCF sera condamnée aux entiers dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges sera confirmée et il sera alloué en sus à [G] [J] la somme de 1200€ et à la CGT celle de 200€, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR :

Infirme partiellement le jugement entrepris

Statuant à nouveau sur les points réformés et y ajoutant :

Condamne la SNCF à payer à [G] [J] les sommes de :

-8000€ à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

-13 000€ à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2851,39 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-285,13€ au titre des congés payés correspondants,

-1140,55 à titre d'indemnité légale de licenciement,

-2000€ à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité résultat,

-1200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SNCF à payer l'union locale des syndicats CGT de CARPENTRAS la somme de 200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Condamne la SNCF aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/10943
Date de la décision : 07/03/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/10943 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-07;11.10943 ?
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