COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
18e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 07 MARS 2013
N°2013/228
Rôle N° 11/08443
[B] [V]
C/
SARL PEGASE D'OR
Grosse délivrée le :
à :
Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Evelyne LARROCHE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 15 Avril 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/357.
APPELANT
Monsieur [B] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Priscilla FAIOLA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
SARL PEGASE D'OR, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Evelyne LARROCHE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Juillet 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne ADAM, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Gisèle BAETSLE, Président
Monsieur Alain BLANC, Conseiller
Madame Fabienne ADAM, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2012 prorogé au 07 mars 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 mars 2013
Signé par Madame Fabienne ADAM, Conseiller pour le Président empêché, et Madame Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
3
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [B] [V] été embauché par la SARL [W] en qualité d'employé de station service, échelon 2, selon contrat à durée indéterminée du 19 février 2004. A compter du 21 décembre 2007, l'exploitation de la station service a été confiée à la SARL PEGASE D'OR, dont le gérant était Monsieur [C] [W] qui sera remplaçé le 1er avril 2010 par Mme [J] [W].
M.[V] a été licencié le 16 août 2010 pour faute grave.
Saisi le 9 avril 2010 par le salarié de diverses demandes en paiement auxquelles se sont ajoutées, après intervention du licenciement, une contestation de ce licenciement et de demandes en paiement subséquentes, le conseil de prud'hommes de Toulon a, par jugement du 15 avril 2011, dit le licenciement de M. [V] non fondé sur une faute grave mais justifié par une cause réelle et sérieuse et a condamné la SARL PEGASE D'OR à payer à M.[V] les sommes suivantes au titre :
-de l' indemnité conventionnelle de licenciement, 2.186,65€,
-de l' indemnité de préavis et des congés payés sur préavis, 3.452,62€ et 345, 26€,
a débouté M.[V] du surplus et de toutes ses autres demandes, a débouté la SARL PEGASE D'OR de sa demande reconventionnelle et a partagé les dépens entre les parties.
Le 5 mai 2011, M.[V] a relevé appel de ce jugement.
' Dans ses écritures développées à la barre et par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'appelant demande à la cour de dire et juger que la rupture des relations contractuelles s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la SARL PEGASE D'OR a méconnu les dispositions en matière de durée du travail, de même que les dispositions en matière de qualification professionnelle, qu'elle s'est rendue coupable de travail dissimulé, de dire et juger fautive l'exécution du contrat de travail, et en conséquence, de condamner la SARL PEGASE D'OR à payer à M.[V] les sommes suivantes au titre :
-de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, 2.783,96€ et 278,40€,
-de l' indemnité compensatrice de congés payés, 1.680,40€,
-de l' indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20.000€,
-de rappel de salaire lié à la qualification professionnelle échelon 3, 758,72€ et les congés payés s'y rapportant, 75,87€,
-de rappel de salaire pour temps de pause non pris et les congés payés, 5.717,80€ 571,78€,
-de l' indemnité pour non respêct du temps de pause quotidien, 2.000€,
-de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, 2.500€,
-de l' indemnité pour travail dissimulé, 8.199,30€,
-de rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés, 3.980,09€ et 398€,
-de l'article 700 du code de procédure civile, 3.500€,
ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de la SARL PEGASE D'OR à lui payer la somme de 1.670,38€ au titre de l' indemnité légale de licenciement.
' Dans ses écritures également soutenues sur l'audience et par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'intimée conclut à ce qu'il soit dit et jugé que le licenciement pour faute est fondé sur un motif réel et sérieux et donc à la réformation du jugement déféré en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en revanche, à la confirmation du jugement dans toutes ses autres dispositions, au débouté de M.[V] de toutes ses demandes comme infondées en fait et en droit, à sa condamnation à restituer à la SARL PEGASE D'OR la somme de 5.163,51€ réglée en exécution du jugement et à sa condamnation au paiement à la SARL PEGASE D'OR de la somme de 3.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
4
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée. Les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur le fond :
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige expose trois griefs que l'employeur considère comme constituant des fautes graves. Il s'agit :
-du non respect des consignes de sécurité relatives au montant des remises au coffre ayant causé la perte d'une enveloppe qui contenait la somme de 1.200€,
-de la volonté affichée du salarié de ne pas respecter les directives données par la gérante caractérisée par la récidive du refus de déposer dans le coffre les sommes supérieures à 300€,
-la remise à la direction d'un arrêt de travail falsifié en sa date d'établissement afin de pouvoir bénéficier d'une prise en charge financière tant par la sécurité sociale que par son employeur.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut d'en rapporter la réalité et la gravité.
Sur le licenciement , les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance, mais le salarié insiste particulièrement sur le climat de harcèlement qui aurait présidé à ce licenciement.
Si aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, celui-ci doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de l'ensemble des pièces versées aux débats que les relations entre le salarié et l'employeur sont devenues très tendues au point d'entraîner des plaintes auprès des services de police de part et d'autre, sans qu'il soit établi que celles ci aient données lieu à poursuites, mais sans que pour autant il soit démontré que l'employeur ait outrepassé son pouvoir légitime de direction ou ait commis des inobservations de règles en matière de droit du travail qui aient pu avoir une répercussion sur la santé du salarié. En effet ni les signalements auprès de l'inspection du travail et malgré un contrôle de ce service (12 et 13 novembre 2009) ayant relevé des inobservations mineures et régularisées depuis (cf lettre de l'inspection du travail du 20 avril 2010 faisant état d'une situation régulière au 16 décembre 2009), ni la saisine de la CNIL n'ont apporté des éléments pouvant laisser présumer que le salarié était victime de harcèlement. La demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail fondée sur ce prétendu harcèlement sera donc rejetée. De même pour fonder cette demande d'inexécution fautive du contrat de travail, il est fait valoir que M.[V] n'aurait pas bénéficié des visites médicales prévues par la loi. Néanmoins les documents versés par l'employeur démontrent au con traire qu'il ne s'est pas soustrait à cette obligation. Aucune exécution fautive du contrat de travail ne peut donc être retenue à ce sujet.
Sur le licenciement, il sera ajouté aux motifs retenus par les premiers juges, que, contrairement à ce qu'affirme M.[V] sur l'absence de qualité de Mme [W] pour établir des notes de service qui par suite ne lui seraient pas opposables, il est bien démontré, d'une part que Mme [W] avait régulièrement la qualité de gérante depuis le 1er avril 2010 suivant le procès-verbal de l'assemblée générale du 31 mars 2010, et que M.[V] ne
5
l'ignorait pas puisqu'il résulte de plusieurs documents qu'il la désignait comme la gérante (main courante , attestation de formation dispensée par Mme [W] ...etc) d'autre part. Par ailleurs, le contenu de la note de service qu'il est reproché à M.[V] de ne pas avoir respectée concerne la mise en sécurité des espèces et par conséquent relève bien du fonctionnement interne de l'entreprise, domaine appartenant pleinement au pouvoir de direction du gérant. Dès lors, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit la faute grave non établie mais en revanche le licenciement de M.[V] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Par suite, seront confirmées également la condamnation de la SARL PEGASE D'OR au paiement de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents, ainsi que de l'indemnité de licenciement, pour les montants tels que sollicités par M.[V]. En revanche il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande ayant trait à la reclassification de l'emploi de M.[V] (échelon 2 prévu au contrat de travail et échelon 3 demandé), ce dernier ne démontre, ni qu'il entrait dans ses fonctions d'intervenir pour des entretiens périodiques de véhicules ou des dépannages simples ni qu'il détenait les diplômes ou le titre qualifiant, nécessaires pour accéder à cette qualification d'opérateur station service tel que précisé dans la convention collective de l'automobile. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M.[V] de cette demande et de la demande de rappel de salaire subséquente.
Sur les temps de pause, le renoncement qu'avait accepté le salarié ne peut être considéré comme valable. Il n'est d'ailleurs pas contesté que sur ce point l'inspection du travail avait demandé à la SARL PEGASE D'OR d'afficher le temps de pause minimal de 20 minutes au delà de six heures de travail et que le temps de pause d'un employé de station-service qui assure seul la permanence, ce qui était le cas en l'espèce, permet d'assimiler ce temps à un temps de travail. Il sera relevé que l'employeur lors de la réunion de conciliation avait proposé une somme de 4.957,15€ en rémunération de ce temps pour la période de février 2004 à novembre 2009. Par conséquent, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire à ce titre pour la période de juillet 2004 à novembre 2009 et la SARL PEGASE D'OR sera condamnée à payer à M.[V] la somme de 5.717,80€ et celle de 571,78€ pour les congés payés y afférents.
Sur la demande de réparation du préjudice qui résulterait du non-respect de l'amplitude de repos entre deux jours de travail, de onze heures, il est apporté des éléments par l' employeur qui démontrent au contraire que des modifications de planning ont toujours été faites à la demande du salarié notamment pour rallonger son temps de repos ou de congé. Dès lors, il sera débouté de cette prétention.
Sur les heures supplémentaires, s'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombent spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. M.[V] fournit certes un décompte mais établi postérieurement et non contradictoirement alors que l'employeur y répond en fournissant tous les plannings démontrant que par une organisation souple et possible pour les entreprises pratiquant l'annualisation du temps de travail, le temps effectif moyen du salarié était en réalité en dessous des 151h67 payées. Il convient également de noter que du courrier de revendication en date du 8 décembre 2009, il résulte effectivement que sur dix mois d'activité M.[V] reconnaissait avoir effectué 1.456 heures soit 137 mensuelles en moyenne. L'existence d' heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées n'étant pas établie, M.[V] sera débouté de cette demande.
Par suite la demande au titre d'un travail dissimulé sera de même rejetée.
6
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aucune considération d'équité ne commande d'en faire l'application. Les parties seront déboutées de leurs demandes faites sur ce fondement.
Les dépens d'appel seront partagés entre les parties.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les temps de pause non pris, et les montants de l' indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, et de l' indemnité conventionnelle de licenciement,
Et statuant à nouveau,
Condamne la SARL PEGASE D'OR à payer à Monsieur [B] [V] les sommes suivantes au titre :
-de l' indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, 2.783,96€ et 278,40€,
-de l' indemnité de licenciement 1.670,38€,
-du rappel de salaire pour les temps de pause non pris et des congés payés correspondants, 5.717,80€ et 571,78€,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne les parties aux dépens d'appel qui seront supportés par moitié par chacune d'entre elles.
LE GREFFIER.LE CONSEILLER
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.