COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2013
N° 2013/
YR/FP-D
Rôle N° 11/13596
SARL SAXABENNY
C/
[B] [O]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Patrick BERARD, avocat au barreau de NICE
Me Frederic CARREZ, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 27 Juin 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/614.
APPELANTE
SARL SAXABENNY, demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Patrick BERARD, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Emilie LIGER, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [B] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Frederic CARREZ, avocat au barreau de NICE substitué par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Corinne HERMEREL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2013.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2013.
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [O] a été embauché par la SARL SAXABENNY , qui exploite un restaurant sur le port de plaisance de [Localité 2], le 11 mai 2009 en qualité de commis de salle par contrat à durée indéterminée pour une durée mensuelle de 151,67 heures.
Il a été licencié par lettre du 4 juin 2010 rédigée dans les termes suivants : « nous vous avons reçu le mercredi 26 mai 2010 à 15h20, pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisageons de prononcer à votre encontre. Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier. Les motifs de ce licenciement sont les suivans : nous vous rappelons que vous avez abandonné votre poste de travail le 3 janvier 2010 et nous sommes toujours sans nouvelles de votre part depuis cette date. Ces incidents sont inacceptables notre société ne peut admettre qu'un salarié puisse se permettre de tels écarts de comportement. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave d'une importance telle qu'elle rend impossible votre maintien au sein de notre entreprise».
Par jugement en date du 27 juin 2011, le Conseil de Prud'hommes de NICE a dit que le licenciement était abusif et a condamné la société SAXABENNY à payer à Monsieur [O] les sommes de 341,06 euros au titre de rappel de salaire du mois de septembre 2009, ainsi que les congés afférents soit 34,10 euros, de 632,12 euros au titre de rappel de salaire du mois d'octobre 2009, ainsi que les congés payés afférents, soit 63,21 euros, de 1337,72 euros au titre du salaire du mois de novembre 2009, ainsi que les congés payés afférents soit 133,72 euros, de 668,86 euros au titre du salaire du mois de décembre 2009, ainsi que les congés payés afférents soit 66,88 euros, de 617,40 euros au titre du salaire du mois de janvier 2010 , ainsi que les congés payés afférents, soit 61,74 euros, de 1.343,80 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure, de 1.343,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif, de 493,82 euros à titre d'indemnité de préavis (8 jours) et congés payés afférents, soit 49,38 euros.
Appelante, la SARL SAXABENNY indique qu'afin de permettre à Monsieur [O] de concilier son emploi avec ses cours à la faculté, il lui a été proposé, par un avenant du 19 septembre 2009, de réduire ses horaires de travail à 20h00 par semaine ; que les nouveaux horaires ont été mis en place à compter du 1er octobre 2009, sans opposition du salarié ; que son salaire du mois d'octobre 2009 lui a été payé sur la base convenue de 80 heures mensuelles ; qu'ensuite, ne parvenant pas à concilier son travail avec ses études, Monsieur [O] a sollicité une nouvelle réduction horaire, à 40 heures mensuelles ; que son salaire du mois de novembre 2009 lui a été versé sur cette base ; que toutefois, le 15 décembre 2009, Monsieur [O] a démissionné et a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes aux fins de se voir remettre les bulletins de salaire à partir de celui de novembre 2009, la lettre de licenciement et les documents sociaux de fin de contrat ; que dans ce contexte, elle a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement et lui a ensuite notifié son licenciement par lettre recommandée avec avis de réception le 4 juin 2010, lettre non retirée par ce dernier.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris qui a accordé différentes sommes et indemnités à Monsieur [O], de requalifier le contrat de travail à durée indéterminée pour une durée mensuelle de 151,67 heures en un contrat de travail à durée indéterminée à mi-temps, pour une durée de 80 heures, à titre subsidiaire de juger que Monsieur [O] ne justifie pas d'un intérêt légitime au succès de ses prétentions relatives aux rappels de salaires des mois de septembre 2009 à janvier 2010 en raison de son statut d'étudiant étranger, qu'il a accepté de manière certaine et non équivoque la modification de la durée de son contrat de travail à 86,67 heures mensuelles, qu'elle n'est débitrice d'aucune somme à titre de salaire à l'égard de Monsieur [O] en raison d'une part de la modification de la durée de son contrat de travail, et d'autre part de ses multiples absences, de juger que, par son absence prolongée et son comportement insultant, il a commis une faute grave justifiant son licenciement régulier en la forme et de rejeter l'ensemble de ses demandes, d'ordonner la restitution des sommes qu'il a reçues , de le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [B] [O] indique que le 1er septembre 2009, un avenant proposant de réduire ses horaires à 20h00 par semaine lui a été proposé ; qu'il a refusé de signer cet avenant ; qu'en dépit de cela, l'employeur lui a imposé de nouveaux horaires et n'a pas payé sa rémunération des mois de novembre et de décembre ; qu'il a donc démissionné le 15 décembre 2009, ne supportant plus cette situation ; que l'employeur l'a néanmoins rappelé pour lui demander de travailler à nouveau à compter du 26 décembre, ce qu'il a accepté de faire pensant que ses salaires lui seraient payés ; qu'après le 4 janvier 2010, son employeur ne lui a plus fourni de travail et ne lui a pas remis ses bulletins de salaire, ni la lettre de licenciement ; que par ordonnance du 6 mai 2010, le juge des référé prud'homal a donné acte de la remise de certains documents ; qu'il a également saisi le conseil de prud'hommes d'une demande au fond pour obtenir le paiement des salaires impayés et des indemnités dues par suite du licenciement décidé par l'employeur.
Il demande à la cour de dire que l'appel de la société SAXABENNY est infondé, de rejeter ses prétentions, de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judicaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et condamné ce dernier à lui payer différentes sommes, de condamner également l'employeur à lui payer 6719 € à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2010 au 3 juin 2010, outre 671,90 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférent, 5000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, les dépens et les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, il est renvoyé aux pièces, au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
SUR CE, LA COUR,
1. Monsieur [B] [O] conteste avoir acquiescé à la modification de son contrat de travail, dont l'employeur soutient qu'il a fait l'objet d'un avenant pour mise en conformité avec la législation sur la durée du travail des étudiants étrangers.
Il fait valoir qu'à compter du mois de septembre, la durée du travail a été modifiée unilatéralement par l'employeur; que l'avenant proposé n'ayant pas été accepté par lui, son salaire aurait dû rester celui d'un temps complet ; qu'il appartenait à l'employeur d'introduire dans le contrat initial les dispositions en accord avec la législation sur le travail des étudiants étrangers, ce qu'il n'a pas fait.
En conséquence, il réclame un complément de salaire, dès septembre, mois durant lequel il indique avoir travaillé 113 heures et fait valoir que l'employeur se contredit en affirmant que pour être en conformité avec la réglementation sur le travail des étudiants étrangers l'horaire mensuel devait être réduit à 86,6 heures (20h hebdomadaires) alors même qu'un peu plus loin dans ses écritures il indique qu'il ne pouvait travailler plus d'1/2 temps soit 75,83 heures mensuelles, alors que finalement, il n'a travaillé ni 75,83 h. ni 86,6 h.
Par ailleurs, il fait valoir qu'il n'a jamais reçu d'acomptes ; que les signatures figurant sur les demandes d'acomptes sont des faux qui ne correspondent d'ailleurs ni à sa signature apposée sur le contrat de travail ni à celle portée sur la proposition d'avenant.
Mais, une modification des horaires de travail du salarié s'imposait, en raison des dispositions légales relatives à l'emploi des étudiants étrangers, qualité qui était celle de Monsieur [B] [O].
En effet, l'article 1313-7 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article R.5221-26 du Code du travail, disposent que l'étranger titulaire du titre de séjour ou du visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 3° de l'article R. 5221-3 portant la mention « étudiant » est autorisé à exercer une activité salariée, à titre accessoire, dans la limite d'une durée annuelle de travail égale à 964 heures.
Il est certain qu'une proposition d'avenant du contrat emportant cette modification a été présentée à Monsieur [O] au mois de septembre, soit au début de l'année universitaire.
Il est tout autant établi qu'il avait des difficultés à concilier ses études et son emploi, et qu'il souhaitait lui-même la réduction de son temps de travail, suivant ce qui a été décidé, Monsieur [B] [S] attestant en pièce numéro 13 : « par la suite du mois de décembre il avait démissionné mi décembre environ. Il m'avait fait part qu'il était en retard sur ses études universitaires. C'est pour cela, il voulait arrêter ».
Par ailleurs, la SARL SAXABENNY fait valoir que Monsieur [B] [O] a accepté explicitement la modification intervenue, en portant la mention manuscrite « Bulletin de salaire certifié exact et solde reçu en espèce », sur le bulletin de salaire d'octobre.
Si Monsieur [O], prétend qu'il n'en est rien et que tous les documents manuscrits qui lui sont opposés sont des faux, notamment les reçus des sommes versées en espèces au titre des acomptes qu'il dit n'avoir jamais encaissées, il demeure qu'en dépit de différences affectant les signatures déniées, celles-ci sont à la fois d'une structure homogène et fortement ressemblantes à la signature apposée par Monsieur [B] [O] sur le contrat de travail, sur le document 2 (proposition d'avenant du 1er septembre 2009 ) et sur la pièce 5, également non contestée (lettre de démission manuscrite 15 décembre 2009).
Outre ce fait, l'authenticité des documents manuscrits qui sont opposés à Monsieur [B] [O], comme émanant de lui, résulte de ce que les paiements en espèces n'étaient pas une exception ( les bulletins de salaire, y compris ceux non contestés par lui, mentionnent tous des paiements en espèces) et que Monsieur [J], employé du restaurant, atteste avoir vu Monsieur [O] venir demander un acompte en début décembre et lui avoir dit que le gérant était « gentil » car il lui avait accordé cet acompte ( pièce n°23)
Monsieur [B] [O] a donc accepté les conditions résultant de la proposition d'avenant.
Au regard des éléments produits tant par le salarié que par l'employeur, il apparaît que le salarié est fondé à réclamer la rémunération qui lui est due pour un temps complet, pour le mois de septembre 2009 le fait n'étant pas établi que Monsieur [O] n'a travaillé que 113 heures sur les 151, 67 heures prévues au contrat de travail, pour ce mois-là. C'est donc à juste titre qu'il a fait droit à sa demande de paiement d'un rappel de 341,06 euros.
En octobre 2009 Monsieur [B] [O] n'a travaillé que 80 heures, et il reconnaît avoir été rémunéré pour 80 heures de travail.
En novembre, il n'est pas établi que Monsieur [B] [O] a travaillé moins que le mois précédent en sorte que pour ce mois-là sa rémunération s'élève également à la somme de 705,60 euros bruts, dont à déduire l'acompte versé le 3 décembre 2009 pour un montant de 300 €, d'où un solde de 405,60 euros l'employeur ne prouvant pas qu'il a payé plus que la somme de 300 €.
S'agissant du mois de décembre, il n'existe aucun élément permettant d'écarter l'affirmation de Monsieur [B] [O] selon laquelle il a travaillé jusqu'au 13 décembre.
D'autre part, la SARL SAXABENNY reconnaît que Monsieur [O] est venu travailler pendant la période des fêtes, mais pour une durée de 56 heures seulement.
Elle considère que ceci correspond à une rémunération de 56 x 8,86 = 496,16 euros brut, soit 427,07 euros net, dont à déduire un acompte de 500 euros à valoir sur la paye du mois de janvier 2010.
Elle indique qu'à partir du 4 janvier 2010 et jusqu'au 11 juin 2010, date de son licenciement, Monsieur [B] [O] n'est plus venu travailler, sans donner la moindre explication.
Mais, ainsi que le soutient Monsieur [B] [O], un nouveau contrat s'est formé le 26 décembre, après la rupture du 15 décembre précédent.
Or, à défaut de contrat écrit, ce contrat est nécessairement un contrat à durée indéterminée et à temps plein.
Dans ces conditions, il sera fait droit intégralement à la demande de Monsieur [B] [O] qui réclame, au titre du mois de décembre, le paiement de la somme de 668,86 euros, soit après déduction de l'acompte de 500 €, un solde de 168,86 euros.
Monsieur [B] [O] indique que la SARL SAXABENNY ne lui a plus fourni de travail à compter du 4 janvier, mais il ne résulte d'aucun élément qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pour accomplir sa prestation de travail à compter de cette date et, jusqu'à la notification de licenciement pour abandon de poste, il ne s'est jamais manifesté auprès de l'employeur.
En conséquence il n'est fondé à réclamer que la rémunération correspondant à la période du 1er au 3 janvier inclus, soit, sur la base d'un brut de 1343,80 euros, la somme de 134,38 euros.
À titre de rappel de salaire, il lui est donc dû la somme de 1049,90 euros, outre la somme de 105 €, au titre de l'incidence des congés payés.
2. Outre le grief contenu dans la lettre de licenciement, la SARL SAXABENNY fait valoir que Monsieur [B] [O] a eu un comportement menaçant en venant réclamer le paiement de son salaire, accompagné par un groupe de personnes, ce qui a rendu nécessaire l'intervention de la gendarmerie de [Localité 2].
Mais, la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il n'y a pas lieu d'examiner ce nouveau grief.
Monsieur [B] [O] fait valoir, quant à lui, qu'il n'a jamais abandonné son poste, comme cela est prétendu et que son licenciement n'est intervenu que le 3 juin 2010, après qu'il ait saisi la section des référés du conseil des prud'hommes.
Mais, il ne prétend pas pour autant que le lien contractuel a été rompu avant l'envoi de la lettre de licenciement, puisqu'il réclame le paiement de ses salaires jusqu'au mois de juin 2010.
Par ailleurs, sa demande est passablement confuse, puisque dans le dispositif de ses conclusions, il demande à la cour de confirmer la décision entreprise « en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire » de son contrat de travail, alors que les premiers juges, après avoir retenu que l'employeur avait mis fin à l'exécution du contrat de travail par lettre du 2 juin 2010 ont énoncé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse pour défaut de paiement de salaires ainsi que non-respect de la procédure de licenciement.
Or, d'une part, quant à la procédure de licenciement, elle a été respectée, Monsieur [O] ayant été convoqué à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mai 2010, comme cela est établi par la pièce numéro 9, un employé du restaurant attestant, par ailleurs, en pièce numéro 24, que Monsieur [O] s'est présenté à l'entretien préalable.
Par la suite, le licenciement lui a été régulièrement notifié par lettre recommandée avec accusé de réception plus d'une semaine après l'entretien préalable, conformément à l'article 1232-6 du code du travail, avec indication du motif du licenciement, soit l'abandon de poste, peu important le fait que cette lettre, qui a été envoyée à l'adresse déclarée par Monsieur [O] et qui figure sur ses bulletins de salaire, soit revenue « non réclamée ».
Quant au fond, il est suffisamment établi que Monsieur [B] [O] a abandonné son poste, ce qui constitue une faute grave privative des indemnités qu'il réclame.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux autres demandes.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
RECOIT l'appel,
CONDAMNE la SARL SAXABENNY à payer à Monsieur [B] [O] la somme de 1049,90 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 105 €, au titre de des congés payés afférents,
REJETTE toute autre demande,
CONDAMNE la SARL SAXABENNY aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT