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21/02/2013 | FRANCE | N°10/19562

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 21 février 2013, 10/19562


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 21 FEVRIER 2013



N° 2013/ 74













Rôle N° 10/19562







Société PALM TER





C/



CMA CGM





















Grosse délivrée

le :

à :

[R] [I]

BADIE















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d

e Commerce de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F03381.





APPELANTE



Société PALM TER,

dont le siège social est [Adresse 9]) - Espagne - -



représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Helen MC LEAN, avocat au barreau de...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 21 FEVRIER 2013

N° 2013/ 74

Rôle N° 10/19562

Société PALM TER

C/

CMA CGM

Grosse délivrée

le :

à :

[R] [I]

BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F03381.

APPELANTE

Société PALM TER,

dont le siège social est [Adresse 9]) - Espagne - -

représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Helen MC LEAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A. CMA CGM,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats postulants au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL avoué, précédemment constituée

plaidant par Me Henri NAJJAR, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame AUBRY CAMOIN, président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Février 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Février 2013,

Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant connaissement n° CL1253674 émis net de réserve le 23 mai 2006 au CHILI , la société CMA CGM a procédé au transport suivant conditions FCL/FCL, de 35 palmiers vivants empotés par la société de droit chilien WECHSLER Y CIA LTDA dans huit conteneurs open top du port de [10] au CHILI au port de [5] en ESPAGNE.

Le 2 juillet 2006, les conteneurs ont été déchargés au port d'[2] en Espagne du navire CALLAO EXPRESS en vue de leur acheminement maritime par la société MAERSK.

A la suite d'un retard dû à un problème technique affectant le navire devant effectuer cette partie du voyage, sept des conteneurs ont finalement été débarqués au port de [5] le 11 juillet 2006 et le huitième et dernier a été déchargé le 20 juillet 2006.

La société TRANSPORTES NEPTUNO mandatée par le transporteur maritime, a livré les conteneurs à leur destinataire la société PALM TER les 13 juillet, 14 juillet et 20 juillet 2006 à [Localité 3] dans la province de GERONE.

Des réserves ont été faites sur les lettres de voiture et le 14 juillet 2006, la société PALM TER a fait procéder en présence d'un notaire à un examen technique des palmiers livrés les 13 et 14 juillet par un ingénieur agricole qui a notamment constaté leur état de déshydratation en l'imputant à leur stationnement prolongé sur le port d'[2] par une forte chaleur.

Le 20 juillet 2006, il a été procédé à la demande des assureurs de la société CMA CGM à une expertise des palmiers par l'expert [T] [S] de la société CONTROL SYSTEM SURVEY qui a déposé son rapport le 1° septembre 2006 dans lequel il a constaté le même état de déshydratation en l'imputant à la faute du chargeur au départ et à la faute du destinataire lors du transit à [2].

En juin 2007, la société PALM TER a fait procéder à un nouvel examen technique des palmiers par un ingénieur agricole qui a déposé un rapport faisant état de la mort de 9 palmiers et de l'état médiocre des palmiers survivants, en les imputant au stationnement prolongé sur le port d'[2].

Par courrier du 2 juillet 2007, la société CMA CGM et leurs assureurs ont accordé à la société PALM TER un report de prescription jusqu'au 14 janvier 2008.

Par acte du 10 janvier 2008, la société PALM TER a assigné la société CMA CGM devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE au visa de la convention de Bruxelles de 1924 amendée, aux fins de voir prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 200 144,24 euros au titre du dommage subi tel qu'évalué par ses experts agricoles avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2006, ordonner la capitalisation des intérêts, prononcer sa condamnation à lui payer la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2010, le Tribunal de Commerce a :

déclaré applicable au litige la loi française du 18 juin 1966 et son décret d'application du 31 décembre 1966,

déclaré le chargeur responsable des dommages à la marchandise pour insuffisance d'emballage de celle-ci,

débouté la société PALM TER de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du transporteur la société CMA CGM,

condamné la société PALM TER à payer à la société CMA CGM la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties contraires au dispositif du jugement,

ordonné l'exécution provisoire de la décision,

condamné la société PALM TER aux dépens.

Par déclaration au greffe du 2 novembre 2010, la société PALM TER a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 21 décembre 2012, la société PALM TER demande à la Cour au visa de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée, de :

infirmer le jugement entrepris,

constater que la société CMA CGM ne produit pas les conditions qu'elle oppose,

constater que seule est communiquée une traduction libre et incomplète de la clause dite « paramount »,

dire que seule est démontrée l'acceptation de l'application de la Convention de Bruxelles amendée par les deux parties comme résultant de la clause « paramount »,

dire qu'il y a lieu de faire application de la convention de Bruxelles de 1924 amendée,

subsidiairement, dire que la société CMA CGM ne rapporte pas la preuve d'un cas exonératoire de responsabilité,

retenir la faute de la société CMA CGM comme étant à l'origine des préjudices subis par la société concluante,

dire qu'il s'agit d'une faute dolosive exclusive de toute limitation de responsabilité,

condamner en conséquence la société CMA CGM à payer à la société PALM TER :

la somme principale de 200 144,24 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2006, ce avec bénéfice de capitalisation,

la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

la somme de 15 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société CMA CGM aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction.

Par conclusions du 19 décembre 2012, la SA CMA CGM demande à la Cour de :

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a appliqué la loi du 18 juin 1966 et dire que le litige est régi par la Convention de Bruxelles originelle de 1924,

déclarer l'action de la société PALMTER irrecevable pour prescription, si la clause 6-1 du connaissement émis par la société CMA CGM devait être considérée comme n'ayant pas été acceptée par la société PALM TER,

à défaut, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société PALM TER de l'ensemble de ses demandes pour absence de fondement et absence de preuve,

à titre subsidiaire, dire que la responsabilité de la société CMA CGM pour le dommage allégué ne pourra excéder la somme de 3 500 livres sterling-or (823,97 DTS) soit 28 838,95 DTS ou son équivalent en euros par application de la Convention de Bruxelles originelle,

en tout état de cause, condamner la société PALM TER à payer à la société CMA CGM la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction.

MOTIFS DE LA DECISION

1 ' Sur l'incident de procédure

L'avis de fixation à l'audience du 17 janvier 2013 et d'ordonnance de clôture à la date du 21 décembre 2012 a été adressé aux parties le 6 octobre 2012 après que ces dernières aient déposé des conclusions récapitulatives le 4 juillet 2012 pour la société PALM TER et le 5 septembre 2012 pour la société CMA CGM.

Le 19 décembre 2012, la société CMA CGM a déposé des conclusions récapitulatives auxquelles la société PALM TER a répondu par conclusions récapitulatives du 21 décembre 2012, jour de la clôture.

Le 15 janvier 2013, la société CMA CGM a déposé de nouvelles conclusions récapitulatives en demandant la révocation de l'ordonnance de clôture.

Par conclusions de procédure du 16 janvier 2013, la société PALM TER a demandé à la Cour d'écarter ces conclusions par application des articles 15 et 16 du code de procédure civile.

Par conclusions de procédure du 17 janvier 2013, la société CMA CGM a demandé à la Cour de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 21 décembre 2012, de déclarer recevables les conclusions en réponse de la concluante du 15 janvier 2013, et à titre subsidiaire de rejeter les pièces de la société PALM TER communiquées le 5 décembre 2012 ainsi que ses conclusions du 21 décembre 2012.

Les conclusions de la société PALM TER du 21 décembre 2012 étant une réponse à celles de la société CMA CGM du 19 décembre 2012, les conclusions de la société CMA CGM du 15 janvier 2013 seront déclarées irrecevables en l'absence de cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture.

La société CMA CGM ayant eu la possibilité de conclure dans ses conclusions du 19 décembre 2012 sur la pièce communiquée par la société PALM TER le 5 décembre 2012, il n'y a pas lieu d'écarter celle-ci.

2 ' Sur la loi applicable à la responsabilité du transporteur

En première instance, la société PALM TER a fondé sa demande sur la Convention de Bruxelles de 1924 amendée puis sur la loi française du 18 juin 1966 tandis que la société CMA CGM, après s'être référée dans ses premières écritures à la Convention de Bruxelles amendée lui a opposé en l'état de ses dernières écritures la Convention de Bruxelles originelle.

En cause d'appel, la société PALM TER demande l'application de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée et à défaut l'application de la loi française du 18 juin 1966, en faisant valoir pour l'essentiel les moyens suivants :

le transport concerné a pour point de départ le CHILI qui n'a pas ratifié la convention de Bruxelles et l'Espagne qui a ratifié la convention de Bruxelles de 1924 telle qu'amendée par le protocole de 1979,

la société CMA CGM n'est pas fondée à invoquer la Convention de Bruxelles originelle comme loi choisie par les parties selon une clause paramount contenue au connaissement dès lors que la Convention de Bruxelles originelle contrairement à la Convention de Bruxelles amendée, ne prévoit pas cette possibilité,

la société CMA CGM qui se prévaut des conditions générales du connaissement relatives à la clause paramount concernant le report de prescription ne justifie pas du contenu de ces conditions générales lesquelles n'ont pas été portées à la connaissance de la concluante et n'ont pas été acceptées par elle,

La société CMA CGM fait une lecture et une traduction incomplète des conditions générales du connaissement type dont elle se prévaut , et notamment de la clause 6.1 constituée d'une clause paramount prévoyant que le transport concerné est de plein droit soumis à la convention de Bruxelles amendée et non à la convention de Bruxelles originelle,

la société PANDI CLAIMS SERVICES CLAIM habilitée par la mutuelle d'assurance de la société CMA CGM se réfère expressément dans son courrier du 13 décembre 2006 à l'application de la Convention de Bruxelles amendée,

si l'application de la Convention de Bruxelles amendée n'était pas admise, il y aurait lieu de faire application de la loi française.

La société CMA CGM demande l'application de la Convention de Bruxelles de 1924 dans sa version originelle en faisant valoir pour l'essentiel les moyens suivants :

le Chili n'a pas ratifié la Convention de Bruxelles, mais la Convention de Hambourg qui n'est pas applicable en l'espèce faute pour la France de l'avoir ratifié,

ni la Convention de Bruxelles de 1924 amendée ni la Convention de Hambourg ni la loi française du 18 juin 1966 ne sont applicables au transport concerné,

le transport concerné est soumis aux dispositions de la Convention de Bruxelles originelle conformément à la clause paramount 6.1 figurant au connaissement,

la société PALM TER ne pouvait ignorer l'existence de la clause paramount et l'a nécessairement acceptée dès lors que cette clause est incluse dans les conditions générales reproduite dans tous les connaissements maritimes et figure au verso du connaissement dont la société PALM TER a produit le recto, et que le report de prescription a été conditionné par l'acceptation du respect des conditions générales du connaissement,

L'application de la clause paramount est reconnue par la société PALM TER qui en fait une lecture différente,

le courrier du 13 décembre 2006 de la société PANDI CLAIMS SERVICES CLAIM ne constitue pas une reconnaissance de l'application de la Convention de Bruxelles amendée, dès lors que celle-ci n'a ni autorité ni qualité pour modifier les termes du contrat de transport ou les conditions générales du connaissement.

*

Aux termes de l'article 10 de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée :

« Les dispositions de la présente Convention s'appliqueront à tout connaissement relatif à un transport de marchandise entre ports relevant de deux états différents quand :

le connaissement est émis dans un Etat Contractant, ou

le transport a lieu au départ d'un port d'un Etat Contractant, ou

le connaissement prévoit que les dispositions de la présente Convention ou de toute autre législation les appliquant ou leur donnant effet régiront le contrat, quelle que soit la nationalité du navire, du transporteur, du chargeur, du destinataire ou de toute autre personne intéressée.

Chaque Etat Contractant appliquera les dispositions de la présente Convention aux connaissements mentionnés ci-dessus. ».

Le CHILI, état dans lequel a été émis le connaissement et au départ d'un port duquel le transport a eu lieu, n'a pas ratifié la Convention de BRUXELLES.

Seul le recto du connaissement émis le 23 mai 2006 mentionnant les conditions particulières du transport est produit, à l'exclusion des conditions générales.

Les parties sont en conséquence en litige sur l'application d'une clause paramount dont la société PALM TER ne conteste pas l'existence mais la teneur, qui figure dans les conditions générales du connaissement qui ne sont pas produites.

La société CMA CGM conclut à l'application de la Convention de Bruxelles originelle en se référant à deux pièces, d'une part un connaissement type extrait de son site internet d'autre part le report de prescription accordé à la société PALM TER par courrier du 2 juillet 2007.

Le connaissement type extrait du site internet de la société CMA CGM, dont rien n'établit qu'il serait identique aux conditions générales du transport concerné et aurait été accepté par la société PALM TER, est dépourvu de toute valeur contractuelle et de toute force probante quant à la teneur de la clause paramount.

Le report de prescription accordé à la société PALM TER par la société PANDI CLAIMS SERVICES SPAIN en sa qualité de représentant des assureurs de la société CMA CGM , qui est « soumis aux termes et conditions du connaissement, y compris la clause de compétence » ne démontre pas quel est le contenu des conditions générales du connaissement étant précisé que la clause attributive de compétence figure dans les conditions particulières.

La société CMA CGM n'apporte en conséquence la preuve ni de la teneur de la clause paramount insérée dans les conditions générales, ni la connaissance par la société PALM TER des conditions générales du connaissement.

La société PALM TER qui ne conteste pas l'existence d'une clause paramount conclut à titre principal à l'application de la Convention de Bruxelles amendée en se prévalant du courrier de la société PANDI CLAIMS SERVICES SPAIN du 15 décembre 2006.

Par courrier du 22 septembre 2006, la société PALM TER par l'intermédiaire de son conseil espagnol a saisi CMA CGM IBERICA d'une réclamation concernant le sinistre survenu au cours du transport des palmiers en l'imputant au stationnement prolongé des palmiers sur le port d'[2].

Par courrier en réponse daté du 15 décembre 2006, la société PANDI CLAIMS SERVICES SPAIN « agissant pour le compte et la représentation de THE STEAMSHIP MUTUAL UNDERWRITING ASSOCIATION LTD, mutuelle d'assurance de la compagnie de navigation CMA CGM » a rejeté la réclamation en se fondant expressément sur la Convention de Bruxelles amendée : « Au point de vue légal et compte tenu de la clause 20 du connaissement d'embarquement, les règles de LA HAYE-VISBY sont applicables ».

Ce courrier apporte la preuve de l'existence d'une clause paramount qui figure à l'article 20 des conditions générales du connaissement et prévoit l'application des règles de la Convention de Bruxelles amendée dites règles de LA HAYE-VISBY.

La société CMA CGM n'est en conséquence pas fondée en sa demande d'application de la Convention de Bruxelles originelle et il sera fait application de la Convention de Bruxelles amendée par infirmation du jugement déféré de ce chef.

3 ' Sur la prescription

La société CMA CGM n'est pas fondée à soutenir que l'action de la société PALM TER est prescrite pour n'avoir pas respecté les conditions d'un connaissement type dépourvu de valeur contractuelle et de force probante alors que le report de prescription a été accordé par la société PANDI CLAIMS SERVICE SPAIN, la même que précitée, qui s'est prévalue dans le courrier du 15 décembre 2006 de la Convention de Bruxelles amendée.

4 ' Sur la réalité des dommages

La société PALM TER expose que la réalité du dommage consistant dans la perte de 9 palmiers et la déshydratation prononcée des autres est établie par l'ensemble des pièces produites.

La société CMA CGM conteste la réalité de l'entier dommage en soutenant que la dégradation des palmiers et la mort de 9 d'entre eux n'est pas établie par les pièces produites et, qu'à la supposer établie, il n'est pas démontré qu'elle serait consécutive au transport maritime,

*

Le 20 juillet 2006, l'expert [T] [S] de la société CONTROL SYSTEM SURVEY, a effectué une expertise des palmiers à la demande de la société PANDI CLAIMS SERVICES SPAIN représentant la mutuelle d'assurance de la société CMA CGM ce en présence des représentants de la société PALM TER.

L'expert a constaté que les palmiers avaient d'ores et déjà été rempotés à l'exception des 5 reçus le matin même, que les feuilles étaient desséchées, le tronc et les racines également secs mais que les branches et les feuilles centrales étaient vertes et que les arbres étaient donc toujours vivants.

L'état de déshydratation des palmiers est confirmé par les photos jointes au rapport d'expertise.

Ces constatation sont conformes à celles réalisées au cours de l'examen technique des arbres auquel il a été procédé le 14 juillet 2006 par un ingénieur agricole en présence d'un notaire à la demande de la société PALM TER.

Par courrier électronique du 30 mai 2007, le conseil espagnol de la société PALM TER a invité monsieur [D] de la société PANDI CLAIMS SERVICES SPAIN à effectuer une inspection conjointe des palmiers afin de vérifier leur état.

En l'absence de réponse, la société PALM TER a fait procéder en juin 2007 à un examen technique par un ingénieur agricole qui a conclu à la mort de neuf palmiers et à un état de faible vigueur des palmiers survivants nécessitant une période de un an avant de pouvoir envisager leur commercialisation.

La société PALM TER justifie par divers documents de la destruction sans frais en avril 2007 des neuf palmiers morts.

Les moyens de la société CMA CGM pour contester la réalité des dommages sont en conséquence inopérants au regard de ces éléments d'apréciation dès lors que celle-ci n'a pas estimé utile et nécessaire de se faire représenter à l'examen technique effectué en juin 2007 dont elle été avisée.

5 ' Sur la responsabilité du transporteur

La société CMA CGM conteste avoir commis une quelconque faute et soutient que seul le chargeur peut être tenu pour responsable des dommages consécutifs à un conditionnement inapproprié, à des conteneurs inadaptés et à l'absence d'instructions spécifique à la conservation des arbres.

Elle fait observer par ailleurs que la société PALM TER qui a été avisée par ses soins du retard de livraison s'est contentée de réserver ses droits sans prendre d'initiative pour assurer l'hydratation des arbres, et que la société concluante ne saurait être tenue d'assumer les causes de sa défaillance.

La société PALM TER oppose à la société CMA CGM sa responsabilité de plein droit en qualité de transporteur maritime, l'absence de faute du chargeur concernant l'emballage et l'existence d'une faute caractérisée du transporteur qui a laissé les palmiers exposés à des températures excédant 40° sur le port d'[2] pendant plusieurs jours, exclusive de tout bénéfice de cas exonératoire.

*

Selon la Convention de Bruxelles amendée, le transporteur maritime est responsable de plein droit de toute perte ou avarie survenue au cours du transport et constatée à la livraison sauf à établir l'existence de l'un des cas d'exonération admis par l'article 4-2 dont la faute du chargeur.

L'expert [T] [S] de la société CONTROL SYSTEM SURVEY mandaté par les assureurs de la société CMA CGM assisté de madame [W] [L] dont il est indiqué qu'elle est experte de ce type d'affaire sans autre précision, a mentionné dans son rapport que la motte des palmiers avait été enveloppée trois fois par une feuille plastique, que ce type d'emballage était approprié pour ce type de marchandise mais insuffisant si les plantes devaient être exposées trop longtemps à des températures trop importantes en conteneur open top auquel cas il existait des accessoires pour maintenir l'humidité des racines plus efficaces que le film plastique.

L'expert a conclu notamment :

que dans le but de garder les racines humides durant le voyage, une bande de plastique transparent a été enroulée trois fois autour des racines et de la terre,

que les dommages aux palmiers ont été causés par un assèchement sévère des racines qui s'est étendu au tronc et aux feuilles,

que la cause principale de l'assèchement réside dans l'emballage insuffisant et la préparation des palmiers avant le chargement, une simple bande de plastique étant insuffisante pour empêcher l'assèchement,

qu'il existe de nombreux emballages sur le marché qui auraient convenu tels des équipements plastique d'arrosage humidifiant la terre pendant la durée du voyage,

que la durée du trajet pendant l'été, dans un conteneur exposé au soleil avec des températures allant jusqu'à 60 degré et plus aurait dû être prévue,

qu'il aurait été efficace d'organiser un transport dans des conteneurs reefer dont la température et l'humidité sont sous contrôle, plus de huit conteneurs étant alors nécessaires,

que lors de l'attente sur le port d'[2], le réceptionnaire aurait pu ouvrir les conteneurs avec une autorisation locale et arroser les palmiers.

L'expert [K] inscrit sur la liste des experts de cette Cour, sollicité pour avis par la société CMA CGM, a spécifié notamment que les caractéristiques dimensionnelles des palmiers étaient compatibles avec un chargement en conteneur réfrigéré, que l'utilisation de ce type de conteneur aurait permis de maîtriser pendant toute la durée du voyage la température et l'hygrométrie, que l'utilisation de conteneurs open top permet de faciliter les opérations de chargement et déchargement, et de réaliser des économies importantes mais que le chargeur qui fait le choix de conteneurs open top pour ce type de marchandise et pour un transport aussi long prend un risque en connaissance de cause, qu'enfin des soins spécifiques auraient dû être apportés aux plantes à [2] lesquels auraient nécessité l'obtention préalable des autorités douanières et administratives, la rupture des scellés d'origine, l'ouverture et le débâchage des conteneurs, la manipulation des palmiers et leur arrosage ce sous le contrôle du propriétaire de la marchandise.

Monsieur [G] [B], ingénieur technique agricole et directeur technique de l'association des pépiniéristes de Gérone, sollicité par la société PALM TER pour effectuer une évaluation des dommages, a indiqué dans son rapport du 4 août 2006 que les palmiers ont été correctement chargés dans les conteneurs, les couronnes de feuilles attachées pour en protéger le coeur et la motte de terre protégée par du plastique pour en prévenir le dessèchement, et que les conditions techniques de transport avaient été observées.

Monsieur [V], ingénieur technique agricole, sollicité en juin 2007 par la société PALM TER pour effectuer un rapport technique et une évaluation des dommages, a spécifié notamment dans son rapport :

que les racines ont été protégées par un emballage de feuilles plastiques évitant leur dessication et les dommages matériels durant le chargement, le déchargement et le transport,

que le système d'emballage des plantes, cernage des racines et paquet plastique, est adéquat et que la société PALM TER qui a une longue pratique du transport de plantes n'a pas rencontré de difficultés jusqu'à ce jour,

que la taille des plantes ne permet pas de les transporter en conteneurs frigorifiques,

que pendant le stationnement des plantes sur le port d'[2], des températures maximales à l'intérieur des conteneurs dépassant 40° ont été enregistrées, et que la déshydratation des plantes a été accélérée par l'absence de ventilation et d'hydratation forcée alors que les conditions d'humidité, de température et de ventilation en conteneurs open top en haute mer maintiennent les plantes en bonne condition végétative,

qu'il est indiqué dans les instruction de chargement que les conteneurs ne peuvent être arrimés sur la dernière rangée de pontée pour minimiser l'effet de déshydratation, ce dont il n'a pas été tenu compte à [2].

L'ingénieur agricole [G] [B] a établi le 18 novembre 2009 une note technique à la demande de la société PALM TER relative au transport des plantes ornementales similaires en taille et en poids en conteneurs open top selon laquelle les opérations de chargement et de déchargement frontaux en conteneurs réfrigérés ne sont pas possibles en raison de l'étroitesse de la porte et de la nécessaire manipulation des arbres à l'intérieur du conteneur.

Il est constant au regard des éléments d'appréciation soumis à la Cour, que le conditionnement des palmiers était approprié à un transport maritime d'une durée moyenne de trente à quarante jours, que le transport en conteneurs open top était adéquat au regard de la taille et du poids des arbres et de la pratique en la matière, et que la cause première de l'état de déshydratation sévère des palmiers lors de leur livraison à la société PALM TER réside dans leur stationnement prolongé sur le port d'[2] par une température excédant les 40°, en l'occurrence 9 jours pour sept des conteneurs (du 3 au 11 juillet) et 18 jours pour le huitième conteneur (du 3 au 20 juillet).

Ne saurait être considéré comme une faute du chargeur le fait de ne pas avoir intégré dans ses prévisions le stationnement des conteneurs par une température caniculaire sur le port d'[2] pendant une période de 9 à 18 jours, et adopté un conditionnement et un dispositif d'humidification afin de palier cette situation qui relève de la seule responsabilité du transporteur qui était informé du caractère particulier des marchandises.

Ni l'absence de faute alléguée par le transporteur, ni le fait du destinataire final de la marchandise dont il est allégué qu'il aurait pu faire ouvrir les conteneurs avec l'autorisation des autorités locales et procéder à l'humidification des arbres, n'est exonératoire de responsabilité.

Infirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de retenir la responsabilité de la société CMA CGM.

6 ' Sur la limitation de responsabilité

La société PALM TER fait valoir que le transporteur ne peut prétendre au bénéfice d'une quelconque limitation de responsabilité en raison de sa faute dolosive dès lors que le dommage résulte d'un acte qui a eu lieu témérairement et avec la conscience qu'un dommage en résulterait probablement.

Elle expose qu'en l'espèce, la société CMA CGM avait parfaitement conscience qu'un dommage résulterait nécessairement de sa faute ayant consisté à laisser la marchandise sans soin sous des températures extrêmes au port de transbordement.

La société CMA CGM demande l'application de la limitation de responsabilité dont bénéficie le transporteur maritime par application de l'article 4 paragraphe 5 de la convention de Bruxelles de 1924 en faisant observer que la société PALM TER ne démontre pas l'existence de faits ou d'actes objectifs commis par la concluante constitutifs d'une faute dolosive ou inexcusable.

Elle ajoute que la clause 8(1) du connaissement émis à l'occasion du transport concerné exclut la responsabilité du transporteur maritime pour tout dommage indirect, que la validité de cette exclusion est admise en droit positif et qu'en conséquence, la société PALM TER n'est pas fondée à demander l'indemnisation de son préjudice économique.

*

La faute dolosive ou inexcusable du transporteur maritime qui prive celui-ci du bénéfice de la limitation légale de responsabilité prévue par l'article 4 paragraphe 5 de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée est caractérisée par l'acte ou l'omission qui a eu lieu témérairement avec la conscience qu'un dommage en résulterait probablement, dont la preuve incombe à celui qui l'invoque.

Par courrier électronique du 3 juillet 2006, la société CMA CGM IBERICA a informé la société PALM TER que l'acheminement des conteneurs jusqu'à [5] était retardé en raison de la défaillance du navire devant assurer cette partie du transport.

Par courrier électronique du 4 juillet 2006, la société PALM TER a avisé la société CMA CGM IBERICA que la cargaison était composée de plantes vivantes qu'il convenait d'acheminer dans les plus brefs délais.

Malgré ce, les huit conteneurs sont restés entreposés sur le port d'[2] par une température excédant les 40° pendant une période de 9 jours pour sept d'entre eux et pour une période de 18 jours pour le huitième.

La déshydratation sévère des palmiers qui s'en est suivie résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur qui a eu lieu témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement.

La limitation légale de responsabilité du transporteur maritime, qui en l'espèce a commis une faute inexcusable ou dolosive, n'est en conséquence pas opposable à la société PALM TER.

Par ailleurs, la clause 8(1) du connaissement type dont se prévaut la société CMA CGM prévoyant l'exclusion de la responsabilité du transporteur maritime pour tout dommage indirect n'est pas opposable à la société PALM TER en l'absence de toute valeur contractuelle de ce document.

7 ' Sur l'indemnisation du préjudice

La société PALM TER demande la condamnation de la société CMA CGM à lui payer la somme de 200 144,24 euros en réparation de son préjudice outre intérêts au taux légal et capitalisation en se fondant sur le rapport des experts agronomes mandatés par elle.

La société CMA CGM conteste la réalité du dommage.

*

L'article 4 paragraphe 5 de la Convention de Bruxelles amendée met à la charge du transporteur l'indemnisation des dommages causés aux marchandises ou les concernant ce qui implique l'indemnisation de l'ensemble des préjudices justifiés quelle qu'en soit la nature, y compris le préjudice commercial.

La réalité du dommage est établie par les différents rapport d'expertise et d' examen technique ainsi qu'il a été précédemment exposé.

L'expert agronome [G] [B] a estimé en août 2006 la perte probable des palmiers à 80% et la valeur des dégâts causés aux palmiers survivants à la somme de 128 194 euros en distinguant le coût d'entretien supplémentaire pour assurer la survie des palmiers par comparaison à ce que l'on avait estimé obtenir de la vente directe des plantes, et le préjudice commercial.

L'ingénieur agronome [V] a estimé en juin 2007, la valeur des 9 palmiers morts à la somme de 49 554,52 euros et la perte de bénéfice calculée à partir du retard de deux année dans la commercialisation des autres palmiers à la somme de 150 589, 72 euros.

L'expert [S] de la société CONTROL SYSTEM SURVEY a estimé le coût des dommages à la somme de 19 693,50 euros en se fondant sur le sauvetage probable de la totalité des arbres et sans retenir le préjudice économique.

Il convient de se fonder sur l'avis technique de l'ingénieur [G] [B] dont l'expert [S] a eu connaissance pour ce qui est des arbres survivants.

Concernant les traitements nécessaires, l'expert [S] relève à juste titre qu'il n'y a pas lieu de retenir les frais de plantation à l'arrivée des arbres qui, en tout état de cause auraient dû être plantés avant leur vente soit la somme de 11 950 euros.

L'expert [S] ne conteste pas le coût annuel de sauvetage qu'il indique être conforme au prix du marché espagnol.

Il conteste pour le surplus l'évaluation qui est faite en déniant tout préjudice commercial.

Concernant la mort de 9 palmiers, il convient de retenir la somme de 49 554,52 euros telle qu'elle résulte du rapport de l'ingénieur agronome [V].

Les rapports établis par les ingénieurs agronomes mandatés par la société PALM TER suffisent à établir que les palmiers n'étaient pas commercialisables au bout d'une année.

Il convient au vu de ces éléments d'appréciation de fixer le préjudice de la société PALM TER à la somme de 165 798,52 euros (128 194+49 554,52-11 950 euros), ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice valant mise en demeure et capitalisation par application de l'article 1154 du code civil.

8 ' Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société PALM TER

La société PALM TER poursuit la condamnation de la société CMA CGM à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu'elle a subi des difficultés de trésorerie liées à la non commercialisation des arbres pendant la durée du traitement de remise en état.

Ces difficultés de trésorerie n'étant pas démontrées, la demande de dommages et intérêts sera rejetée comme non fondée.

9 ' Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance

Il convient d'infirmer de ce chef le jugement entrepris, et de condamner en équité la société CMA CGM à payer à la société PALM TER la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.

La société CMA CGM qui succombe n'est pas fondée en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

En la forme

Déclare irrecevables les conclusions de la société CMA CGM du 15 janvier 2013,

Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture,

Déboute les parties du surplus de leur demandes formées par voie de conclusions de procédure,

Au fond

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Déclare applicable au litige la Convention de Bruxelles de 1924 amendée,

Déboute la société CMA CGM de sa demande tendant à voir déclarer prescrite l'action de la société PALM TER engagée à son encontre,

Déclare la société CMA CGM responsable du dommage subi par la marchandise,

Dit que la société CMA CGM a commis une faute inexcusable excluant l'application des dispositions relatives à la limitation de responsabilité,

Condamne la société CMA CGM à payer à la société PALM TER la somme de 165 798,52 euros en réparation du préjudice subi, ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le Tribunal de commerce du 10 janvier 2008,

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

Déboute la société PALM TER de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute la société CMA CGM de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamne la société CMA CGM à payer à la société PALM TER la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel,

Condamne la société CMA CGM aux entiers dépens de première instance et d'appel, les dépens d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 10/19562
Date de la décision : 21/02/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°10/19562 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-21;10.19562 ?
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