COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 14 FEVRIER 2013
N° 2013/ 76
Rôle N° 11/11652
SA CREDIT DU NORD
C/
[H] [L]
Grosse délivrée
le :
à :MAGNAN
BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 16 Juin 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/154.
APPELANTE
SA CREDIT DU NORD, agissant poursuites et diligences de Président du conseil d'administration en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Hélène ARNULF, avocat au barreau de NICE du cabinet VIVIANI P. LASTELLE F., avocats au barreau de NICE substituée par
INTIME
Monsieur [H] [L]
né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Février 2013,
Rédigé par Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Le 12 Mars 2010, M. [L] s'est porté aval de deux billets à ordre émis par la SARL SIFAS venant à échéance le 11 juin 2010 d'un montant de 250'000 € chacun, soit 500'000 €.
Ces derniers sont demeurés impayés après l'ouverture le 18 mai 2010 d'une procédure de sauvegarde de justice à l'égard de la SARL SIFAS.
Par LRAR 6 juillet 2010, le CRÉDIT DU NORD a mis en demeure M. [L] d'avoir à exécuter sa garantie .
Par ordonnance du 2 septembre 2010, le CRÉDIT DU NORD a été autorisé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse à inscrire un nantissement judiciaire provisoire sur les parts sociales détenues par M. [L] au sein de la SCI le LIDO.
C'est dans ces conditions que, par acte du 4 octobre 2010 , la SA CRÉDIT DU NORD a fait assigner M. [L] en paiement de la somme de 500'000 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2010 avec anatocisme ainsi qu'en paiement des sommes de 1000 € pour résistance abusive et celle de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, M. [L] contestant pour sa part sa qualité de donneur d'aval et concluant à l'irrecevabilité de l'action engagée par la banque pour cause d'ouverture d'une procédure collective.
Par jugement du 16 juin 2011, le tribunal de commerce de Cannes a déclaré irrecevable l'assignation délivrée par la SA CRÉDIT DU NORD à M. [L] et l'a condamnée aux dépens.
Le 1er juillet 2011, la SA CRÉDIT DU NORD a interjeté appel de cette décision.
Depuis lors, et par jugement 6 décembre 2011, le tribunal de commerce de Cannes a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL SIFAS, désignant Me [G] aux fonctions de commissaire à l'exécution du plan.
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Dans ses dernières écritures déposées le 17 mars 2012, la SA CRÉDIT DU NORD sollicite , au visa des articles R 622 - 26 du code du commerce, de l'article 1134 et suivants du Code civil et de l'article 215 du décret du 31 juillet 1992 , l'infirmation du jugement rendu et la condamnation de M. [L] au paiement de la somme de 500'000 € avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2010 , aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de
2000 € le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SA CRÉDIT DU NORD fait observer que par jugement du 6 décembre 2011, le tribunal de commerce de Cannes a arrêté un plan de sauvegarde à l'égard de la SARL SIFAS prévoyant un apurement des créances à 100 % sur 10 ans mettant fin à la suspension des poursuites de l'article L 622 - 28 du code du commerce qui faisait jusque-là obstacle au recouvrement de sa créance.
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Dans ses dernières écritures déposées le 6 août 2012, M. [L] conclut :
À titre principal :
-au débouté de la demande du CRÉDIT DU NORD faute d'avoir la qualité de donneur d'aval à titre personnel qui lui est attribuée
Subsidiairement :
- le sursis à statuer au visa de l'article L 626 - 11 du code du commerce en l'état du jugement du 6 décembre 2011 arrêtant le plan de sauvegarde de la SARL SIFAS
En tout état de cause :
- la condamnation du CRÉDIT DU NORD aux dépens ainsi qu'en paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses prétentions, M. [L] fait valoir :
- s'être engagé comme représentant légal de la SARL SIFAS et non à titre personnel , dès lors que les billets à ordre bénéficiaient déjà d'une garantie OSEO de 90 % et qu'il n'avait aucun intérêt particulier à le faire
- l'absence de la mention ' bon pour aval' prévue à l'article L 511 - 21 du code du commerce sur les deux billets à ordre litigieux laisse penser qu'il n'était pas dans ses intentions de s'en porter garant
- le bénéfice des dispositions de l'article L 626 - 11 du code du commerce qui l'autorise à se prévaloir des dispositions arrêtées au plan de sauvegarde ainsi que celles de l'article R 622- 28 du code du commerce conditionnant la reprise des poursuites aux dispositions arrêtées par le plan .
- l'absence de justification de ce que les créances du CRÉDIT DU NORD seraient devenues en tout ou partie exigibles
Sur quoi
L'article L 511 - 21 du code du commerce dispose :
Le paiement d'une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de son montant par un aval.
Cette garantie est fournie par un tiers ou même par un signataire de la lettre.
L'aval est donné soit sur la lettre de change ou sur une allonge, soit par un acte séparé indiquant le lieu où il est intervenu.
Il est exprimé par les mots " bon pour aval " ou par toute autre formule équivalente ; il est signé par le donneur d'aval.
Il est considéré comme résultant de la seule signature du donneur d'aval apposée au recto de la lettre de change, sauf quand il s'agit de la signature du tiré ou de celle du tireur.
L'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé donné pour le tireur.
Le donneur d'aval est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant.
Son engagement est valable, alors même que l'obligation qu'il a garantie serait nulle pour toute cause autre qu'un vice de forme.
Quand il paie la lettre de change, le donneur d'aval acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change.
En l'espèce, les deux billets à ordre de 250'000 € ont été établis au bénéfice du CRÉDIT DU NORD par la SARL SIFAS . La double signature de M. [L] est apposée au recto de chaque billet à ordre . Dans leur partie inférieure droite, sous la mention ' signature du souscripteur ' et dans la partie inférieure gauche sous la mention dactylographiée ' bon pour aval' .
Ainsi , les prescriptions de l'article L511- 21 du code du commerce sont-elles respectées , la double signature de M. [L] sur chaque billet ne pouvant en effet correspondre qu' à son double engagement tant en qualité de représentant de la société SIFAS, souscriptrice des billets à ordre litigieux, qu' en sa qualité de donneur d'aval à titre personnel sans qu'il y ait possibilité de méprise , étant encore observé que l'absence de tout élément accompagnant la signature de M. [L] sous la rubrique relative à l'aval revient à faire admettre qu'il agissait à son propre nom.
Ce moyen de débouté présenté par M. [L] sera écarté.
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Aux termes de l'article L626 - 28 du code du commerce :
Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa.
Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires.
Aux termes de l'article R622 - 26 du code du commerce :
Les instances et les procédures civiles d'exécution suspendues en application du deuxième alinéa de l'article L. 622-28 sont poursuivies à l'initiative des créanciers bénéficiaires de garanties mentionnés au dernier alinéa de cet article sur justification du jugement arrêtant le plan, selon les dispositions applicables à l'opposabilité de ce plan à l'égard des garants.
En application du troisième alinéa de l'article L. 622-28, ces créanciers peuvent pratiquer des mesures conservatoires dans les conditions prévues aux articles R. 511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
Aux termes de l'article L626 - 26 du code du commerce :
Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous.
A l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s'en prévaloir.
Il résulte de l'article L. 622 ' 28 du code du commerce que le créancier peut prendre des mesures conservatoires. Celles-ci doivent être nécessairement suivies de la saisine du juge du fond dans le délai d'un mois pour être validées ainsi qu'en dispose l'article 215 du décret du 31 juillet 1992.
Telle est la situation du CRÉDIT DU NORD qui a été autorisé par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse du 2 septembre 2010 à inscrire un nantissement judiciaire provisoire sur les parts sociales détenues par M. [L] au sein d'une SCI avant d'assigner celui-ci en paiement selon exploit du 4 octobre 2010.
Le principe de suspension des poursuites édicté par l'article L. 622 -28 du code du commerce s'applique pendant la phase préalable d'ouverture de la procédure et s'achève au jour où a été arrêté le plan de sauvegarde.
Le CRÉDIT DU NORD est par conséquent bien fondé à solliciter la condamnation de l'avaliste afin d'obtenir un titre définitif dès lors que le plan de sauvegarde de la société SIFAS a été adopté.
L'article L. 626 ' 11 du code du commerce tempère cependant les effets de cette condamnation de principe , en autorisant le garant à se prévaloir des dispositions du plan et notamment des délais ou remises prévues pour le règlement du passif déclaré. Les dispositions de cet article reviennent par conséquent à limiter les poursuites susceptibles d'être engagées contre le garant pendant la durée de l'exécution du plan au recouvrement des seules échéances qui ne seraient pas payées dans les termes fixés par le plan.
Il est par conséquent justifié d'accueillir la demande du CRÉDIT DU NORD dont les prétentions ne sont pas discutées quant au montant de la créance tout en précisant que les poursuites contre M. [L] seront conditionnées aux dispositions opposables au garant telles que résultant du plan de sauvegarde adopté
Le jugement du tribunal de commerce de Cannes sera infirmé .
Succombant, M. [L] supportera les dépens de première instance et d'appel sans que l'équité commande d'envisager sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, publiquement et contradictoirement :
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
' condamne M. [L] à payer au CRÉDIT DU NORD la somme de 500'000 € majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2010
' dit que les intérêts seront capitalisés annuellement
' dit toutefois que , pendant la durée du plan de sauvegarde de la société SIFAS , les poursuites à l'encontre de M. [L] seront conditionnées à la justification du jugement arrêtant le plan et aux dispositions que ce dernier contient et dont peut se prévaloir le garant.
' rejette toutes autres demandes
' condamne M. [L] aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Magnan, avocats.
Le GreffierLe Président